Palmarès des European Film Awards 2010: "The Ghost Writer" de Roman Polanski, grand vainqueur (04/12/2010)
Ce soir, à Tallinn avait lieu la 23ème cérémonie des European Film Awards dont "The Ghost Writer" de Roman Polanski est reparti grand vainqueur avec 6 récompenses, à mon sens également le meilleur film européen de cette année, des récompenses donc amplement méritées. Je vous laisse découvrir le palmarès ci-dessous avec également un prix d'interprétation pour Sylvie Testud. En bonus, retrouvez ma critique de "The Ghost writer" en bas de cet article.
FILM EUROPEEN 2010
The Ghost Writer
France / Allemagne / Royaume-Uni
de Roman Polanski
REALISATEUR EUROPEEN 2010
Roman Polanski pour The Ghost Writer
ACTRICE EUROPEENNE 2010
Sylvie Testud dans LOURDES
ACTEUR EUROPEEN 2010
Ewan McGregor dans The Ghost Writer
SCÉNARISTE EUROPÉEN 2010
Robert Harris & Roman Polanski pour The Ghost Writer
CARLO DI PALMA PHOTOGRAPHIE Prix Européen 2010
Bejach Giora pour LIBAN
MEILLEUR MONTAGE EUROPEEN 2010
Barnier et Luc Monnier Marion pour CARLOS
DESIGNER PRODUCTION EUROPEENNE 2010
Albrecht Konrad pour The Ghost Writer
COMPOSITEUR EUROPEEN 2010
Alexandre Desplat pour The Ghost Writer
DECOUVERTE EUROPEENNE 2010 - Prix FIPRESCI
LIBAN
Israël / Allemagne / France
par Samuel Maoz
European Documentary FILM ACADEMY - Prix ARTE 2010 NOSTALGIE DE LA LUZ (La nostalgie de la lumière)
France / Allemagne / Chili
par Patricio Guzmán
EUROPEAN FILM ACADEMY LONG MÉTRAGE D'ANIMATION 2010
The Illusionist
de Sylvain Chomet
EUROPEAN FILM ACADEMY COURT MÉTRAGE 2010
HANOI - Warszawa (Hanoi - Varsovie)
La Pologne
par Katarzyna Klimkiewicz
EUROPÉENNES CO-PRODUCTION PRIX - Prix EURIMAGES 2010 Zeynep Özbatur Atakan, producteur
European Film Academy Lifetime Achievement Award Bruno Ganz, acteur
EUROPEAN ACHIEVEMENT IN WORLD CINEMA 2010
Gabriel Yared, compositeur
PRIX DU PUBLIC MEILLEUR FILM EUROPEEN 2010
MR. NOBODY
par Jaco van Dormael
CRITIQUE DE "THE GHOST WRITER" DE ROMAN POLANSKI
Un « écrivain-nègre » britannique (beaucoup plus poétiquement appelé un « Ghost-Writer » dans les pays anglo-saxons) à succès (Ewan Mc Gregor) -dont on ne connaîtra d'ailleurs jamais le nom- est engagé pour terminer les mémoires de l'ancien Premier Ministre britannique Adam Lang (Pierce Brosnan), le précèdent rédacteur, ancien bras droit de Lang, étant décédé dans d'étranges circonstances. C'est sur une île isolée au large de Boston que l'écrivain part à la rencontre de son nouveau sujet...
Répulsion. Chinatown. Tess. Le Pianiste... Et tant d'autres films de genres si différents auxquels, à chaque fois, Polanski a su imprimer son inimitable style. Qu'allait-il en être cette fois de ce thriller? Avec cette adaptation cinématographique de L'Homme de l'ombre, thriller contemporain du romancier et journaliste anglais Robert Harris, Roman Polanski se rapproche davantage de « Frantic » même si ce film ne ressemble à aucun autre.
