Critique « Il reste du jambon ? » d’Anne de Petrini : aussi subtil que son titre…
Quelqu’un pourra-t-il dire un jour aux anciens chroniqueurs télévisés qui, en mal d’activités et/ou de psy, se lancent dans le 7ème art, que faire un film ne consiste pas à placer une caméra n’importe où pour filmer une suite de sketchs ? Merci. Tel semble être le cas d’Anne de Petrini qui s’est inspirée de sa vie commune avec Ramzy Bedia pour écrire et réaliser son premier long-métrage répondant au doux et subtil nom de « Il reste du jambon ? »(dont vous remarquerez la forme interrogative, dont la réponse est sans doute censée susciter un suspense insoutenable.), en réalité censé symboliser leurs différences.
Résumons : Justine Lacroix (Anne Marivin), journaliste d’une obscure chaîne de télévision est cantonnée à la tout aussi obscure rubrique des chiens écrasés, lesquels chiens seront d’ailleurs à l’origine de sa rencontre avec le séduisant chirurgien urgentiste, Djalil Boudaoud (Ramzy Bédia) devant lequel elle se retrouve après avoir goûté à des croquettes pour chiens ET pour hommes. Comme c’est le coup de foudre, ils s’installent rapidement ensemble et c’est là que les ennuis sont censés commencer…
Rarement un film aura aligné autant de clichés, aura autant et si mal cherché à singer les comédies romantiques américaines et aura eu une photographie aussi laide… Justine a donc des parents bourgeois et racistes qui parlent de « ces gens-là », achètent de la musique berbère quand ils apprennent qu’ils vont avoir un gendre d’origine algérienne, parlent de « races » (mais Justine précise au passage gentiment( ?!) à sa mère que « les races ça n’existe pas » au cas où le spectateur serait lui aussi raciste et/ou inculte), et ont l’impression de partir à l’aventure quand ils vont à Marrakech. Précisons que les parents sont incarnés par Marie-France Pisier et Jean-Luc Bideau dont on se demande ce qu’ils sont allés faire dans cette galère. De l’autre, Djalil a des parents algériens dont la mère prend des cours… à l’école primaire, rejette Justine parce qu’elle est blanche mais l’accepte finalement parce qu’elle a du caractère. Djalil, quant à lui, empêche sa sœur d’assister à une fête familiale et la traite de « pute » parce qu’elle a eu un enfant avec un Français blanc.
Anne de Petrini aurait pu se rattraper en parlant de l’univers qu’elle connaît, c’est-à-dire celui de la télévision, mais entre un rédacteur en chef pleutre, survolté, suffisant et la bimbo de service, on n’échappe pas là non plus aux clichés. Je passe sur les blagues assez consternantes comme « le Coran alternatif » (avec une panne de courant nullement là pour faire avancer l’intrigue mais uniquement pour placer cette vanne comme elle aurait été plaquée dans une chronique télé).
Tout juste le jeu juste d’Anne Marivin, Fellag, Biyouna et des actrices principales de « Tout ce qui brille » Géraldine Nakache et Leila Bekhti sauve-t-il le film du naufrage…mais pas du titre de plus mauvais film de l’année, malgré la bonne volonté d’appel (manqué) à la tolérance. Ce film aura par ailleurs le mérite de donner à Ramzy un vrai rôle, et de montrer qu’il peut jouer lui aussi particulièrement juste lorsqu’il sort de son personnage décalé en duo avec son comparse Eric.
Bref, n’y allez pas, et revoyez plutôt, sur un sujet similaire, et traité avec beaucoup plus de subtilité «Mauvaise foi » de Roschdy Zem ou allez voir "The American", à l'affiche cette semaine.
Terminons par une citation d’Anne De Petrini qui en dit long sur sa modestie et connaissance de l’univers cinématographique : "J’avais écrit ce scénario pour le Festival de Cannes. Très naïvement, je pensais : Je vais arriver et puis je vais le vendre, mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça. » Sans commentaires.
ps: Le générique est très bien.