Sans commentaires: réminiscences...
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Voilà bientôt trois décennies que Jack Lang a eu la bonne idée de créer la fête de la musique... même si en certains endroits cela se transforme en cacophonie assourdissante, c'est aussi l'occasion d'enrichir sa culture musicale. Si, si, je vous le dis... J'aime plutôt ce chanteur-ci, celui-là, ou encore celui-là et quelques autres... bref la musique électronique n'est pas vraiment celle que je connais le mieux alors quand on m'a transmis l'invitation ci-dessous, je me suis dit pourquoi pas effectuer cette immersion dans l'univers de la chanson à textes histoire d'enrichir ma culture musicale et de satisfaire mon insatiable curiosité...
C'était hier soir l'avant-dernier concert d'Etienne Daho à l'Olympia pour "Obsession tour", avant la suite de sa tournée. Récit d'un concert élégant et sensuel, fiévreux et électrique, poétique et magnétique: inoubliable...
C’était un samedi soir sur la terre comme le chante Cabrel. Un samedi soir Boulevard des Capucines, à l’Olympia. Un soir de juin. Hier soir. Il pleuvait tristement, inlassablement.
C’était il y a 9 ans, quatre jours d'octobre, j’avais été sélectionnée sur lettre sur le cinéma Britannique pour intégrer le jury du Festival du Film Britannique de Dinard 1999 dont Etienne Daho était également membre se distinguant par une discrétion, une affabilité et une sensibilité, rares et émouvantes. J’ai ensuite commencé à écouter sa musique que je connaissais si peu, à vraiment l’écouter, à l'apprécier vraiment aussi.
« Il n’est pas de hasard, il est des rendez-vous. Pas de coïncidence. », chante-t-il dans « Ouverture » de son album Corps et Armes, véritable ode au public et allégorie amoureuse, dont il a dit hier soir que c’était sa chanson préférée, lui rendant subtilement hommage. Non, il n’est pas de hasard, il est des rendez-vous. Pas de coïncidence. Et sans ce rendez-vous du destin à Dinard, probablement ne serais-je jamais allée à l’Olympia hier soir, ni il y a quelques années lors de son précédent passage dans la mythique salle du Boulevard des Capucines, ni à Rennes lorsque j’y étudiais encore, la ville de ses débuts.
Alors, certes il pleuvait tristement et inlassablement mais quand je suis entrée dans les couloirs solennels de l’Olympia, noirs et rouges, couleurs d’une sobriété mystérieuse et passionnée, c’était déjà une promesse paradoxale d’une obscurité lumineuse et ensoleillée, à l’image de ce concert et de son interprète.
L’embellie a commencé avec les « Ukulélé girls » qui assuraient (oui, elles assuraient) sa première partie, un groupe de quatre filles qui revisitent la musique pop au Ukulélé et avec une belle allégresse et originalité comme avec cette reprise réussie de « Gangsta Paradise » de Coolio (www.myspace.com/ukulelegirls ).
Puis la lumière s’est rallumée, la tension est montée d’un cran. J’ai constaté qu’un certain nombre de spectateurs arrivaient pendant voire après la première partie (messieurs de l’Olympia si vous pouviez bloquer l’accès lorsque débute la première partie par respect pour vos artistes ! Et aussi éviter la vente de pop corn qui donne un air vulgaire de multiplexe à ce lieu pourtant mythique). L’arrivée incongrue d’une Ministre a bien échauffé quelques esprits (non je ne répéterai ni ce que j’ai entendu ni le nom de la Ministre, ni qu’elle a dû manquer une bonne partie du concert, assise le plus souvent alors que la salle était debout, se disant sans doute que c’était plus seyant-adjectif utilisé à dessein la concernant- avec son poste, non, non, je ne dirai rien de tout cela), de même qu'une actrice (dont je tairai aussi le nom :-)), discutant debout pendant que les Ukulélé girls chantaient et qui s’est vue interpellée par un spectateur d’un très subtile et plein d’aigreur gratuite « vous les vip déjà que vous payez pas asseyez-vous » auquel elle a aussi subtilement répondu « ce n’est pas encore commencé » , mais quand la salle s’est obscurcie à nouveau, quand Etienne Daho a entonné les premières notes de « L’invitation » (Victoire de la musique 2008 du meilleur album pop rock), alors plus rien d’autre n’existait et la foule s’est unanimement levée, galvanisée déjà.
Il est apparu sur scène juste vêtu d’un costume noir à même la peau, à la fois à fleur de peau et à nu, dans tous les sens du terme, ainsi aussi vêtu de mystère magnétique. Je crois, je suis certaine même, de ne jamais avoir assisté à un concert où l’atmosphère, dès les premières notes, était aussi électrique et festive. Ses premiers mots ont été de dire que nous « ferions la fête ensemble », « ce soir un peu spécial » incluant immédiatement le public, pourtant déjà conquis.
Enfiévré, s’épongeant régulièrement et langoureusement le front, dansant tout aussi langoureusement, d’une élégance sensuelle, d’une passion communicative, il a ensuite alterné entre morceaux de son dernier album « L’invitation » et titres plus anciens sans que jamais cette énergie électrique ne quitte la scène ni la salle. De son adaptation du poème de Genet « Le condamné à mort » dans la chanson « Sur le cou », poème « sulfureux et poignant » comme il l’a décrit, à l’image de ce concert, à « Paris, Le Flore » extrait du mythique album « Pop Satori » dit fondateur de la Pop française aux « Heures hindoues » en passant par « Mon manège à moi » reprise d’Edith Piaf ou par le charnel et poétique « Les Fleurs de l’ interdit » inspiré de ses trépidantes nuits sans fin à Barcelone. (« La notte, la notte » qu’il évoque d’ailleurs souvent nous entraînant en mots et musiques enivrantes dans ses dérives salutaires.) Et même s’il dit que « La chanson est le seul langage qu’il maîtrise », d’ailleurs magnifiquement, il était hier soir plutôt bavard, poétiquement drôle et drôlement poétique.
Bien sûr quand il a chanté « Boulevard des Capucines », une chanson sur le pardon inspirée d’une lettre que lui a écrite son père peu de temps avant sa mort, une émotion silencieuse et palpable s’est emparée de la salle du Boulevard des Capucines, étrange résonance entre les mots chantés et la réalité. Il a eu la pudeur d’insérer cette chanson entre deux autres, de ne rien en dire, évidemment tout était dit…
Le concert s’est achevé par « Cap Falcon » qui évoque cet endroit à 20 kilomètres d’Oran, en Algérie, où il a passé ses premières années, un endroit auquel « il pensait particulièrement ces derniers jours » parce qu’ils y avaient pour voisin un certain Yves Saint-Laurent…
Daho sait écrire et interpréter la passion avec une intensité rare dont semblait vibrer toute la salle de l’Olympia hier soir, une intensité qui sait vous donner viscéralement ce sentiment qu’aujourd’hui est « le premier jour du reste de [notre] vie » et que nous « aurons toute la mort pour vivre avec des remords, des regrets », sublime « étreinte de la liberté ».
Sur scène et en chanson (dans « Un air étrange ») il sait faire rimer et danser « cimes » et « abîme », en un tango rock périlleusement passionnel, il vacille (et emploie d’ailleurs souvent ce mot) et sait nous faire vaciller. Le trio de cordes et "les sanglots longs des violons", la sobriété scénique, accroissaient encore la mélancolie joyeuse et poétique de cet instant dont on aurait aimé qu’il dure encore plus longtemps malgré ses plus de deux heures sur scène.
C’est seul et à genoux qu’il a achevé ce concert. Nous aussi. A genoux. D’émotion. De gratitude. Puis il est réapparu, un court instant, seul devant le rideau rouge. Discret, presque effacé (j’ai repensé à Dinard, que talent et discrétion démesurés riment si bien ensemble), ému surtout sans doute. Puis la lumière s’est rallumée, violemment. Dénouement abrupte après ce spectacle tumultueux et inoubliable, fiévreux, intensément vivant, nous donnant aussi, encore plus, l’inestimable sentiment de l’être : un « brasier » incandescent.
Non, décidément, il n’est pas de hasard, il est des rendez-vous. Pas de coïncidence. C'était un samedi soir pluvieusement ensoleillé sur la terre, une irrésistible "invitation" "Boulevard des Capucines"...
Dehors, quand j’ai laissé derrière moi ce Boulevard des Capucines avec son « nom qui tout là haut scintille » peut-être pleuvait-il encore. Je l’ignore. Je n’avais qu’un sentiment, celui qu’ « Il est des rendez-vous,
Pas de coïncidence,
Allez vers son destin,
L'amour au creux des mains,
La démarche paisible,
Porter au fond de soi,
L'intuition qui flamboie,
L'aventure belle et pure,
Celle qui nous révèle,
Superbes et enfantins,
Au plus profond de l'âme.
Portée par l'allégresse,
Et la douceur de vivre,
De l'été qui commence,
La rumeur de Paris,
Comme une symphonie,
Comme la mer qui balance. »*
Il reste peut-être encore quelques places pour le concert de ce soir, à 18H, à l’Olympia, le dernier concert exceptionnel de cette tournée « Obsession Tour » dans la salle du Boulevard des Capucines, c’est ici : http://www.olympiahall.com/web/spectacles.asp . Je vous le recommande, sans la moindre réserve. Il est impossible que vous le regrettiez. Pour les renseignements sur les dates de la tournée qui continue ensuite, je vous renvoie au site officiel : http://www.etiennedaho.com .
*Extrait de l'" Ouverture" de l'allbum Corps et Armes d'Etienne Daho.
Un soir de 29 novembre à La Cigale
C’était un soir de novembre à la Cigale,
D’ailleurs cela a commencé par leurs voix si musicales
Avec aussi le charme suranné d’images un peu jaunies
Sur un rideau blanc quand même un peu décrépi
Puis, l’un s’évanouit, l’autre apparut à nos yeux attendris, tout ouïe aussi
Dans une salle qui aurait pu être de Chatenay Malabry
Ou recevoir l’archevêque de Canterbury
Mais c’était dans mon impitoyablement belle ville de Paris
Là où le faux pas n’est pas permis
Où, pour presque rien,
Cela peut s’achever en dénouement shakespearien
Et puis des piqûres d’araignées
Au doux présent nous ont ramenés
A la poésie d’une époque un peu désenchantée
Alors, son regard aiguisé il a baladé
Avec son allure élégamment dégingandée
Sur son époque passée enchantée
Qu’il sait si joliment nous faire partager, regretter
Sur son époque actuelle
Sur laquelle il pose et ose son regard faussement cruel
Avec sa voix devenue mélodieuse
Sublimée par les notes de son piano, langoureuses
Comme de belles et filmiques histoires
Qu’il conterait à d’éternels enfants dans le noir
Toujours l’ironie au bord des lèvres
La pudeur de celui qui ne renonce pas aux rêves
Qui sait que l’enfance est à jamais révolue
Celle qui ne l’a jamais autant ému
Qu’il nous appartient d’en garder toujours la folie
De la raviver par notre goût immodéré d’envies, en vie,
Qui cache sa nostalgie derrière une douce ironie
Raillant Renaud, les capricornes, les koalas, juste la vie, surtout lui
Hitchcock Truffaut les entretiens
Ca aussi, nous avons en commun
Cela ressemblait à un film de Fellini
Avec lui, nous sommes allés en Italie
Cela ressemblait à du Woody Allen
L’humour pour si bien cacher ses peines
Cela ressemblait à du Chaplin, simplement finalement à Delerm
Qui, de sa plume, a capturé les plaies des temps modernes
Empreint de toute la nostalgie de Truffaut
Cela ressemblait à un film avec Jean-Pierre Léaud
Qui se regarde et s’écoute comme un film d’antan
Aussi captivant que la voix suave de Fanny Ardant
On aurait dit ce film avec Charles Denner
Dont il aurait pu composer l’air
Cela ressemblait à du cinéma
Il devrait passer derrière la caméra
Et puis son air quelque peu distant
Peut-être intimidé par la présence de son Philippe de parent
Ou simplement l’humilité maladroite du talent
Lecteurs du Figaro Madame ou de Libé
A sa place le public l’a trop timidement entonné
Par des diapos pourtant bien aidé
Pour, avec lui, se retrouver en natation synchronisée
Il a pourtant finalement si bien su l’envoûter, l’électriser
Malgré l’air un peu blasé
De certains Parisiens bobos par Renaud raillés
Ou de provinciaux qui ont Sardou manqué
Et se sont à La Cigale égarés
Disant Delerm c’est bien mais faut aimer Delerm
A moins qu’ils n’aient eu la déveine
De dîner auparavant avec Anita Pettersen
Réveillés quand même par le duo avec Fersen
Qui nous a entraînés dans sa rengaine
La salle a enfin trouvé son entrain
Enchaînant les rappels, tapant dans les mains
Pour oublier le petit matin, en vain
Car, forcément, il succèderait, chagrin
A ce soir qu’on aurait cru sans lendemain
J’aurais aimé faire la peau
Aux maudits qui remettaient trop tôt leurs manteaux
Avant même le rideau, le dernier écho
Habitués à zapper, passer, décrier, éluder
Prisonniers encore de leurs piètres et opiniâtres réalités
Si pressés toujours de la retrouver
Métro Boulot Dodo
Finalement des amateurs égarés de la dame au chapeau
Surtout ne pas rater le dernier métro
Finalement d’autres admirateurs de Truffaut
Pourtant le repos arrive bien assez tôt
Pour se priver de celui des maux
Engloutis dans cette avalanche de jolies nostalgies
Pas seulement de Chatenay Malabry
Déjà, encore, j’étais ailleurs, sur le quai des Grands Augustins,
Avec peut-être un livre de Modiano à la main
Et tant de rêves dans ma tête
Qui plus que jamais chantaient à tue-tête
Quelque chose comme un air de fête
Et puis, il le fallait alors je suis sortie
Avec une image improbable de mariachis
Enveloppée aussi d’un voile d’une réconfortante mélancolie
Suscitée par son enchanteresse poésie
Moi et mes rêves à la folie
Qui crois aux quatrièmes de couverture
Qui peuvent effacer toutes les blessures
Qui sais les soirs d’été à Ambroise Paré
Mais aussi que tout peut en un jour changer, révéler, réveiller
Ignorant la chaleur ou le froid ou la pluie
Ignorant si j’étais à Paris ou Chatenay Malabry
En rentrant, j’ai admiré plus que jamais l'incomparable charme germanopratin
Tiens, tiens le quai des Grands Augustins
Après être passée devant le Carrousel illuminé
De son incomparable beauté auréolé
Comme une chanson de Delerm un soir d’été
Insatiable esthète acharnée
Si seulement c’était un métier
Je dois avouer avoir quelques chansons absentes regretté
Ainsi, j’aurais aimé savourer sa délicieuse heure du thé
Entendre la voix de Jean-Louis
Voir le visage de Fanny, aussi
C’était un soir à La Cigale
Avec celui que j’ai découvert par son imitateur intarissable
Dans le Deauville de Trintignant, subrepticement ensorcelant
Celui qui n’est jamais décevant
Le mien celui qui suspend le vol du temps,
Je vous écris dans le silence qui s’installe
Le silence lénifiant après un doux soir à la Cigale,
Dé(i)fiant le temps, la réalité, l’ennui
Un moment de poésie, un beau moment de vie, de nostalgie, de mélancolie, de rêveries
Juste envie de dire merci. Allez-y. Courrez-y.
Malgré la ville normale
Malgré les voitures banales
Il y aura toujours le chant des cigales
C’était juste et tellement un soir de novembre inoubliable à La Cigale
Vincent Delerm est à La Cigale, à Paris, du 21 novembre au 9 décembre 2006, tous les soirs, à 20H (29,70 euros la place) et sera ensuite en tournée dans toute la France.
Renseignements et réservations sur http://www.lacigale.fr
Site officiel de Vincent Delerm
Blog consacré à Vincent Delerm
Sandra.M