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  • CONCOURS - Gagnez vos places pour l'avant-première du film "Le Congrès" d'Ari Folman, en présence du réalisateur

    Ce film figure sans aucun doute dans le top 3 de mon palmarès du Festival de Cannes 2013 où il était présenté, en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs 2013. Vous aussi pouvez avoir la chance de le voir en avant-première, le Samedi 29 juin au Mk2 Bibliothèque en présence du réalisateur, Ari Folman. Ce film sortira en salles en France le 3 juillet 2013.

    Pour achever de vous convaincre, je vous propose ma critique du film ci-dessous. Après celle-ci, retrouvez le concours vous permettant de remporter une des trois places mises en jeu.

    CRITIQUE – « Le Congrès » d’Ari Folman – Ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs 2013

     

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    Cinq ans après « Valse avec Bachir » qui, déjà, avait su surprendre et éblouir la Croisette (en compétition officielle, il était reparti sans un prix), Ari Folman est donc de retour avec un film en trompe l’œil, en trompe l’œil puisque la réalité n’y est pas ce qu’elle semble être, en trompe l’œil parce qu’il débute comme un film classique pour ensuite nous plonger dans un tourbillon visuel et émotionnel  éblouissant et d’une inventivité rare. On se souvient du début de « Valse avec Bachir » (comment l’oublier ?), qui commençait par la course d’une meute de chiens face caméra. L’image nous heurtait de plein fouet : féroce, effrayante, belle et terrifiante. Ici, cela commence avec un plan sur le visage de Robin Wright, un visage d’une belle gravité sur lequel coule une larme tandis qu’une voix off, celle d’Harvey Keitel, son agent, lui assène ses « mauvais films, mauvais mecs »…lui reprochant même sa mère, laissant déjà entrevoir le ton décalé que le film (brillamment écrit) utilisera parfois. Et cette image est tout aussi féroce, belle et terrifiante, que l’était celle du début de « Valse avec Bachir ».

     « Le Congrès » est tout d’abord une adaptation d’un roman des années 1960 de l’écrivain de science-fiction Stanislas Lem intitulé « Le Congrès de futurologie » dans lequel se met en place une dictature chimique mondiale contrôlée par quelques grandes firmes pharmaceutiques. Dans le film d’Ari Folman, une firme nommée Nagasaki ( !) s’allie à une major hollywoodienne, la Miramount (toute ressemblance…).

     Robin Wright qui porte ici son nom  joue « à être elle-même », ou plutôt une Robin Wright dont la carrière n’est plus qu’un lointain souvenir, vivant avec ses deux enfants dans un ancien hangar au bout de la piste d’un aéroport en plein désert. Son fils, malade, s’évade en jouant avec un cerf volant rouge, frôlant dangereusement la zone sécurisée de l’aéroport. Le monde du cinéma s’est détourné d’elle. La seule proposition qu’elle reçoit :  se faire scanner,  être dépossédée totalement de son image et permettre ainsi à la Miramount de jouer avec comme ils l’entendent et de créer des films à partir des émotions de cette Robin Wright à jamais figée dans le temps enregistrées, tandis que l’autre continuer à vieillir inexorablement. Déjà une très belle idée…

     Dans la 2ème partie, et sans crier gare, le film bascule ensuite dans un monde animé, foisonnant, fascinant, effrayant parfois, surtout, aussi, en ce qu’il montre à quel point cette quête effrénée de virtualité, d’éternité, de spectacle, peut aboutir à un nouveau totalitarisme dans lequel les personnages et surtout les personnalités sont même consommés et finalement broyés.

    Cela manque certes parfois un peu de clarté mais  c’est aussi ce que j’aime dans le cinéma et qu’il nous propose trop rarement, lorsqu’il nous emmène totalement ailleurs, au risque de nous perdre. J’aime être entraînée dans un autre univers, étrange et mystérieux, et c’est d’autant plus intéressant ici que ce monde imaginaire est avant tout un reflet de notre propre monde, et de ses périlleuses tentations, même si les termes abordés sont peut-être trop nombreux : nostalgie du cinéma d’hier, course à la technologie, contre le temps, contre la réalité, au mépris d’autres recherches beaucoup plus vitales qui mériteraient cette même obsession.

    Le film est aussi jalonné de références cinématographiques qui vous feront croiser un Clint Eastwood inattendu, l’ombre d’Hitchcock et de Kubrick, apportant un aspect ludique à cette fable d’anticipation étourdissante.

    Robin Wright qui a déjà eu le courage de jouer avec son image en acceptant ce rôle, certes en or mais qui sans doute exige aussi pas mal de recul sur ce qui obsède les acteurs/trices, est bouleversante, notamment dans cette scène au cours de laquelle ses expressions sont scannées et qui dévoile l’étonnante palette de son jeu, par un habile stratagème de son agent.

    Avec ce film très (trop?) riche, empreint de pessimisme et de nostalgie, une nouvelle fois, Ari Folman s’affranchit des règles  cinématographiques qui veulent qu’un film soit cantonné à un genre pour nous embarquer dans un labyrinthe visuel et émotionnel dont on ressort bousculé, ému, ébloui, terrifié . La beauté formelle et la poésie cruelle qui en émane accroche notre attention même si la deuxième partie s’égare et nous égare parfois dans ses méandres (comme, après tout, le virtuel risque de nous égarer, faisant finalement et ainsi résonner la forme et le fond).  Une œuvre atypique, unique qui, comme « Valse avec Bachir », allie intelligemment forme et force du propos, où la forme, sublime, est au service du fond, brutal. Premier coup de cœur et de poignard de cette édition. Un film à voir et revoir dont je vous reparlerai .

    CONCOURS

    Comme il n’y a pas eu de concours ici depuis longtemps, deux petites questions très faciles auxquelles vous devrez répondre en envoyant vos réponses à inthemoodforcinema@gmail.com avec, pour intitulé de votre email « Concours Le Congrès ». Seuls les 3 gagnants (les 3 plus rapides à répondre) seront contactés. N'oubliez pas de mentionner vos coordonnées.

    1.  Dans quel pays se déroule l’action de « Valse avec Bachir »?

    2. Quel est le titre du film dont est extraite l’image ci-dessous et quel est son lien avec « Le Congrès »?

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  • CRITIQUE - ELLE S'EN VA d'Emmanuelle Bercot avec Catherine Deneuve

    Avant de vous livrer mon compte-rendu de ce Champs-Elysées Film Festival 2013 qui s’achèvera ce soir et dont vous pouvez encore profiter aujourd’hui, je vous propose la critique d’une des avant-premières du festival, « Elle s’en va », le nouveau film d’Emmanuelle Bercot.

