Critique de « Un cœur en hiver » de Claude Sautet (1992) avec Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart ou pourquoi ce film est un chef d’œuvre... (08/01/2011)
En 2011, je ne perds pas les bonnes habitudes et je continuerai donc à vous parler régulièrement de classiques du 7ème art. Lorsqu’on me demande mon film culte, je cite le plus souvent soit « Le Guépard » de Luchino Visconti, soit « Un cœur en hiver » de Claude Sautet, suscitant régulièrement la perplexité chez mes interlocuteurs concernant le second, et la mienne en retour de constater que beaucoup ne connaissent pas ce film. Je l’ai revu hier après deux ou trois ans et la fascination est restée intacte. Après un certain nombre de visionnages, il me bouleverse, me fascine et m’intrigue toujours autant. Si vous ne l’avez pas encore vu, ou si vous l’avez vu mais n’en gardez qu’un souvenir mitigé je vais essayer de vous convaincre de (re)voir ce film que je considère comme un chef d’œuvre (et j’emploie toujours ce terme avec beaucoup de parcimonie, une expression que je n’ai pas même utilisée pour ce film-ci, contrairement à beaucoup). « Un cœur en hiver » est adapté d’une nouvelle « La Princesse Mary » extraite d’un recueil de nouvelles de Lermontov « La Princesse Mary » mais également inspiré de la vie de Maurice Ravel.
Maxime (André Dussolier) et Stéphane (Daniel Auteuil) sont (apparemment) amis et travaillent ensemble dans l'atmosphère feutrée d'un atelier de lutherie. Les violons sont toute la vie de Stéphane, contrairement à Maxime qui vient de tomber amoureux d’une jeune violoniste, Camille (Emmanuelle Béart), rapidement intriguée puis attirée par la retenue singulière de Stéphane. Pour Stéphane, véritable « cœur en hiver », ce n’est qu’un jeu dont il conte l’évolution à son amie Hélène (Elisabeth Bourgine). Stéphane semble n’aimer qu’une seule personne au monde : son maître de violon, Lachaume (Maurice Garrel).
Sur la tombe de Claude Sautet au cimetière Montparnasse, il est écrit : « Garder le calme devant la dissonance », voilà probablement la phrase qui définirait aussi le mieux son cinéma et peut-être même le mieux « Un cœur en hiver » : d'abord parce que son cinéma est un cinéma de la dissonance, de l'imprévu, de la note inattendue dans la quotidienneté (ici, l'arrivée de Camille dans la vie de Maxime et par conséquent dans celle de Stéphane comme c’est le cas de l’arrivée de David dans « César et Rosalie » ou de Nelly dans « Nelly et Monsieur Arnaud ») et ensuite parce que cette épitaphe fait référence à la passion de Claude Sautet pour la musique, une passion qui s’exprime pleinement ici puisque la musique est un personnage à part entière. Le tempo des films de Sautet est ainsi réglé comme une partition musicale, impeccablement rythmée, une partition dont on a l'impression qu'en changer une note ébranlerait l'ensemble de la composition.
C’est par elle, la musique, que Camille s’exprime (d’ailleurs Maxime le dira, elle ne se livre que lorsqu’elle joue) : tantôt sa mélancolie, sa violence (ainsi cette scène où elle enregistre en studio et qu’elle manie l’archet comme une lame tranchante), son désarroi, ses espoirs. C’est aussi à travers elle que Stéphane ressent et exprime ses (rares) émotions notamment lorsqu’un « c’est beau » lui échappe après avoir écouté Camille jouer. La musique ici, aussi sublime soit-elle (celle des sonates et trio de Ravel) n’est pas forcément mélodieuse mais exprime la dissonance que connaissent les personnages. C’est un élément d’expression d’une force rare, bien plus que n’importe quel dialogue.