Par une manière admirable à la fois d'aller à l'essentiel et de capter les détails avec une acuité remarquable, Roman Polanski nous plonge d'emblée dans son intrigue pour ne plus nous lâcher jusqu'à la dernière seconde. Combien de réalisateurs sont capables d'en dire tellement en deux ou trois plans et cela dès le début : une voiture abandonnée dans la cale d'un ferry, la police qui tourne autour de la voiture sur un quai et le film est lancé. Et nous voilà plongés dans l'atmosphère unique et inquiétante de « The Ghost-Writer ».
La caméra de Roman Polanski ne quitte jamais son (anti)héros auquel le spectateur s'identifie rapidement (Ewan Mc Gregor tout en sobriété, parfait pour le rôle), cet « homme ordinaire plongé dans une histoire extraordinaire » comme Hitchcock aimait à résumer ses propres histoires. D'ailleurs, il y a beaucoup du maître du suspense dans ce nouveau Polanski, à commencer par ce huis-clos sur cette île inhospitalière à l'abandon balayée par le vent et la monotonie, et ce blockhaus posé au milieu d'une nature rebelle où un jardinier fantomatique œuvre en vain au milieu d'un tourbillon de feuilles. L'inquiétude et le sentiment d'inconfort nous saisissent immédiatement dans cette demeure élégante mais déshumanisée dont l'ouverture sur l'extérieure donne des plans d'une redoutable beauté glaciale aux frontières de l'absurde, sorte de monde désormais désertique devant lequel, tel un démiurge, apparaît l'ancien premier ministre qui jadis dirigeait tout un peuple. Tout est à la fois familier et étrange, envoûtant et angoissant.
C'est moins le suspense qui importe que la manière dont Polanski conduit son intrigue (même s'il réussit à nous étonner avec un dénouement pourtant attendu et prévisible), capte et retient notre attention. Pas par des course-poursuites ou des explosions, non, par des scènes où notre souffle est suspendu à un mot (comme ce formidable face-à-face avec Tom Wilkinson ) ou aux glaçantes et cinglantes répliques de la femme d'Adam Lang ( remarquable Olivia Williams) qui, avec Kim Cattrall, réinventent les femmes fatales hitchcockiennes.
Une austérité étrangement séduisante, une lenteur savamment captivante, une beauté froide et surtout une atmosphère à la fois inquiétante et envoûtante émanent de ce nouveau Polanski qui nous donne une magnifique leçon de cinéma, jusqu'au dernier plan, effroyablement magnifique. Un film agréablement inclassable quand on essaie de plus en plus de réduire les films à un concept voire à un slogan. Ce « Ghost-Writer » n'est pas sans rappeler un autre film qui lui aussi parle de manipulation ( et nous manipule) et se déroule en huis-clos sur une île également au large de Boston comme si pour définir un pays aussi gigantesque que les Etats-Unis, la claustrophobie d'une terre insulaire était la plus parlante des métaphores...
Difficile de dissocier l'histoire du film de celle de son auteur tant les similitudes son présentes ( à commencer par l'exil d'Adam Lang dans un pays où il est assigné à résidence, à cette exception près que c'est justement dans ce pays que ne peut retourner Polanski) . Difficile aussi de dissocier l'Histoire contemporaine de l'histoire de the Ghost-Writer qui évoque les tortures pendant la guerre en Irak et stigmatise le rôle trouble des Etats-Unis (là où justement ne peut retourner Polanski qui d'une certaine manière règle quelques comptes) Harris étant par ailleurs un ancien journaliste proche de Tony Blair à qui Adam Lang fait évidemment penser. Mais ce serait dommage aussi de réduire ce grand film inclassable et passionnant à cela... Laissez-vous guider par « l'écrivain fantôme » et manipuler dans les coulisses du pouvoir. Je vous promets que vous ne le regretterez pas!
Roman Polanski a reçu l'Ours d'argent du meilleur réalisateur pour ce film au dernier Festival de Berlin.
23:13 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (1) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Ce n'est que justice.
Quel film !
Écrit par : Pascale | 06/12/2010