Palmarès complet et bilan du Festival du Film Asiatique de Deauville 2010 (17/03/2010)
Dans l'un des films en compétition, « The Eternal», son réalisateur Rituparno Ghosh fait dire à l'un de ses personnages que le cinéma ce sont des « moments fugaces ». Si je ne devais donc que garder les meilleurs moments fugaces de ce festival je me souviendrais des instants de pérégrinations amicales et cinématographiques qui ont une nouvelle fois contribué à faire de ce festival une douce et revigorante parenthèse. J'espère d'ailleurs qu'il perdurera et que cette 12ème édition ne sera pas la dernière malgré la baisse des partenaires ( baisse de 35% dit-on après une baisse déjà de 20% l'an passé et la disparition du village asiatique) et malgré le peu de public à certains films en compétition pourtant de grande qualité, et surtout particulièrement diversifiés qui ont constitué pour moi, comme chaque année, une promenade instructive dans la cinématographie et la culture asiatique, un éclairage sans concessions sur le visage de l'Asie contemporaine.
Avec le film chinois « Judge » de Liu Jie mon premier coup de cœur (lotus du meilleur film 2010) je me suis engouffrée dans les couloirs de la mort et de l'absurdité de la justice chinoise (cliquez ici pour lire ma critique du film), un film jalonné de plans fixes d'une acuité implacable. Avec le film coréen « Paju » de Park Chan-ok (mon autre coup de cœur), prix du jury ex-æquo, j'ai accompagné des destins déconstruits comme un puzzle à l'image d'une Corée écartelée entre le Nord et le Sud. Un film dont la construction habile ne nuit jamais à l'émotion mais au contraire fait qu'elle s'immisce peu à peu en vous (voir ma critique ici). Un petit bijou d'intelligence scénaristique. J'ai découvert l'atrocité du « Massacre de Nankin » dans « City of life and death » de Lu Chuan (hors compétition) aussi visuellement brillant qu'humainement insoutenable (pour moi en tout cas). J'ai eu envie de découvrir le cinéma de Mendoza, suite à sa Master class où il s'est révélé aussi prolixe que passionnant (voir mon résumé, ici). J'ai vu deux films japonais aussi loufoques qu'inclassables, l'un (« Symbol » de Matsumoto Hitoshi) dont je vous ai déjà parlé ici qui aurait pu faire un splendide court-métrage là où la version longue le rend présomptueux et agaçant. L'autre ( « The king of jail breakers » de Itao Itsuji) dont les scènes répétitives d'un prisonnier qui s'échappe systématiquement de la prison dans laquelle il est incarcéré trouve son originalité dans une autre évasion (du ventre maternel !) filmée en caméra subjective et un final aussi ironique et diaboliquement réjouissant que le reste du film était glauque. Un film qui aurait sans aucun doute mérité le prix de la dérision. Avec « The Eternal » de Rituparno Ghosh, j'ai découvert un cinéma venu d'Inde qui sait être réflexif (réflexion sur le cinéma, la filiation) mais sans oublier Bollywood auquel quelques scènes chantées rendent hommage. J'ai vu la première production tadjike depuis 18 ans avec « True noon » (dont je vous ai parlé ici), film dans lequel le réalisateur Nosir Saidov a su donner des accents d'universalité à un drame local.
Certes, je me suis parfois ennuyée, j'ai parfois été agacée mais comme chaque année cette promenade s'est avérée enrichissante. Deauville a su montrer un visage d'une Asie hétérogène même si les différents films en compétition (qu'ils viennent d'Inde, de Corée du Sud, du Japon, de Chine, de Malaisie...) avaient en commun de nous montrer des personnages englués dans une réalité suffocante, cherchant à échapper à leur situation et à s'évader (au propre comme au figuré) mais aussi cherchant à nous montrer leurs vrais visages même si on tente de le dissimuler derrière une frontière, des barbelés, les barreaux d'une prison. On retrouve enfin ce même sentiment d'enfermement et cette difficulté à communiquer (que ce soit entre l'Etat et les citoyens, ou entre les citoyens).
Je vous laisse découvrir le palmarès ci-dessous, pas vraiment surprenant, « Judge », lotus du meilleur film 2010 surpassant le reste de la sélection, le festival prouvant son indépendance en mettant en avant un film plutôt critique avec la Chine, Chine par ailleurs à l'honneur cette année (ce qui lui a par ailleurs été parfois reproché). « Paju » pouvait difficilement être écarté du palmarès pour toutes les raisons précédemment évoquées. Je n'ai malheureusement pas vu « Au revoir Taïpei » (prix du jury ex-aequo avec « Paju »). Le contemplatif et prétentieux film malaisien de Charlotte Lim Lay Kuen « My daughter » disposait de toutes les « qualités » pour remporter le prix de la critique internationale. Comme chaque année, je me suis concentrée sur la compétition et n'ai donc vu aucun film de la section Action Asia (d'ailleurs une petite requête auprès du festival, il serait bien que les films repassent davantage de fois pour permettre aux spectateurs de profiter de toutes les sélections et que reviennent les séances de deuxième partie de soirée) dont le jury présidé par Florent Emilio Siri a récompensé « The sword with no name » de Kim Yong-kyun.
Un grand merci à notre partenaire Orange pour les 40 pass et les séjours de rêve qu'ils m'ont permis de faire gagner, et à mes joyeux acolytes de salles obscures et d'escapades gastronomiques qui se reconnaîtront.
Pour voir mes vidéos de la clôture, cliquez ici.
Le Jury Longs Métrages présidé par Pascal Bonitzer, entouré de Raja Amari, Elie Chouraqui, Anne Consigny, Sara Forestier, Safy Nebbou, Clémence Poésy, Frédéric Schoendoerffer et Bruno Todeschini a décerné les prix suivants:
LOTUS DU MEILLEUR FILM - Grand Prix
JUDGE de Liu Jie (Chine )
LOTUS DU JURY - Prix du Jury ex-aequo
AU REVOIR TAIPEI de Arvin Chen (Taïwan/Etats-Unis/Allemagne / ) & PAJU de/by PARK Chan-ok (Corée du Sud )
Le jury composé de journalistes internationaux a décerné le prix suivant:
LOTUS AIR FRANCE - Prix de la Critique Internationale
MY DAUGHTER de Charlotte Lim Lay Kuen (Malaisie )
Le Jury Action Asia présidé par Florent Emilio Siri, entouré de Vikash Dhorasoo, Thierry Frémont, Samuel Le Bihan, Cécile Telerman et Malik Zidi a décerné son prix au film:
LOTUS ACTION ASIA - Grand Prix Action Asia
THE SWORD WITH NO NAME de Kim Yong-gyun (Corée du Sud)
A suivre: l'actualité deauvillaise continue sur "In the mood for Deauville" en attendant les premières informations sur le Festival du Cinéma Américain de Deauville 2010.
13:54 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, deauville, festival | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Merci pour vos comptes rendus passionnants autour de ce beau festival, qui nous font voyager avec vous et découvrir avant tout le monde les meilleurs films asiatiques à venir!
Écrit par : Mister Loup | 18/03/2010