La passion est donc celle pour la musique mais aussi celle qui s’exprime à travers elle, l’autre : la passion amoureuse. Celle qui s’empare de Camille pour cet homme hermétique au regard brillant, transperçant qui la fascine, l’intrigue, la désempare. Le trouble s’empare d’elle dès sa première répétition à laquelle Stéphane assiste. Elle ne parvient pas à jouer, dit qu’elle reprendra un autre jour et puis quand Stéphane quitte la pièce, elle reprend comme si de rien n’était. Ensuite, venue rejoindre Maxime dans l’atelier de lutherie, ce dernier occupé, elle l’attend en compagnie de Stéphane et lui confie ce qu’elle n’avait jamais dit à personne, lui parlant de ses rapports compliqués avec son agent et amie Régine (Brigitte Catillon). Enfin, troisième rencontre déterminante : Stéphane vient la voir jouer, seul, sans Maxime pour la première fois. Ils s’évadent un instant de la répétition pour aller boire un café après avoir traversé la rue sous la pluie. Leurs mains s’effleurent presque subrepticement, négligemment. Stéphane la protège de la pluie avec sa veste. Puis, il l’écoute assis au café, avec son regard scrutateur. Puis, c’est l’absence et le silence de Stéphane mais c’est trop tard : Camille est déjà bouleversée, amoureuse. A priori, racontées ainsi rien d’extraordinaire dans ces trois scènes, pourtant le scénario et la mise en scène de Sautet et surtout ses personnages sont d’une telle richesse que chacune d’elle est plus haletante qu’une scène d’un palpitant thriller. Aucun plan n’est inutile. Comme dans un thriller, chaque plan a une implication sur la résolution.
Tous les films de Sautet se caractérisent d'ailleurs aussi par le suspense (il était fasciné par Ford et Hawks ) : le suspense sentimental avant tout, concourant à créer des films toujours haletants et fascinants. Claude Sautet citait ainsi souvent la phrase de Tristan Bernard : « il faut surprendre avec ce que l'on attend ». On ne peut certainement pas reprocher au cinéma de Claude Sautet d'être démesurément explicatif, c'est au contraire un cinéma de l'implicite, des silences et du non-dit. Pascal Jardin disait de Claude Sautet qu'il « reste une fenêtre ouverte sur l'inconscient ».
Le souffle du spectateur est suspendu à chaque regard (le regard tellement transperçant de Stéphane, ou de plus en plus troublé de Camille) à chaque note, à chaque geste d’une précision rare. Je n’ai encore jamais trouvé au cinéma de personnages aussi « travaillés » que Stéphane, ambigu, complexe qui me semble avoir une existence propre, presque exister en dehors de l’écran. Là encore comme un thriller énigmatique, à chaque fois je l’interprète différemment, un peu aussi comme une sublime musique ou œuvre d’art qui à chaque fois me ferait ressentir des émotions différentes. Stéphane est-il vraiment indifférent ? Joue-t-il un jeu ? Ne vit-il qu’à travers la musique ? « La musique c’est du rêve » dit-il. Ou, selon cette citation de La Rochefoucauld que cite Sautet fait-il partie de ceux qui pensent que« Peu de gens seraient amoureux si on ne leur avait jamais parlé d’amour » ? A-t-il peur d’aimer ? Ou n’y croit-il simplement pas ? Est-il sincère quand il dit avec une froide tranquillité que Maxime n’est pas un ami, juste « un partenaire ».
Le film commence ainsi de nuit dans l’atelier et se termine de jour dans un café et entre ces deux moments, Stéphane passera de l’ombre à la lumière, d’une personnalité ombrageuse à (peut-être, là aussi, l’interprétation varie à chaque visionnage) un homme capable d’aimer. Un personnage assez proche du personnage de Martial dans « Quelques jours avec moi » (un autre film de Sautet méconnu que je vous recommande, où son regard se fait encore plus ironique et acéré, un film irrésistiblement drôle et non dénué de –douce-cruauté). « Les films de Claude Sautet touchent tous ceux qui privilégient les personnages par rapport aux situations, tous ceux qui pensent que les hommes sont plus importants que ce qu'ils font (..). Claude Sautet c'est la vitalité. » disait ainsi Truffaut.
Et puis certaines scènes font pour moi partie des plus belles et cruelles du cinéma. Cette scène où dans une voiture, Camille lui avoue l’amour qu’il lui inspire et se livre à lui, ce à quoi Stéphane répond avec tranquillité, jubilation peut-être, froidement en tout cas : « je ne vous aime pas ». Cette scène me glace le sang à chaque fois. Et puis la scène où Camille veut l’humilier à son tour. Elle se maquille outrageusement, le rejoint au café où il a ses habitudes où il dîne avec son amie Hélène. Camille lui crie sa rancœur, sa passion, cherche à l’humilier. La scène est tranchante, violente et sublime comme la musique de Ravel jouée par Camille.
Et puis comment ne pas parler de la distribution, absolument parfaite, à commencer par Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart, sans aucun doute leurs meilleurs rôles auxquels ils semblent se livrer (ou se cacher) corps et âme, d’autant plus ambigus puisqu’ils vivaient alors ensemble. Emmanuelle Béart est à la fois mystérieuse, sensuelle, forte, fragile, fière, brisée, passionnée et talentueuse (elle apprit ainsi le violon pendant un an). Daniel Auteuil donne vie à ce Stéphane énigmatique, opaque, cinglant, glacial, austère qui se définit lui-même comme sournois, parfois révoltant, parfois touchant avec ce regard perçant, tantôt terriblement là ou terriblement absent. L’un comme l’autre, dans leurs regards, expriment une multitude d’émotions ou de mystères. Mais il ne faudrait pas non plus oublier les seconds rôles : André Dussolier, personnage digne qui échappe au cliché de l’amant trompé et qui obtint d’ailleurs le César du meilleur second rôle. Jean-Luc Bideau qui dans une scène courte mais intense aligne les clichés sur la culture et l’élitisme (magnifique scène de dialogue où là aussi Stéphane dévoile une trouble (et pour Camille troublante) facette de sa personnalité). Myriam Boyer, Brigitte Catillon, Elisabeth Bourgine (les femmes de l’ombre avec, chacune à leur manière, une présence forte et déterminante).
« Un cœur en hiver » obtint le lion d’argent à Venise. Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart passèrent à côté des César de meilleurs acteurs (que leur ravirent Claude Rich pour « Le souper » et Catherine Deneuve, pour « Indochine »). Claude Sautet obtint néanmoins le césar du meilleur réalisateur (le seul avec celui de Dussolier malgré sept nominations) et celui du meilleur film fut cette année-là attribué à Cyril Collard pour « Les nuits fauves ». Tous les postes du film auraient mérités d’être récompensés : le scénario, l’image d’Yves Angelo, le travail sur la musique de Philippe Sarde, le scénario de Jacques Fieschi et Claude Sautet…
On retrouve là encore ce qui caractérise les films de Claude Sautet : les scènes de groupe (dont « Vincent, François, Paul et les autres est le film emblématique) et la solitude dans et malgré le groupe, l'implicite dans ce qui n'est pas- les ellipses- comme dans ce qui est-les regards- (Ah le regard tranchant de Daniel Auteuil! Ah, ce dernier plan !), des scènes de café ( « A chaque film, avouait Sautet, je me dis toujours : non, cette fois tu n'y tournes pas. Et puis, je ne peux pas m'en empêcher. Les cafés, c'est comme Paris, c'est vraiment mon univers. C'est à travers eux que je vois la vie. Des instants de solitude et de rêvasseries. ») les personnages filmés à travers les vitres de ces mêmes cafés, des scènes de pluie qui sont souvent un élément déclencheur, des scènes de colère (peut-être inspirées par les scènes de colère incontournables dans les films de Jean Gabin, Sautet ayant ainsi revu « Le jour se lève » ...17 fois en un mois!), des femmes combatives souvent incarnées par Romy Schneider puis par Emmanuelle Béart, des fins souvent ouvertes et avant tout un cinéma de personnages : César, Rosalie, Nelly, Arnaud, Vincent, François, Paul, Max, Mado, ...et les autres, des personnages égarés affectivement et/ou socialement, des personnages énigmatiques et ambivalents.
On a souvent dit de Claude Sautet était le peintre de la société des années 70 mais en réalité la complexité des sentiments de ses personnages disséquée avec une rare acuité est intemporelle. S'il est vrai que la plupart de ses films sont des tableaux de la société contemporaine, notamment de la société d'après 1968, et de la société pompidolienne, puis giscardienne, et enfin mitterrandienne, ses personnages et les situations dans lesquelles il les implique sont avant tout universels, un peu comme « La Comédie Humaine » peut s'appliquer aussi bien à notre époque qu'à celle de Balzac.
Le personnage de Stéphane ne cessera jamais de m’intriguer, intrigant le spectateur comme il intrigue Camille, exprimant tant d’ambiguïté dans son regard brillant ou éteint. Hors de la vie, hors du temps. Je vous le garantis, vous ne pourrez pas oublier ce crescendo émotionnel jusqu’à ce plan fixe final polysémique qui vous laisse ko et qui n’est pas sans rappeler celui de Romy Schneider à la fin de « Max et les ferrailleurs » ou de Michel Serrault (regard absent à l’aéroport) dans « Nelly et Monsieur Arnaud » ou de Montand/Frey/Schneider dans « César et Rosalie ». Le cinéma de Claude Sautet est finalement affaire de regards, qu’il avait d’une acuité incroyable, saisissante sur la complexité des êtres, et jamais égalée. Alors que le cinéma est de plus en plus univoque, explicatif, c’est plus que salutaire.
Une histoire d’amour, de passion(s), cruelle, intense, poétique, sublime, dissonante, mélodieuse, contradictoire, trouble et troublante, parfaitement écrite, jouée, interprétée, mise en lumière, en musique et en images.
Un peu comme l'ours en peluche du « Jour se lève » qui a un œil qui rit et un autre qui pleure, nous ressortons des films de Sautet et de celui-là en particulier, entre rires et larmes, bouleversés, avec l'envie de vivre plus intensément encore car là était le véritable objectif de Claude Sautet : nous « faire aimer la vie »...et il y est parvenu, magistralement. Personne après lui n'a su nous raconter des « histoires simples » aux personnages complexes qui nous parlent aussi bien de « choses de la vie ».
Claude Sautet, en 14 films, a su imposer un style, des films inoubliables, un cinéma du désenchantement enchanteur, d'une savoureuse mélancolie, de l'ambivalence et de la dissonance jubilatoires, une symphonie magistrale dont chaque film est un morceau unique indissociable de l'ensemble, et celui-ci pour moi le plus beau et bouleversant.
FILMOGRAPHIE DE CLAUDE SAUTET
Né à Montrouge (près de Paris) en 1924, Claude Sautet est mort à Paris le samedi 22 juillet 2000 à l'âge de soixante-seize ans...
Longs-métrages réalisés par Claude Sautet
Bonjour sourire (1955)
Classe tous risques (1960)
L'Arme à gauche (1965)
Les Choses de la vie (1970)
Max et les Ferrailleurs (1970)
César et Rosalie (1972)
Vincent, François, Paul et les autres (1974)
Mado (1976)
Une histoire simple (1978)
Un mauvais fils (1980)
Garçon ! (1983)
Quelques jours avec moi (1988)
Un cœur en hiver (1991)
Nelly et Monsieur Arnaud (1995)
A voir : le documentaire de N.T.Binh « Claude Sautet ou la magie invisible »
A noter: Claude Sautet a également travailler comme ressemeleur de scénarii pour de nombreux cinéastes et notamment sur (parmi de nombreux autres films ) « Borsalino » de Jacques Deray.
11:48 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : cinéma, film, claude sautet, daniel auteuil, emmanuelle béart, andré dussolier, un coeur en hiver | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Merci pour cette magnifique critique. Je suis d'autant plus touchée que je considère aussi ce film comme le meilleur de Claude Sautet (avec Vincent, François, Paul et les autres...) et sans aucun doute comme un chef d'oeuvre du cinéma francais.
Merci encore pour continuer à nous faire partager vos coups de coeur et avis que j'attends toujours avec impatience, et bonne continuation !
Écrit par : LN | 09/01/2011
@LN: Merci pour ce très sympathique commentaire et les précieux encouragements:-). J'aime tellement ce film que je n'osais pas en faire la critique de crainte qu'elle ne soit pas à la hauteur de mon enthousiasme et mon admiration pour celui-ci. Je suis ravie de ne pas être la seule à le considérer comme un chef d'oeuvre!
Écrit par : Sandra.M | 09/01/2011
Je partage votre passion pour ce film de Sautet que j'ai aussi vu à de nombreuses reprises. Je considère également la scène finale comme une des plus délicates et touchantes qui soient. Un simple regard échangé à travers une vitre ruisselante qui en dit long... la complainte de Ravel continue de nous hanter longtemps après la fin du générique.
Merci pour votre blog passionnant et surtout pour votre amour du cinéma.
Écrit par : Rémy Buffet | 17/02/2011
que rajouter de plus à cette critique, ce regard posé et clair? Il y a tant à dire sur ce film SUBLIME et je choisis l'adjectif. Où chacun vit son amour par procuration. Stephane à travers Camille, Camille à travers son violon, l'amie à Stephane à travers les livres et l'histoire contée soigneusement par lui, l'amie à Camille à travers la passion de celle ci pour Stephane. On frôle souvent sans jamais la toucher l'homosexualité refoulée. Stephane à travers son "amour" pour son maître, puis à travers son meilleur ami que Camille lui vole (au début surtout on ressent cette jalousie poindre...), l'amie à Camille qui lui fait une scène au sujet d'un partition égarée, mais n'est ce pas la passion dans laquelle semble plonger Camille qui la trouble et l'enerve, puisqu'elle n'est jamais que son agent, puisqu'elle aussi, ne connait de la passion que la musique de Camille, une musique qu'elle ne sait pas jouer mais seulement défendre. Ce serait alors l'histoire de solitudes qui à la fin trouvent enfin la lumière : le vieux maitre celui du Paradis, de la paix retrouvée (combat maladie/ solitude de celui qui se sait condamné et que l'amour de l'autre tente contre son grè de retenir), l'amie à à Stephane qui trouve l'amour non plus dans ce qu'elle décelle dans les yeux de Stephane mais dans la vraie vie, au bout d'un minitel, l'amie à Camille qui une fois la passion calmée de son amie, reprend sa place d'agent d'une interprète douée qui courre vers la gloire, la femme du maitre qui à travers Stephane redonne la liberté de choisir l'heure de la fin à son mari, qui apprend à le laisser partir alors que tant de fois elle le retenait, elle se libère d'une culpabilité mais bien plus encore d'un homme qui n'était déjà plus là, puisque ceux qui se savent condamnés ne sont déjà plus de notre monde, et il faut apprendre à l'accepter. Quant à Maxime, il retrouve sa femme, du moins celle qu'elle était au début, une interprete géniale qui fait le tour du monde, qui flatte son égo par sa beauté et son génie (lui qui ne sait pas la voir...). Le petit monde millimetré dans lequel s'abritait Stephane s'effondre, mais l'ouvre aussi à l'amour dont la chute finale sera la mort du maitre (maitre qui d'ailleurs a façonné celui qu'il est : un excellent luthier, une excellente oreille, un grand conseiller...Mais qui comme un enfant qui veut tjs plaire à son professeur, ne s'est pas libéré du regard de celui ci, comme parfois on ne libere pas du regard de nos parents, ceux ci nous plongeant dans une cage en verre, appelé amour, nous empêche parfois de le trouver à l'exterieur...C'est quand les repères s'éffacent que je m'affranchis!). On pourrait le croire encore plus seul et abandonné par les destins que semblent suivre chacun, mais bien plus il s'est trouvé enfin, révélé par les histoires de chacun, l'amour des autres fait son chemin en lui. Par contre je n'arrive pas à percevoir de jeu de la part de Stephane à l'égard de Camille, c'est ce qu'il voulait faire croire à son amie, s'en persuader par la même, mais je note une séquence trés importante peu mentionnée, celle de l'appartement rénové qui le laisse abandonné, seul, la conversation rapportée entre Maxime et Camille au téléphone, il reste l'absent, à l'écart de tout, de cette vie commune en train de se construire sous ses yeux, sans lui. C'est là qu'il prend conscience qu'il est en train de tomber amoureux, dans cette vie qui se prépare sans lui. Et c'est dans un élan qui n'est pas de lui qu'il part à l'audition de Camille, comme un élan dont il ne peut s'empecher, comme lorsqu'il lui propose d'aller boire un verre, il y a là un rapprochement éclair; sincère, non calculé. Il n'a cessé d'être fasciné par Camille qui à son exact contraire, livre ses emotion, son amour en coups d'archet, contrairement à lui qui joue sa partition intérieure en silence. Mais tout est là dans le regard fixe, fasciné, hanté par Camille. d'ailleurs je trouve qu'il y a qq chose de l'ordre de la sexualité encore une fois sublimée, à travers le jeu d'archet de Camille, comme une femme qui s'offre, un orgasme musical, et lui qui ne peut détacher son regard, presque voyeur, du plaisir qu'elle prend à s'offrir. "Je l'ai joué pour vous", pourrait entendre "je l'ai joui pour vous..."? Comme évoqué plus haut il y a le jeu des vitres, de ce que l'on ne peut toucher, qu'avec le regard, cette distance glacée qui sépare et nourrit le fantasme de l'autre "vous aimez le personnage que vous voulez que je sois". Vitres du bar, de la voiture, de l'auditorium, là aussi on pourrait penser à une sorte de voyeurisme, de vie par procuration, d'irréalité, de difficulté à pénétrer dans la vie, l'amour? D'ailleurs encore une fois, la sexualité ici, évoquée, Sublimée, est tjs hors champ, jamais accomplie... tout cela également donne une tension érotique intenable à ce film... Tout le film repose sur cette question que le spectateur se pose : quand vont ils conclure? S'aimer? Quand les mots vont'ils accoucher d'un geste, d'un baiser de la part de Stephane? Mais les mots "quand ils sont écrits sont beaux". la réalité serait elle alors triviale? l'amour peut il s'incarner? ne lui enlève t on pas de sa majesté lorsqu'on le livre, qu'on l'offre, n'est il pas plus beau dans nos têtes? Quand l'autre pourrait nous décevoir? A t on peur de la fin avant que l'histoire s'ancre dans la vie réelle? Comment survivre à sa perte?
pourquoi ce film hante t il? Parcequ'il laisse en nous des points de suspension, et que les personnages vont se revoir, sans nous à ce fameux concert où nous ne serons pas invités et qui peut etre pourra faire basculer l'histoire entre Camille et Stephane, puisqu'elle lui adresse un baiser tendre et fort à la fin, qui aurait tout d'une promesse, la main sur la nuque, contre lui , levres frolées... comme un pardon, et le regard qu'elle lui adresse depuis la voiture (vitres bar/voiture) comme un aveu qu'elle l'aime toujours...et lui qui de l'autre côté des vitres sourit dans sa solitude qui peut etre s'achevera bientôt. Ce film est beau car l'histoire Sautet la donne au spectateur afin qu'il puisse choisir la fin. A mes yeux, ce serait la passion qui éclate entre Camille et Stephane... et qui pudique ne se dit pas, ne se raconte pas, ne se filme pas car encore une fois "c'est beau quand les mots sont écrits"...
Écrit par : Marianne L. | 23/03/2012
@Rémy Buffet: Ravie de n'être pas la seule à considérer ce film comme un chef d'oeuvre...trop peu souvent cité, et à être touchée par la fin. Et merci pour vos très encourageants commentaires.
@Marianne L: merci pour cette annalyse, différente de la mienne, mais intéressante!
Écrit par : Sandra.M | 31/03/2012
ce film est une merveille j'adore SAUTET tout ses films
sont une merveille que diriez vous de Une Histoire Simple
et César et Rosalie avec des Dialogues de Jc Abadie
c'est la communion parfaite avec cette comédienne
merveilleuse Romy Schneider.
Écrit par : jacqueline | 25/05/2012
bizzarement alors que je suis un inconditionnel de Sautet ce film m a échappé je ne suis pas entre dans la magie, les personnages m'ont exaspérés davantage que fascines
j 'ai l' amère sensation de ne pas avoir eu les clefs nécessaires au decryptage ,les critiques que je lit ici ainsi que les commentaires pourront me laisser penser que j ai tort je préfère penser que je suis passe a cote
Écrit par : jimbo | 26/02/2013
@jacqueline: je ne peux qu'être d'accord:)
@jimbo: Je comprends que ce film puisse ne pas plaire à tout le monde. Peut-être devriez-vous refaire une tentative dans quelques années...
Écrit par : Sandra.M | 27/07/2013