Critique en avant-première- “In the air” de Jason Reitman avec George Clooney, Vera Farmiga, Anna Kendrick… (17/01/2010)
Quoi de mieux pour s'évader en cette période hivernale que d'aller voir un film intitulé « in the air » ? Détrompez-vous pourtant, il vous ramènera au contraire à la réalité de notre époque, à l'image de « Thank you for smoking » et « Juno », les deux premiers longs métrages de Jason Reitman qui se penchaient déjà sur des maux de notre société. Ce film n'en est pas moins réussi et divertissant mais pas seulement car surtout d'une nuance salutairement audacieuse contrairement à « Thank you for smoking » que j'avais trouvé finalement très conventionnel, démagogique et politiquement correct à force de revendiquer si ostensiblement ne pas vouloir l'être. Pour cette troisième réalisation, Jason Reitman a donc choisi d'adapter le roman de Walter Kirn « Up in the air ».
Le protagoniste d' « In the air », Ryan Bingham est un professionnel du licenciement, il est ainsi chargé par des sociétés d'annoncer à leurs employés qu'ils vont être licenciés. Sa profession l'amène à parcourir les Etats-Unis et à passer beaucoup de temps dans les airs, dans les aéroports, les hôtels des aéroports, les bars des aéroports. Il collectionne les miles et atteindre les 10 millions de miles est son rêve le plus cher. Cette vie lui permet de fuir tout engagement : mariage, propriété, famille mais lorsque, lors d'un de ses nombreux voyages, il rencontre son double féminin Alex (Vera Farmiga), tout se complique d'autant plus que, dans le même temps, son patron (Jason Bateman) l'incite à faire évoluer ses méthodes. Sur les conseils d'une jeune collaboratrice ambitieuse Natalie Keener (Anna Kendrick), il décide ainsi de faire désormais les licenciements par vidéo conférence, ce qui l'amènera à limiter ses voyages. Dans un premier temps Natalie l'accompagne...
A lire ce synopsis, probablement vous attendez-vous à voir une énième comédie romantique dont le cynique protagoniste ouvre subitement les yeux sur le monde qui l'entoure et termine son existence heureux et avec plein d'enfants de celle dont il est tombé amoureux, évidemment au premier regard. Alors, pour la deuxième fois, détrompez-vous et c'est là le grand atout d' « In the air » que celui de jouer avec les codes. Les codes d'un genre cinématographique d'un côté, les codes de notre société de l'autre.
« In the air » est en effet une parfaite métaphore d'une société mondialisée qui n'a jamais communiqué si rapidement avec autant de moyens pour y parvenir. Nous n'avons jamais eu autant de moyens et de facilités à communiquer et voyager mais ces communications et ces voyages restent souvent illusoires et superficiels. Ne restent bien souvent que des images parcellaires des lieux et des personnes croisés telles ce que nous voyons du haut d'un avion. Un survol plus qu'un vol. A l'image de tous ces lieux que parcourt Ryan : uniformisés, froids, sans âme où il arrive et repart, sans attache. Même l'amour se calcule par critères et en termes de rapidité comme dans cette scène où Natalie énumère les critères de son homme idéal tel un produit de consommation.
Et puis il joue avec les codes du genre cinématographique, « in the air » mêlant habilement documentaire (les témoignages sont, pour la plupart, ceux de vrais licenciés ancrant ainsi l'intrigue dans une vraie réalité économique et lui donnant judicieusement cette humanité dont le film dénonce l'absence dans notre société actuelle qui veut aller toujours plus vite quitte à annoncer des licenciements par ordinateur) répondant aux codes de la comédie romantique pour mieux nous dérouter, et, en un plan magistral, nous montrer la violence fracassante du retour sur terre lorsqu'on a pour habitude de survoler et fuir la réalité. Et c'est pour cela que je parle d'audace... Quand je vois les films d'une société de production française que je ne citerai pas mais que vous reconnaîtrez tous qui construit toutes ses productions sur le même modèle (un pitch accrocheur, un scénario qui ne l'est pas forcément, des têtes d'affiche et des personnalités venant de l'univers télévisuel, des décors exotiques ...), écrire et produire des scénarii nuancés relève de l'audace. Le film y gagne, à l'image de son personnage principal, en profondeur et en lucidité sur le monde qui l'entoure et nous entoure.
« In the air » n'en est a pour autant un film démoralisant. Certes lucide sur notre société matérialiste, uniformisée et individualiste, il n'en est pas moins par moments (peut-être justement de par cette lucidité) irrésistible, le scénario regorgeant de bonnes idées, d'instants jubilatoires et les trois acteurs principaux étant parfaits dans leurs rôles respectifs avec une mention spéciale pour George Clooney qui, de par ses choix de rôles, se construit une carrière des plus cohérentes, et est ici parfait en homme a priori cynique (mais pas tant que ça pour ne pas forcer le trait et rester dans la nuance) qui voit ses certitudes et son style de vie être ébranlés. Les décors et la lumière épousent intelligemment ce passage du contrôle au chaos, de la frénésie de son existence à davantage de calme, de réflexion, d'un univers déshumanisé à l'humanisation. Si la prise de conscience reste assez prévisible, les chemins pour y parvenir sont traités avec une nuance réjouissante pour le spectateur, le cinéaste ayant par ailleurs l'intelligence de ne pas faire un discours moralisateur et de ne pas nous dicter un choix de vie plutôt qu'un autre. Ajoutez à cela une bande originale particulièrement réussie, des dialogues délectables et vous serez forcément ravis de ce voyage dans les airs.
Résultat : 6 nominations aux Golden globes (dont celles de meilleur acteur dans un drame pour George Clooney et celle meilleur film). Rendez-vous dès demain matin pour en voir les résultats sur inthemoodforcinema.com !
Sortie en salles: le 27 janvier 2010
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18:48 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, in the air, jason reitman, george clooney, vera farmiga, anna kendrick | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
ca fait plus d'un an que j'attends ce film mais avec un tel article mon envie est 2 fois plus grande.
Ca fait plaisir de lire ce genre de critique , j'avais adoré Juno et je me faisais un plaisir de voir le resultat de la collaboration Reitman , Clooney je crois que je ne vais pas être déçue
Merci pour cet article
Et good luck pour ce soir
Écrit par : kiwette | 17/01/2010
Tu pousses un peu de dire "Quoi de mieux pour s'évader en cette période hivernale que d'aller voir un film intitulé « in the air » ?
toi qui n'as jamais pris l'avion !!!
MDLOL !
Notre Georginou se laisse "ébranler" ? Ben dis donc.
Bon allez je vais boire un Nespresso, moi, ça va me calmer.
Écrit par : Pascale | 18/01/2010
@kiwette: Ravie de vous avoir donné envie de voir cet excellent film ... qui vient d'obtenir le Golden Globe du meilleur scénario...
@Pascale: Ah oui, t'as raison!:-) Sauf que j'ai DEJA PRIS L'AVION!! Ce qui ne m'empêche pas d'avoir horreur de ça. What else?
Écrit par : Sandra.M | 18/01/2010
Un peu déçue des resultas de cette nuit des Golden globes avec six nominations " up in the air " ne repart qu'avec 1 seul globe, franchement dégoutée pour Clooney!!!
Écrit par : kiwette | 18/01/2010