Dinard Festival du Film Britannique 2023 : le programme de la 34ème édition
Avant de vous parler du Festival du Cinéma Américain de Deauville en direct duquel je serai à partir de demain, je vous présente le programme du Dinard Festival du Film Britannique 2023 dont la conférence de presse a eu lieu ce matin, un festival qui demeure un rendez-vous cinématographique incontournable, convivial, très accessible, à la programmation exigeante, un festival auquel j’assiste régulièrement depuis ma participation à son jury en 1999, alors sous la présidence de l’irremplaçable Jane Birkin (ma lettre ouverte à cette dernière à lire ici). Je vous le recommande, d'autant plus que cette année, une fois de plus, le programme s'annonce alléchant.
Du 27 septembre au 1er octobre aura ainsi lieu la 34ème édition du Dinard Festival du Film Britannique. La 33ème édition, dont vous pouvez lire mon compte rendu ici, avait couronné Emily de Frances O'Connor (à redécouvrir dans le cadre du pré-festival cette année, ma critique complète en bas de cet article). Un film au romantisme sombre, envoûtant, parsemé de références au roman mythique d'Emily Brontë (entre embardées dans le genre fantastique - dont une remarquable scène de dîner qui est aussi un hommage à la force poignante et dévastatrice de l’imaginaire - et relation tumultueuse et passionnelle avec son frère) et qui interroge intelligemment les rapports entre la fiction et la vie d'un (ou une) auteur(e), la part de vérité qu’elle ou il y puise pour nourrir son art, qu’il s’agisse de s’y sauver ou de s’y perdre.
Après avoir permis la reconnaissance internationale de Joanna Hogg,le Dinard Festival du film britannique lève le voile sur une autre cinéaste pour cette 34ème édition. Cette année sera proposé « À la découverte de Carol Morley », à travers quatre de ses films : Dreams of a Life (2011), The Falling (2014), Out of blue (2019), d’après Night Train de Martin Amis et son tout dernier, Typist Artist Pirate King (2023).
Cette année, le jury sera présidé par Catherine Frot qui sera entourée d'Alice Isaaz, Nolwenn Leroy, Thierry Godard, Jonathan Zaccaï, Destiny Ekaragha, Amelia Gething.
En séance de gala sera projeté La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer ( Grand Prix du dernier Festival de Cannes que je vous recommande vivement et dont je vous parle, longuement, ici) et en clôture The Old Oak de Ken Loach.
Ci-dessus, photo de la présentation de "La Zone d'intérêt" de Jonathan Glazer au Festival du Cinéma Américain de Deauville
Le programme se divise ainsi en 5 sections :
Being There
Films sur les situations inattendues de la vie : une rencontre fortuite menant à l’amour, la douleur d’un rejet, une rencontre tragique, un égoïsme omniprésent, tous capturent des moments qui changent une vie et la font basculer. Parfois avec des larmes, parfois avec des sourires.
Dinard ❤ Cinema
Des documentaires illustrant l’histoire riche et variée du cinéma, de l’effervescence du Festival de Cannes à une lecture pointue des films d’Alfred Hitchcock, en passant par la folie d’un cinéma londonien, la carrière de Ken Loach et les films tournés en Bretagne.
Irish Eyes in Dinard
De nouveaux drames et un film d’animation en provenance d’Irlande, notre très cher voisin à la fois proche et distant. Un film noir, une histoire d’amour, un sombre héritage familial et une célébration internationale de l’émancipation des femmes.
It’s a Family Affair
La famille. On peut l’aimer, on peut la détester, mais on ne peut pas l’ignorer. Huit histoires très différentes, chacune étant une exploration des complexités de la vie de famille et de ses absurdités, ses tragédies, l’affection qu’on lui porte, des désirs et des réconciliations.
The Past is a Foreign Country
Ce titre est ironique. L’histoire coloniale britannique en Palestine et en Irlande du Nord (Shoshana, Dead Shot), le système des classes (Mad About the Boy), la catastrophe d’Hiroshima (Kensuke’s Kingdom) et la recherche amusante d’un trésor (Detectorists) sont toujours d’actualité.
Les films en compétition :
THE TROUBLE WITH JESSICA de Matt Winn
Being There
GIRL de Adura Onashile
It’s a Family Affair
SCRAPPER de Charlotte Regan
It’s a Family Affair
SILENT ROAR de Johnny Barrington
It’s a Family Affair
SILVER HAZE de Sacha Polak
It’s a Family Affair
THE EFFECTS OF LYING de Isher Sahota
It’s a Family Affair
Les films en compétition « Talents de demain » :
IN CAMERA de Naqqash Khalid
Being There
TOI & MOI | RYE LANE de Raine Allen-Miller
Being There
BLUE BAG LIFE de Rebecca Lloyd-Evans, Lisa Selby, Alexander Fry
It’s a Family Affair
SWEET SUE de Leo Leigh
It’s a Family Affair
En séance jeune public, vous pourrez découvrir : LES TOUBLEUS ET LES TOUROUGES de Samantha Cutler et Daniel Snaddon
Comme chaque année, vous pourrez également découvrir des courts-métrages dans la sélection shortcuts et voter pour votre film préféré.
Dans la section BEING THERE, vous pourrez également découvrir :
HOW TO HAVE SEX de Molly Manning Walker (Prix Un Certain Regard du Festival de Cannes 2023)
Dans la section Dinard ❤ Cinema :
CANNES UNCUT de Richard Blanshard, Roger Penny
KEN LOACH : LE VENT DE LA RÉVOLTE de Pierre Chassagnieux
MY NAME IS ALFRED HITCHCOCK de Mark Cousins
SCALA!!! de Ali Catterall, Jane Giles
Dans la section Irish eyes in Dinard :
BARBER de Fintan Connolly
LIES WE TELL de Lisa Mulcahy
MY SAILOR, MY LOVE de Klaus Härö
Dans la section It’s a Family Affair :
LITTLE ENGLISH de Pravesh Kumar
Dans la section The Past is a foreign country :
DEAD SHOT de Tom & Charles Guard
DETECTORISTS de Mackenzie Crook
LE ROYAUME DE KENSUKE de Neil Boyle, Kirk Hendry
MAD ABOUT THE BOY : THE NOEL COWARD STORY de Barnaby Thompson
SHOSHANA de Michael Winterbottom
LES MASTERCLASS
INITIATION AU DOUBLAGE
Par Anthony Brutillot Anthony Brutillot, comédien professionnel, propose aux adultes et aux enfants de découvrir l'univers des studios de doublage en s'amusant.
Au-delà de la salle
Avec NT Binh, Jean-François Baillon, Marine Bohin et Frame À l’occasion de la sortie du Dictionnaire du cinéma britannique (Vendémiaire), de NT Binh et Jean-François Baillon, la masterclass « Au-delà de la salle » permet de sonder les nouvelles formes de la critique de cinéma.
FESTIVAL DES SCOLAIRES
La semaine précédant le Dinard Festival du Film Britannique, six salles de projection accueillent les scolaires de toute la région, proposant des films drôles, ludiques ou historiques adaptés à chaque âge. Il s’agit d’atteindre deux objectifs à visée pédagogique : l’éducation à l’image via le cinéma et la découverte de la culture britannique. Le festival fait également sortir le cinéma de l’écran ! Des ateliers ludiques, rencontres et débats animés par des professionnels, ciné-concerts, mais également des visites guidées, sont organisés : atelier « Lecture du conte en français et en anglais », atelier « Fresque collective », atelier « Identité et interculturalité », rencontre avec une réalisatrice « Dans les coulisses du film », conférence « Femmes puissantes de Grande[1]Bretagne ». Ainsi, les films d’animations et les ateliers créatifs destinés aux plus jeunes, maternelles et élémentaires, permettent un premier contact avec la langue anglaise. Au Palais des Arts et du Festival, il est possible d’admirer la fresque qu’ils ont réalisée. Les films dédiés au public adolescent suivent la thématique, sociale, de la quête d’identité, présentant des parcours de jeunes tiraillés entre deux cultures. Les jeunes adultes, lycéens et plus, réfléchissent à la place de la femme dans la société et à la question du féminisme, grâce à des films qui mettent en lumière les vies de femmes aux destins hors normes.
FILMS Maternelles
La Baleine et l’Escargote | The Snail and The Whale, de Daniel Snaddon et Max Lang Superasticot | Superworm de Sarah Scrimgeour et Jac Hamman Zébulon le dragon | Zebulon The Dragon de Daniel Snaddon et Max Lang
Du CP au CM2
Maurice le chat fabuleux | The Amazing Maurice de Toby Genkel et Florian Westermann Stardog et Turbocat, de Ben Smith Croman | Earlyman, de Nick Park
Collégiens
Miss Revolution, de Philippa Lowthorpe Young Plato, de Neasa Ní Chianáin et Declan McGrath Music of my life, de Gurinder Chadha
Lycéens
Radioactive, de Marjane Satrapi Blue Jean, de Georgia Oakley Emily, de Frances O’Connor Les Suffragettes, de Sarah Gavron Centres de loisirs Mr Bean, de Richard Curtis
En complément des projections à Dinard, Saint-Lunaire et Pleurtuit, le festival proposera aussi des évènements au Vauban, à Saint-Malo, et à la médiathèque L'ourse. Les projections à Saint-Lunaire et à Pleurtuit les jours précédant le festival sont l'occasion de voir ou de revoir trois excellents films britanniques sortis en France au début de l'année.
Le Vauban rendra hommage à Hugh Hudson avec Chariots of Fire.
Vous pourrez également y découvrir en avant-première du festival, My Sailor, My Love.
Pour en savoir plus : le site officiel du festival.
Retrouvez également mes articles sur mes bonnes adresses à Dinard : Le MGallery Royal Emeraude et le Grand Hôtel Barrière de Dinard.
Après mon recueil de nouvelles sur le cinéma, Les illusions parallèles (Editions du 38 - 2016), qui comprenait une nouvelle qui se déroulait intégralement dans le cadre du festival, je vous donne rendez-vous le 5/10/2023 pour découvrir mon nouveau roman (Editions Blacklephant) qui se passe en partie à Dinard...
Critique de EMILY de Frances O'Connor
Les six films de la compétition du dernier Dinard Festival du Film Britannique que j’ai eu le plaisir de voir ont été à la hauteur des films en compétition des années précédentes, surtout, le film couronné du Hitchcock d’or, du prix du public et du prix d’interprétation féminine (rien que cela !) qui est pour moi un des grands films de cette année 2022 et qui méritait donc cette avalanche de récompenses.
« Qui pensons-nous être ? ». Telle était la question posée sur les murs du Palais des arts de Dinard. Question à laquelle devaient répondre les films de cette édition selon les mots de la directrice artistique du festival, Dominique Green, lors de la cérémonie d’ouverture du festival.
Tourmentée. Impétueuse. Romanesque. Flamboyante. Rebelle. Étrange. Exaltée. Ainsi pourrait être qualifiée la Manche dont le spectacle incomparable, à Dinard, inonde et ensorcelle le regard. Telle pourrait aussi être qualifiée l’héroïne du film Emily de Frances O’Connor (Emma Mackey).
Ce film raconte la vie imaginaire de l’une des romancières les plus célèbres du monde, Emily Brontë, disparue trop tôt, à 30 ans. Un voyage initiatique d’une jeune femme rebelle vers la maturité. Le film explore les relations qui l’ont inspirée : sa relation brute et passionnée avec ses sœurs Charlotte et Anne, son premier amour douloureux et interdit pour Weightman, et l’attention qu’elle porte à son frère Branwell.
Cette première réalisation de Frances O'Connor dresse un portrait imaginaire de la célèbre romancière, aussi passionnant que bouleversant. Un éloge de la différence, de la liberté (avant tout celle de penser), de la puissance de l'écriture que l'auteure des Hauts de Hurlevent semble puiser autant dans les chagrins (l'amour, la mort, la solitude) que dans la sauvagerie et la rudesse des paysages du Yorkshire pour livrer cette écriture tempétueuse et poétique qui, comme ce film, nous emporte et nous enivre. Comme le panorama dinardais, finalement.
La réalisation époustouflante pour un premier film (photographie sublime de Nanu Segal, richesse de la profondeur de champ, utilisation signifiante de la lumière), entre Jane Campion et James Ivory est à la hauteur de son (magnifique) sujet.
Un hymne palpitant à la vie que l'écriture permet de sublimer, surmonter, exalter, romancer pour qu'elle devienne intensément romanesque à l'image de ce film qui est aussi enflammé et flamboyant, comme son héroïne, en contraste avec les paysages ombrageux du Yorkshire.
Un film au romantisme sombre, envoûtant, parsemé de références au roman mythique d'Emily Brontë (entre embardées dans le genre fantastique - dont une remarquable scène de dîner qui est aussi un hommage à la force poignante et dévastatrice de l’imaginaire - et relation tumultueuse et passionnelle avec son frère) et qui interroge intelligemment les rapports entre la fiction et la vie d'un (ou une) auteur(e), la part de vérité qu’elle ou il y puise pour nourrir son art, qu’il s’agisse de s’y sauver ou de s’y perdre.
Le président du jury de ce 33ème Dinard Festival du Film Britannique, José Garcia, a ainsi déclaré : « On a été unanimes. Emily est un très grand film, très moderne alors qu'il est sur une base très classique. » Un film vertigineux de beauté et d’intensité, dont la sortie en France est prévue pour le 15 mars 2023.