Court-métrage - Critique de JUS D’ORANGE de Alexandre Athané (24/03/2025)
« Qu'est-ce que la poésie ? Une pensée dans une image. » Goethe
Je vous parle (trop) rarement de courts-métrages, j’espère donc que cela mettra d’autant plus en exergue celui-ci, magistral, et que cela vous incitera à découvrir l’univers poétique de son réalisateur.
Ce film a reçu une pluie de récompenses dans le monde entier, parmi lesquelles : le prix du meilleur scénario à la Soirée des Cinéastes au Grand Rex (Juin 2024), le Spirit Award Best Animation - Brooklyn Film Festival, Windmill Studios USA (Juin 2024), le Cinematic Achievement Award KISFFO Karditsa Intl. Short Film Fest, Greece (Août 2024) et le Best Animation Short Film Award du même festival, le Honor Mencio Dibuixos Animats au Girona Film Festival, Spain (12-14 Septembre 2024), le Honorable Mention Animation : Hollywood Best Indie Film Award, USA (Decembre 2024), le Best Animation : Festival du Film Environnemental , Poitiers (février 2025), le Gold Award: Animation - Florence Film Awards, Italy (mars 2025), les Best Animation, Best Screenplay, Best Sound design - Between Frames, Mexico (6-8 March 2025)… et ce n'est certainement pas fini au regard de la qualité du film en question et de ses nombreuses sélections à venir, notamment au Festival Deauville Green Awards (liste des prochains festivals dans lesquels le film est sélectionné, à retrouver en bas de cet article).
J’avais découvert le travail, poétique donc, et singulier, d’Alexandre Athané en 2015, au Festival du Film de Saint-Jean-de-Luz dans le cadre duquel il avait donné une passionnante master class sur l’animation. Ce festival fut aussi l’occasion de découvrir son court-métrage, L’espace d’un instant, qu’il avait réalisé et dessiné, un court-métrage écrit par Vincent Cappello. Un sublime film d’animation qui montre comment l’imaginaire peut panser les blessures de la vie (et ainsi une métaphore des pouvoirs inestimables du cinéma), également un très beau film sur la transmission dans lequel la douceur des images et de la voix de Pierre Richard nous bercent comme un conte, sans oublier de très beaux dialogues : « C’est comme cela que le monde avance, d’abord il y a les rêveurs, une fois qu’une image les a traversés, ils la révèlent à l’humanité et elle se met au travail », « Rien ne peut empêcher l’homme de prendre l’univers en flagrant délit de désobéissance ». Une ode au rêve, à l’imaginaire, un moment de poésie dont la musique d’Alex Beaupain exacerbe la force et la beauté. Une forêt enchanteresse que l’on quitte avec regrets et émotions.
Alexandre Athané est illustrateur et réalisateur. Il a travaillé à Paris, Londres et New York. Jus d’orange (2023) est son troisième court-métrage d'animation, après Zoé Melody (2007) et L’espace d’un instant (2016). Il est aussi l’auteur graphique de nombreux titres et génériques pour le cinéma avec sa société au nom aussi poétique que ses films, The Singing Plant Company. Il est ainsi une référence en matière de création de génériques comme ceux de films pour lesquels j’avais partagé mon enthousiasme ici, tels Maria rêve de Yvo Muller et Lauriane Escaffre ou encore le formidable Un coup de maître de Rémi Bezançon. Il est aussi notamment l’auteur des génériques de : Aimer, boire et chanter d’Alain Resnais, Max de Stéphanie Murat, Compte tes blessures de Morgan Simon, Jalouse et Les Fantasmes des frères Foenkinos... Dans son impressionnant CV figurent aussi notamment un poste de stagiaire au département artistique pour Spielberg pendant le tournage d’Amistad et un travail d’assistant de la photographe Martine Barrat.
Jus d’orange, c’est l’histoire de « Toni, un cultivateur d’oranges » qui « voit sa vie défiler, happé par un monde industrialisé qui le dépasse, duquel seul un tendre souvenir pourrait le sauver. » Dans la famille de Toni (voix de Charlie Bos et José Garcia), on est cultivateur d'oranges de père en fils. Chaque jour depuis 40 ans, Toni dépense toute son énergie pour ses oranges qu’il aime de toute son âme, qu’il chérit. Mais un jour arrivent d’étranges cargos chargés d'oranges vertes…
Dès le début, la musique, des notes de guitare nostalgiques et envoûtantes (magnifique musique composée par le chanteur Ian Caulfield), et un regard captivant, inondé de vert, nous happent. Et ces mots, en voix off : « Ils n'ont pas été produits par le néant ni par l'argent ni par le maître mais par la terre silencieuse, le travail et la sueur »
L’affiche, à l'image du film, chatoyante, est une ode à une nature fantasmagorique, généreuse, sur laquelle plane une menace verte, celle d’une multinationale impitoyable qui « évacue » les produits non conformes, sur ordre d’une voix robotique et grave (celle de La Big Bertha). L’univers déshumanisé de l'usine contraste avec la nature luxuriante. Le vert avec le rouge.
Je ne veux pas trop vous raconter ce petit bijou pour vraiment vous inciter à le découvrir, à vous laisser ensorceler par la tendre mélancolie, la lucidité, mais aussi la beauté de ce personnage, porté par la force des réminiscences, qui lutte au milieu des paysages funèbres et d’un environnement devenu fantomatique et menaçant. La voix de José Garcia matérialise l’humanité du personnage.
Ce court-métrage a été produit par Nolita avec Animoon et The Singing Plant Company. Cette fois, c’est avec Chloé Célérien qu’Alexandre Athané a coécrit ce film qu’il a dessiné et réalisé, avec pour volonté commune de rendre hommage à leurs « grands-pères, aux terres et traditions ancestrales, à l’amour d’un certain savoir-faire. » La coscénariste a également une famille d'agriculteurs en Espagne
Là aussi, il est question de transmission, du pouvoir magique des souvenirs, dé décor enchanteur, de poésie, de grâce et d’émotions qui nous submergent au dénouement, pas des émotions forcées ou fugaces mais de celles, subtiles et profondes, qui restent en mémoire, comme ces couleurs qui combattent, comme cette musique qui l’accompagne. La mémoire, justement, est aussi au cœur de ce récit. Celle qui nous lie au passé, à notre humanité. Celle qui nous permet de garder en nous la beauté d’un monde qui périclite face à la déshumanisation amenée par l’industrialisation et la robotisation. Jus d’orange nous invite à laisser du temps au temps, à prendre le temps de regarder, de savourer la beauté du présent ou d’une orange reine précautionneusement enveloppée, de respecter notre environnement, d'en déguster la puissance et la magnificence…comme la boisson éponyme, madeleine de Proust d’une enfance chaleureuse.
Le style d’animation inspiré du dessin à la main donne à la fois de la chair et de l’évanescence poétique au récit, sublimé par la musique évocatrice, toujours là pour apporter du sens. Vous n’oublierez pas ces oranges-lampions qui brillent dans la nuit comme des vestiges du passé et des lueurs d'espoirs, ce combat entre ce rouge incandescent et ce vert menaçant, entre cet univers réellement féérique et ce monde macabre qui l'est de prime abord trompeusement.
Tout est admirable : les dessins, le montage, les ellipses judicieuses, la musique, le propos. Une expérience inoubliable. Une fable universelle, enchanteresse, percutante et intemporelle, empreinte de tendresse et de poésie (oui, encore !), qui s’adresse à tous avec beaucoup d’humanité et de sensibilité. La mémoire y fait revenir le passé et refleurir le présent. Brillant. Intelligent. Ne le manquez pas !
Prochains festivals où vous découvrir Jus d'orange :
Shorts Costa Rica Film Festival, Costa Rica (19-29 March 2025)
Yellowstone Film Festival, USA (21-27 March 2025)
Cambodia International Film Festival, Cambodge (21-29 March 2025)
Folkestone Film Festival, Uk (24 March 2025)
Crossing The Screen - Eastbourne International Film Festival, UK (26-30 March
2025)
Athens Animfest - Greece (27-30 March 2025)
5th Greece International Film Festival, Greece (29-30 March 2025)
Beverly Hills Film Festival, USA (1-6 April 2025)
L’Europe autour de l’Europe Film Fest, Paris Fr. (Hors Compétition) (15-19 April
2025)
Mulhouse Tous Courts, Mulhouse France (23-26 April 2025)
Cinéma Columbus Film Festival, Ohio USA (30 April - 4 May 2025)
VIVA EL CINE!, Argentina (12-18 May 2025)
Le Courtivore - 24e Festival de CM de Rouen & Mont-Saint-Aignan - Compétition
Jeune Public (projo 18 & 20 mai 2025)
RED Movies Awards - Annual 2025 competition, France (23 - 24 May 2025)
Short Shot Fest, Moscow (May 2025)
Deauville Green Awards - Festival Intl. du Film Responsable - France (4 June 2025)
Life After Oil, Italy (17-21 June 2025
DIV’ARTS projection, Evry-Courcouronnes, France (26 July 2025)
MADRIFF - Madrid Indie Film Festival, Madrid, Spain (Date TBC
Pour suivre Alexandre Athané :
-Site internet : https://thesingingplantcompany.com
- Sur Instagram : @thesingingplant_company, @alexandre_athane
15:11 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, court-métrage, jus d'orange, alexandre athané, chloé célérien, josé garcia, charlie bos | |
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