3ème compte rendu du Festival Paris Cinéma 2011 : 3 avant-premières et Isabella Rossellini au programme (05/07/2011)

Après mon compte rendu de l’ouverture privée du Festival et de ma première journée, suite du programme avec trois films en avant-première qui témoignent là encore de la diversité de la programmation du festival avec une comédie franco-londonienne, un western espagnol et un drame (viticole) français.

Le festival rend cette année hommage à Isabella Rossellini et, en plus d’une rétrospective de films dans lesquels elle a joué, comme « Two lovers » de James Gray dont je vous parlais avant-hier, ici, le festival programmait en avant-première « 3 fois 20 ans » de Julie Gavras qui sort en salles demain, un film que j’attendais d’autant plus qu’il est réalisé par Julie Gavras qui avait obtenu le prix Michel d’Ornano au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2007 pour « La faute à Fidel ». Quelques mots sur la « faute à Fidel » avant de vous parler de ce deuxième long métrage de Julie Gavras.   Film écrit par Julie Gavras avec Arnaud Cathrine d’après le roman « Tutta Colpa di Fidel » de Domitilla Calamai, « La faute à Fidel » a été produit par la veuve de Pialat, Sylvie Pialat.  C’est l’histoire d’Anna, neuf ans. Pour elle, la vie est simple, faite d’ordres et d’habitudes. Une vie  qui se déroule confortablement entre Paris et Bordeaux. Sur une période d’un an, entre 1970 et 1971, Anna voit sa vie bouleversée par l’engagement politique de ses parents. Le film commence par un mariage, dans un cadre bourgeois, autour d’une table d’enfants sagement assis, bien droits, bien coiffés, respectueux des convenances, séparés les uns des autres par un silence assourdissant. Il s’achève dans une cour d’école. Les enfants portent des vêtements colorés, dansent en rond et se tiennent la main. Une année sépare ces deux scènes, une année de bouleversements pour cette petite fille qui assiste, incrédule puis furieuse puis révoltée puis complice aux bouleversements de son existence. Des espoirs, une révolte aussi, naissent pour ses parents, le monde change pour eux, le monde s’écroule pour elle.  A travers son regard à la fois clairvoyant et d’une touchante naïveté pour qui tout ça c’est « la faute à Fidel », défile toute une époque : le franquisme, l’émancipation féminine, la prise de pouvoir par Allende au Chili etc. Un film qui évolue peu à peu vers la lumière portée par une musique elle aussi très lumineuse. Le film d’une cinéaste très prometteuse. Un film émouvant, intelligent, drôle aussi, aux dialogues incisifs et jamais « enfantins ».

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D’où ma déception avec ce « 3 fois 20 ans » au sujet pourtant prometteur. Mary (Isabelle Rossellini) et Adam (William Hurt) ont presque soixante ans. Ils sont élégants, dynamiques, et gèrent impeccablement leur famille jusqu’au jour où, suite à une perte de mémoire passagère et sans gravité, Mary réalise qu’ils font partie de la catégorie des seniors. Ils vont réagir de manière opposée. Adam en s’entourant de jeunes gens, s’investissant dans de nouveaux projets …, Mary en se préparant à la vieillesse. La séparation est inéluctable. Leurs enfants vont alors tout faire pour les réconcilier. Le sujet était attrayant : traiter avec légèreté de cet âge qui n’a plus rien à voir avec ce qu’il était il y a vingt ou trente ans mais que l’entourage ou que « les autres » continuent à traiter avec gravité et inquiétude et montrer que la fantaisie est un état d’esprit et pas une question d’âge (très beau personnage de la grand-mère Nora incarnée par Doreen Mantle).

 Isabelle Rossellini insuffle toute son élégance, sa belle folie, son énergie, sa grâce à son personnage, et William Hurt incarne parfaitement ce jeune sexagénaire qui refuse d’affronter le temps qui passe, un architecte qui construit des édifices, sorte de double du père de la réalisatrice (le cinéaste Costa-Gavras) qui construit des films… Et heureusement qu’ils sont là… car qu’a-t-il bien pu se passer pour que Julie Gavras qui, dans « La faute à Fidel » témoignait de la singularité de son regard et de son univers, signe ce film au scénario (coécrit avec Olivier Dazat) totalement inabouti (projet de musée sur lequel travaille le personnage de William Hurt, une intrigue secondaire qui n’aura pas de dénouement et dont on se demande donc à quoi elle sert sans parler du personnage d’Arta Dobroshi et de l’amant du personnage d’Isabelle Rossellini qui là aussi disparaissent de l’intrigue comme par magie, dommage quand on sait à quel point Arta Dobroshi était intense dans « Le silence de Lorna » des frères Dardenne) et sans personnalité malgré celles si charismatiques de William Hurt et Isabelle Rossellini ? Dommage…, un trop court instant, dans une scène tragicomique, on retrouve l’univers et la fantaisie réjouissante de la cinéaste qui semble ici crouler sous le poids (des ans ?) de son sujet pourtant prometteur.

