Critique de THE ASSISTANT de Kitty Green (compétition - Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020) (05/09/2020)
Au programme du jour, "The Assistant" de Kitty Green, en lice pour le Grand Prix, et qu'il ne serait pas étonnant de retrouver au palmarès. Mon premier (grand ) coup de cœur de ce festival. Critique.
Synopsis : Jane, une jeune diplômée qui rêve de devenir productrice, vient d’être engagée comme assistante d’un puissant dirigeant, nabab du divertissement. Sa journée type ressemble à celle de toutes les autres assistantes : faire du café, remettre du papier dans le photocopieur, commander à déjeuner, organiser des voyages, prendre les messages. Mais au fil de cette journée, Jane se rend progressivement compte des abus insidieux qui découlent de tous les aspects de sa position et qu’elle n’avait pas anticipés...
C'est aussi à cette catégorie de films en "quête de la vérité des hommes" dont je vous parlais hier qu'appartient le percutant et brillant deuxième film en compétition intitulé "L'assistante" de Kitty Green qui nous conduit à suivre Jane, une jeune diplômée qui rêve de devenir productrice, et qui vient d’être engagée comme assistante d’un puissant dirigeant (toujours nommé "il" et jamais présent à l'écran). Au fil de cette journée, Jane réalise à quel point il abuse de son pouvoir...
Comme dans "Les Ensorcelés" (film de Minnelli projeté mardi à Deauville dans le cadre de l'hommage à Kirk Douglas) que j'évoquais ici il y a quelques jours, si le fond est une critique acerbe du milieu dans lequel elle évolue (en l'occurrence Jane est une assistante dans le domaine du cinéma mais cela pourrait s'adapter à d'autres milieux même si on pense évidemment à l'affaire Weinstein) quand la forme est un hommage au cinéma : par l'utilisation judicieuse de toutes ses ressources. Du son et du silence d'abord, oppressants. Du hors-champ (le chef invisible est une menace constante qui plane et asservit). De l'espace ensuite. Les bureaux sont vus comme une sorte de dédale arachnéen, décor clinique dans les fils duquel Jane semble prise et sous emprise. Sans véritable ouverture sur l'extérieur comme si son corps et son âme étaient accaparés et prisonniers de ces bureaux dans lesquels elle effectue des taches répétitives comme un robot, dans un décor qui en devient presque absurde comme dans un film de Tati auquel cette utilisation judicieuse du son, des silences et des espaces fait songer. Et même lorsqu'elle se blesse avec une enveloppe c'est en silence. Les blessures ici doivent demeurer tacites, cadenassées.
Elle semble presque se fondre dans le décor avec son teint diaphane, son pull couleur chair. Tout est suggéré. Jamais montré ostensiblement. La démonstration implacable n'en a que plus de force. Les fils se resserrent autour de Jane prise dans cet dans lequel les humiliations et marques de condescendance ne sont pas tonitruantes mais insidieuses et d'autant plus violentes : une tape dans le dos, un manteau ou un enfant pareillement et dédaigneusement jetés dans ses bras, des regards évasifs, une connivence excluante. Julia Garner incarne à la perfection cette âme broyée, écartelée, ombre presque fantomatique condamnée à un silence oppressant.
La sobriété de la réalisation intelligemment pensée apporte toute sa force, ravageuse et bouleversante, à cette démonstration sans appel et nous invite, au contraire de Jane, anéantie, à ne plus fermer les yeux.
20:22 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |