"Amour" de Michael Haneke (compétition officielle du Festival de Cannes 2012) et critique du "Ruban blanc" (palme d'or 2009) (29/04/2012)
© Les Films du Losange
Certains s'offusqueront certainement à nouveau du fait que les mêmes, souvent, sont sélectionnés à Cannes mais comment ne pas sélectionner un film d'un auteur tel que Michael Haneke? Après le grand prix du jury en 2001 (pour "La Pianiste"), le prix de la mise en scène en 2005 (pour "Caché") et la palme d'or en 2009 (pour "Le Ruban blanc" -voir ma critique ci-dessous-), il ne fait aucun doute que Michael Haneke peut encore nous surprendre dans ce film qui signe le grand retour de Jean-Louis Trintignant (qui, en 1966, avait déjà eu les honneurs du festival puisque "Un homme et une femme" de Claude Lelouch avait remporté la palme d'or, un film auquel succéderont 8 autres films en compétition dans lesquels il joue également) qui aura pour partenaire l'inoubliable actrice de "Hiroshima mon amour" d'Alain Resnais (lui aussi en compétition cette année) Emmanuelle Riva.
Synopsis : Georges et Anne sont octogénaires, ce sont des gens cultivés, professeurs de musique à la retraite. |
Avec : Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert
Sortie en salles : le 24 octobre 2012
Films présentés à Cannes par Michael Haneke
- 2009 - DAS WEISSE BAND (LE RUBAN BLANC)- En Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues
- 2005 - CACHÉ- En Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues
- 2003 - LE TEMPS DU LOUP- Hors Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues
- 2001 - LA PIANISTE- En Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues
- 2000 - CODE INCONNU- En Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues
- 1997 - FUNNY GAMES- En Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues
- 1994 - 71 FRAGMENTE EINER CHRONOLOGIE DES ZUFALLS (71 FRAGMENTS D'UNE CHRONOLOGIE DU HASARD)- Section parallèle Réalisation
- 1992 - BENNY'S VIDEO- Section parallèle Réalisation
- 1989 - DER 7 KONTINENT (LE SEPTIÈME CONTINENT)- Section parallèle Réalisation
Le Palmarès de Michael Haneke à Cannes
- 2009 - Palme d'Or - DAS WEISSE BAND (LE RUBAN BLANC) - Long métrage
- 2005 - Prix de la mise en scène - CACHÉ - Long métrage
- 2001 - Grand Prix - LA PIANISTE - Long métrage
CRITIQUE DU "RUBAN BLANC" DE MICHAEL HANEKE
En raison de l’inimitié ou de la potentielle rancœur subsistant entre Isabelle Huppert et Quentin Tarantino suite à leurs dissensions lors du casting d’ « Inglourious Basterds » et du lien particulier qui unit cette dernière à Haneke ( « La Pianiste » du même Haneke lui a valu un prix d’interprétation cannois), je supposai que « Le ruban blanc » devait être un chef d’œuvre tel que ce prix mettait la présidente du jury 2009 hors du moindre soupçon d’avoir favorisé le réalisateur autrichien, pour des raisons autres que cinématographiques.
Alors, « un ruban blanc » est-il ce chef d’œuvre irréfutable faisant de cette palme d’or une évidence ?
Synopsis : Un village de l’Allemagne du Nord à la veille de la Première Guerre Mondiale. Un instituteur raconte l’histoire d’étranges incidents qui surviennent dans la petite communauté protestante formée par les élèves et leurs familles. Peu à peu, d’autres accidents surviennent et prennent l’allure d’un rituel primitif.
Quel qu’en soit l’enjeu et aussi âpre soit-elle, Haneke a le don de créer une atmosphère quasi hypnotique, et de vous y plonger. L’admiration pour la perfection formelle l’emporte toujours sur le rejet de l’âpreté, sur cette froideur qui devrait pourtant nous tenir à distance, mais qui aiguise notre intérêt, notre curiosité. La somptuosité glaciale et glaçante de la réalisation, la perfection du cadre et des longs plans fixes où rien n’est laissé au hasard sont aussi paralysants que l’inhumanité qui émane des personnages qui y évoluent.
Derrière ce noir et blanc, ces images d’une pureté étrangement parfaite, à l’image de ces chérubins blonds symboles d’innocence et de pureté (que symbolise aussi le ruban blanc qu’on leur force à porter) se dissimulent la brutalité et la cruauté.
L’image se fige à l’exemple de cet ordre social archaïquement hiérarchisé, et de cette éducation rigoriste et puritaine dont les moyens sont plus cruels que les maux qu’elle est destinée prévenir et qui va provoquer des maux plus brutaux encore que ceux qu’elle voulait éviter. La violence, au lieu d’être réprimé, s’immisce insidieusement pour finalement imposer son impitoyable loi. Cette violence, thème cher à Haneke, est toujours hors champ, « cachée », et encore plus effrayante et retentissante.
Ce ruban blanc c’est le symbole d’une innocence ostensible qui dissimule la violence la plus insidieuse et perverse. Ce ruban blanc c’est le signe ostentatoire d’un passé et de racines peu glorieuses qui voulaient se donner le visage de l’innocence. Ce ruban blanc, c’est le voile symbolique de l’innocence qu’on veut imposer pour nier la barbarie, et ces racines du mal qu’Haneke nous fait appréhender avec effroi par l’élégance moribonde du noir et blanc.
Ces châtiments que la société inflige à ses enfants en évoquent d’autres que la société infligera à plus grande échelle, qu’elle institutionnalisera même pour donner lieu à l’horreur suprême, la barbarie du XXème siècle. Cette éducation rigide va enfanter les bourreaux du XXème siècle dans le calme, la blancheur immaculée de la neige d’un petit village a priori comme les autres.
La forme démontre alors toute son intelligence, elle nous séduit d’abord pour nous montrer toute l’horreur qu’elle porte en elle et dissimule à l’image de ceux qui portent ce ruban blanc.
Que dire de l’interprétation ? Elle est aussi irréprochable. Les enfants jouent avec une innocence qui semble tellement naturelle que l’horreur qu’ils recèlent en devient plus terrifiante encore.
Avec une froideur et un ascétisme inflexibles, avec une précision quasi clinique, avec une cruauté tranchante et des dialogues cinglants, avec une maîtrise formelle fascinante, Haneke poursuit son examen de la violence en décortiquant ici les racines du nazisme, par une démonstration implacable et saisissante. Une œuvre inclassable malgré ses accents bergmaniens.
Un film à voir absolument. L'oeuvre austère, cruelle, dérangeante, convaincante, impressionnante d'un grand metteur en scène.
20:37 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |