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CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE(2004 à 2007) - Page 3

  • "Un secret" de Claude Miller: le vibrant écho du passé

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     Un petit garçon malingre, François,  voit indistinctement son image à travers un miroir tacheté de noir. Ce premier plan en dit déjà tellement… Puis, ce petit garçon, à travers son regard d’adulte, (interprété par Mathieu Amalric) nous raconte
    son histoire et celle de ses parents, Maxime (Patrick Bruel) et Tania (Cécile de France), l’histoire qu’il a apprise de la bouche de Louise (Julie Depardieu), la voisine et amie : l’histoire d’un secret.

    Dans un des plans suivants, le même petit garçon marche à côté de sa mère Tania, Tania dont on ne voit d’abord que le corps sculptural qui contraste tellement avec celui, si frêle, du petit garçon. Un petit garçon qui s’imagine un frère beau et glorieux au point de laisser une assiette à table pour lui, devant le regard terrassé de ses parents comme si le poids du secret, de cet enclos de silence, devenu celui de l’inconscient, avait tellement pesé sur sa famille qu’il avait deviné sans savoir.

    Les images du passé, en couleurs, alternent  judicieusement avec celles du présent, en noir et blanc, (dans le roman le passé est écrit au présent et inversement) un présent que le passé pourtant si sombre, va venir éclairer en révélant l’existence de ce frère, Simon, à l’époque où Maxime s’appelait encore Grinberg et non Grimbert, ces deux lettres pour lui porteuses de mort, porteuses aussi de son douloureux secret profondément enfoui.

    Revenons à ce premier plan auquel de nombreux autres feront ensuite songer : ces plans de corps sublimes au bord de la piscine, au milieu de couleurs chaudes, d’une gaieté insolente. Le dos nu de Tania lorsque Maxime la voit pour la première fois. Son corps qui, dans une acrobatie parfaite, fend l’air et le bleu du ciel puis de la piscine, lorsqu’elle plonge. Les corps décharnés et sans vie des camps. Les corps, leur force et leur fragilité, symboles de vie et de mort, tout le temps mis en parallèle. Ce corps que Maxime sculpte jour après jour, ce corps qui nie presque son identité juive à une époque où le régime nazi fait l’apologie du corps, à une époque où les images de Jeux Olympiques filmées par Leni Riefenstahl défilent sur les écrans, à une époque où il faut porter une étoile sur le cœur, une étoile que Maxime refuse de porter, parce que, pour lui, montrer son identité juive signifie souffrir, mourir et faire prendre des risques à son enfant. Le corps, encore, de François, cet enfant si chétif que son père regarde avec des éclairs d’amertume, cet enfant qui « lui a échappé », cet enfant qui suscite une douloureuse et cynique réminiscence de son passé. Pourquoi ? C’est ce fameux secret que je ne vous dévoilerai pas ici. Celui de trois amours fous qui font déraisonner, qui s’entrechoquent finalement, qui se croisent et qui bouleversent plusieurs existences. 

    09816a19f6ce3e65072514e6bcdcd29d.jpg L’ambiguïté du personnage de Maxime parcourt et enrichit tout le film : Maxime qui exhibe son corps, qui nie presque sa judaïté, qui fera dire à son père sur le ton de l’humour, certes, qu’il a un fils antisémite, à qui dans son roman Philippe Grimbert attribue des « ambitions de dandy ». L’ambiguïté est encore accrue quand il tombe amoureux de Tania : une femme blonde aux yeux bleus, sportive comme lui, et ce qui n’arrange rien, sa belle sœur, dont il tombe amoureux, pour couronner le tout, le jour de son mariage. Tania, si différente de sa femme, Hannah (Ludivive Sagnier), la timide, la mère parfaite, plus mère que femme dans le regard de Maxime, dans son regard hypnotisé par Tania, son double, celle qui lui ressemble tellement. Hanah : celle pour qui Maxime  est pourtant tout. Et qui le signifiera tragiquement.

    Avec Un Secret, Claude Miller a fait beaucoup plus que transcrire en images le roman éponyme de Philippe Grimbert, il a écrit et réalisé une adaptation particulièrement sensible et personnelle, d’abord par la manière dont il filme les corps, les mains qui s’accrochent les unes aux autres, les mains qui en disent tant, et puis ces regards lourds de sens, de vie, de désespoir, de passion,  magnifiquement orchestrés par le chef d’orchestre Claude Miller pour nous donner cette mélodie bouleversante du passé. Par la manière dont présent et passé se répondent. Comme ce plan de François qui regarde son père à travers le grillage d’un court de tennis. Un grillage qui rappelle celui, abject, du passé, des camps.

    a788e745b9da21fec24ae9070ccbaa56.jpgPassé et présent se répondent  constamment en un vibrant écho. L’entrelacement de temporalités rendait d’ailleurs le roman quasiment inadaptable, selon les propres propos de Philippe Grimbert. Claude Miller y est pourtant admirablement parvenu. Echo entre le passé et le présent donc, Echo c’est aussi le nom du chien dans le roman. Celui dont la mort accidentelle fera ressurgir le passé, cette douleur ineffable intériorisée pendant tant d’années. Maxime s’effondre alors sur la mort de son chien alors qu’il avait surmonté les autres. Il s’effondre, enfin abattu par le silence meurtrier, le poids du secret et de la culpabilité.

    Ce n’est pas « le » secret seulement que raconte ce film mais « un » secret, un secret parmi tant d’autres, parmi tous ceux que cette époque a engendrés.  Des secrets qui s’emboîtent et dont la révélation devient insoluble. Doit-on et peut-on tout dire ?

    La chanson de Charles Trenet, Tout ça c’est pour nous, est d’une douloureuse légèreté.  La musique, l’autre, pourtant sublime, qui était dans la première version que j’ai vue en février ne subsiste que dans la bande annonce : la preuve que Claude Miller a voulu éviter l’outrance mélodramatique. Son film n’en a pas besoin.

    Claude Miller signe en effet un film d’une intensité et d’une densité dramatiques rares, empreint de la passion irrépressible, tragiquement sublime, qui s’empare de Maxime et Tania. Il nous raconte une transgression amoureuse, une passion dévastatrice, une quête d’identité, un tango des corps : un grand film tout simplement où il témoigne de l’acuité de son regard de metteur en scène (il témoigne d’ailleurs aussi dans un autre sens : il témoigne aussi de son passé), de ces films qui vous font frissonner, vous étreignent, vous bouleversent, tout simplement et ne vous bouleversent pas avec des « recettes » mais subrepticement, sincèrement. 

     Claude Miller offre là à Ludivine Sagnier, Julie Depardieu, Patrick Bruel et Cécile de France un de leurs plus beaux rôles. Ces deux derniers ne jouent pas, leur passion dévaste l’écran, l’envahit, en déborde. Une fatale évidence.

    Le psychanalyste Philippe Grimbert a écrit ce livre, en grande partie autobiographique, après la découverte d’un cimetière de chiens dans le jardin de la fille de Pierre Laval. Là, les dates qui pourraient être celles d’enfants morts dans les camps, s’alignent avec obscénité, alors que les enfants morts pendant la guerre n’ont même pas eu de tombe, eux, n’ont pas eu droit à une sépulture et sont partis en fumée. De cette découverte indécente est né ce livre. Ce film et ce livre constituent le tombeau de ces enfants et participent au devoir de mémoire. Parce que l’oubli est une menace constante, parce que l’Histoire se complait trop souvent dans une amnésie périlleuse. Et puis,  pour que le petit garçon, qui a délivré son père de son secret, distingue enfin une image précise dans le miroir… L'image de son passé et de son identité et de son corps retrouvés.

     Sandra.M

  • In the mood for news (3): semaine du 3 octobre

    L’info festivals de la semaine

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    Le Festival du Film Britannique de Dinard débute demain J’y serai pour la neuvième année consécutive. Vous pourrez lire mes reportages en direct à partir de demain donc (si possible, sinon vous pourrez évidemment lire un compte-rendu exhaustif à mon retour). Je vous ai déjà dévoilé la programmation dans mes précédents articles. (cliquez ici pour y accéder)

     Voici quelques conseils pratiques si vous désirez venir au festival:

    - Les accréditations (professionnelles) et les pass  (vendus au public à Dinard début juin) ne sont plus délivrés mais vous pouvez en revanche acheter des tickets à la séance pour 5 euros, dans les salles où les films sont projetés. Il vous faudra néanmoins arriver assez à l’avance aux projections. (Renseignements: cliquez ici)

    - Pour le logement, vous trouverez tous les renseignements nécessaires (ici) : comptez plutôt sur la chance et un désistement car tous les hôtels de Dinard sont complets.

    Le Festival du Film Britannique de Dinard ne ressemble à aucun autre festival : surtout pas à Cannes, ni même à Deauville. La convivialité et la cinéphilie y priment avant tout. Je vous le recommande.

    -Pour tout savoir pour venir au festival: cliquez ici.

    -Pour accéder à la grille de programmation, cliquez ici.

    -Autres liens utiles:

    -Site officiel du Festival du Film britannique 2007

    -Le Web de la feuille du festival

    -Mon compte-rendu du Festival du Film Britannique de Dinard 2006

    -Mon compte-rendu du Festival 2005

    -Site officiel de l'Office de Tourisme de Dinard

    Le film de la semaine: Un Secret de Claude Miller

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     Vous pourrez lire ma critique ici dans la soirée. J’ai eu la chance de voir ce film en projection test en début d’année. Je me revois encore ressortir de la salle, ébranlée, bouleversée aussi, comme ayant reçu un vrai coup de poing cinématographique,  historique, émotionnel aussi, peut-être davantage, il est vrai. Je retourne donc le voir cet après-midi pour vous en écrire une critique et vous parler du livre de Philippe Grimbert qui l’a inspiré aussi, une critique  je l’espère plus cinématographique qu’émotionnelle : je ne promets rien. En tout cas, d’ores et déjà, je vous recommande ce film : à voir absolument !

    Le rattrapage de la semaine : La face cachée de Bernard Campan

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    A priori le style, intimiste,  sied mal à un ancien Inconnu. Mais après tout le cinéma est là pour bousculer les préjugés. Se souvenir de Se souvenir des belles choses : Bernard Campan y campait déjà un personnage à des années lumière de ceux qu’il a interprétés  avec les Inconnus, avec beaucoup de justesse.

     Après des années de vie commune,  Isa et François ne se voient plus, ne se voient plus réellement. Emmuré dans ses questionnements et sa douleur existentielle, François ayant l'impression de voir sa vie se dérouler hors de lui ne voit plus ceux d'Isa, qu’elle aussi est en quête de sa réalité. C’est une quête et une enquête aussi :  « La face cachée » est un thriller de l’intime, énigmatique, qui nous fait avancer par touches impressionnistes. Le film est divisé en 4 week end : les personnages ne sont pas socialement situés. Derrière la banalité des situations : l’universalité des fêlures. La forme est en harmonie avec le fond : de nombreux plans séquences, parfois pesants,  à dessein, comme le long tunnel dans lequel sont les personnages, comme le long et inexorable tunnel de l’existence qui les étouffe,  comme lorsqu’ils avancent dans cette forêt à la fois majestueuse et oppressante, comme la forêt de questions trop grandes pour eux, qui les dépassent. La face cachée, c’est cette part inconnue de l’autre, cette part insondable, cette part recouverte par la forêt. Karin Viard interprète avec beaucoup de nuance cette femme qui surjoue sa gaieté et sa légèreté, son bonheur d’être pour masquer  le poids de son existence, sa douleur muette à laquelle François est sourd, lui dont la douleur est si bavarde. Le plan de la fin, de Karin Viard, cachée derrière Campan, dans l’ombre,  puis se retrouvant face à lui, dans sa vraie lumière, enfin, pourrait résumer tout le film.  La face cachée c’est ce masque que nous portons tous à un moment ou à un autre. C’est la part d’ombre d’un masque parfois lumineux. La face cachée c’est aussi la posture de l’adulte qui est resté un enfant, qui a toujours ses douleurs d’enfance, là, avec lui, tapies dans l’ombre. C’est la réalité qu’on ne veut pas voir en face (alors que son meilleur ami interprété par  Anglade est  lui, en plein dans la réalité, dans le concret de son mariage, François s'enfonce dans ses questionnements abstraits).  La face cachée est elliptique comme l’existence qu’il ne parvient pas à saisir. La face cachée, c’est ce qu’on aimerait fuir mais le canoe kayak continuera à avancer,  (ceux qui ont vu le film comprendront) quoiqu’il arrive.  La face cachée ce sont aussi des moments de grâce insaisissables parce qu’on est déjà ailleurs ou dans l’après. Même la fugue de Bach qui rythme judicieusement n’aidera pas à cette fuite-là.  La face cachée est un film empreint de la maladresse touchante de l’adolescence : sans compromis, parfois agaçant ou parfois naïf  avec ses métaphores  aériennes, maritimes ou ferroviaires redondantes sur l’existence mais tellement à fleur de peau qu’il nous touche et nous renvoie forcément à nos propres masques et questionnements. Un film grave, voire austère,  dont on ressort en se disant que l’essentiel est là : se souvenir des belles choses, oui, mais surtout les saisir dans l’instant présent. Un film d’auteur : il fallait déjà oser. On attend la suite avec impatience…

    Sandra.M

  • In the mood for news (2): semaine du 26 septembre 2007

    L’info théâtre de la semaine

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    Il y a deux ans, je vous avais vivement recommandé la pièce de Florian Zeller intitulée « L’Autre » (pour lire ma critique de cette pièce, cliquez ici). Elle reprend à partir du 2 octobre au Studio des Champs Elysées dans le 8ème (Informations :   01 53 23 99 19  et  www.comediedeschampselysees.com ).

    Seul Aurélien Wiik qui y était d’ailleurs remarquable reste dans la distribution. Il est rejoint par Sara Forestier dont ce sera le premier rôle au théâtre et par  Stanislas Merhar, la musique est composée par  Christophe.

    L’info festivals de la semaine

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    Marie-José Nat sera la présidente du Festival du Film Britannique de Dinard 2007.

    Jocelyn Quivrin viendra compléter le jury

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    ¨Programme complet du Festival du Film Britannique de Dinard 2007:

    Compétition    BRICK LANE de Sarah Gavron

    Compétition    FAR NORTH de Asif Kapadia

    Compétition    HALLAM FOE de David Mackenzie

    Compétition    JANE de Julian Jarrold

    Compétition    ONCE de John Carney

    Compétition    THE MIDNIGHT DRIVES de Mark Jenkin

    Avant- Première    AND WHEN DID YOU LAST SEE YOUR FATHER de Anand Tucker

    Avant- Première    ATONEMENT de Joe Wright

    Avant- Première    BUILD A SHIP, SAIL TO SADNESS de Laurin Federlein

    Avant- Première    GARAGE de Lenny Abrahamson

    Avant- Première    HOW ABOUT YOU de Anthony Byrne

    Avant- Première    I AM BOB de Donald Rice (court métrage)

    Avant- Première    I REALLY HATE MY JOB de Oliver Parker

    Avant- Première    IT'S A FREE WORLD… de Ken Loach

    Avant- Première    KINGS de Tom Collins

    Avant- Première    L'HEURE ZERO de Pascal Thomas

    Avant- Première    MON MEILLEUR ENNEMI de Kevin Macdonald

    Avant- Première    MRS RATCLIFFE'S REVOLUTION de Billie Eltringham

    Avant- Première    NEVER APOLOGIZE de Mike Kaplan

    Avant- Première    RUBY BLUE de Jan Dunn

    Avant- Première    THE ENGLISHMAN de Ian Sellar

    Avant- Première    THE MARK OF CAIN de Marc Munden

    Avant- Première    THIS IS ENGLAND de Shane Meadows

    Avant- Première    WAZ de Tom Shankland

    Hommage    A ROOM FOR ROMEO BRASS de Shane Meadows

    Hommage    DEAD MAN'S SHOES de Shane Meadows

    Hommage    ONCE UPON A TIME IN THE MIDLANDS de Shane Meadows

    Hommage    TWENTY FOUR SEVEN de Shane Meadows

    Rétrospective Foot    CARTON ROUGE de Barry Skolnick

    Rétrospective Foot    THE GAME OF THEIR LIVES de Daniel Gordon

    Rétrospective Foot    JIMMY GRIMBLE de John Hay

    Rétrospective Foot    THE VAN de Stephen Frears

    Regards Croisés    NAISSANCE DES PIEUVRES de Céline Sciamma

    Femis vs NFTS    CARCASSE de I. El Mouala El Iraki

    Femis vs NFTS    FBIZoo de Y. Angely/J. Vray

    Femis vs NFTS    SAUF LE SILENCE de Léa Fehrer

    Femis vs NFTS    THE END FOR BEGINNERS de David Lalé

    Femis vs NFTS    FOR THE LOVE OF GOD de Joe Tucker

    Femis vs NFTS    FRIENDS FOREVER de Marçal Forès

    Sélection courts métrages Kodak    BROKEN de Vicki Psarias

    Sélection courts métrages Kodak    ELA de Silvana Aguirre Zegarra

    Sélection courts métrages Kodak    EVOL de Chris Vincze

    Sélection courts métrages Kodak    EX MEMORIA de Josh Appignanesi

    Sélection courts métrages Kodak    NEUTRAL CORNER de Emily Greenwood

    Sélection courts métrages Kodak    OUT OF MILK de Nicola Morris

    Sélection courts métrages Kodak    VAGABOND SHOES de Jackie Oudney

    Sélection courts métrages G. Higgins    ATTACK de Timothy Smith

    Sélection courts métrages G. Higgins    BADGERED de Sharon Colman

    Sélection courts métrages G. Higgins    DADDY'S LITTLE HELPER de D. Wilson

    Sélection courts métrages G. Higgins    DOG FLAP de Jack Herbert

    Sélection courts métrages G. Higgins    DREAMS AND DESIRES de Joanna Quinn

    Sélection courts métrages G. Higgins    GOODBYE TO THE NORMALS de JF Smith

    Sélection courts métrages G. Higgins    THE HANDYMAN de Simon Rumley

    Sélection courts métrages G. Higgins    PHOBIAS de Bert & Bertie

    Pour en savoir plus sur le Festival du Film Britannique de Dinard :

    Mon compte-rendu du Festival du Film Britannique de Dinard 2005

    Mon compte-rendu du Festival du Film Britannique de Dinard 2006

    L’info politiquement correct de la semaine

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    Les frères Affleck lors de l'avant-première de "Gone baby gone" au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2007. Photo: Sandra.M

    « Gone baby gone », le premier film de Ben Affleck en tant que réalisateur dont je vous ai parlé lors de son avant-première deauvillaise ( cliquez ici pour lire l’article concernant l'avant-première deauvillaise du film) ne sortira pas en Grande-Bretagne en raison des similitudes avec l’affaire Maddie McCann (la petite fille du film, enlevée, s'appelle ...Madeleine)alors que le film a été écrit avant les faits.

    L’info bloguesque de la semaine :

    De nouvelles vidéos ont été mises en ligne cette semaine sur mon blog « In the mood for Deauville » (http://inthemoodfordeauville.hautetfort.com ) consacré au 33ème Festival du Cinéma Américain de Deauville.

    Le film de la semaine du 26 septembre recommandé par  « In the mood for cinema » :

    38543448fd3825ed35989a9cba92237b.jpg  « 7H58 ce samedi-là » (Before the devil knows you’re dead) de Sidney Lumet. (Avec Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Marisa Tomei, Albert Finney… Durée : 1H55)

    7H58 ce samedi-là a été projeté en avant-première, hors compétition au 33ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, à l’occasion de l’hommage que le festival a rendu à Sidney Lumet. Olivier Marchal a d'abord rendu hommage à Sidney Lumet particulièrement ému de récompenser celui qui a suscité sa vocation de policier et de cinéaste, de même que celle du maire de Deauville (vocation non pas de policier ou de cinéaste, hein, mais d'homme d'Etat).

    Il y a des jours comme ça où, en une fraction de seconde, tout peut basculer dans la tragédie, comme à 7H58 ce samedi-là, dans la vie des Hanson. Ce samedi matin-là, tout semble pourtant normal dans la banlieue de New York où ils vivent  (le père passe un test de conduite, sa femme ouvre la bijouterie familiale) si ce n’est que leur fils aîné, Andy,  s’inquiète pour son contrôle fiscal du lundi suivant et si ce n’est que Hank, le cadet, est enfermé dans des problèmes d’argent apparemment inextricables. Et après 7H58, quand les deux frères ont la judicieuse idée de braquer la bijouterie de leurs parents, plus rien ne sera jamais pareil.

    Ce film est à l’image du personnage d’Andy : d’abord profondément antipathique, nous prenons peu à peu fait et cause pour lui. Il est aussi à l’image des vies des deux frères par qui le drame arrive : des vies fragmentées, désorientées. Voilà d’ailleurs les deux qualités du film : sa structure narrative brillante (ou sa démonstration stylistique appuyée, c’est selon) et la force de ses personnages. En résulte une véritable leçon de cinéma...

    Ce film vous prend à la gorge au fur et à mesure que l’étau se resserre autour des deux frères, il vous captive, vous capture même, et vous enserre dans son cycle infernal: impossible de s’échapper, nous sommes pourtant aussi libres de sortir de la salle que les deux frères l’étaient face à leur destin, avant 7H58 donc. Au lieu d’adopter une construction linéaire, Sidney Lumet met en scène une pluralité de points de vue, un montage habilement déstructuré et une succession de flash-backs qui accentuent la tension dramatique, et le sentiment d’urgence et de drame insoluble. La caméra de Sidney Lumet va ainsi ausculter les causes (finalement plus profondes et surtout beaucoup moins matérielles qu’il n’y parait de prime abord) et les conséquences du drame, va nous plonger dans les âmes et vies sombres des protagonistes, va nous conduire à voir en un homme cupide et impitoyable un ancien enfant blessé. Par une habile construction scénaristique, notre antipathie initiale pour le personnage de Andy évolue peu à peu, la « réalité » apparaît moins manichéenne : Hank ( Ethan Hawk, méconnaissable) apparait de moins en moins victime (du destin ?) au fur et à mesure que son frère Andy (Philip Seymour Hoffman, bluffant, à nouveau)l’est de plus en plus à nos yeux devenus plus indulgents à son égard.  Un film qui a la couleur d’une blessure à vif, celle de la trahison et celle de l’enfance, les plus douloureuses et profondes, et le rythme d’une course contre la mort, contre le diable. Le titre anglais « Before the devil knows you’re dead » est tiré du proverbe irlandais : « May you be in heaven half an hour before the devil knows you’re dead » qui signifie « Puisses-tu atteindre le paradis une demi-heure avant que le diable n’apprenne ta mort ».  Une course que nous savons perdue d’avance, non moins prenante. Entre thriller et tragédie familiale, après le très moyen « Jugez-moi coupable » Sidney Lumet, malgré ses 84 ans,  d’après le premier scénario de Kelly Masterson, signe un thriller dramatique qui prouve la jeunesse et la vitalité de son regard.  Nommé 4 fois à l’Oscar du meilleur réalisateur pour Douze hommes en colère, Un Après-midi de chien, Network main basse sur la télévision et Verdict, il ne serait pas étonnant qu’il figure de nouveau parmi les nominés avec ce film particulièrement maîtrisé.

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    Sidney Lumet lors de l'hommage du Festival du Cinéma Américain de Deauville-Photo: Sandra.M

    L'émotion d'Olivier Marchal qui a rendu hommage à Sidney Lumet

                                                                                    Sandra.M

  • "Elle s'appelle Sabine" de Sandrine Bonnaire, ce soir sur France 3

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    Paris vibre et vocifère en bleu blanc rouge. J’ai encore la tête délicieusement endolorie, encore dans les étoiles blanches de la bannière étoilée, bleue, blanc, rouge, elle aussi, un autre. Dans le train qui me ramène vers Paris, des Anglo-saxons bruyants aux rires gras et satisfaits, visiblement en route pour la coupe du monde,  agacent  les passagers. Pas moi. Je me laisse bercer par leur accent chantant qui me donne l’illusion d’être encore à Deauville, de n’avoir pas encore tout à fait retrouvé la réalité et recouvré le sens des réalités. Matt Damon et son regard vengeur me toise et George Clooney me demande "What else" sur tous les murs de Paris, en sortant de chez moi je me retrouve nez-à-nez avec la présentatrice d’une nouvelle émission de cinéma -la précédente était peut-être meilleure non-(?) sans ce montage pseudo auteuriste qui brouille un peu la perception ? Mais au moins une émission de cinéma qui parle de cinéma (excusez moi du pléonasme qui n'en est d'ailleurs pas forcément un...) avec néanmoins pas mal d(im)pertinence -encore à Deauville il y a quelques jours… Les temporalités, et la fiction et la réalité se confondent douloureuseme- et ironiquement dans mon esprit. Peut-être la machine à remonter le temps que je réclame avec une rage naïve depuis lundi dernier et depuis la clôture du 33ème Festival du Cinéma Américain de Deauville m’a-t-elle été livrée et branchée à mon insu… Elle me fait même remonter un peu plus loin dans le temps que je ne l’aurais souhaité, un peu avant l’ouverture du Festival de Deauville et même au Festival de Cabourg  puisque les images de « Je m’appelle Sabine », le poignant et efficace documentaire de Sandrine Bonnaire défilent de nouveau sous mes yeux. Je vous invite à le regarder ce soir à sur France 3 à 20H55. Si vous voulez lire ma critique publiée lors des Journées romantiques de Cabourg où ce cri du cœur et de colère de Sandrine Bonnaire a été présenté en avant-première après sa sélection cannoise à la "Quinzaine des Réalisateurs", et où il a ému le public et parfois changé son regard,  cliquez ici. Si j’arrive à régler ma machine à  remonter le temps, à partir d’aujourd’hui « In the mood for cinema » se mettra aux couleurs de la capitale ... en attendant le Festival du Film Britannique de Dinard début octobre.

    A bientôt sur In the mood for cinema... in Paris.

    Sandra.M

  • "Le scaphandre et le papillon": l'hymne à la vie et à l'art de Julian Schnabel

    7d1d83c21b745b382fe152450c363a42.jpgLa fête du cinéma qui a lieu les dimanche 24, lundi 25 et mardi 27 juin 2007, est l'occasion rêvée pour une immersion cinéphilique puisque si la première séance est comptée au prix normal, un passeport vous sera ensuite remis vous donnant ainsi accès à toutes les séances suivantes pour le tarif unique de 2€ la place pendant les 3 jours de l'opération. A cette occasion, je vous conseille donc de (re)voir Les chansons d'amour de Christophe Honoré, Boxes de Jane Birkin, L'avocat de la terreur de Barbet Schroeder et surtout Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel dont vous trouverez la critique ci-dessous. Vous pourrez également lire mes critiques des films précités en cliquant sur leurs titres.

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    En décembre 1995, un accident vasculaire brutal a plongé Jean-Dominique Bauby, rédacteur en chef du magazine  Elle et père de deux enfants, dans un coma profond. Quand il en sortit, toutes ses fonctions motrices étaient détériorées. Atteint de ce que la médecine appelle le «  locked-in syndrome » -littéralement : enfermé à l’intérieur de lui-même-, il ne pouvait plus parler, bouger, ni même respirer sans assistance. Dans ce corps inerte, seul un cil bouge. Ce cil devient son lien avec le monde, avec les autres, avec la vie. Il cligne une fois pour dire oui, deux fois pour dire non. Avec son cil, il arrête l’attention de son visiteur sur les lettres de l’alphabet qu’on lui dicte et forme des mots, des phrases, des pages entières… Avec son cil, il écrit ce livre, le Scaphandre et le papillon, dont chaque matin pendant des semaines il a mémorisé les phrases avant de les dicter…

    b31884d1b43472f6bcca206124b45095.jpgAvec un tel sujet, on pouvait redouter le pire : le pathos et le mélodrame outrancier, la performance ostentatoire et ridicule d’un acteur dans un rôle de composition-à-oscar-césar-prix d’interprétation. C’est donc avec quelques réticences que je suis allée à la projection de ce film présenté en compétition officielle du 60ème Festival de Cannes. Devant le palais des festivals, la valse poétique et multicolore d’un lâcher de papillons gigantesques et somptueux a précédé la projection dans le grand Théâtre Lumière.

     Puis, l’obscurité, le générique…et nous nous retrouvons avec Jean-Dominique Bauby enserrés dans son scaphandre qu’est son corps inerte, puisque la première moitié du film est entièrement filmée en caméra subjective. Dès les premiers plans, nous épousons son regard flou et précis, incisif même, guidés par la voix off de Mathieu Amalric. Véritable métaphore du cinéma, son regard est sa fenêtre sur le monde, sa caméra. Immobile comme l’est le spectateur sur son fauteuil, il s’évade et papillonne par la mémoire et par l’imagination, de son corps et de l’hôpital maritime de Berck où il est soigné, comme le spectateur s’évade de la salle de cinéma par les images projetées sur l’écran. L’identification est donc immédiate, d’autant plus qu’il porte un regard lucide et non moins ironique sur sa situation, sans jamais s’apitoyer sur son sort.

    Auparavant aveugle et sourd à la beauté du monde, il n’a jamais aussi bien vu que d’un seul œil. Vu et ressenti. C’est en effet un film sens-uel et sens-ationnel : tout ce que Jean-Dominique Bauby  ne peut saisir, son regard s’en empare avec gourmandise, rattrapant au vol les moments de bonheur qu’il a auparavant laissés s’envoler. Ce film nous saisit, nous enlace, nous enserre, délicieux enserrement celui-là, nous arrache à sa réalité et à la nôtre, celle de spectateur, pour ne plus nous lâcher. Enserrés nous aussi, dans son regard virevoltant, qui nous fait éprouver et savourer la liberté comme rarement un film y est parvenu. Par ce qu’il voit : le vent qui s’engouffre dans une chevelure, ou par son regard qui glisse sur une peau nue qui se laisse entrevoir. Par ce dont il se souvient : son dernier voyage, en décapotable, et le frémissement des arbres au-dessus de sa tête. Par le souvenir de ses gestes précipités mais précis, lorsqu’il rasait son père, lui aussi prisonnier, alors qu’il était encore libre d’agir, alors qu’il (en) était inconscient, si pressé, trop pressé.  Par ce qu’il imagine surtout, il s’évade de son scaphandre par la puissance de son imagination débridée : il peut alors tout vivre comme même faire un dîner pantagruélique avec la jeune femme qui prend son livre en notes (Anne Consigny, décidément remarquable, à noter qu’elle retrouve ici son partenaire de Je ne suis pas là pour être aimé, Patrick Chesnais, également remarquable en médecin cassant qui suscite des répliques cinglantes de Jean-Dominique Bauby) à laquelle il n’est pas insensible, il peut aussi voir des glaciers s’effondrer puis se reconstruire. Son monde s’effondrer et le reconstruire. Parce que si son corps n’existe plus, par la pensée, il est tour à tour : séduisant, en colère, ironique voire cynique, cruel parfois mais en tout cas VIVANT. Si le scaphandre l’empêche de se mouvoir, le papillon peut l’emmener partout, là où même il n’osait aller quand il était « aveugle et sourd », avant.

    Le scaphandre et le papillon est un vibrant hymne à la vie, à la liberté, à la création surtout. L’art devient pour lui libérateur et même salvateur. Hommage à l’art, à tous les arts : à la peinture (Julian Schnabel est peintre), à l’écriture, au cinéma, à la musique aussi. Les lettres épelées mélodieusement par les différents visiteurs ne sont jamais lassantes et constituent autant de partitions différentes qui nous tiennent en haleine. Le spectateur est alors suspendu aux lèvres de celui ou celle qui parle et qui chante les lettres, à la voix vibrante de vie de Mathieu Amalric.

    A la place d’un livre sur la vengeance au féminin, une sorte de Monte-Christo au féminin qu’il projetait d’écrire avant son accident, Jean-Dominique Bauby va donc écrire sa vie. Celle d’une mort, d’un corps emprisonné à jamais. D’une renaissance aussi, celle de son esprit, si libre et alerte. Sans aucun sentiment de revanche et de vengeance. Seulement contre son orgueil et son aveuglément peut-être.

    Marie-Josée Croze, Anne Consigny, Emmanuelle Seigner toutes formidablement dirigées sont autant de preuves de  l’existence de cet esprit qui ne cesse pas de penser et séduire.  Malgré tout. A cause de cela justement.

    Julian Schnabel parvient à signer un film résolument optimiste sur une histoire tragique. Tout juste peut-on regretter deux plans trop appuyés, l’un sur son père en larmes, et un dernier plan trop appuyé sur son infirmité physique… ce bouleversant tourbillon de vie emporte néanmoins ces deux plans regrettables sur son passage dévastateur et bouleversant.

    Le scaphandre et le papillon est une déclaration d’amour poignante et ironique, lucide et poétique. A la vie. A l’art. A la mer dont parfois on oublie de savourer la beauté de ses changeants reflets d’argent. Une œuvre d’arts.

    Quelques jours après cette projection, je  retrouvais encore des papillons égarés, affolés, éblouis par les lumières impitoyablement et imperturbablement aveuglantes, agglutinés aux vitrines de la Croisette. La frontière est décidément si fragile entre le sublime et la laideur, entre un papillon et un scaphandre... Ce film nous le rappelle magnifiquement, justifiant ainsi amplement son prix de la mise en scène du 60ème Festival de Cannes.

     Sandra.M

     

  • Les films incontournables de la semaine

    310658df2a32e3e660737a9e93d57a98.jpgEn attendant le Festival de Cabourg, voici les deux films sortis cette semaine que je vous ce9a866bb4e980d4764081f09bd812e7.jpgrecommande vivement:

    « Boxes » de Jane Birkin, dont vous pourrez lire ma critique  sur In the mood for Cannes, et voir des vidéos de sa présentation au festival, et de l'hommage du Festival à Jane Birkin.

    « L’avocat de la terreur » de Barbet Schroeder, également présenté au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard dont vous pourrez aussi lire ma critique sur « In the mood for Cannes », ici.

    Toujours à l'affiche, je vous recommande également:

    dda9f1625d36ec1800cac181ad388465.jpgLe Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel, prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes (critique bientôt en ligne).

    Les chansons d’amour de Christophe Honoré (voir ma critique ici) également en compétition 4bb2200c374ec68fb34e3763a18f73b8.jpgofficielle du dernier Festival de Cannes.

    Sandra.M

  • Avant-première: "Still life" de Jia Zhang Ke ou à la recherche du temps perdu...

    medium_Still.JPGDès l’admirable plan séquence du début,  ensorcelés et emportés déjà par une mélodieuse complainte, nous sommes immergés dans le cadre paradoxal du barrage des 3 Gorges situé dans une région montagneuse du cœur de la Chine :  cadre fascinant et apocalyptique, sublime et chaotique. En 1996, les autorités chinoises ont en effet entrepris la construction du plus grand barrage hydroélectrique du monde. De nombreux villages ont été sacrifiés pour rendre possible ce projet.

    Là, dans la ville de Fengjie nous suivons le nonchalant, morne et taciturne  San Ming courbé par le poids du passé  et des années, parti à la recherche du temps perdu. Il voyage en effet à bord du ferry The World (du nom du précèdent film du réalisateur, référence loin d’être anodine, témoignage d’une filiation évidente entre les deux films)  pour retrouver son ex-femme et sa fille qu’il n’a pas vues depuis 16 ans.

    Pendant ce temps Shen Hong, dans la même ville cherche son mari  qu’elle n’a pas vu depuis deux ans. Leurs déambulations mélancoliques se succèdent puis alternent et se croisent le temps d’un plan  dans un univers tantôt désespérant tantôt d’une beauté indicible mis en valeur par des panoramiques étourdissants.  

    Tandis que les ouvriers oeuvrent à la déconstruction, de part et d’autre de la rivière, ces  deux personnages essaient de reconstruire leur passé, d’accomplir leur quête identitaire au milieu des déplacements de population et des destructions de villages. Engloutis comme le passé de ses habitants.

    Ce film présenté en dernière minute dans la catégorie film surprise de la 63ème Mostra de Venise a obtenu le lion d’or et a ainsi succédé à Brokeback  Mountain.

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    The World  était le premier film du réalisateur à être autorisé par le gouvernement chinois. Jusqu’ici ils étaient diffusés illégalement sur le territoire, dans des cafés ou des universités. Dans  The World Jia Zhang Ke traitait déjà du spectacle triomphant de la mondialisation et de l’urbanisation accélérée que subit la Chine.

    A l’étranger, ses films étaient même présentés dans des festivals comme Cannes en 2002 avec Plaisirs inconnus. Son parcours témoigne avant tout de son indépendance et de sa liberté artistique.

    Ancien élève de l’école des Beaux-Arts de sa province, il étudie le cinéma à l’Académie du film de Pékin, avant de fonder sa structure de production le Youth Experimental Film Group. Son œuvre entend révéler la réalité de la Chine contemporaine.

    En 2006, Jia Zhang-Ke réalise Dong, un documentaire autour de la construction du barrage des Trois Gorges à travers les peintures de son ami, le peintre Liu Xiaodong, présenté dans la section Horizons lors de la 63e Mostra de Venise.

     

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    Entre brumes et pluies, d’emblée, le décor nous ensorcelle et nous envoûte. Qu’il présente la nature, morte ou resplendissante, ou la destruction Jia Zhang Ke met en scène des plans d’une beauté sidérante. Le décor est dévasté comme ceux qui l’habitent. La lenteur et la langueur reflètent la nostalgie des personnages et le temps d’une caresse de ventilateur, la grâce surgit de la torpeur dans cet univers âpre.

    Jia Zhang Ke se fait peintre des corps, en réalisant une véritable esthétisation de ceux-ci mais aussi de la réalité et si son tableau est apocalyptique, il n’en est pas moins envoûtant. Le film est d’ailleurs inspiré de peintures, celles du peintre Liu Xiaodong qui a peint le barrage des 3 Gorges à plusieurs reprises dont Jia Zhang Ke avoue s’être inspiré.

    Ces personnages sont « encore en vie » malgré la dureté de leurs existences et le poids des années, du silence, des non dits. C’est un cinéma à l’image de la vie, l’ennui est entrecoupé d’instants de beauté fulgurante et fugace.

     Still life, malgré son aspect et son inspiration documentaires n’en est pas moins un film éminemment cinématographique : par l’importance accordée au hors champ (comme ces marins qui mangent leur bol de nouilles tandis que San Ming leur parle, hors champ), par des plans séquences langoureux et impressionnants, et puis  par des références cinématographiques notamment au néoréalisme et  à Rossellini et Rome, ville ouverte ou à John Woo avec cet enfant qui imite Chow Yun Fat ou encore celui qui regarde le Syndicat du crime de John Woo

    C’est un film polysémique qui, comme dans The World, nous parle des rapports entre tradition et modernité comme  avec cet enfant qui chante des musiques sentimentales surannées ou ces portables qui jouent des musiques sentimentales ou ces comédiens en costumes traditionnelles qui s’amusent avec leurs portables.

    Jia Zhang Ke ausculte subtilement les contradictions de son pays en pleine mutation. Le barrage des 3 Gorges, c’est la Chine en concentré, la Chine d’hier avec ces immeubles que l’on détruit, la Chine intemporelle avec ses décors majestueux, pluvieux et embrumés et la Chine de demain. La Chine écartelée entre son passé et son présent comme le sont les deux personnages principaux dans leur errance. Les ruines qui contrastent avec le barrage scintillant allumé par les promoteurs comme un gadget symbolisent cette Chine clinquante, en voie de libéralisme à défaut d’être réellement sur la voie de la liberté.

    Jia Zhang Ke a ainsi voulu signer une œuvre ouvertement politique avec « le sentiment d’exil permanent des ouvriers, tous plus ou moins au chômage, tous plus ou moins sans domicile fixe », « les ouvriers détruisent ce qu’ils ont peut-être eux-mêmes construits ».

    Un plan nous montre une collection d’horloges et de montres. Comme le cinéma. Dans une sorte de mise en abyme, il immortalise doublement le temps qui passe. C’est donc aussi un film sur le temps. Celui de la Chine d’hier et d’aujourd’hui. Celui de ces deux ou seize années écoulées. Ce n’est pas pour rien que Jia Zhang Ke a étudié les Beaux-Arts et la peinture classique. Il dit lui-même avoir choisi le cinéma « parce qu’il permet de saisir et de montrer le temps qui passe ». C’est l’idée bouddhiste qui  « si le destin est écrit, le chemin importe d’autant plus ».

    Comme dans J’attends quelqu’un dont je vous parlais il y a quelques jours , ici aussi on prend le temps (ce n'est d'ailleurs pas leur seul point commun comme évoqué plus haut). De s’ennuyer. Un ennui nécessaire et salutaire. Pour se dire qu’on est « encore en vie » ou pour déceler la beauté derrière et malgré la destruction car Still life (=Encore en vie )  est un film de contrastes et paradoxes judicieux : à l’image de son titre, il sont  encore en vie malgré les années, malgré la destruction, malgré tout. Prendre le temps de voir aussi : l’histoire devant l’Histoire et l’Histoire derrière l’Histoire, les plans de Jia Zhang Ke mettant souvent l’intime au premier plan et le gigantisme (des constructions ou déconstructions) au second plan.

    C’est aussi un hommage à la culture chinoise du double, des opposés yin et yang, entre féminin et masculin, intérieur et extérieur, construction-destruction et nature, formes sombres et claires, le tout séparé par la rivière, frontière emblématique de ce film intelligemment dichotomique.

    C’est un film en équilibre et équilibré à l’image de son magnifique plan final du funambule suspendu entre deux immeubles. Parce que, ce qu’il faut souligner c’est que ce film plaira forcément à ceux qui ont aimé The World mais qu’il pourra aussi plaire à ceux qui ne l’ont pas aimé, notamment par son aspect surréaliste, ses plans imaginaires qui instillent de la légèreté et un décalage salutaire comme ce plan de l’immeuble qui s’écroule ou ces plans poétiques de ces couples qui dansent sur une passerelle aérienne contrebalançant la dureté des paroles échangées ou la douleur du silence, l’impossibilité de trouver les mots.

    Enfin il faut souligner la non performance et le talent éclatant de ses acteurs principaux Han Sanming et Zhao Thao qui ont d’ailleurs joué dans presque tous les films de Jia Zhang Ke. C’est en effet leur quatrième collaboration commune.

    Je vous invite donc à partir dans cette errance poétique à la recherche du temps perdu au rythme d'une complainte nostalgique et mélancolique…

    Sandra.M

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