    Un film avec Catherine Deneuve est en soi déjà toujours une belle promesse, une promesse d’autant plus alléchante quand le film est réalisé par Emmanuelle Bercot dont j’avais découvert le cinéma avec « Clément », présenté à Cannes en 2001, dans le cadre de la Section Un Certain Regard, alors récompensé du Prix de la jeunesse dont je faisais justement partie cette année-là, l’histoire poignante et  délicate (et délicatement traitée) de l’amour d’un adolescent pour une femme d’âge plus mûr (d’ailleurs interprétée avec beaucoup de justesse par Emmanuelle Bercot). Une histoire intense dont chaque plan témoignait, transpirait de la ferveur amoureuse qui unissait les deux protagonistes. Puis, il y a eu « Backstage », et l’excellent scénario de « Polisse » dont elle était coscénariste.

    L’idée du road movie avec Catherine Deneuve m’a tout d’abord fait penser au magistral « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige dans lequel le dernier regard de Catherine Deneuve à la fois décontenancé et ébloui puis passionné, troublé, troublant est un des plus beaux plans qu’il me soit arrivé de voir au cinéma contenant une multitude de possibles et toute la richesse de jeu de l’actrice.  « Elle s’en va » est un road movie centré certes aussi sur Catherine Deneuve mais très différent et né du désir « viscéral » de la filmer (elle n’est sans doute pas la seule mais nous comprenons rapidement pourquoi l’actrice a accepté ici) comme l’a précisé la réalisatrice avant la projection.

    L’actrice incarne ici Bettie (et non Betty comme celle de Chabrol), restauratrice à Concarneau, veuve (je vous laisse découvrir comment…), vivant avec sa mère (Claude Gensac !) qui la traite encore comme une adolescente. L’amant de Bettie vient de  quitter sa femme… pour une autre qu’elle. Sa mère envahissante, son chagrin d’amour, son restaurant au bord de la faillite vont la faire quitter son restaurant, en plein service du midi, pour aller « faire un tour » en voiture, puis pour acheter des cigarettes. Le tour du pâté de maisons se transforme bientôt en échappée belle. Elle va alors partir sur les routes de France, et rencontrer toute une galerie de personnages dans une France qui pourrait être celle des « sous-préfectures » du « Journal de France » de Depardon. Et surtout, son voyage va la mener sur une voie inattendue…et nous aussi tant ce film est une surprise constante.

    Après un premier plan sur Catherine Deneuve, au bord de la mer, éblouissante dans la lumière du soleil, et dont on se demande si elle va se « jeter à l’eau » (oui, d’ailleurs, d’une certaine manière), se succèdent  des plans montrant des commerces fermées et des rues vides d’une ville de province, un chien à la fenêtre, une poésie décalée du quotidien aux accents de Depardon. Puis Bettie apparaît dans son restaurant. Elle s’affaire, tourbillonne, la caméra ne la lâche pas…comme sa mère, sans cesse après elle. Bettie va ensuite quitter le restaurant pour ne plus y revenir. Sa mère va la lâcher, la caméra aussi, de temps en temps : Emmanuelle Bercot la filme sous tous les angles et dans tous les sens ( sa nuque, sa chevelure lumineuse, même ses pieds, en plongée, en contre-plongée, de dos, de face, et même à l’envers) mais alterne aussi dans des plans plus larges qui la placent dans des situations inattendues dans de « drôle[s] d’endroit[s] pour une rencontre », y compris une aire d’autoroute comme dans le film éponyme.

    Si l’admiration de la réalisatrice pour l’actrice transpire dans chaque plan, en revanche « Elle s’en va » n’est pas un film nostalgique sur le « mythe » Deneuve mais au contraire ancré dans son âge, le présent, sa féminité, la réalité. Emmanuelle Bercot n’a pas signé un hommage empesé mais au contraire un hymne à l’actrice et à la vie. Avec son jogging rouge dans « Potiche », elle avait prouvé (à ceux qui en doutaient encore) qu’elle pouvait tout oser, et surtout jouer avec son image d’icône.  « Elle s’en va » comme aurait pu le faire craindre son titre (le titre anglais est « On my way ») ne signifie ainsi ni une révérence de l’actrice au cinéma (au contraire, ce film montre qu’elle a encore plein de choses à jouer et qu’elle peut encore nous surprendre) ni un film révérencieux, mais au contraire le film d’une femme libre sur une autre femme libre. Porter une perruque improbable, se montrer dure puis attendrissante et s’entendre dire qu’elle a dû être belle quand elle était jeune » (dans une scène qui aurait pu être glauque et triste mais que la subtilité de l’écriture et de l’interprétation rendent attendrissante )…mais plus tard qu’elle sera « toujours belle même dans la tombe. » : elle semble prendre un malin plaisir à jouer avec son image.

    Elle incarne ici un personnage qui est une fille avant d’être une mère et une grand-mère, et surtout une femme libre, une éternelle amoureuse.  Au cours de son périple, elle va notamment rencontrer un vieil agriculteur (scène absolument irrésistible tout comme sa rencontre d’une nuit, belle découverte que Paul Hamy qui incarne l’heureux élu). Sa confrontation avec cette galerie de personnages incarnés par des non professionnels pourrait à chaque fois donner lieu à un court-métrage tant ce sont de savoureux moments de cinéma, mais une histoire et un portrait se construisent bel et bien au fil de la route. Le film va ensuite prendre une autre tournure lorsque son petit-fils l’accompagnera dans son périple. En découvrant la vie des autres, et en croyant fuir la sienne, elle va au contraire lui trouver un nouveau chemin, un nouveau sens, être libérée  du poids du passé.

    Si le film est essentiellement interprété par des non professionnels (qui apportent là aussi un naturel et un décalage judicieux), nous croisons aussi Mylène Demongeot (trop rare), le peintre  Gérard Garouste et la chanteuse Camille (d’ailleurs l’interprète d’une chanson qui s’intitule « Elle s’en va » mais qui n’est pas présente dans le film) dans le rôle de la fille cyclothymique de Bettie  et enfin  Nemo Schiffman, irréprochable dans le rôle du petit-fils. Ajoutez à cela une remarquable BO et vous obtiendrez un des meilleurs films de l’année 2013.

    Présenté en compétition officielle de la Berlinale 2013 et en compétition du Champs-Elysées Film Festival 20013, « Elle s’en va » a permis à Catherine Deneuve de recevoir le prix coup de cœur du Festival de Cabourg 2013.

    « Elle s’en va » est d’abord un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout.  C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va »  montre que , à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour.  « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’embrasser la vie . Un bonheur ! Et un bonheur rare. Le film sort en salles le 18 septembre. Ne le manquez pas.

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  • 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville: l'affiche et le teaser

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    Nous savions déjà que :

     

    Retrouvez également cet article sur http://inthemoodforfilmfestivals.com, pour une meilleure lisibilité.

    Nous savions déjà que :

    -Vincent Lindon présidera le jury de ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, que le film d'ouverture

    -"Ma vie avec Liberace" de Steven Soderbergh fera l'ouverture du festival,  vendredi 30 août 2013, en présence de ses interprètes exceptionnels, Michael Douglas et Matt Damon. Ayant eu le plaisir de découvrir ce film à Cannes (le grand oublié du palmarès), et même si je vous vous en reparlerai plus longuement, je vous le recommande d'ores et déjà, pour la réalisation inspirée de Soderbergh mais aussi et surtout pour les prestations exceptionnelles de Michael Douglas et Matt Damon.

    -Steven Soderbergh donnera une master class (qui s'annonce passionnante!) le samedi 31 août

    Le Festival vient de dévoiler sa très belle affiche 2013. Comme chaque année, on y retrouve les couleurs de la bannière étoilée, les étoiles, les planches, le(s) parasol(s), référence à la paradoxale joyeuse mélancolie deauvillaise, référence aussi au cinéma d'hier que met également à l'honneur le festival, et évidemment à un classique du cinéma américain "Singing in the rain" de Stanley Donen et Gene Kelly. Découvrez également le teaser du festival, ci-dessus.

     

    Je vous rappelle que le hashtag officiel du festival est #Deauville2013, le site officiel http://festival-deauville.com, la page Facebook officielle https://www.facebook.com/Festival.Cinema.Americain.Deauvi... et le compte twitter officiel @DeauvilleUS et @lpscinema

    Pour me suivre en direct du festival, comme chaque année, ce sera sur mes différents sites et blogs, et sur twitter (compte principal  @moodforcinema et compte dédié au Festival  @moodfdeauville ) ainsi que sur ma page Facebook consacrée à ce festival http://facebook.com/inthemoodfordeauville .

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    Je partage aussi ma passion pour ce festival dans un roman publié chez Numeriklivres "Les Orgueilleux" (disponible partout: Numeriklivres, Fnac.com, chapitre.com etc) et pour la sortie duquel je vous fais gagner une liseuse électronique, ici. Par ailleurs, un peu avant le festival, en août prochain, chez ce même éditeur sortira mon recueil de nouvelles romantiques et cruelles sur les festivals de cinéma intitulé "Ombres parallèles" dont plusieurs se déroulent dans le cadre de ce festival

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  • Champs-Elysées Film Festival 2013 – Critique de « Blood pressure » de Sean Garrity– Compétition internationale

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    Pour commencer ce 1er jour du Champs-Elysées Film Festival, j’ai choisi un film de la compétition internationale intitulé « Blood pressure » réalisé par le Canadien Sean Garrity, projeté au cinéma Le Balzac (un cinéma que je vous recommande pour la qualité et l’originalité de ses programmations et notamment pour ses ciné-concerts et les nombreuses autres initiatives de son directeur -depuis 35 ans !- Jean-Jacques Schpoliansky qui a su en faire un vrai lieu de vie et de cinéma, et faire survivre son cinéma malgré la rude concurrence des grands groupes qui l’environnent ) présenté par son enthousiaste réalisateur Sean Garrity qui a déclaré faire des films comme ceux qu’il rêverait de voir au cinéma. Le film en question étant par ailleurs résumé dans le programme comme « Le thriller psychologique le plus troublant de l’année », voilà qui était pour le moins intriguant. Et intriguant, « Blood pressure » l’est particulièrement, et cela dès les premières secondes qui, je dois l’avouer, m’ont captivée comme cela ne m’était pas arrivé depuis un moment ! Alors que la caméra survole des maisons tristement identiques, une voix off lit une lettre anonyme d’un mystérieux bienfaiteur adressée à une femme qui vit justement dans une de ces maisons. Si elle accepte que le mystérieux bienfaiteur continue à lui écrire, elle devra déposer une feuille verte sur sa fenêtre, sinon elle n’entendra plus jamais parler de lui. Si cette lettre semble bienveillante, son caractère anonyme, son ton étrange ne la rendent que plus inquiétante, visiblement pas pour Nicole qui n’hésite pas bien longtemps avant de se laisser entraîner…mais jusqu’où ? Et surtout…par qui ?

    Sean Garrity capte ainsi immédiatement notre attention, d’abord parce que nous sommes placés au même niveau de connaissance que la destinataire de la lettre sur son expéditeur, l’identification est donc immédiate, ensuite parce que, avec beaucoup de subtilité, et simplement par un montage alerte et une réalisation astucieuse, Sean Garrity instaure un climat étrange, à la frontière des genres, un thriller intime et intimiste dans lequel le quotidien semble pouvoir basculer dans l’horreur à tout moment comme nous le font craindre, notamment, ces lettres rouges qui s’impriment sur les murs quand Nicole lit ces lettres en apparence inoffensives. 

    Ces lettres ne lui apportent en effet au début que des choses positives : le mystérieux bienfaiteur lui offre d’abord un soin de beauté en institut, des billets pour elle et son mari pour le voyage au Mexique où elle rêve  de s’évader depuis si longtemps sans parler de ce moment irréel sur un toit de la ville auquel elle a été conduite par des lumières disposées sur la route… S'instaure pourtant progressivement une distorsion entre ce que ressent le spectateur qui pressent le danger et la menace planer et la confiance aveugle que Nicole semble éprouver envers son expéditeur (qu'elle imagine d'ailleurs avec une douce voix féminine).

     Cette femme de 41 ans qui travaille aussi dans une pharmacie (élément qui aura ensuite son importance), délaissée par son mari et méprisée par ses enfants pour qui elle est juste là pour faire la cuisine et les emmener à leurs cours, va trouver une raison de vivre et se laisser entraîner dans ce jeu de pistes inquiétant et troublant, une sorte de rêve qui semble à tout instant pouvoir basculer dans le cauchemar.  Ces lettres vont lui donner l’adrénaline que son existence ne lui procurait pas ou plus et surtout un sentiment d’exister. Nicole est incarnée par Michelle Giroux (dont le visage même va changer de manière assez spectaculaire au fur et à mesure des lettres et de la confiance qu’elle prend en elle), parfaite dans ce rôle de de femme docile et se sentant inutile qui va devenir une vraie combattante.

     

    Par des éléments a priori anodins,  comme le regard de son collègue de pharmacie qui épie ses moindres faits et gestes (Serait-il le mystérieux expéditeur ? A moins qu’il ne s’agisse de son mari ? Ou de son amie qui semble tellement bien la connaître et si-trop ?-bienveillante ?), la manière de filmer en plongée, à travers une vitre comme si elle était épiée, la numérotation décroissante des lettres portant des messages de plus en plus précis et intrigants, le réalisateur instille ainsi une inquiétude croissante…et maintient notre intérêt, nous lançant sur de fausses pistes.

    A l’image de toutes ces routes qui se croisent, s’enchevêtrent et s’entrecroisent et que le réalisateur filme en plongée, Nicole est à un carrefour et elle doit choisir la (bonne ?) voie… Plus les lettres vont l’entraîner loin, plus Nicole va s’affirmer mais aussi s’enfoncer dans ses illusions jusqu’à un basculement (un peu trop ?) soudain qui va la confronter à la réalité.

    Même si l’écriture n’est pas parfaite (personnages secondaires caricaturaux et notamment le mari, quelques plans et artifices inutiles), grâce à la vivacité du montage, une réalisation inspirée, l’interprétation et une écriture précises, Sean Garrity nous captive jusqu’à la dernière seconde,  et jusqu’à une résolution totalement inattendue transformant le thriller en un film d’un romantisme désespéré et bouleversant. A l’image de ces routes qui s’entrecroisent filmées par Sean Garrity, l’écriture astucieusement déroutante  et notre imagination déroutée, ne cessent de nous faire prendre des chemins différents et palpitants.   Un thriller haletant, ludique, d’une indéniable originalité. Je vous le conseille, vous pouvez encore le rattraper ce vendredi 14, à 16H15, au cinéma Le Balzac donc.

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    Changement d’univers et de cinéma avec, ensuite, la projection de « Five dances » de Alan Brown, au cinéma le George V, dans le cadre des avant-premières américaines, présenté par son chorégraphe, un film qui sort le 19 juin 2013 dont je vous parlerai ultérieurement car trois projections m’attendent mais que je tenais à vous recommander dès aujourd’hui (il passe également le lundi 17, à 13H45 et le mardi 18 à 18H15), pour sa douceur séduisante, sa sensibilité lumineuse, l’interprétation nuancée, sa chorégraphie en 5 temps et 5 danses de l’émancipation et du premier amour du jeune Chip, jeune danseur qui débarque à New York pour intégrer une troupe de danse moderne à Soho.

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    Au programme aujourd’hui pour moi, deux films en compétition « How to make money selling drugs » et « Hide your smiling faces » puis, pour terminer la journée, l’avant-première de « Belle du Seigneur »  (que je vais voir avec autant d’impatience que d’appréhension, ce roman étant pour moi inadaptable et celui qui me bouleverse le plus et que je dévore, invariablement, à chaque lecture, , celui que j’aime autant pour sa satire si acerbe et juste d’une société avide d’ascension sociale- ah le pathétisme hilarant d’Adrien Deume et de sa médiocrité- que parce qu’il s’agit d’un sublime roman d’amour ( ou peut-être anti-roman d’amour d’ailleurs) puisque la passion étouffe ceux qui la vivent, sublimes et tragiques Ariane et Solal, Roman flamboyant, inoubliable dans lequel Albert Cohen décrit mieux que personne la naissance et la désagrégation de la passion. Un roman éblouissant et terrifiant. Comme les sentiments qu’il dépeint, qu’il dissèque. Un roman, une expérience même, que vous adorerez ou détesterez mais qui ne vous laissera sûrement pas indifférent), le tout au Gaumont Champs-Elysées. Pour en savoir plus sur la programmation, retrouvez mon article à propos de celle-ci, ici, et rendez-vous sur le site officiel du festival, là.

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  • Ouverture du Champs-Elysées Film Festival 2013

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    Hier soir, sur la terrasse du Publicis, en haut des Champs-Elysées, avec sa vue surplombant Paris sublimement vertigineuse, éblouissante et changeante, avait lieu l'ouverture de la 2ème édition du Champs-Elysées Film Festival, dans une atmosphère conviviale et décontractée, à l'image de ce festival à la riche programmation que vous pouvez retrouver dans mon article, ici.

     

     L'ouverture a eu lieu en présence de la Présidente du festival Sophie Dulac mais aussi des présidents de cette édition 2013, Olivier Martinez et Julie Gayet ou encore de Halle Berry (en la présence de laquelle aura lieu , ce soir,la soirée au profit de l'Association Les Toiles Enchantées qui apporte le cinéma aux enfants malades), Chris Colfer (qui a déchaîné les foules aux abords du Publicis hier soir) et de nombreux autres invités du 7ème art. J'avoue qu'il a été difficile de quitter ce lieu qui aurait été parfait pour une séquence de "Minuit à Paris" de Woody Allen, délicieusement intemporelle.

     Ayant le plaisir d'être blog partenaire du festival, je vais vous faire vivre au jour le jour ce festival, ses avant-premières françaises, américaines, mais aussi sa compétition de films indépendants américains ou encore ses master classes comme celle de Cédric Klapisch, à ne pas manquer, samedi.

    Aujourd'hui, outre la compétition de films indépendants dont vous pourrez retrouver mes premières critiques, demain, et outre la projection au profit des Toiles enchantées précitée, je vous recommande notamment "Grand Central" de Rebecca Zlotowski qui sera projeté, ce soir, à 20H45 à l'UGC George V et dont vous pouvez retrouver ma critique, ci-dessous.

    Critique de "Grand Central" de Rebecca Zlotowski

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    Dans ce nouveau film de Rebecca Zlotowski, Tahar Rahim incarne Gary, un jeune homme agile, frondeur, qui apprend vite, embauché dans une centrale nucléaire, au plus près des réacteurs, où les doses radioactives sont les plus fortes et dangereuses. Là, où le danger est constant. Il va y trouver ce qu’il cherchait, de l’argent, une équipe à défaut d’une famille (on ne verra de sa vraie famille qu’une sœur dont le conjoint le rejette visiblement, et une grand-mère dont la porte restera impitoyablement fermée) même si elle le devient presque, mais aussi Karole ( Léa Seydoux), la femme de son collègue Toni (Denis Menochet). Tandis que les radiations le contaminent progressivement, une autre forme de chimie (ou d’alchimie), l’irradie, puisqu’il tombe amoureux de Karole. Chaque jour, la menace, de la mort et de la découverte de cette liaison, planent.

    La première bonne idée du film est de nous faire découvrir cet univers dans lequel des hommes côtoient le danger et la mort chaque jour, dans des conditions terrifiantes que Rebecca Zlotowski parvient parfaitement à transcrire notamment par un habile travail sur le son, des bruits métalliques, assourdissants qui nous font presque ressentir les vibrations du danger. A l’image d’un cœur qui battrait trop fort comme celui  de Gary pour Karole.  J’ignore ce qui est réel dans sa retranscription des conditions de vie des employés de la centrale nucléaire tant elles paraissent iniques et inhumaines mais j’imagine qu’elles sont tristement réelles puisque  Claude Dubout, un ouvrier qui avait écrit un récit autobiographique, « Je suis décontamineur dans le nucléaire », a été le conseiller technique du  film. Le film a par ailleurs été tourné dans une centrale nucléaire jamais utilisée, en Autriche, ce qui renforce l’impression de réalisme.

    Ne vous y trompez pas, « Grand Central » n’est néanmoins pas un documentaire sur les centrales nucléaires. C’est aussi et avant tout une histoire d’amour, de désirs dont la force est renforcée par la proximité d’un double danger. C’est un film sensuel, presque animal qui pratique une économie de dialogues et qui repose sur de beaux parallèles et contrastes. Parallèle entre l’amour de Gary pour Karole  qui se laisse irradier par elle et pour rester auprès d’elle. Parallèle entre le sentiment amoureux, presque violent, impérieux, qui envahit lentement et irrémédiablement celui qui l’éprouve comme la centrale qui contamine. Parallèle entre les effets du désir amoureux et les effets de la centrale : cette dose qui provoque « la peur, l’inquiétude », les jambes « qui tremblent », la « vue brouillée » comme le souligne Karole. Parallèle entre ces deux dangers que Gary défie, finalement malgré lui. Contraste entre cette centrale clinique, carcérale, bruyante et la nature dans laquelle s’aiment Gary et Karole et que Rebecca Zlotowski filme comme une sorte d’Eden, ou comme dans « Une partie de campagne » de Renoir, même si elle n’élude rien des difficiles conditions de vie des ces ouvriers/héros qui habitent dans des mobile-homes près des centrales, telle une Ken Loach française.

    Rebecca Zlotowski dresse le portrait de beaux personnages incarnés par d’excellents comédiens ici tout en force et sensualité au premier rang desquels Tahar Rahim, encore une fois d’une justesse irréprochable, Denis Menochet, bourru, clairvoyant et attendrissant, un beau personnage qui échappe au manichéisme auquel sa position dans le film aurait pu le réduire, ou encore Olivier Gourmet ou Johan Libéreau (trop rare).

    Encore un film dont je vous reparlerai qui à la fois nous emporte par la beauté de ses personnages, leur rudesse tendre, la radieuse force des sentiments (amitié, amour) qui les unit … et qui nous glace d’effroi en nous montrant les conditions de travail de ceux qui risquent chaque jour leur vie dans l’une de ces 19 centrales françaises.

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  • CRITIQUE de ALL IS LOST de J.C Chandor avec Robert Redford

    Retrouvez, ci-dessous, mon article publié suite à la projection cannoise de "All is lot" avec, également, mon compte-rendu de la conférence de presse cannoise du film.

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    A l’image de la météo, pour le moins capricieuse cette année sur la Croisette, avec un ciel particulièrement changeant, passant du soleil à l’orage, avec une brusquerie parfois perturbante, mes journées se (dé)composent de films et d’évènements qui me font passer par une myriade d’émotions en un temps record, d’où la nécessité  de  prendre du recul sur cette tornade émotionnelle et de vous livrer mes comptes-rendus avec parcimonie (mais un long compte-rendu post Cannes sera bien entendu publié comme chaque année) au-delà du fait que mes journées sont bien remplies.

    Cela tombe bien, le film évènement d’hier nous embarquait justement au cœur d’une tempête. Je parle bien évidemment de  « All is lost », deuxième film du réalisateur J.C Chandor après « Margin Call » avec un unique interprète, Robert Redford, dont la mythique présence a hier illuminé la Croisette où il est trop rarement venu (Ryan Gosling qui incarnait le personnage principal de « Only god forgives », hier en compétition, a en revanche brillé par son absence, pour cause de réalisation de son propre film). Robert Redford est un des deux acteurs, dont les films comme « Les 3 jours du Condor », « Out of Africa », « Jeremiah Johnson » et bien sûr « Gatsby » sont à l’origine de ma passion pour le septième art. Le deuxième acteur qui a fortement contribué à cette passion sera d’ailleurs également  à Cannes samedi près avoir illuminé de sa charismatique présence tant de chefs d’œuvre : « Le Guépard », « Le Samouraï », « La Piscine », « Plein soleil » (projeté en version restaurée dans le cadre de Cannes Classics cette année), « Monsieur Klein », « Le Cercle rouge »…

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     Je vous parlais avant-hier de contrastes à propos du film de Rebecca Zlotowski,  mes journées cannoises en sont ainsi jalonnées : entre des moments hors du temps à vivre, parler, rêver, cinéma, avec des amis ou même des inconnus dans les files d’attente, à croiser quelques ombres furtives du passé,  et d’autres qui me font sentir comme Gatsby sur son ponton, comme détachée de cette fête continuelle, éblouissante et assourdissante, perdue dans la mélancolie de mes pensées, repensant à cette phrase de Balzac « Beaucoup d’hommes ont un orgueil qui les pousse à cacher leurs combats et à ne se montrer que victorieux » que j’ai mise en exergue des « Orgueilleux », me disant que je pouvais difficilement choisir  un autre titre que « Les Orgueilleux » pour un roman se déroulant dans un festival de cinéma, me disant que je recommence à digresser  alors que je dois/veux vous parler de « All is lost ». Contraste entre ces films qui vous parlent souvent de l’essentiel et la superficialité, tantôt salutaire, tantôt exaspérante, de la Croisette. Contraste, surtout, entre le vacarme, la foule et le silence, la solitude de « All is lost ».

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    J’ai donc commencé cette journée par la conférence de presse de "All is lost", en présence de J.C Chandor et de Robert Redford, attristée tout d’abord de voir que la foule des grands jours n’était pas au rendez-vous ( la presse est sans doute versatile ou amnésique), rassurée de voir que la simple apparition de Robert Redford sur le tapis rouge retransmise dans le Grand Théâtre Lumière lors de la projection officielle le soir a suscité des applaudissements effrénés

    Lors de cette conférence, Robert Redford, a notamment parlé, avec autodérision et simplicité,  de son amour de la nature et de son inquiétude pour celle-ci, rappelant son engagement en faveur de l'environnement qu’il juge dans une  situation "carrément catastrophique, désastreuse". "A mon avis, la planète essaie de nous parler", a-t-il ajouté, évoquant "les ouragans, les tremblements de terre et les tornades", deux jours après la tornade dévastatrice de Moore, près d'Oklahoma City. Il a aussi évoqué son envie de continuer  à jouer, de la difficulté de faire des films aujourd’hui. Il a évoqué le défi que représentait ce film pour lui : « C’est un défi qui m’a beaucoup attiré en tant qu’acteur. Je voulais me donner entièrement à un réalisateur ». Il a aussi abordé l’importance du silence « Je crois dans l’intérêt du silence au cinéma. Je crois aussi dans l’intérêt du silence dans la vie car on parle car on parle parfois trop. Si on arrive à faire passer le silence dans une forme artistique, c’est intéressant ». « Ce film est en plein contraste avec la société actuelle. On voit le temps qu’il fait, un bateau et un homme. C’est tout ». « Il y a évidemment des similitudes avec Jeremiah Johnson » a-t-il également répondu.

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    Après la conférence de presse, direction le pavillon américain, invitée par le Festival du Film Merveilleux dont je ferai partie du jury en juin prochain. Alors qu’un ciel bleu étincelant surplombait la Méditerranée, un nuage noir menaçant l’a impitoyablement et progressivement envahi, comme un écho à l’horizon assombri du personnage de « All is lost ». C’est donc à nouveau sous une pluie battante que j’ai monté les marches pour une ascension épique au milieu d’un océan de parapluies.

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    Dans « Jeremiah Johnson » de Sydney Pollack, Robert Redford fuyait les hommes et la civilisation pour les hauteurs sauvages des montagnes Rocheuses. Ici, dans « All is lost », au cours d’un voyage en solitaire dans l’Océan Indien, au large de Sumatra, à son réveil, il découvre que la coque de son voilier a été heurtée et endommagée par un container flottant à la dérive. Privé de sa radio, il doit affronter seul les éléments mais malgré toute sa force, sa détermination, son intelligence, son ingéniosité, il devra bientôt regarder la mort en face. Ici, aussi, c’est finalement la civilisation (incarnée par ce container rouge au milieu de l’horizon bleutée et qui transportait d’ailleurs des chaussures, incarnation de la société de consommation mondialisée ) qui le rattrape (alors que, peut-être, il voulait la fuir, nous ne le saurons jamais…), contraint à se retrouver ainsi « seul au monde », comme dans le film éponyme de Robert Zemeckis avec Tom Hanks, même si je lui préfère, et de loin, ce film de J.C Chandor.

    Pendant 1H45, il est en effet seul. Seul face à la folle et splendide violence des éléments. Seul face à nous. Seul face à lui-même. Seul face à l’Océan Indien à perte de vue. Seul face à la force des éléments et face à ses propres faiblesses. Seul face à la nature. Cela pourrait être ennuyeux…et c’est passionnant, palpitant, terrifiant, sublime, et parfois tout cela à la fois.

    Le seul «dialogue », est en réalité un monologue en ouverture du film, une sorte de testament qui s’écoute comme le roulement poétique, doux et violent, des vagues, et qui place ce qui va suivre sous le sceau de la fatalité : « Ici, tout est perdu, sauf le corps et l’âme ».

    Progressivement il va se voir dépouillé de ce qui constitue ses souvenirs, de tout ce qui constitue une chance de survie : radio, eau... Son monde va se rétrécir. La caméra va parfois l’enfermer dans son cadre renforçant le sentiment de violence implacable du fracas des éléments. Avec lui, impuissants, nous assistons au spectacle effrayant et fascinant du déchainement de la tempête et de ses tentatives pour y survivre et résister.

    Le choix du magnétique Robert Redford dans ce rôle renforce encore la force de la situation. Avec lui c’est toute une mythologie, cinématographique, américaine, qui est malmenée, bousculée, et qui tente de résister envers et contre tout, de trouver une solution jusqu’à l’ultime seconde. Symbole d’une Amérique soumise à des vents contraires, au fracas de la nature et de la réalité, et qui tente de résister, malgré tout.

    La mise en scène et la photographie sobre, soignée, épurée, le montre (et sans le moindre artifice de mise en scène ou flashback comme dans « l’Odyssée de Pi ») tantôt comme une sorte de Dieu/mythe dominant la nature (plusieurs plongées où sa silhouette se détache au milieu du ciel), ou comme un élément infime au milieu de l’Océan. La musique signée Alex Ebert (du groupe Edward Sharpe and the Magnetic Zeros) apporte une force supplémentaire à ces images d’une tristesse et d’une beauté mêlées d’une puissance dévastatrice. Inexistante au début du film, elle prend de l’ampleur a fur et à mesure que la tragédie se rapproche et qu’elle devient inéluctable, sans jamais être trop grandiloquente ou omniprésente.

    Certains plans sont d’une beauté à couper le souffle, comme ces requins en contre-plongée qui semblent danser, le défier et l’accompagner ou comme cette fin qui mélange les éléments, l’eau et le feu, le rêve et la réalité ou encore cette lune braquée sur lui comme un projecteur.

    Comme l’a souligné Robert Redford, il s’agit d’un « film presque existentiel qui laisse la place à l’interprétation du spectateur » et cela fait un bien fou de « regarder quelqu’un penser » pour reprendre les termes du producteur même si cette définition pourrait donner une image statique du film qui se suit au contraire comme un thriller.

    En conférence de presse, Robert Redford avait révélé ne pas avoir vu le film et qu’il allait le découvrir le soir lors de la projection officielle dans le Grand Théâtre Lumière. On imagine aisément son émotion, à l’issue de cette heure quarante. Face à lui-même. Face à cette fable bouleversante d’une beauté crépusculaire

    « All is lost »a été présenté hors compétition. Il aurait indéniablement eu sa place en compétition et peut-être même tout en haut du palmarès

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  • CRITIQUE - THE IMMIGRANT de James Gray

    James Gray, The Immigrant, Marion Cotillard, Festival de Cannes, cinéma, critique

    Dans mon dossier publié dans le magazine des anciens élèves de l'ENA, "L'ENA hors les murs", de juillet/août 2013, à lire en cliquant ici, je vous parlais notamment de "The Immigrant" de James Gray (en salles le 27 nombre 2013), un de mes énormes coups de cœur de cette année cinématographique, le grand oublié du palmarès cannois. Retrouvez ma critique, ci-dessous et en bonus celles de "Two lovers" et "La Nuit nous appartient".

    Projeté en compétition officielle du 66ème Festival de Cannes, The Immigrant de James Gray décidément à l’honneur cette année puisqu’il est aussi le coscénariste de  Blood ties réalisé par Guillaume Canet (également présenté à Cannes) est, seulement, le cinquième long-métrage du cinéaste américain ( après Little Odessa, The Yards, La Nuit nous appartient, Two lovers) et nous avons bien du mal à le croire tant chacun de ses films précédents était déjà maîtrisé, et James Gray comptant, déjà, comme un des plus grands cinéastes américains contemporains. The Immigrant a apparemment déçu bon nombre de ses admirateurs alors que, au contraire, c’est à mon sens son film le plus abouti, derrière son apparente simplicité. Il s’agit en effet de son film le plus sobre, intimiste et épuré mais quelle maîtrise dans cette épure et sobriété!

    On y retrouve les thèmes chers au cinéaste: l’empreinte de la Russie, l’importance du lien fraternel, le pardon mais c’est aussi son film le plus personnel puisque sa famille d’origine russe est arrivée à Ellis Island, où débute l’histoire, en 1923.

     

    L’histoire est centrée sur le personnage féminin d’Ewa interprétée par Marion Cotillard. 1921. Ewa et sa sœur Magda quittent leur Pologne natale pour la terre promise, New York. Arrivées à Ellis Island, Magda, atteinte de tuberculose, est placée en quarantaine et Ewa, seule et désemparée, tombe dans les filets de Bruno, un souteneur sans scrupules. Pour sauver sa sœur, elle est prête à tous les sacrifices et se livre, résignée, à la prostitution.  L’arrivée d’Orlando (Jeremy Renner), illusionniste et cousin de Bruno (Joaquin Phoenix), lui redonne confiance et l'espoir de jours meilleurs. Mais c'est sans compter sur la jalousie de Bruno...

     

    James Gray a écrit le rôle en pensant à Marion Cotillard (très juste et qui aurait mérité un prix d’interprétation) qui ressemble ici à une actrice du temps du cinéma muet, au visage triste et expressif. The Immigrant est ainsi un mélo assumé qui repose sur le sacrifice de son héroïne qui va devoir accomplir un véritable chemin de croix pour (peut-être…) accéder à la liberté et faire libérer sa sœur. Les personnages masculins, les deux cousins ennemis, sont  en arrière-plan, notamment Orlando. Quant à Bruno interprété par l’acteur fétiche de James Gray, Joaquin Phoenix, c’est un personnage complexe et mystérieux qui prendra toute son ampleur au dénouement et montrera aussi à quel point le cinéma de James Gray derrière un apparent manichéisme est particulièrement nuancé et subtil.

     

    Le tout est sublimé par la photographie de Darius Khondji (qui avait d’ailleurs signé la photographie de la palme d’or du Festival de Cannes 2012, Amour de Michael Haneke) grâce à laquelle certains plans sont d’une beauté mystique à couper le souffle.

    James Gray a par ailleurs tourné à Ellis Island, sur les lieux où des millions d’immigrés ont débarqué de 1892 à 1924, leur rendant hommage et, ainsi, à ceux qui se battent, aujourd’hui encore, pour fuir des conditions de vie difficiles, au péril de leur vie. C’est de dos qu’apparaît pour eux la statue de la liberté au début du film. C’est en effet la face sombre de cette liberté qu’ils vont découvrir, James Gray ne nous laissant d’ailleurs presque jamais entrevoir la lumière du jour. Si le film est situé dans les années 1920, il n’en est pas moins intemporel et universel. Une universalité et intemporalité qui, en plus de ses très nombreuses qualités visuelles, ne lui ont pas permis de figurer au palmarès cannois auquel il aurait mérité d’accéder.

    Tout comme dans La Nuit nous appartient qui en apparence opposait les bons et les méchants, l’ordre et le désordre, la loi et l’illégalité, et semblait au départ très manichéen, dans lequel le personnage principal était écartelé,  allait évoluer,  passer de l’ombre à la lumière, ou plutôt d’un univers obscur où régnait la lumière à un univers normalement plus lumineux dominé par des couleurs sombres, ici aussi le personnage de Bruno au cœur qui a « le goût du poison », incarne toute cette complexité, et le film baigné principalement dans des couleurs sombres, ira vers la lumière. Un plan, magistral, qui montre son visage à demi dans la pénombre sur laquelle la lumière l’emporte peu à peu, tandis qu’Ewa se confesse, est ici aussi prémonitoire de l’évolution du personnage. L’intérêt de Two lovers  provenait avant tout des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses. C’est aussi le cas ici même si le thème du film et la photographie apportent encore une dimension supplémentaire. James Gray s’est inspiré des photos « quadrichromes » du début du XXe  siècle, des tableaux qui mettent en scène le monde interlope des théâtres de variétés de Manhattan. Il cite aussi comme référence Le Journal d’un curé de campagne, de Robert Bresson.

     

    James Gray parvient, comme avec Two lovers, à faire d’une histoire a priori simple un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante et lancinante qui nous envahit peu à peu et dont la force ravageuse explose au dernier plan et qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin. Longtemps après, en effet, j’ai été  éblouie par la noirceur de ce film, une noirceur de laquelle émerge une lueur de clarté sublimée par une admirable simplicité et maitrise des contrastes sans parler du dernier plan, somptueux, qui résume toute la richesse et la dualité du cinéma de James Gray et de ce film en particulier.

    Critique de TWO LOVERS de James Gray

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     Direction New York, ville fétiche du cinéma de James Gray, où, après avoir tenté de se suicider,  un homme hésite entre suivre son destin et épouser la femme que ses parents ont choisie pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, belle, fragile et inconstante, dont il est tombé éperdument amoureux, un amour dévastateur et irrépressible.

    L’intérêt de « Two lovers » provient avant tout des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses. Si James Gray est avant tout associé au polar, il règne ici une atmosphère de film noir et une tension palpable liée au désir qui s’empare du personnage principal magistralement interprété par Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, fiévreux, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble  crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente.

    Ce dernier interprète le personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (à travers le regard duquel nous suivons l’histoire : il ne quitte jamais l’écran), un homme, atteint d'un trouble bipolaire (mais ce n'est pas là le sujet du film, juste là pour témoigner de sa fragilité) qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes : Michelle, sa nouvelle voisine incarnée par Gwyneth Paltrow, et Sandra, la fille d’amis de ses parents campée par l’actrice Vinessa Shaw. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard va balancer…

    Il éprouve ainsi un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Ces « Two lovers » comme le titre nous l’annonce et le revendique d’emblée ausculte  la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’acceptent pas les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister, de ne pas trouver « la mélodie du bonheur ».

    Par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, James Gray  dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne ( plan de Michelle derrière des barreaux de son appartement, les appartements de Leonard et Michelle donnant sur la même cour rappelant ainsi « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock de même que la blondeur toute hitchcockienne de Michelle), et qui exalte et détruit.

    James Gray a délibérément choisi une réalisation élégamment discrète et maîtrisée et un scénario pudique et  la magnifique photographie crépusculaire de Joaquin Baca-Asay qui procurent des accents lyriques à cette histoire qui aurait pu être banale,  mais dont il met ainsi en valeur les personnages d’une complexité, d’une richesse, d’une humanité bouleversantes.  James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages (Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père etc).

     Un film d’une tendre cruauté, d’une amère beauté, et parfois même d'une drôlerie désenchantée,  un thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Irrépressiblement. Ajoutez à cela la bo entre jazz et opéra ( même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, « Una furtiva lagrima » que dans  le chef d’œuvre de Woody Allen « Match point » dans lequel on retrouve la même élégance dans la mise en scène et la même "opposition" entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski… : les ressemblances entre les deux films sont trop nombreuses pour être le fruit du hasard ), et James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin. Trois ans après sa sortie : d’ores et déjà un classique du cinéma romantique.

     

    Critique de LA NUIT NOUS APPARTIENT de James Gray

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    La nuit nous appartient. Voilà un titre très à-propos pour un film projeté en compétition officielle au Festival de Cannes.  Cannes : là où les nuits semblent ne jamais vouloir finir, là où les nuits sont aussi belles et plus tonitruantes que les jours et là où les nuits  s’égarent, délicieusement ou douloureusement, dans une profusion de bruits assourdissants, de lumières éblouissantes, de rumeurs incessantes. Parmi ces rumeurs certaines devaient bien  concerner ce film de James Gray et lui attribuer virtuellement plusieurs récompenses qu’il aurait amplement méritées (scénario, interprétation, mise en scène...) au même titre que « My blueberry nights », mon grand favori, ou plutôt un autre de mes grands favoris du festival, l’un et l’autre sont pourtant repartis sans obtenir la moindre récompense…

    Ce titre poétique (« We own the night » en vo, ça sonne encore mieux en Anglais non ?)  a pourtant une source plus prosaïque qu’il ne le laisserait entendre puisque c’est la devise de l’unité criminelle de la police de New York chargée des crimes sur la voie publique. Ce n’est pas un hasard puisque, dans ce troisième film de James Gray ( « The Yards » son précèdent film avait déjà été projeté en compétition au Festival de Cannes 2000)  qui se déroule à New York, à la fin des années 80,  la police en est un personnage à part entière.  C’est le lien qui désunit puis réunit trois membres d’une même famille :  Bobby Green (Joaquin Phoenix), patron d’une boîte de nuit appartenant à des Russes, à qui la nuit appartient aussi, surtout,  et qui représentent pour lui une deuxième et vraie famille qui ignore tout de la première, celle du sang, celle de la police puisque son père Burt (Robert Duvall) et son frère Joseph (Mark Walhberg) en sont tous deux des membres respectés et même exemplaires. Seule sa petite amie Amada (Eva Mendes), une sud américaine d’une force fragile,  vulgaire et touchante, est au courant. Un trafic de drogue  oriente la police vers la boîte détenue par Bob, lequel va devoir faire un choix cornélien : sa famille d’adoption ou sa famille de sang, trahir la première  en les dénonçant et espionnant ou trahir la seconde en se taisant ou en consentant tacitement à leurs trafics. Mais lorsque son frère Joseph échappe de justesse à une tentative d’assassinat orchestrée par les Russes, le choix s’impose comme une évidence, une nécessité, la voie de la rédemption pour Bobby alors rongé par la culpabilité.

    Le film commence vraiment dans la boîte de nuit de Bobby, là où il est filmé comme un dieu, dominant et regardant l’assemblée en plongée, colorée, bruyante, gesticulante, là où il est un dieu, un dieu de la nuit. Un peu plus tard, il se rend à la remise de médaille à son père, au milieu de la police de New York, là où ce dernier et son frère sont des dieux à leur tour, là où il est méprisé,  considéré comme la honte de la famille, là où son frère en est la fierté, laquelle fierté se reflète dans le regard de leur père alors que Bobby n’y lit que du mépris à son égard. C’est avec cette même fierté que le « parrain » (les similitudes sont nombreuses avec le film éponyme ou en tout cas entre les deux mafias et notamment dans le rapport à la famille) de la mafia russe, son père d’adoption, regarde et s’adresse à Bobby. Le  décor est planté : celui d’un New York dichotomique, mais plongé dans la même nuit opaque et pluvieuse, qu’elle soit grisâtre ou colorée. Les bases de la tragédie grecque et shakespearienne, rien que ça, sont aussi plantées et même assumées voire revendiquées par le cinéaste, de même que son aspect mélodramatique (le seul bémol serait d’ailleurs les mots que les deux frères s’adressent lors de la dernière scène, là où des regards auraient pu suffire...)

    Les bons et les méchants.  L’ordre et le désordre. La loi et l’illégalité. C’est très manichéen  me direz-vous. Oui et non. Oui, parce que ce manichéisme participe de la structure du film et du plaisir du spectateur. Non, parce que Bobby va être écartelé,  va évoluer,  va passer de l’ombre à la lumière, ou plutôt d’un univers obscur où régnait la lumière à un univers normalement plus lumineux dominé par des couleurs sombres. Il va passer d’un univers où la nuit lui appartenait à un autre où il aura tout à prouver. Une nuit où la tension est constante, du début et la fin, une nuit où nous sommes entraînés, immergés dans cette noirceur à la fois terrifiante et sublime, oubliant à notre tour que la lumière reviendra un jour, encerclés par cette nuit insoluble et palpitante, guidés par le regard lunatique (fier puis désarçonné, puis déterminé puis dévasté de Joaquin Phoenix, magistral écorché vif, dont le jeu est d’ailleurs un élément essentiel de l’atmosphère claustrophobique du film). James Gray a signé là un film d’une intensité dramatique rare qui culmine lors d’une course poursuite d’anthologie, sous une pluie anxiogène  qui tombe impitoyablement, menace divine et symbolique d’un film qui raconte aussi l’histoire d’une faute et d’une rédemption et donc non dénué de références bibliques. La scène du laboratoire (que je vous laisse découvrir) où notre souffle est suspendu à la respiration haletante et au regard de Bob est aussi d’une intensité dramatique remarquable.

     « La nuit nous appartient », davantage qu’un film manichéen est donc un film poignant constitué de parallèles et de contrastes (entre les deux familles, entre l’austérité de la police et l’opulence des Russes,-le personnage d’Amada aussi écartelé est d’ailleurs une sorte d’être hybride, entre les deux univers, dont les formes voluptueuses rappellent l’un, dont la mélancolie rappelle l’autre- entre la scène du début et celle de la fin dont le contraste témoigne de la quête identitaire et de l’évolution, pour ne pas dire du changement radical mais intelligemment argumenté tout au long du film, de Bob) savamment dosés, même si la nuit brouille les repères, donne des reflets changeants aux attitudes et aux visages.  Un film noir sur lequel plane la fatalité :  fatalité du destin, femme fatale, ambiance pluvieuse. James Gray dissèque aussi les liens familiaux, plus forts que tout : la mort, la morale, le destin, la loi.

     Un film lyrique et parfois poétique, aussi : lorsque Eva Mendes déambule nonchalamment dans les brumes de fumées de cigarette dans un ralenti langoureux, on se dit que Wong Kar-Wai n’est pas si loin... même si ici les nuits ne sont pas couleur myrtille mais bleutées et grisâtres. La brume d’une des scènes finales rappellera d’ailleurs cette brume artificielle comme un écho à la fois ironique et tragique du destin.

     C’est épuisés que nous ressortons de cette tragédie, heureux de retrouver la lumière du jour, sublimée par cette plongée nocturne. « La nuit nous appartient » ne fait pas  partie de ces films que vous oubliez sitôt le générique de fin passé (comme celui que je viens de voir dont je tairai le nom) mais au contraire de ces films qui vous hantent, dont les lumières crépusculaires ne parviennent pas à être effacées par les lumières éblouissantes et incontestables, de la Croisette ou d’ailleurs…

     

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