Avant-première exceptionnelle au Théâtre du Châtelet pour «Le Concert» de Radu Mihaileanu (24/10/2009)
Le Théâtre du Châtelet était jusqu'alors pour moi associé au souvenir d'une épique soirée des César, en 2006, (cliquez ici pour en lire le récit), il sera désormais indissociable de ce moment où Tchaïkovski m'a fait frissonner d'émotion et a, en un instant où fiction et réalité se sont rejointes et où la beauté de la seconde a éclipsé celle de la première, imposé un silence respectueux et admiratif et suspendu le souffle de cette salle magistrale.
Europacorp, pour l'avant-première du film « Le Concert » de Radu Mihaileanu dont l'intrigue se déroule en partie au Théâtre du Châtelet, avait donc, en toute simplicité :-), réservé le Théâtre du Châtelet et convié une bonne partie du cinéma français (et évidemment toute l'équipe du film: Radu Mihaileanu, Alexei Guskov, Mélanie Laurent, François Berléand, Ramzy, Miou Miou...) dont l'arrivée était retransmise sur écran géant, à l'intérieur de la salle mais aussi dans une cinquantaine de cinémas, dans toute la France, dont les spectateurs ont également pu suivre l'avant-première et ce qui a suivi, retransmis en intégralité. Evidemment l'émotion était décuplée par le fait de se retrouver dans l'endroit même où le film a été tourné...
C'est la toujours très professionnelle Marie Drucker (une des rares à faire sortir des sentiers battus les traditionnelles interviews de fin de JT et à écouter les réponses davantage que ses questions) qui a d'abord présenté le déroulement de la soirée avant de laisser place à la projection.
C'est en Russie que débute ce concert-là, avec Andreï Filipov (Aleksei Guskov), désormais homme de ménage au Bolchoï, 30 ans après avoir été le plus grand chef d'orchestre de l'Union Soviétique et avoir dirigé ce même orchestre du Bolchoï. Mais voilà, il y a 30 ans c'était Brejnev qui était au pouvoir et Filipov avait vu son concert et sa carrière interrompus pour avoir refusé de se séparer de ses musiciens juifs. Resté tard pour faire le ménage, il tombe par hasard sur un fax adressé au directeur du Bolchoï : une invitation du Théâtre du Châtelet conviant l'orchestre du Bolchoï à venir jouer à Paris. Andreï a alors la folle idée de réunir ses anciens amis musiciens, qui (sur)vivent aujourd'hui de petits boulots et de les emmener à Paris en les faisant passer pour le Bolchoï...
Un sujet en or ! Des thèmes (récurrents chez le cinéaste) propices à susciter l'empathie du spectateur : une révoltante injustice et une imposture pour prendre une revanche sur celle-ci. De nouveau le cinéaste explore ainsi le thème des persécutions dont les Juifs ont été victimes, cette fois donc dans la Russie de Brejnev qui rayait les différences et broyait les individualités, pervertissant les idées initialement nobles du communisme qu'elle prétendait appliquer.
D'abord un peu déroutée par le style, à des années lumière du subtil et bouleversant « Va, vis et deviens », il me faut un peu de temps pour m'habituer à cette exubérance, à ces personnages hauts en couleur, à cette Russie grisée et grise, à ce genre, nouveau pour le réalisateur, celui de la comédie. Le personnage de Filipov plus nuancé et grave parvient pourtant à lui seul à captiver l'attention.
La stigmatisation d'une partie de la Russie qui s'est enrichie sur les ruines du communisme (parfois avec les mêmes que ceux qui en étaient les garants) et dépense avec ostentation et mauvais goût, croyant que l'argent peut tout corrompre et acheter, la nostalgie du communisme et d'un temps pourtant dramatique sont des pistes passionnantes que Radu Mihaileanu effleure avec humour, parfois extravagance et néanmoins justesse.
Certains de ses personnages sont attachants et traités avec beaucoup de tendresse ... alors que d'autres le sont caricaturalement, avec un ton frôlant la condescendance vraiment dommageable, avec un résultat à l'opposé de celui envisagé réduisant certains personnages à des clichés douteux : une fois à Paris les Juifs ne pensent qu'à vendre des téléphones portables et à s'enrichir, et les Russes, grégaires, ne pensent qu'à boire...
C'est d'autant plus dommage que lorsque Radu Mihaileanu aborde le registre dramatique, on retrouve toute la sensibilité dont il sait faire preuve notamment dans les scènes entre Mélanie Laurent et Aleksei Guskov. Cette dernière illumine l'écran et son visage lumineux contraste joliment avec la gravité de celui d'Aleksei Guskov, leur face à face oriente la fin du film vers le registre dramatique dont on se dit qu'il est dommage qu'il n'ait pas été employé dès le début. On se dit aussi que cette caricature, certes dommageable, est sans doute plus de la pudeur maladroite que du mépris volontaire, la fameuse « politesse du désespoir ».
La fin du film portée par l' émouvante exaltation de Mélanie Laurent, la gravité attendrissante d'Aleksei Guskov, la caméra virevoltante de Radu Mihaileanu (mais peut-être parfois trop, ne nous laissant pas le temps de nous attarder sur un regard, un geste, une note bien suffisants pour susciter l'émotion), et la musique de Tchaïkovski nous laissent entrevoir le chef d'œuvre qu'aurait pu être ce film inégal parsemé de trop courts instants de grâces et de quelques bonnes idées humoristiques (l'irrésistible traduction du Russe en Français, le personnage de Berléand au débit impressionnant...), porté pourtant par une idée en or et un cinéaste dont nous ne doutons pas de la sensibilité et des bonnes intentions.
Dommage que des notes dissonantes faussent cette partition si prometteuse, ce bel hymne au pouvoir rédempteur et fédérateur de la musique... et que l'intensité captivante soit uniquement celle du dénouement(certes réussi) -le concert du faux Bolchoï au Théâtre du Châtelet- pour délaisser le reste qui a certainement aussi pâti du mélange, parfois incongru, des genres. (Sortie en salles: le 4 novembre)
Générique. La salle applaudit. Le rideau se lève sur les 55 musiciens de l'orchestre Lamoureux. La salle est envahie par une vague de silence et d'émotion. Les notes mélodieuses, tantôt joyeuses et bouleversantes, mélancoliques et exaltantes, romantiques et tourmentées du concert pour violon et orchestre opus 35 de Tchaïkovski s'élèvent (et nous élèvent) dans le Théâtre du Châtelet comme dans la fiction quelques secondes plus tôt. Le lieu, les autres n'existent plus. Le temps non plus. Peut-être sommes-nous à la fin du 19ème? Peut-être Tchaïkovski va-t-il apparaître sur scène comme par miracle et magie ? Paraît-il que ce concert n'a duré que 10 minutes. Pour moi une brève éternité. Un sublime moment d'éternité éphémère...
Ensuite il a bien fallu revenir. Au présent. A la foule. Au monde réel. A la lumière éblouissante. Aux voix dissonantes de la réalité. Toute l'équipe du film est montée sur scène interviewée par Marie Drucker, je vous laisse découvrir ces instants en photos et vidéos : vous entendrez les acteurs principaux du film comme Mélanie Laurent et François Berléand mais aussi le réalisateur Radu Mihaileanu... (dont vous pourrez aussi lire le résumé sur Filmgeek, La Cité des Arts et Buzzmygeek).
15:03 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : cinéma, musique, le concert, théâtre du châtelet, radu mihaileanu, françois berléand, mélanie laurent, miou miou | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
J'aurai tellement aimé être présent à cette avant-première! J'avais déjà vu et adoré le film. La scène finale est pour moi parfaite et m'a littéralement scotché sur place. J'en ai même oublié de respirer. Ça a vraiment du être quelque chose ce concert en live :) Depuis que j'ai vu le film, le concerto pour violon est dans mon lecteur mp3 et y restera pour un long moment je pense :D
Écrit par : Keikuchi | 24/10/2009
C'est davantage le concert qui a succédé que j'ai adoré... et qui moi aussi m'a fait oublier de respirer.:-) Le rideau s'est levé sur l'orchestre immédiatement après le générique de fin, l'effet était assez époustouflant! Et moi aussi le concerto devrait bientôt débarquer dans mon ipod. Pour la scène finale je crois que l'émotion provient de la musique avant tout et du jeu de Mélanie Laurent et Aleksei Gruskov , davantage que du montage. Au final, malgré les quelques faiblesses du film, une soirée magique!
Écrit par : Sandra.M | 24/10/2009
Merci à l'orchestre Lamoureux et à cette extraordinaire violoniste pour l'interprétation de ce concerto après la projection, c'est la meilleure façon pour toucher du doigt la magie d'un orchestre en direct....Je suis déçue qu'aucune de ces "grandes personnalités sur scène malgré leur effusions en tout genre, n'aient même pas pensé à glisser un mot, un soutien aux musiciens classiques qui se trouvaient juste derrière eux...et nous savons combien ils en ont besoin par les temps qui courent....
Écrit par : Valérie Ruiz | 26/10/2009
@Valérie Ruiz: C'est vrai que ce concert était magique, j'en ai encore des frissons en y repensant!:-) C'est vrai aussi qu'il aurait été bien qu'ils songent à féliciter l'orchestre pour ce grand moment mais en même temps je pense qu'une telle avant-première est à la fois émouvante et un peu déstabilisante et probablement s'agit-il davantage d'un oubli que d'autrechose...
Écrit par : Sandra.M | 26/10/2009
Merci pour le récit de ces instants magiques! Le concert (le vrai!) semblait de toute beauté, comme si le temps s'était arrêté... Waow!
Belles photos et vidéos amusantes, encore un moment d'exception que l'on vit un peu grâce à vous!
Bravo Sandra!
Écrit par : Mister Loup | 27/10/2009
@ Mister Loup: Le temps s'est en effet arrêté pendant ce concert, depuis je n'arrête pas d'écouter Tchaïkovski et j'ai envie d'écouter davantage de classique. Ravie de vous avoir fait vivre un peu ces instants à travers le blog. Merci!:-)
Écrit par : Sandra.M | 27/10/2009
Le concert j'imagine que c'était merveilleux...
mais le film...
oulalalalalallallalla !
Écrit par : Pascale | 04/11/2009
Cela dit le Aleksei, j'aimerais bien qu'il me "baise chaleureusement" :-)
Écrit par : Pascale | 04/11/2009
@ Pascale: je te reconnais bien là... Et je comprends que ta vf n'ait pas non plus aidée à ce que tu apprécies le film!
Écrit par : Sandra.M | 05/11/2009