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  • Programme du Festival Lumière de Lyon 2010 : la liste des films projetés

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    Je vous ai déjà parlé du Festival de Lyon 2010 qui aura lieu du du 4 au 10 octobre prochain, malheureusement en même temps que le Festival du Film Britannique de Dinard, même s'il n'est pas totalement exclu que je fasse les deux  festivals ayant entendu le plus grand bien de la première édition du festival lyonnais et l'hommage à Visconti  (en présence, notamment , d'Alain Delon) étant déjà au moins une excellente raison d'y aller.

     En attendant, je vous propose ci-dessous la liste complète des films qui seront projetés pendant le festival. J'ai déjà consacré un long article au "Guépard" de Visconti suite à son inoubliable projection cannoise en version restaurée mais dans la continuité de cet hommage, je consacrerai demain un article à "Ludwig ou le crépuscule des Dieux", deux films projetés dans le cadre du festival parmi une liste particulièrement impressionnante et qui ferait regretter à n'importe quel cinéphile de ne pouvoir être présent...

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    Prix Lumière : Milos Forman

    • Concours (Konkurs, 1963, 45min) suivi de S’il n’y avait pas ces guinguettes (Kdyby ty muziky nebyly, 1963, 33min)
    • L’As de pique (Cerny Petr, 1963, 1h27)
    • Les Amours d’une blonde (Lasky Jedne Plavovlasky, 1965, 1h25)
    • Au feu les pompiers (Hori, ma panenko, 1967, 1h11)
    • Taking Off (Taking Off, 1971, 1h33)
    • Vol au-dessus d’un nid de coucou (One Flew Over the Cuckoo’s Nest, 1975, 2h10)
    • Hair (Hair, 1978, 2h)
    • Ragtime (Ragtime, 1981, 2h35)
    • Amadeus (Amadeus, 1984, 3h)
    • Valmont (Valmont, 1989, 2h20)
    • Larry Flynt (The People vs. Larry Flynt, 1996, 2h10)
    • Man on the Moon (Man on the Moon, 1999, 1h57)
    • Les Fantômes de Goya (Goya’s Ghosts, 2006, 1h53)

    Le cinéma de Luchino Visconti

    • Les Amants diaboliques (Ossessione, 1943, 2h20)
    • La Terre tremble (La terra trema, 1948, 2h40)
    • Notes sur un fait divers (Appunti su un fatto di cronaca, 1951, 8min)
    • Bellissima (Bellissima, 1951, 1h54)
    • Senso (Senso, 1954, 1h55)
    • Les Nuits blanches (Le notti bianche, 1957, 1h47)
    • Rocco et ses frères (Rocco e i suoi fratelli, 1960, 2h45)
    • Le Guépard (Il gattopardo, 1963, 3h05)
    • Sandra (Vaghe stelle dell’Orsa…, 1965, 1h45)
    • L’Etranger (Lo straniero, 1967, 1h45)
    • Les Damnés (La caduta degli dei, 1969, 2h35)
    • Mort à Venise (Morte a Venezia, 1971, 2h10)
    • Ludwig ou le crépuscule des dieux (Ludwig, 1973, 4h37)

    Best of restaurations 2010 

    • Confucius de Fei Mu (Confucius, 1940, 1h36)
    • La 317e section de Pierre Schoendoerffer (1965, 1h38)
    • Justin de Marseille de Maurice Tourneur (1934, 1h35)
    • Fellini Roma de Federico Fellini (Roma, 1972, 2h08)
    • Boudu sauvé des eaux de Jean Renoir (1932, 1h25)
    • Psychose d’Alfred Hitchcock (Psycho, 1960, 1h49)
    • Mes chers amis de Mario Monicelli (Amici miei, 1975, 2h20)
    • Le Tambour de Volker Schlöndorff (Die Blechtrommel, 1979, 2h22)

    Déjà classiques ! 

    • Z de Costa Gavras (1969, 2h07)
    • Les Valseuses de Bertrand Blier (1974, 1h57)
    • La Bonne année de Claude Lelouch (1973, 1h55)
    • La Vie de château de Jean-Paul Rappeneau (1965, 1h32)
    • Le Dossier 51 de Michel Deville (1978, 1h48)

    De retour sur les écrans !

    • La Classe ouvrière va au paradis d’Elio Petri (La classe operaia va in paradiso, 1971, 2h05)
    • Lenny de Bob Fosse (Lenny, 1974, 1h51)
    • Chasse à l'homme de Fritz Lang (Man Hunt, 1941, 1h45)
    • Le Voyage fantastique de Richard Fleischer (Fantastic Voyage, 1966, 1h40)
    • Rosemary's Baby de Roman Polanski (Rosemary's Baby, 1968, 2h16)

    Profondo rosso : le cinéma de Dario Argento

    • L’Oiseau au plumage de cristal (L’uccello dalle piume di cristallo, 1970, 1h32)
    • Le Chat à neuf queues (Il gatto a nove code, 1971, 1h52)
    • Suspiria (Suspiria, 1977, 1h38)
    • Ténèbres (Tenebrae, 1982, 1h41)
    • Phenomena (Phenomena, 1985, 1h50)

    Raretés US des années 70’

    • Cinq pièces faciles de Bob Rafelson (Five Easy Pieces, 1970, 1h38)
    • Point limite zéro de Richard C. Sarafian (Vanishing Point, 1971, 1h39)
    • Cisco Pike de Bill L. Norton (Cisco Pike, 1972, 1h35)
    • Le Brise-cœur d’Elaine May (Heartbreak Kid, 1972, 1h46)
    • Légitime violence de John Flynn (Rolling Thunder, 1977, 1h35)
    • Le Merdier de Ted Post (Go Tell the Spartans, 1978, 1h54)

    Evénements et hommages

    • Invitation à Jean-Louis Trintignant - Une journée bien remplie de Jean-Louis Trintignant (1972, 1h27)
    • A tribute to Anthony Quinn - Zorba le Grec de Michael Cacoyannis (Zorbas the Greek, 1964, 2h22)
    • Gaumont passionnément – 115 ans de Gaumont - French Cancan de Jean Renoir (1954, 1h37) précédé de Gaumont passionnément de Pierre Philippe (2010, 48min) 
    • Invitation à Peter von BaghHelsinki, Forever de Peter von Bagh (Helsinki, ikuisesti, 2008, 1h15)
    • Invitation à Jim Harrison, La Soif du mal d’Orson Welles (Touch of Evil, 1958, 1h35)
    • Mon festival à moi : séance jeune public - Le Roi et l’oiseau de Paul Grimault (1980, 1h23)

    Le cinéma français oublié : Raymond Bernard 

    • Le Joueur d'échecs (1926, 2h15)
    • Les Croix de bois (1931, 1h50)
    • Les Misérables (1933, 4h40)
    • Amants et Voleurs (1935, 1h45)
    • J'étais une aventurière (1938, 1h43)
    • Les Otages (1939, 1h45)
    • Adieu chérie (1945, 1h55)

    Sublimes moments du muet

    • Le Cameraman de Edward Sedgwick et Buster Keaton (The Cameraman, 1928, 1h10) avec l’Orchestre National de Lyon
    • Le Joueur d'échecs de Raymond Bernard (1926, 2h15) en copie neuve, accompagné au piano.

    Evénement du muet : trois chefs d’œuvres de Frank Borzage enfin visibles sur grand écran

    • L’Heure suprême
    de Frank Borzage (Seventh Heaven, 1927, 1h50)
    • L’Ange de la rue de Frank Borzage (Street Angel, 1928, 1h42)
    • L’Isolé de Frank Borzage (Lucky Star, 1929, 1h30

    Pour plus d'informations rendez-vous sur le site officiel du festival.

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  • Critique de « Amore » (Io sono l’amore) de Luca Guadagnino: peinture sublime, haletante et bouleversante d'un cinéaste c

    « Amore » (Io sono l’amore) de Luca Guadagnino était projeté en avant-première du Festival Paris Cinéma 2010, un film sublime, haletant, bouleversant pour lequel j'ai eu un véritable coup de coeur. Il ne sort que mercredi prochain (22 septembre) en salles mais je tenais à vous en parler dès maintenant. Vous n'aurez aucune excuse pour passer à côté de ce petit bijou, déjà sélectionné à Sundance à Venise.

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    Pour la première avant-première publique du Festival Paris Cinéma 2010, les organisateurs nous avaient réservé une belle surprise avec ce film italien qui débute dans la demeure des Recchi, grande famille industrielle lombarde, à l’heure d’un tournant pour la famille puisque le fondateur de l’entreprise lègue l’affaire familiale à son fils Tancredi et à l’un de ses petits fils, Edouardo. Emma (Tilda Swinton), l’épouse de Tancredi, qui l’a épousé des années auparavant pour échapper à sa vie en Russie, rencontre Antonio, un cuisinier, ami de son fils par lequel elle va être immédiatement attirée…

    Dès les premiers plans : la ville de Milan alors inhabituellement grisâtre et enneigée, ce repas aux rituels et au rythme d’un autre temps, les plans silencieux et les couloirs interminables qui évoquent la monotonie suffocante de l’existence d’Emma…, Luca Guadagnino nous plonge dans une atmosphère d’une intemporelle étrangeté. Elégante, digne, laissant à peine affleurer sa  mélancolie, Emma semble être à la fois présente et absente, un peu différente (malgré son souci apparent des conventions sociales). Sa rencontre avec Edouardo, et d’abord avec sa cuisine filmée avec sensualité qu’elle déguste avec gourmandise, va progressivement la transformer. Une passion irrépressible va s’emparer d’elle : pour cette cuisine qui réveille ses sens et pour Antonio, le jeune cuisinier.

    « Amore » est un film foisonnant : de références, de sensations, d’intentions, de styles. Brillantes références puisque « Amore » cite ostensiblement  «Le  Guépard » de Visconti que ce soit par le nom d’un des personnages « Tancredi » qui rappelle Tancrède (le personnage d’Alain Delon dans « Le Guépard ») , la famille Recchi rappelant celle des Salina, mais aussi par l’opportunisme et la fin d’une époque que symbolise Tancredi qui vend son entreprise pour cause de globalisation à des Indiens pour qui « Le capitalisme c’est la démocratie » tout comme le Prince de Salina laissait la place à Tancrède et à une nouvelle ère dans « Le Guépard ». A ce capitalisme cynique et glacial s’oppose la cuisine généreuse et colorée par laquelle Emma est tellement séduite.

     Puis de Visconti nous passons à Hitchcock. Le film glisse progressivement vers un autre genre. La musique de John Adams se fait plus présente, la  réalisation plus nerveuse. Emma arbore un chignon rappelant celui de Kim Novak dans « Vertigo » auquel une scène fait explicitement référence. La neige laisse place à un éblouissant soleil. Emma est transfigurée, libérée, moins lisse mais enfin libre comme sa fille qui comme elle échappera aux archaïques principes familiaux et sera transformée par l’amour.

    Malgré ses maladresses (métaphore florale un peu trop surlignée à laquelle Jean Renoir –comme bien d’autres- avait déjà pensé dans « Une Partie de campagne »), ce film m’a littéralement happée dans son univers successivement étouffant puis lumineux, elliptique et énigmatique et même onirique. Il est porté par Tilda Swinton, qui interprète avec retenue et classe ce personnage mystérieux que la passion va faire revivre, renaitre, retrouver ses racines, sa personnalité enfouies et par la richesse de son personnage qui va se libérer peu à peu de toutes contraintes : vestimentaires, physiques, familiales, sociales.

    De chronique sociale, le film se transforme en thriller dont on sait le drame imminent mais qui ne nous surprend pas moins. Les dix dernières minutes sont réellement sublimes et d’une intensité inouïe. Riches de symboles (comme cette chaussure que Tancrèdi remet à Emma, la renvoyant à cette contrainte sociale, alors que Edouardo lui avait enlevé avec sensualité l’y faisant échapper),  de douleurs sourdes (d’Emma mais aussi du troisième enfant de la famille, que la caméra comme le reste de la famille tient à l’écart), de révoltes contenues que la musique (qui rappelle alors celle d’Hermann dans les films d’Hitchcock), les mouvements de caméra saccadés, les visages tendus portent à leur paroxysme, nous faisant retenir notre souffle.

    La caméra d’abord volontairement distante puis sensible puis sensuelle de Guadagnino épouse les atermoiements du cœur d’Emma et crée intelligemment une empathie du spectateur pour cette dernière. Un film de sensations (visuelles, sonores -que ce soit dans l’utilisation judicieuse de la musique ou des silences-, et presque gustatives) visuellement magnifique, envoûtant, sensible, sensuel, onirique,  prenant, l’œuvre d’un cinéphile et d’un cinéaste qui nous enserre dans son univers avec une rare maestria. A voir absolument.

    Sortie nationale : 22/09/2010

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  • Festival Paris Cinéma- Avant-première : critique de « Amore » (Io sono l’amore) de Luca Guadagnino avec Tilda Swinton, M

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    amore1.jpgAu programme de ma journée d’hier, en plus de la passionnante master class de Jane Fonda, deux avant-premières : « Amore » de Luca Guadagnino et « Les Amours imaginaires » de Xavier Dolan (dont je vous parlerai ultérieurement mais que je vous recommande d’ores et déjà). Pour la première avant-première publique du festival, les organisateurs nous avaient réservé une belle surprise avec ce film italien qui débute dans la demeure des Recchi, grande famille industrielle lombarde, à l’heure d’un tournant pour la famille puisque le fondateur de l’entreprise lègue l’affaire familiale à son fils Tancredi et à l’un de ses petits fils, Edouardo. Emma (Tilda Swinton), l’épouse de Tancredi, qui l’a épousé des années auparavant pour échapper à sa vie en Russie, rencontre Antonio, un cuisinier, ami de son fils par lequel elle va être immédiatement attirée…

    Dès les premiers plans : la ville de Milan alors inhabituellement grisâtre et enneigée, ce repas aux rituels et au rythme d’un autre temps, les plans silencieux et les couloirs interminables qui évoquent la monotonie suffocante de l’existence d’Emma…, Luca Guadagnino nous plonge dans une atmosphère d’une intemporelle étrangeté. Elégante, digne, laissant à peine affleurer sa  mélancolie, Emma semble être à la fois présente et absente, un peu différente (malgré son souci apparent des conventions sociales). Sa rencontre avec Edouardo, et d’abord avec sa cuisine filmée avec sensualité qu’elle déguste avec gourmandise, va progressivement la transformer. Une passion irrépressible va s’emparer d’elle : pour cette cuisine qui réveille ses sens et pour Antonio, le jeune cuisinier.

    « Amore » est un film foisonnant : de références, de sensations, d’intentions, de styles. Brillantes références puisque « Amore » cite ostensiblement  «Le  Guépard » de Visconti que ce soit par le nom d’un des personnages « Tancredi » qui rappelle Tancrède (le personnage d’Alain Delon dans « Le Guépard ») , la famille Recchi rappelant celle des Salina, mais aussi par l’opportunisme et la fin d’une époque que symbolise Tancredi qui vend son entreprise pour cause de globalisation à des Indiens pour qui « Le capitalisme c’est la démocratie » tout comme le Prince de Salina laissait la place à Tancrède et à une nouvelle ère dans « Le Guépard ». A ce capitalisme cynique et glacial s’oppose la cuisine généreuse et colorée par laquelle Emma est tellement séduite.

     Puis de Visconti nous passons à Hitchcock. Le film glisse progressivement vers un autre genre. La musique de John Adams se fait plus présente, la  réalisation plus nerveuse. Emma arbore un chignon rappelant celui de Kim Novak dans « Vertigo » auquel une scène fait explicitement référence. La neige laisse place à un éblouissant soleil. Emma est transfigurée, libérée, moins lisse mais enfin libre comme sa fille qui comme elle échappera aux archaïques principes familiaux et sera transformée par l’amour.

    Malgré ses maladresses (métaphore florale un peu trop surlignée à laquelle Jean Renoir –comme bien d’autres- avait déjà pensé dans « Une Partie de campagne »), ce film m’a littéralement happée dans son univers successivement étouffant puis lumineux, elliptique et énigmatique et même onirique. Il est porté par Tilda Swinton, qui interprète avec retenue et classe ce personnage mystérieux que la passion va faire revivre, renaitre, retrouver ses racines, sa personnalité enfouies et par la richesse de son personnage qui va se libérer peu à peu de toutes contraintes : vestimentaires, physiques, familiales, sociales.

    De chronique sociale, le film se transforme en thriller dont on sait le drame imminent mais qui ne nous surprend pas moins. Les dix dernières minutes sont réellement sublimes et d’une intensité inouïe. Riches de symboles (comme cette chaussure que Tancrèdi remet à Emma, la renvoyant à cette contrainte sociale, alors que Edouardo lui avait enlevé avec sensualité l’y faisant échapper),  de douleurs sourdes (d’Emma mais aussi du troisième enfant de la famille, que la caméra comme le reste de la famille tient à l’écart), de révoltes contenues que la musique (qui rappelle alors celle d’Hermann dans les films d’Hitchcock), les mouvements de caméra saccadés, les visages tendus portent à leur paroxysme, nous faisant retenir notre souffle.

    La caméra d’abord volontairement distante puis sensible puis sensuelle de Guadagnino épouse les atermoiements du cœur d’Emma et crée intelligemment une empathie du spectateur pour cette dernière. Un film de sensations (visuelles, sonores -que ce soit dans l’utilisation judicieuse de la musique ou des silences-, et presque gustatives) visuellement magnifique, envoûtant, sensible, sensuel, onirique,  prenant, l’œuvre d’un cinéphile et d’un cinéaste qui nous enserre dans son univers avec une rare maestria. A voir absolument.

    Sortie nationale : 22/09/2010

     

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  • Ce soir, ne manquez pas ”Sur la route de Madison”, à 20H35, sur France 3

    madison1.jpgCe soir sur France 3 sera diffusé un des films dont je vous parlais dimanche dans ma liste des films  romantiques incontournables "Sur la route de Madison" de Clint Eastwood à ne manquer sous aucun prétexte (même si malheureusement le film passe en vf)! Ma critique ci-dessous:

    L’éphémère peut avoir des accents d’éternité, quatre jours, quelques heures peuvent changer, illuminer et sublimer une vie. Du moins, Francesca Johnson (Meryl Streep)  et Robert Kincaid (Clint Eastwood) le croient-il et le spectateur aussi, forcément, inévitablement, après ce voyage bouleversant sur cette route de Madison qui nous emmène bien plus loin que sur ce chemin poussiéreux de l’Iowa. Caroline et son frère Michael Johnson  reviennent dans la maison où ils ont grandi pour régler la succession de leur mère, Francesca. Mais quelle idée saugrenue a-t-elle donc eu de vouloir être incinérée et d’exiger de faire jeter ses cendres du pont de Roseman, au lieu d’être enterrée auprès de son défunt mari ? Pour qu’ils sachent enfin qui elle était réellement, pour qu’ils comprennent, elle leur a laissé une longue lettre qui les ramène de nombreuses années en arrière, un été de 1965… un matin d’été de 1965, de ces matins où la chaleur engourdit les pensées, et réveille parfois les regrets. Francesca est seule. Ses enfants et son mari sont partis pour un concours agricole, pour quatre jours, quatre jours qui s’écouleront probablement au rythme hypnotique et routinier de la  vie de la ferme sauf qu’un photographe au National Geographic, Robert Kincaid, emprunte la route poussiéreuse pour venir demander son chemin. Sauf que, parfois, quatre jours peuvent devenir éternels.

    Sur la route de Madison aurait alors pu être un mélodrame mièvre et sirupeux, à l’image du best-seller de Robert James Waller dont il est l’adaptation. Sur la route de Madison est tout sauf cela. Chaque plan, chaque mot, chaque geste suggèrent l’évidence de l’amour qui éclôt entre les deux personnages. Ils n’auraient pourtant jamais dû se rencontrer : elle a une quarantaine d’années et, des années auparavant, elle a quitté sa ville italienne de Bari et son métier de professeur pour se marier dans l’Iowa et y élever ses enfants. Elle n’a plus bougé depuis. A 50 ans, solitaire, il n’a jamais suivi que ses désirs, parcourant le monde au gré de ses photographies. Leurs chemins respectifs ne prendront pourtant réellement sens que sur cette route de Madison. Ce jour de 1965, ils n’ont plus d’âge, plus de passé, juste cette évidence qui s’impose à eux et à nous, transparaissant dans chaque seconde du film, par le talent du réalisateur Clint Eastwood. Francesca passe une main dans ses cheveux, jette un regard nostalgico-mélancolique vers la fenêtre alors que son mari et ses enfants mangent, sans lui parler, sans la regarder: on entrevoit déjà ses envies d’ailleurs, d’autre chose. Elle semble attendre Robert Kincaid avant même de savoir qu’il existe et qu’il viendra.

    Chaque geste, simplement et magnifiquement filmé, est empreint de poésie, de langueur mélancolique, des prémisses de leur passion inéluctable : la touchante maladresse avec laquelle Francesca indique son chemin à Robert; la jambe de Francesca frôlée furtivement par le bras de Robert;  la main de Francesca caressant, d'un geste faussement machinal, le col de la chemise de Robert assis, de dos, tandis qu’elle répond au téléphone; la main de Robert qui, sans se retourner, se pose sur la sienne; Francesca qui observe Robert à la dérobée à travers les planches du pont de Roseman, puis quand il se rafraîchit à la fontaine de la cour; et c’est le glissement progressif vers le vertige irrésistible. Les esprits étriqués des habitants renforcent cette impression d’instants volés, sublimés.

    Francesca, pourtant, choisira de rester avec son mari très « correct » à côté duquel son existence sommeillait, plutôt que de partir avec cet homme libre qui « préfère le mystère » qui l’a réveillée, révélée, pour ne pas ternir, souiller, ces 4 jours par le remord d’avoir laissé une famille en proie aux ragots. Aussi parce que « les vieux rêves sont de beaux rêves, même s’ils ne se sont pas réalisés ». 

     Et puis, ils se revoient une dernière fois, un jour de pluie, à travers la vitre embuée de leurs voitures respectives. Francesca attend son mari dans la voiture. Robert est dans la sienne. Il suffirait d’une seconde… Elle hésite. Trop tard, son mari revient dans la voiture et avec lui : la routine, la réalité, la raison.  Puis, la voiture de Francesca et de son mari suit celle de Robert. Quelques secondes encore, le temps suspend son vol à nouveau, instant sublimement douloureux. Puis, la voiture s’éloigne. A jamais. Les souvenirs se cristalliseront au son du blues qu’ils écoutaient ensemble, qu’ils continueront à écouter chacun de leur côté, souvenir de ces instants immortels, d’ailleurs immortalisés des années plus tard par un album de photographies intitulé « Four days ». Avant que leurs cendres ne soient réunies à jamais du pont de Roseman.  Avant que les enfants de Francesca ne réalisent son immense sacrifice. Et  leur passivité. Et la médiocrité de leurs existences. Et leur envie d'exister, à leur tour. Son sacrifice en valait-il la peine ? Son amour aurait-il survécu au remord et au temps ?...

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    Sans esbroufe, comme si les images s’étaient imposées à lui avec la même évidence que l’amour s’est imposé à ses protagonistes, Clint Eastwood filme simplement, majestueusement, la fugacité de cette évidence. Sans gros plan, sans insistance, avec simplicité, il nous fait croire aux« certitudes qui n’arrivent qu’une fois dans une vie » ou nous renforce dans notre croyance qu’elles peuvent exister, c'est selon. Peu importe quand. Un bel été de 1965 ou à un autre moment. Peu importe où. Dans un village perdu de l’Iowa ou ailleurs. Une sublime certitude. Une magnifique évidence. Celle d’une rencontre intemporelle et éphémère, fugace et éternelle. Un chef d’œuvre d’une poésie sensuelle et envoûtante. A voir absolument.

     Voir aussi: ma critique de la pièce de théâtre "Sur la route de Madison" avec Alain Delon et Mireille Darc

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  • Questionnaire Libération pour Soderbergh et pour les blogueurs: réponses in the mood for cinema...

    A l'invitation des « Nouveaux cinéphiles » ( un blog que je vous recommande au passage si vous ne connaissez pas encore), je réponds à mon tour aux questions posées à Steven Soderbergh par le journal Libération, un questionnaire auquel ont répondu à leurs tours un grand nombre de blogueurs...

    Le film que vos parents vous ont empêché de voir ?

    Aucun, ils m'ont au contraire toujours encouragée à en voir, me les enregistrant même quand je ne pouvais pas les voir, et m'ont toujours encouragée à plonger dans ma folie passion.

    Une scène fétiche ou qui vous hante ?

    Des scènes fétiches ET qui me hantent ! La fin de "Sur la route de Madison" de Clint Eastwood, quand Robert Kincaid/Clint Eastwood et Francesca Johnson/Meryl Streep se voient une dernière fois à travers la vitre embuée de la voiture, la scène est d'une intensité inouïe! La fin des "Lumières de la ville" quand la jeune fleuriste ayant recouvré la vue découvre que le vagabond Charlot était son mystérieux soupirant et que les rêves de l'un et de l'autre s'écroulent, scène cruelle et magnifique. Emmanuelle Béart, aux bords de la folie, quand elle déclare sa flamme à un Daniel Auteuil impassible dans "Un coeur en hiver" de Claude Sautet et la scène en vidéo ci-dessous. La scène de l'escalier dans « Les Enchaînés » d'Alfred Hitchcock . Quand Delon est déporté à la fin de « Monsieur Klein »  de Losey.  Le regard de Catherine Deneuve à la fin de « Je veux voir » de Khalil Joreige et Johana Hadjithomas. La dernière rencontre entre Marie-Josée Croze et Daniel Auteuil, au Palais Royal, dans « Je l'aimais » de Zabou Breitman. La fin de « Gran Torino » de Clint Eastwood. Le regard de Rosalie dans « César et Rosalie » quand elle revient et que son regard croise celui de David puis de César. Dans « La piscine » de Jacques Deray quand Delon noie Maurice Ronet. Quand Delon imite Roney dans "Plein soleil" de René Clément. La scène du bal dans « Le Guépard » de Visconti. Le dernier face à face entre Micheline et Clarence dans "Falbalas » de Jacques Becker.  Auteuil /Paradis dans "La fille sur le pont" dans la scène ci-dessous. Le sirtaki d'Anthony Quinn à la fin de « Zorba le Grec »... Oui, le cinéma me hante beaucoup !:-)






    Vous dirigez un remake : lequel ?

    Je n'aime en général pas les remakes, et trouve ça dommage quand il y a tant d'idées originales encore à inventer (même si on dit que toutes les histoires ont déjà été écrites).

    Le film que vous avez le plus vu ?

    "L'armée des ombres" de Jean-Pierre Melville. "Le Cercle rouge" de...Jean-Pierre Melville.  "Un cœur en hiver" de Claude Sautet. "Autant en emporte le vent" de Victor Fleming. "Sur la route de Madison" de Clint Eastwood. "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain" de Jean-Pierre Jeunet. "Les Enchaînés" d'Alfred Hitchcock." Casablanca" de Michael Curtiz. "La Grande Vadrouille" de Gérard Oury. Tous à des époques et pour des raisons différentes...impossible de savoir lequel j'ai revu le plus grand nombre de fois.


    Qui ou qu'est-ce qui vous fait rire ?

    Chaplin. Tati. Bourvil. « Le goût des autres ». « Un air de famille ». En fait des personnes ou films qui ne font pas seulement rire.



    Votre vie devient un biopic...

    Bon courage aux spectateurs! Il s'intitulerait "La fureur de vivre" ou "Cinéma paradiso" ou "Drôle de drame". Ou alors "Une histoire sans fin" parce que je suis une incurable rêveuse et ne peux m'empêcher de rêver même à cette impossible non dénouement...

    Le cinéaste absolu ?

    Celui qui est aussi l'artiste absolu: Chaplin. Pour la même raison Woody Allen. Et Alfred Hitchcock parce que TOUS ses films recèlent des moments incroyables, et que je les aime tous sans exception.

    Le film que vous êtes le seul à connaître ?

    Je doute qu'il y ait un film que je sois la seule à connaître, ou peut-être un que j'écris alors:-). Plutôt des films projetés dans des festivals sinon. "La vraie vie est ailleurs" de Frédéric Choffat découvert à Annonay.  "Meurtres à l'Empire state Building", un documentaire de William Karel découvert à Deauville. "Sans elle" d'Anna de Palma avec  Aurélien Wiik. Et des tas de courts-métrages !

    Une citation de dialogue que vous connaissez par coeur ?

     J'adore les dialogues, ceux de Jaoui/ Bacri ou de Carné /Prévert notamment !

    - "Je peins malgré moi les choses cachées derrière les choses ! Un nageur, pour moi, c'est déjà un noyé . Je crois peindre la joie, la musique, un bal, une noce en plein air et sur ma toile, c'est la jalousie, la haine, le meurtre, le cimetière..." ("Le Quai des Brumes" Marcel Carné)

    L'acteur que vous auriez aimé être ?

    Mes rêves se situent plutôt derrière que devant la caméra. Alors disons quand même Romy Schneider. Et pas seulement pour vivre « L'Enfer », pour les films Claude Sautet et pour Alain Delon...


    Le dernier film que vous avez vu ? Avec qui ? C'était comment ?

    "Sabotage" d'Alfred Hitchcock. Avec la personne évoquée dans la première question qui volontairement ou involontairement m'a fait aimer le cinéma il y a 20 ans de cela...


    Un livre que vous adorez, mais impossible à adapter ?

    "Belle du Seigneur" d'Albert Cohen (que je ne souhaite d'ailleurs pas voir à l'écran...mais il me semble avoir entendu parler d'un projet-peut-être avorté alors?- avec Ludine Sagnier, il y a quelques années déjà). Ou "Lettres à un jeune poète" de Rainer Maria Rilke.


    Quelque chose que vous ne supportez pas dans un film ?

    Les gros plans avec musique larmoyante prenant le spectateur en otage pour forcer l'émotion( cf "La Môme"), les fins heureuses pour satisfaire les directeurs de chaîne et rendre un film diffusable à 20H30, les scènes trop didactiques qui sous-entendent que le spectateur est  idiot, des people à la caméra  qui croient qu'il suffit de planter une caméra devant des acteurs qui parlent pour faire un film.


    Le cinéma disparaît. Une épitaphe ?

    A bout de souffle.

    Atmosphère, atmosphère est-ce que maintenant j'ai une gueule d'atmosphère?

    Rattrapé par le temps à force d'en avoir trop longtemps et souvent suspendu le vol.

    Tué par le temps finalement à force d'avoir tellement aidé à le tuer.

    Ma dernière grande illusion.

    ...

    Bon allez au tour des deux rédacteurs de "La Cité des arts", de "Boulevard du cinéma" et de "Filmgeek".

    Et cette semaine ne manquez sous aucun prétexte "L'Enfer" d'Henri-Georges Clouzot !

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  • Critique - ”Sur la route de Madison” de Clint Eastwood (ce soir, sur France 3, à 20H35)

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    (Ne lire cette critique qu'après avoir vu le film si vous ne l'avez pas vu...).

    L’éphémère peut avoir des accents d’éternité. Qyatre jours, quelques heures peuvent changer, illuminer et sublimer une vie. Du moins, Francesca Johnson (Meryl Streep)  et Robert Kincaid (Clint Eastwood) le croient-il et le spectateur aussi, forcément, inévitablement, après ce voyage bouleversant sur cette route de Madison qui nous emmène bien plus loin que sur ce chemin poussiéreux de l’Iowa.

    Caroline et son frère Michael Johnson  reviennent dans la maison où ils ont grandi pour régler la succession de leur mère, Francesca. Mais quelle idée saugrenue a-t-elle donc eu de vouloir être incinérée et d’exiger de faire jeter ses cendres du pont de Roseman, au lieu d’être enterrée auprès de son défunt mari ? Pour qu’ils sachent enfin qui elle était réellement, pour qu’ils comprennent, elle leur a laissé une longue lettre qui les ramène de nombreuses années en arrière, un été de 1965… un matin d’été de 1965, de ces matins où la chaleur engourdit les pensées, et réveille parfois les regrets. Francesca est seule. Ses enfants et son mari sont partis pour un concours agricole, pour quatre jours, quatre jours qui s’écouleront probablement au rythme hypnotique et routinier de la  vie de la ferme sauf qu’un photographe au National Geographic, Robert Kincaid, emprunte la route poussiéreuse pour venir demander son chemin. Sauf que, parfois, quatre jours peuvent devenir éternels. Avec Robert Kincaid, c’est l’ailleurs qui fait immersion dans la vie endormie de Francesca.

    Sur la route de Madison aurait alors pu être un mélodrame mièvre et sirupeux, à l’image du best-seller de Robert James Waller dont il est l’adaptation. Sur la route de Madison est tout sauf cela. Chaque plan, chaque mot, chaque geste suggèrent l’évidence de l’amour qui éclôt entre les deux personnages. Ils n’auraient pourtant jamais dû se rencontrer : elle a une quarantaine d’années et, des années auparavant, elle a quitté sa ville italienne de Bari et son métier de professeur pour se marier dans l’Iowa et y élever ses enfants. Elle n’a plus bougé depuis. A 50 ans, solitaire, il n’a jamais suivi que ses désirs, parcourant le monde au gré de ses photographies. Leurs chemins respectifs ne prendront pourtant réellement sens que sur cette route de Madison. Ce jour de 1965, ils n’ont plus d’âge, plus de passé, juste cette évidence qui s’impose à eux et à nous, transparaissant dans chaque seconde du film, par le talent du réalisateur Clint Eastwood. Francesca passe une main dans ses cheveux, jette un regard nostalgico-mélancolique vers la fenêtre alors que son mari et ses enfants mangent, sans lui parler, sans la regarder: on entrevoit déjà ses envies d’ailleurs, d’autre chose. Elle semble attendre Robert Kincaid avant même de savoir qu’il existe et qu’il viendra.

    Chaque geste, simplement et magnifiquement filmé, est empreint de poésie, de langueur mélancolique, des prémisses de leur passion inéluctable : la touchante maladresse avec laquelle Francesca indique son chemin à Robert; la jambe de Francesca frôlée furtivement par le bras de Robert;  la main de Francesca caressant, d'un geste faussement machinal, le col de la chemise de Robert assis, de dos, tandis qu’elle répond au téléphone; la main de Robert qui, sans se retourner, se pose sur la sienne; Francesca qui observe Robert à la dérobée à travers les planches du pont de Roseman, puis quand il se rafraîchit à la fontaine de la cour; et c’est le glissement progressif vers le vertige irrésistible. Les esprits étriqués des habitants renforcent cette impression d’instants volés, sublimés.

    Francesca, pourtant, choisira de rester avec son mari très « correct » à côté duquel son existence sommeillait, plutôt que de partir avec cet homme libre qui « préfère le mystère » qui l’a réveillée, révélée, pour ne pas ternir, souiller, ces 4 jours par le remord d’avoir laissé une famille en proie aux ragots. Aussi parce que « les vieux rêves sont de beaux rêves, même s’ils ne se sont pas réalisés ». 

     Et puis, ils se revoient une dernière fois, un jour de pluie, à travers la vitre embuée de leurs voitures respectives. Francesca attend son mari dans la voiture. Robert est dans la sienne. Il suffirait d’une seconde… Elle hésite. Trop tard, son mari revient dans la voiture et avec lui : la routine, la réalité, la raison.  Puis, la voiture de Francesca et de son mari suit celle de Robert. Quelques secondes encore, le temps suspend son vol à nouveau, instant sublimement douloureux. Puis, la voiture s’éloigne. A jamais. Les souvenirs se cristalliseront au son du blues qu’ils écoutaient ensemble, qu’ils continueront à écouter chacun de leur côté, souvenir de ces instants immortels, d’ailleurs immortalisés des années plus tard par un album de photographies intitulé « Four days ». Avant que leurs cendres ne soient réunies à jamais du pont de Roseman.  Avant que les enfants de Francesca ne réalisent son immense sacrifice. Et  leur passivité. Et la médiocrité de leurs existences. Et leur envie d'exister, à leur tour. Son sacrifice en valait-il la peine ? Son amour aurait-il survécu au remord et au temps ?...

    C dénouement sacrificiel est d’une beauté déchirante : avec la pluie maussade et inlassable, le blues évocateur, la voix tonitruante de ce mari si « correct » qui ignore que devant lui, pour sa femme, un monde s’écroule et la vie, fugace et éternelle, s’envole avec la dernière image de Robert Kincaid, dans ce lieu d’une implacable banalité soudainement illuminé puis éteint. A jamais. Un  tel amour aurait-il survécu aux remords et aux temps ? Son sacrifice en valait-il la peine ? Quatre jours peuvent-ils sublimer une vie ?

    Sans esbroufe, comme si les images s’étaient imposées à lui avec la même évidence que l’amour s’est imposé à ses protagonistes, Clint Eastwood filme simplement, majestueusement, la fugacité de cette évidence. Sans gros plan, sans insistance, avec simplicité, il nous fait croire aux« certitudes qui n’arrivent qu’une fois dans une vie » ou nous renforce dans notre croyance qu’elles peuvent exister, c'est selon. Peu importe quand. Un bel été de 1965 ou à un autre moment. Peu importe où. Dans un village perdu de l’Iowa ou ailleurs. Une sublime certitude. Une magnifique évidence. Celle d’une rencontre intemporelle et éphémère, fugace et éternelle. Un chef d’œuvre d’une poésie sensuelle et envoûtante.  A voir et revoir absolument.

    En complément:

    Ma critique de la pièce "Sur la route de Madison" avec Mireille Darc et Alain Delon

    Critique de "Gran Torino" de Clint Eastwood

    Critique de "Au-delà" de Clint Eastwood

    Critique de "J. Edgar' de Clint Eastwood

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  • Critique - « Nos années folles » d’André Téchiné – (Projection spéciale du 70ème anniversaire à l’occasion de l’hommage

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    C’était un des évènements que je m’étais promis de ne pas manquer. Un autre évènement du 70ème anniversaire. L’hommage à André Téchiné. Barocco. Hôtel  des Amériques. Rendez-vous. Le lieu du crime. Plus récemment Les Egarés ou Les temps qui changent. Toujours de beaux personnages libres, écorchés, passionnés. Autant de films romanesques qui scrutent  et subliment l’intime, les âmes tourmentées, et qui ont forgé ma passion pour le cinéma.

    J’étais placée non loin de la rangée d’honneur. La soirée et la projection avaient lieu dans la salle Debussy qui jouxte le Grand Théâtre Lumière dans laquelle est cantonnée la compétition officielle. Pour honorer le grand cinéaste, les actrices françaises avec lesquelles il a tourné étaient présentes : Catherine Deneuve, Sandrine Kiberlain, Juliette Binoche, Emmanuelle Béart, Isabelle Huppert, Céline Sallette, Elodie Bouchez… Il y avait là aussi Lambert Wilson, Bérénice Béjo, Michel Hazanavicius, Nicole Garcia, Claude Lelouch. Atmosphère électrique et enthousiaste.

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    « Téchiné est celui qui a réuni la province et Paris, Jean Renoir et Robert Bresson », a ainsi résumé Thierry Frémaux. « La lumière des films provient plus souvent des actrices que des prouesses d’opérateurs » a répondu Téchiné tenant à saluer une actrice en particulier. « Je voudrais rendre hommage à une actrice qui m’a accompagné sur 7 films. Grâce à elle c’est devenu léger. Merci. »  Catherine Deneuve, bien sûr. « Je n’aime pas regarder en arrière. Je préfère envisager cet hommage comme un signe d’encouragement à un cinéaste qui a encore quelques films devant lui », a également déclaré André Téchiné. Dommage que le temps courant, les acteurs et actrices de Téchiné ne soient pas montés sur scène, comme ce dernier s’y attendait apparemment. Et que la fin de l’hommage ait  donné le sentiment d’avoir été expédié.  Dommage aussi que cette année les séances de Cannes Classics n’aient pas été accompagnées de davantage d’équipes de films. Je me souviens encore avec émotion de la projection inoubliable du « Guépard » en présence d’Alain Delon et Claudia Cardinale.

    Techiné était aussi là pour présenter son dernier film, « Nos années folles », avec Pierre Deladonchamps, Céline Sallette, Michel Fau et Grégoire Leprince–Ringuet.  En préambule Pierre Deladonchamps a déclaré que c’était là son plus beau rôle. Il serait difficile de le contredire tant ce film repose sur la personnalité du personnage et l’investissement de celui qui l’incarne.

    « Nos années folles » est l’adaptation du livre « La Garçonne et l'assassin. Histoire de Louise et de Paul, déserteur travesti, dans le Paris des années folles », de Fabrice Virgili et Danièle Voldman. La véritable histoire de Paul  Grappe qui, après deux années au front, se mutile et déserte. Pour le cacher, son épouse Louise, modiste, le travestit en femme. Dans le Paris des Années Folles, il devient Suzanne. En 1925, enfin amnistié, Suzanne tentera de redevenir Paul…

    A nouveau Téchiné nous raconte l’histoire  d’ « Egarés ». L’amour et l’Histoire en toile de fond. La quête identitaire et la guerre. L’histoire d’amour et les mutations de la société après la première guerre mondiale. (la seconde dans Les Egarés)

    Le scénario d’André Téchiné et de Cédric Anger se concentre sur l’amour sans limites de Louise pour Pierre.  Prête à tous les sacrifices, à tout accepter pour qu’il reste en vie. Plutôt que d’en faire une reconstitution historique datée, le scénario, habile, alterne d’abord entre les répétitions de l’adaptation de leur histoire dans un cabaret et les débuts du travestissement de Paul pendant la guerre. Après la guerre,  son histoire devient en effet un spectacle, faisant de lui un objet de foire exhibé dans un cabaret dont s’occupe un Monsieur Loyal intrigant (Michel Fau).

    Pierre Deladonchamps dévoile à nouveau une étonnante palette de jeu et d’émotions, une délicatesse rare dans l’interprétation.  Et lorsque, dans le cabaret, après y avoir joué son propre rôle, placé sur une chaise, au milieu de la foule grégaire et des rires gras, il doit répondre à des questions, qu’il se mure dans le silence, que son visage exprime sa honte, sa révolte, sa détresse, son anéantissement, que la caméra l’enserre et l’écrase en plongée, il nous bouleverse littéralement. Il fallait une actrice à la hauteur pour, face à lui, incarner ce personnage déterminé, fou d’amour, solide. Céline Sallette est absolument parfaite.

    Les seconds rôles sont également irréprochables au premier rang desquels Grégoire Leprince-Ringuet en aristocrate décadent. Petite parenthèse pour vous recommander sa remarquable  « Forêt de quinconces », sa première réalisation présentée à Cannes l’an passé en séance spéciale, un film magistralement écrit.

    Un film sensuel et fiévreux, le portrait passionnant de deux personnages écorchés vifs, passionnés, sublimés par l’interprétation incandescente de deux grands acteurs.

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