Critique de « Partir » de Catherine Corsini (avec Kristin Scott Thomas, Yvan Attal, Sergi Lopez…) (17/08/2009)
N'ayant été enthousiasmée ni par « La Nouvelle Eve » ni par le caricatural « Les Ambitieux », l'idée de « partir » me faisait redouter le pire...
Ici, Suzanne (Kristin Scott Thomas) mène une vie bien (trop) tranquille avec son mari médecin (Yvan Attal) dans une belle maison, glaciale, comme ce dernier. Après une dizaine d'années passées à élever ses enfants, elle a décidé de recommencer à travailler et de faire construire un cabinet de kinésithérapie attenant à la maison familiale. C'est Ivan (Sergi Lopez), un ouvrier espagnol employé au noir, qui vit de petits boulots et a fait de la prison, qui est chargé des travaux. Un accident va les rapprocher et bientôt une passion irrépressible. Plus rien d'autre ne comptant alors pour elle, Suzanne n'a alors plus qu'une idée en tête : partir. Oui, mais voilà : le mari va s'y opposer férocement. Et va alors commencer un odieux chantage et la descente aux Enfers...
Le mari, la femme, l'amant. L'épouse d'un bourgeois de province qui s'ennuie et qui s'éprend violemment d'un autre homme. Un synopsis de vaudeville classique voire caricatural que Catherine Corsini parvient à transcender grâce à la personnalité de ses protagonistes et des acteurs qui les incarnent, grâce à l'atmosphère pesante alors palpitante pour le spectateur, grâce à l'odieux chantage pécuniaire qui ajoute un élément supplémentaire et inédit à ce schéma classique.
Les acteurs et les personnages d'abord et évidemment au premier rang de ceux-ci : Kristin Scott Thomas qui de « 4 mariages et un enterrement » à « Il y a longtemps que je t'aime » en passant par « Le Patient Anglais » jongle avec les styles et les rôles avec un talent déconcertant. Et puis quel regard, tour à tour celui d'une enfant perdue, celui désarçonné d'une femme séduite puis tombant amoureuse, celui lumineux de femme éperdument amoureuse, celui d'une femme dévorée par la passion et sa violence ravageuse, celui d'une épouse blessée, humiliée, mais déterminée, celui d'une femme aux frontières de la folie et au-delà. Celui d'une grande actrice aux multiples facettes. Face à elle, Sergi Lopez impose sa séduisante et rassurante force. Reste Yvan Attal. Si l'acteur est ici plus que convaincant dans son rôle de mari obséquieux devenant l'odieux maître d'un ignoble chantage pécuniaire parce qu'il perd « sa » femme, sa possession, et sa parfaite image d'homme établi et respecté par la société, le film aurait probablement gagné en ambiguïté et en tension à ce qu'il soit plus nuancé et à ce qu'il ne soit pas détestable dès les premières minutes du film. Mais de cela, Yvan Attal, absolument parfait dans ce rôle qui ne l'est pas, n'en est nullement responsable.
Ces deux raisons qui s'égarent (l'une par la passion, l'autre parce qu'il perd sa possession et d'une certaine manière son statut), -Ivan étant finalement le plus raisonnable des trois-, vont inéluctablement aboutir au drame que l'on sait dès les premières minutes par le retentissement d'un coup de feu qui précède le flashback, bombe à retardement qui contribue à créer un climat de tension qui va crescendo tout au long du film. Le vaudeville frôle alors le suspense à la Hitchcock (frôle seulement, la réalisation, malgré quelques tentatives n'atteignant évidemment pas son degré de perfection et de « double sens ») avec Kristin Scott Thomas dans le rôle de la blonde hitchcockienne au tempérament de feu derrière une apparence glaciale. Le tout assaisonné de l'immoralité jubilatoire de François Ozon, Emmanuelle Bernheim, scénariste de ce dernier ayant aussi contribué à l'écriture du scénario (avec Gaëlle Macé et Antoine Jacoud, et bien sûr Catherine Corsini).
Enfin, l'idée du chantage pécuniaire ajoute un élément matériel et original qui devient un moyen de contrôle et un obstacle judicieux à leur immatérielle et incontrôlable passion, et par conséquent la clef du drame.
La lumière du Midi, sublimée par la photographie d'Agnès Godard qui souligne aussi la beauté crue de certaines scènes, ajoute au climat de folie ambiant et contribue à faire de ce faux vaudeville un vrai, attrayant et tragique thriller, malgré ses quelques faiblesses scénaristiques.
00:05 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : cinéma, partir, catherine corsini, kristin scott thomas, yvan attal, sergi lopez, hitchcock, françois ozon, agnès godard | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Ah quand même tu as aimé...
mais moins que j'aurais cru.
Kristin est à tomber à la renverse effectivement.
Son regard est un livre ouvert.
Je trouve le rôle du mari beaucoup plus nuancé que tout ce que je lis partout. Mais sans doute, tout le monde a encore un peu de sable dans les yeux, alors que moi... pas encore !
Écrit par : Pascale | 17/08/2009
@ Pascale: J'ai aimé sans être emballée...Oui, sans doute tu es la clairvoyance (et la modestie) incarnée (s).:-)
Écrit par : Sandra.M | 17/08/2009
Bien dit !
Voilà ce que j'aime entendre,
en toute modestie.
Écrit par : Pascale | 17/08/2009
Et oh, y'a jeu on the road.
Viens amus... euh, épater la galerie !
Écrit par : Pascale | 17/08/2009
Bah c'est pas du jeu, je vais encore arriver avec une locomotive de retard. Bon, j'y cours!
Écrit par : Sandra.M | 17/08/2009
Le film tient par la performance toujours aussi exceptionnelle de Kristin S.T. Mais on a du mal à croire à l'attirance folle pour le personnage de Sergi L. et la rapidité avec laquelle la liaison se crée... Pourquoi donc avoir fait un film aussi court... Certains moments du film auraient demandés plus d'approfondissements !
Écrit par : César | 23/09/2009
@ César: C'est vrai que leur passion est soudaine mais c'est finalement un attribut de la passion donc j'ai trouvé ça crédible... et puis l'attitude méprisante de son mari contribue aussi à ce qu'elle soit en condition pour être attirée par un autre homme. Et j'apprécie plutôt les films moins explicatifs comme celui-ci que ceux qui sont trop bavards...
Écrit par : Sandra.M | 24/09/2009