LE TRANSPERCENEIGE de Bong Joon-Ho, film de clôture du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2013 (19/08/2013)
« Snowpiercer » (Le Transperceneige) de Bong Joon Ho sera donc le film surprise de clôture du festival tant attendu! Pour l'occasion, sous le communiqué de presse (ci-dessous), retrouvez ma critique de "Mother", film de Bong Joon-Ho pour lequel j'avais d'ailleurs eu le plaisir d'interviewer ce dernier en 2010.
« Contrôler la Machine, c’est contrôler le Monde ! »
2031. Une nouvelle ère glaciaire. Les derniers survivants ont pris place à bord du Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans jamais s’arrêter. Dans ce microcosme futuriste de métal fendant la glace, s’est recréée une hiérarchie des classes contre laquelle une poignée d’hommes entraînés par l’un d’eux tente de lutter. Car l’être humain ne changera jamais…
SNOWPIERCER, le Transperceneige, coproduit par Opus Pictures, est l’adaptation de la bande dessinée culte de Jacques Lob, Benjamin Legrand et Jean-Marc Rochette, Le Transperceneige.
En clôture du Festival le samedi 7 septembre, le réalisateur présentera son film en avant-première internationale.
Sortie en salles le 30 octobre.
CRITIQUE de MOTHER de BONG JOON-HO
Mother. Voilà un titre bien ambitieux mais de la part de Bong Joon-ho dont c'était le quatrième long-métrage et qui avait, avec « Memories of murder », affirmé sa marque et son talent, on pouvait (légitimement) s'attendre à un film à la hauteur de cette ambition.
Mother (Kim Hye-Ja) est ici une veuve qui élève seule son fils unique Do-joon (Won Bin), sa raison d'être mais aussi son inquiétude perpétuelle, ce dernier étant intellectuellement déficient et particulièrement naïf. Lorsqu'une jeune fille est retrouvée morte, Do-joon est immédiatement accusé. Sa mère décide de mener l'enquête pour prouver son innocence.
Dès le premier plan qui met en scène la mother du titre éponyme, Bong Joon-Ho nous envoûte, nous intrigue, nous charme, nous provoque, nous inquiète. La mère danse de manière languissante, poétique et décalée, dans un champ de blé. La caméra, fluide et presque sensuelle, se rapproche et tournoie. Bong Joon-Ho nous annonce qu'il va mener la danse, à n'en pas douter peu conventionnelle, et qu'au centre de cette danse se trouvera la mère. Valse visuelle et des genres que Bong Joon-Ho ne cessera de conduire avec brio jusqu'au dernier plan.
Oubliant cette scène qui aurait dû résonner comme un avertissement, comme une promesse d'inattendu, Bong Joon-ho nous oriente d'abord vers la comédie. Teintée d'humour noir certes. Et puis c'est le meurtre. Et la comédie dévie vers le thriller, progressivement, Bong Joon-ho instillant intelligemment de l'étrangeté menaçante dans des scènes quotidiennes alors à la tonalité décalée, par l'effet d'un savant sens du montage, de l'ellipse, du gros plan, du cadrage et par des plans d'une beauté redoutable.
Là où souvent les ruptures de ton et le mélange des genres ralentissent et alourdissent une intrigue, ici, ils la densifient au contraire, marques du style unique de leur auteur. Comme la mère dans le premier plan, Bong Joon-Ho nous enserre dans son univers nous embarquant avec elle dans son sentiment maternel, inconditionnel, qui se heurtera à la folie de la vulgarité ordinaire. Celle de la justice. Ou de la police incompétente. Avant, elle-même, de sombrer dans sa folie maternelle synonyme d'amour inconditionnel. Bong Joon-Ho relativise ainsi cette folie, les scènes de folie étant cadrées avec plus d'inquiétante fantaisie que les scènes quotidiennes, ce qui est folie aux yeux du monde étant normalité dans le regard d'une mère prête à tout pour sauver son fils.
Pour parvenir à ce film captivant, il fallait aussi une actrice exceptionnelle comme l'est Kim Hye-Ja, avec son regard tantôt compatissant, tantôt inquiétant, tantôt déterminé, tantôt coupable souvent tout à la fois, mais aussi un sens aigu du suspense que le « simple » écoulement d'eau d'une bouteille parvient à faire culminer par la minutie de la mise en scène et l'ingéniosité du découpage.
Bong Joon-Ho fait ainsi danser et s'entrelacer subtilement tragédie du souvenir et bonheur de l'oubli, violence et amour inconditionnel, humour noir et folie, culpabilité suffocante et soleil rédempteur symbolisé par la beauté vertigineuse du dernier plan qui achève de nous emporter nous rappelant la promesse envoûtante et poétique de la danse initiale. Promesse tenue au-delà de nos espérances pour ce film hybride, palpitant, étonnant, poignant qui n'épargne ni les travers de la société coréenne ni les ombres et forfaits d'un inconditionnel amour maternel (pléonasme ?) pour mieux encore en exalter la force renversante.
« Mother » a été présenté dans la section « Un Certain Regard » du Festival de Cannes 2009
14:10 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |