« Les temps qui changent » d’André Téchiné : de sublimes « égarés » à Tanger. (08/01/2005)
Un premier amour peut-il devenir un dernier amour ? C’est autour de cette question passionnante, de cette idée malheureusement apparemment désuète, que tournent ces « temps qui changent » et c’est aussi la réponse affirmative à cette question qui dicte les actes d’Antoine (Gérard Depardieu) qui depuis plusieurs années cherche à venir travailler et diriger un chantier à Tanger pour retrouver Cécile (Catherine Deneuve) qu’il a aimée 30 ans plus tôt. Cécile s’est pourtant remariée mais cela n’arrête pas Antoine persuadé que ce premier amour doit être son dernier amour. Le couple mythique du non moins légendaire « Dernier métro » de Truffaut se trouve ici à nouveau réuni pourtant leurs retrouvailles seront ici aux antipodes du romantisme. Ce sera dans un supermarché. Ce sera l’émotion qui submerge Antoine. Ce sera Antoine qui tellement bouleversé se cogne contre la vitre du supermarché. Ce sera le mari de Cécile (interprété par Gilbert Melki) qui vient au secours d’Antoine. Ce sera Cécile qui le découvre, là, à terre, le nez ensanglanté. Et il va se cogner à la vie, à la réalité l’idéaliste Antoine. La réalité des temps qui changent. La réalité de l’indifférence de Cécile. La réalité des corps et des situations bouleversés. La réalité de l’oubli.
Là où d’autres auraient démontré, insisté, prenant le spectateur en otage, lui dictant ses émotions, Téchiné sait suggérer par une colère subite, une main qui se pose sur une autre, un regard fuyant. Depardieu est magistral en colosse fragile et Deneuve étonnant de fragilité endurcie. On pourra regretter que Téchiné amorce plusieurs histoires, tous ces destins qui s’entremêlent nous laissant un goût d’inachevé, mais faisant la force du film ne le réduisant ainsi pas à un clin d’œil cinéphilique. La caméra vacille constamment, hésite, cherche, bouge, change… Cécile vacillera-t-elle à son tour ? Un premier amour peut-il devenir un dernier amour ? Pour le savoir, rendez-vous dans les salles obscures pour ce voyage passionné et passionnant à Tanger que je vous recommande vivement et qui ravira forcément les inconditionnels du cinéaste (dont je suis) et qui ravira ceux qui s’agacent du cynisme ambiant. (dont je suis également).
Un film inégal, mélancolique traversé par de fugaces instants magiques comme seul Téchiné en a le secret, comme chacun de ses films en recèle.
Note : A voir absolument du même cinéaste « Les Egarés », « Hôtel des Amériques », « le lieu du crime » …et tous les autres.
11:30 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (1) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Et tous les autres en effet, voir et revoir "Les roseaux sauvages" "Ma saison préférée" "Loin" ou "Les innocents"... Téchiné est un immense cinéaste.
Écrit par : Sean | 28/02/2006