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Ensuite, petite madeleine de Proust avec un western au programme, le genre cinématographique avec lequel est née ma passion pour le cinéma. Il s’agit de « Blackthorn » de Mateo Gil qui réécrit l’histoire d’une légende : Butch Cassidy, le célèbre hors-la-loi qui, passé pour mort depuis 1908, se cache en réalité en Bolivie depuis 20 ans sous le nom de James Blackthorn. Au crépuscule de sa vie, il n’aspire plus qu’à rentrer chez lui pour rencontrer ce fils qu’il n’a jamais connu. Lorsque, sur sa route, il croise un jeune ingénieur qui vient de braquer la mine dans laquelle il travaillait, Butch Cassidy démarre alors sa dernière chevauchée…

Le western, genre malheureusement sans doute jugé désuet, se fait particulièrement rare…même si deux films récents « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » (un véritable chef d’œuvre, expression que j’emploie pourtant avec parcimonie) et « True grit » lui ont fait retrouver ses lettres de noblesse. La comparaison était donc inévitable et malheureusement « Blackthorn » n’arrive à la hauteur ni de l’originalité ni de la photographie envoûtant de ces deux films. Si le scénario est plutôt bien construit (rien d’étonnant à cela : Mateo Gil est le scénariste notamment de « Vanilla sky », « Mar Adentro » et « Agora ») avec le présent et le passé mis en parallèle pour créer judicieusement rythme et suspense, visuellement « Blackthorn » est particulièrement classique avec panoramiques et chevauchées au soleil couchant de rigueur…et non moins fascinant d’ailleurs pour une amatrice de western comme ces plans dans le désert de sel, d’une beauté redoutable. Le western est désormais trop rare au cinéma pour que je boude mon plaisir et il faut avouer que le jeu de Sam Shepard en bandit qui pousse l’amitié et la loyauté au-dessus de tout (surtout la loi et la morale… et même l’argent qui lui aura fait commettre tant de crimes), l’atmosphère crépusculaire et nostalgique, les sublimes paysages boliviens suffisent à ce que je vous le recommande…surtout si le western est aussi votre madeleine de Proust.

Sortie en salles : le 31 août 2011

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Enfin, troisième avant-première avec « Tu seras mon fils » de Gilles Legrand, dans une salle malheureusement aux ¾ vide pour ce film qui méritait pourtant le déplacement ne serait-ce que pour  Lorant Deutsch et Niels Arestrup  qui incarne ici Paul de Marseul, propriétaire d’un prestigieux vignoble à Saint Emilion. Son fils Martin (Lorant Deutsch donc)  travaille avec lui sur le domaine familial. Mais Paul, vigneron exigeant et passionné, ne supporte pas l’idée que son fils puisse un jour lui succéder. Il rêve d’un fils plus talentueux, plus charismatique… plus conforme à ses fantasmes. Son régisseur (Patrick Chesnais) est atteint d’un cancer incurable, Paul en profite pour rappeler le fils de ce dernier Philippe (Nicolas Bridet) … pour lui le fils idéal. Une situation qui devient de plus en plus insupportable pour tout le monde…

Une fois de plus, Niels Arestrup, incarne un personnage irascible, imbuvable, impitoyable, un père écrasant et une fois de plus, il excelle dans ce genre de rôle, plus imposant et redoutable que jamais. Face à lui Lorant Deutsch est parfait en fils frêle, velléitaire, bégayant, qui cherche vainement à s’imposer et trouver sa place. Ce duo-duel est la première bonne idée du film de même que l’autre duo père-fils Patrick Chesnais, Nicolas Bridet. Une véritable partie d’échecs va alors s’engager avec pour cadre les magnifiques vignobles bordelais, terre fertile et âpre, lumineuse et menaçante. Terre de paradoxes comme la force et la fragilité, l’autorité et la soumission qui opposent père et fils. Les dialogues sont soigneusement écrits et  le scénario coécrit avec l’écrivain Delphine de Vigan instille ce qu’il faut de noirceur, de malaise et de menace hitchcockiens. Le tout doublé d’une réflexion sur la transmission sans parler du vin, dont le parfum, la sensualité et le rôle ici déterminant en font un personnage à part entière…

Sortie en salles : le 24 août 2011.

A ne pas manquer notamment aujourd’hui à Paris Cinéma : l’avant-première de « We need to talk about Kevin » de Lynne Ramsay présenté par la comédienne Tilda Swinton (sous réserve), « Abel » de Diego Luna dont je vous parlais hier, et pour ma part ce sera « I’m still here » de Casey Affleck et Tom Blomquist présenté en avant-première. Ne manquez pas non plus "Monsieur Klein" de Losey, demain, à 21H55, au Champo.

 

15:34 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | | Pin it! | |