Festival de Cannes 2024 – Cannes Première - Critique de EN FANFARE de Emmanuel Courcol (21/05/2024)
En fanfare a été présenté dans le cadre de Cannes Première. C’est encore sous le coup de l’émotion provoquée par ce film bouleversant que je rédige cette chronique. Le précédent film d’Emmanuel Courcol, Un Triomphe, avait obtenu le Label Festival en 2020.
Comédien, Emmanuel Courcol a joué dans de nombreuses pièces de théâtre mais aussi dans de nombreux films au cinéma (Le Jaguar de Francis Veber, Le Pharmacien de garde de Jean Veber, Je vais bien, ne t'en fais pas de Philippe Lioret, Tête de turc de Pascal Elbé…), mais il a surtout co-signé de sublimes scénarios de films de Philippe Lioret dont je vous avais dit ici tout le bien que j’en pensais : Mademoiselle (2001), L’Équipier (2004), Welcome (2009), Toutes nos envies (2011). En 2015, il réalisait son premier long métrage, Cessez-le-feu, puis Un Triomphe, en 2021 dans lequel Kad Merad incarne un comédien qui enseigne le théâtre à des détenus.
Cette fois, il nous raconte l'histoire de deux frères que tout sépare, à l'exception de leur amour pour la musique. Thibaut Desormeaux (Benjamin Lavernhe) est un chef d’orchestre de renommée internationale qui parcourt le monde. Lorsqu’il apprend qu’il a été adopté, il découvre l’existence d’un frère, Jimmy (Pierre Lottin), employé de cantine scolaire, qui joue du trombone dans une fanfare du nord de la France, en même temps que sa maladie grave qui nécessite une greffe. Détectant les capacités musicales exceptionnelles de son frère, Thibaut se donne pour mission de réparer l’injustice du destin. Jimmy se prend alors à rêver d’une autre vie…
Les deux frères ont été adoptés par deux familles de milieux sociaux différents qui les a menés, l’un dans la banlieue parisienne bourgeoise, et l’autre dans le Nord minier rongé par les difficultés économiques. Entourés de vrais musiciens de la fanfare des mineurs de Lallaing, Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin forment une fratrie incongrue d’une justesse remarquable, tout comme Sarah Suco (Sabrina), la réalisatrice de l’indispensable Les Éblouis (2019), syndicaliste et amie de Jimmy. Le rôle de Jimmy a été écrit pour Pierre Lottin déjà présent dans Un Triomphe.
Une comédie sociale digne des meilleurs films britanniques du genre, poignante, dans laquelle l’émotion nous renverse au dénouement. Un hymne au pouvoir fédérateur et consolant de la musique, quelle qu’elle soit. Une musique qui réunit là où la société sépare, économiquement ou socialement.
Emmanuel Courcol dose subtilement l’humour et la légèreté, nous faisant régulièrement passer du rire aux larmes, évitant habilement les clichés, sociaux ou du mélodrame.
La caméra d’Emmanuel Courcol se pose avec beaucoup d’empathie à hauteur d’homme, d’humanité (dont ce film est pétri) et de musique, au cœur de l’orchestre, en immersion avec Thibaut, au plus près de ses mains, de son visage, de ses expressions, et au cœur de la vie, plus joyeusement chaotique, de la fanfare.
Le film, réjouissant, est toujours sur le fil, en équilibre, pour traiter avec justesse du déterminisme social. Les dialogues sont rythmés et savoureux, les ellipses judicieuses, les comédiens remarquables. Bref, l’harmonie est au rendez-vous pour ce film qui (ré)concilie film d’auteur et cinéma populaire. Un film généreux qui fait du bien dont je vous reparlerai plus longuement.
14:56 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |