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  • LINCOLN de Steven Spielberg et AFTER de Géraldine Maillet - Critiques - les 2 films à ne pas manquer cette semaine

    Mercredi prochain sortiront en salles deux films très différents, deux très beaux films que je vous recommande vivement. Retrouvez mes critiques ci-dessous.

    CRITIQUE D' "AFTER" DE GERALDINE MAILLET

     

    A quelques exceptions près comme les remarquables et très différents « Amour »de Michael Haneke, « Laurence Anyways » de Xavier Dolan et « Tabou » de Miguel Gomes, l’année 2012 nous aura livré peu de films d’amour(s), et c’est avec plaisir que je débute l’année cinématographique 2013 par le premier long-métrage de Géraldine Maillet qui nous raconte la rencontre entre deux solitudes, une nuit, à Paris.

     

    C’est un de ces soirs pluvieux comme dans les films de Claude Sautet dans lesquels, une pluie incessante rapproche les êtres, accélère les rencontres, devient un moteur et un accélérateur du rapprochement. Par cette nuit pluvieuse, Julie (Julie Gayet), belle quadragénaire lumineuse, mystérieuse, à la vie semble-t-il bien « cadrée », et mariée rencontre Guillaume (Raphaël Personnaz), trentenaire,libre, impétueux, ombrageux, séducteur, fantasque.

     

    Comme dans toute comédie romantique que cet after n’est d’ailleurs pas tout à fait, cela commence par la rencontre de deux personnes que tout oppose a priori. A priori seulement. Il pleut, donc. Julie ne trouve pas de taxi. Elle se réfugie dans un petit restaurant quasiment désert. Guillaume est là… La rencontre est un peu artificielle mais comme elle le serait dans un conte, une fable, même si ce n’est pas un Paris de carte postale mais un Paris métallique, de lignes froides et paradoxalement rassurantes, un Paris fantomatique, un Paris à la fois proche et lointain, presque abstrait, qui sert de cadre à cette rencontre.

     

    On se sent presque indiscret d’être là tant l’alchimie et la magie opèrent entre ces deux personnages. Même si les dialogues sont particulièrement bien écrits, trop sans doute diront certains esprits chagrins (Géraldine Maillet est auteure de dix romans), ce sont finalement les silences, les non dits, les regards échangés ou éludés, parfois enfiévrés de désirs, les gestes esquissés, les touchantes maladresses caractéristiques des prémisses d’une rencontre et d’un désir latent qui font toute la richesse de ce premier long-métrage. La force de cette rencontre est exacerbée par le sentiment tenace et menaçant de ce qui se passera « After » qui renforce l’intensité, la tristesse, et la nécessité de cette rencontre. Géraldine Maillet a aussi l’intelligence de ne pas nous dire grand-chose de plus sur ses personnages que ce qu’ils savent l’un de l’autre si ce n’est un plan furtif l’intérieur de l’appartement de Julie qui en dit plus que tout le reste.

     

     

    A l’image de son personnage masculin principal, « After » est un film plein de douceur et d’énergie furieuse, plein de fragilités et de sensibilité mais surtout plein de charme, porté par ailleurs par une belle BO. Géraldine Maillet se concentre ainsi sur ses deux personnages principaux et, à l’amour naissant qui les unit s’ajoute celui que leur porte sa caméra qui ne les lâche pas, traque le moindre sursaut de désir et de fragilité. Elle est visiblement amoureuse de ses acteurs. Elle a d’ailleurs déjà tourné deux courts avec Julie Gayet qui porte ici son prénom, plus lumineuse et mystérieuse que jamais (et trop rare au cinéma). Quant à Raphaël Personnaz, inoubliable et marquant duc d’Anjou dans l’excellent et mésestimé « La Princesse de Montpensier » de Bertrand Tavernier – un film d’une âpre beauté dont la fièvre contenue explose au dénouement en un paradoxal et tragique silence, à voir absolument-, il sera indéniablement, je l’espère, une des révélations de cette année 2012 (il est d’ailleurs parmi les trois nommés au prix Patrick Dewaere avec deux autres excellents comédiens que sont Pierre Niney et Matthias Schoenaerts). Il vient également de tourner les deux premiers volets de la trilogie de Pagnol réalisée par Daniel Auteuil. Il est également à l’affiche dans « Anna Karénine » de Joe Wright, de « Trois mondes » de Catherine Corsini, et prochainement dans « la Stratégie de la poussette » de Clément Michel ! Ici il est constamment sur le fil, à fleur de peau, à la fois touchant, et légèrement inquiétant. Avec Julie Gayet ils forment un couple évident duquel émane un trouble lancinant.

     

    « After » est une danse sensuelle et mélancolique, un tango doux et troublant, une parenthèse enchantée qui possède la magie ineffable des rencontres improbables et furtives, éphémères et indélébiles, et malgré ou à cause de tout cela d’une évidence insensée. Ce film nous embarque avec ces deux personnages qui vont tomber le masque, incarnés par deux comédiens irrésistibles. Un dénouement intelligemment elliptique achève de faire de ce premier film une œuvre particulièrement attachante qui nous fait quitter à regrets ses personnages et son univers plein de vitalité (chère à Truffaut), de luminosité nocturne, et empreint de la beauté troublante à la fois et paradoxalement évanescente et/ou éternelle d’une rencontre magique.

     

    Et puis à tous ceux qui luttent pour faire leurs premiers films (j’en sais quelque chose…), je recommande vivement le carnet de bord de la réalisatrice « Il ferait quoi Tarantino à ma place ? ».

     

    Rendez-vous en salles le 30 janvier 2013 pour découvrir à votre tour cette belle et douce errance nocturne, sensuelle et complice.

    Avant-première - Critique - « Lincoln » de Steven Spielberg avec Daniel Day-Lewis, Sally Field, Tommy Lee Jones…

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    En ce début d’année 2013, deux cinéastes américains de génie, Tarantino et Spielberg, sortent un film ayant pour toile de fond l’esclavage. Pour le premier, avec "Django unchained", c’est même le sujet qui lui permet de réinventer un genre cinématographique, puisqu’un esclave y devient héros de western. Pour le second, c’est ce qui lui permet, en traitant de l’adoption du 13ème amendement qui fit de l’abolition de l’esclavage un fondement permanent de la loi américaine, de tisser le portrait d’une éminente figure politique, celle du Président Abraham Lincoln. L’esclavage était d’ailleurs déjà au centre d’un de ses films, « Amistad ». Le premier a situé l’action de son film deux ans avant la guerre de Sécession, le second lors de sa dernière année. Mais, plus que tout cela, ce qui les différencie, c’est un style : singulier, audacieux, qui à la fois utilise et s’affranchit des règles du western pour Tarantino, avec cette histoire d’amitié et de vengeance romanesque, de duels et de duos, une nouvelle fois jubilatoire. Plus classique, académique diront (à tort) certains est en revanche le film de Spielberg. Imaginez que quelqu’un leur aurait donné pour sujet : « réalisez un film qui évoquera l’esclavage ». Ils l’illustrent chacun à leur manière. Différente mais passionnante. Spielberg d’ailleurs, comme l’indique le titre de son film, évoque Lincoln plus que l’esclavage car même si l’adoption du 13ème amendement est l’enjeu du film, c’est Abraham Lincoln qui en est le centre. Alors, l’un est peut-être trop bon élève, l’autre un élève irrévérencieux, quoiqu’il en soit, tous deux ont en commun d’avoir signé deux films délicieusement bavards. Deux magistrales visions de l’Histoire et deux brillantes leçons de cinéma.

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    Spielberg se concentre ainsi sur les quatre derniers passionnants mois du 16ème Président des Etats-Unis : Abraham Lincoln (Daniel Day- Lewis). 1865. La nation est déchirée et divisée par la guerre de Sécession. Lincoln veut à la fois mettre fin au conflit, faire unifier le pays et faire adopter le 13ème amendement qui mettrait fin à l’esclavage. Dans le même temps, il doit faire face à des douleurs et conflits personnels : la perte d’un fils qui a ébranlé son couple et le désir d’un autre, brillant étudiant de Harvard, qui désire partir à la guerre.

    Adapté de « Team of Rivals : The Political Genius of Lincoln » de Doris Kearns Goodwin, le premier trait de génie du film de Spielberg et d’abord de son scenario (signé Tony Kushner, l'auteur, notamment, d’ « Angels in America », une pièce couronnée par le prix Pulitzer) est de ne pas avoir cédé à la facilité du classique biopic qui finalement nous en aurait appris beaucoup moins que ces quatre mois qui révèlent toute la grandeur et l’habileté politiques de Lincoln, sa détermination, mais aussi sa complexité. En conteurs inventifs, plutôt que de narrer son enfance, en une tirade, Kushner/Spielberg évoquent l’enfance de Lincoln et le rapport, là aussi complexe, à son père permettant ainsi, en ne traitant que de ces quatre mois, de cerner la personnalité de cet homme politique tant aimé des Américains et qui a tant influé sur leur Histoire.

    Les premiers plans, marquants (et à dessein puisque, ensuite, l’intrigue se concentrera dans les lieux de pouvoir) nous immergent dans les combats sanglants, impitoyables, de la guerre de Sécession. Spielberg avait déjà retranscrit avec brio toute l’horreur ineffable de la guerre dans « La Liste de Schindler » et « Il faut sauver le soldat Ryan ». Ces quelques secondes nous les rappellent alors que dans « Cheval de guerre », cette violence était essentiellement hors-champ, notamment dans une scène d’une redoutable ingéniosité, celle où deux frères sont fusillés par les Allemands, deux enfants encore, fauchés en pleine innocence, une scène dissimulée par l’aile d’un moulin qui la rendait d’autant plus effroyable.

    Ces quelques secondes de ces hommes qui s’affrontent cors-à-corps suffisent là aussi à nous faire comprendre l’âpre violence de cette guerre et dénotent avec le reste du film, essentiellement centré sur les dialogues, ce qui déconcertera peut-être les inconditionnels du cinéaste qui en attendaient plus de spectaculaire ici savamment distillé.

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    Après cette première scène, Lincoln apparaît, de dos, assis, écouté, admiré. En quelques minutes d’exposition, tout est dit : le conflit, l’admiration, l’esclavage, la complexité de la situation. Spielberg est évidemment le roi de scènes d’exposition. Rappelez-vous celle de « La Liste de Schindler » (que l’on peut d’ailleurs mettre en parallèle avec celle-ci) : Schindler s’habillant méthodiquement, soigneusement, choisissant cravate, boutons de manchette, et épinglant sa croix gammée. Le tout avec la dextérité d’un magicien. Nous n’avons pas encore vu son visage. De dos, nous le voyons entrer dans une boite de nuit où se trouvent des officiers nazis et des femmes festoyant allègrement. Il est filmé en légère contre-plongée, puis derrière les barreaux d’une fenêtre, puis souriant à des femmes, puis observant des officiers nazis avec un regard mi-carnassier, mi-amusé, ou peut-être condescendant. Assis seul à sa table, il semble juger, jauger, dominer la situation. Sa main tend un billet avec une désinvolte arrogance. Son ordre est immédiatement exécuté. Son regard est incisif et nous ignorons s’il approuve ou condamne. Il n’hésite pas à inviter les officiers nazis à sa table, mais visiblement dans le seul but de charmer la femme à la table de l’un d’entre eux. Cette longue scène d’introduction sur la musique terriblement joyeuse (« Por una cabeza » de Gardel), et d’autant plus horrible et indécente mise en parallèle avec les images suivantes montrant et exacerbant même l’horreur qui se joue à l’extérieur, révèle tout le génie de conteur de Spielberg. En une scène, il révélait là aussi tous les paradoxes du personnage, toute l’horreur de la situation. L’ambigüité du personnage est posée, sa frivolité aussi, son tour de passe-passe annoncé.

    Cela pour dire que si les films de Spielberg sont en apparence très différents, ils se répondent tous dans leurs thématiques et constructions, comme les thèmes de loyauté, espoir, courage, ténacité étaient à l’honneur dans « Cheval de guerre » et le sont à nouveau ici, aussi différents puissent paraître ces deux films dans leurs formes.

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    Certains reprocheront à Spielberg une absence d’émotion contrairement à ce à quoi il nous avait habitués. C’est au contraire le grand atout de ce film et c’est justement là encore tout le talent de Spielberg que d’avoir su insérer quelques scènes d’émotion au milieu de ce passionnant parcours politique, de ce film exigeant, de ces joutes verbales. En quelques plans, il nous fait éprouver la détresse et les dilemmes d’un père. Les scènes intimes, rares, n’en sont que plus bouleversantes, souvent filmées dans la pénombre, révélant les zones d’ombre de cet homme éclairé. Le talent de (ra)conteur de Spielberg culmine lors de la scène de l’adoption du 13ème amendement pour laquelle il cède un moment au lyrisme et à l’emphase, et à quelques facilités scénaristiques qui contrastent avec la rigueur de l’ensemble mais témoignent de sa capacité à intéresser et émouvoir en quelques secondes. Il serait d’ailleurs intéressant de mettre en parallèle le montage de cette scène avec celle de la scène de la constitution de la liste dans « La Liste de Schindler », ces scènes étant toutes deux l’apogée de ces films autour desquelles ils sont articulés.

    A ces quelques exceptions près, Spielberg a préféré ici raconter l’Histoire plutôt qu’une histoire, même s’il reste un conteur admirable sachant captiver l’attention, et rendant ainsi encore hommage à Lincoln, lui-même conteur malicieux. Quand, aujourd’hui, on tend à tout simplifier et à utiliser des recettes souvent racoleuses pour captiver le spectateur, c’est un défi louable que de réaliser une œuvre aussi dense, foisonnante. D’ailleurs quel meilleur moyen pour évoquer la complexité de la démocratie, ses contradictions ? Indigne hommage que cela aurait alors été que de tout simplifier. Au contraire, par un récit complexe (mais d’ailleurs clair), Spielberg illustre la complexité de la politique, et lui redonne ses lettres de noblesse quand elle est ce qu’elle devrait uniquement représenter : un changement, un espoir, tout en n’éludant pas les compromis et même les compromissions nécessaires lorsque « La fin justifie les moyens », citation plus machiavélienne que machiavélique...

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    Au-delà de tout, ce qui restera sans doute de ce film, c’est l’incroyable présence de Daniel Day-Lewis qui EST Lincoln, politicien de génie, mari et père confronté à la douleur, homme mélancolique, conteur malicieux, brillant stratège et surtout profondément humain et charismatique. Il fait totalement oublier l’acteur pour donner vie à l’ancien président américain. Dans un rôle aux antipodes de celui qu’il incarnait dans « There will be blood », tout en excès (mais tout aussi magistral), ici tout en nuances, il prouve une nouvelle fois la fascinante étendue de son talent. Spielberg, plutôt que de faire des mouvements de caméra démonstratifs, a mis sa caméra au service de son jeu, se rapprochant au fur et à mesure qu’il captive son auditoire, dans le film, et la salle de cinéma. A côté de lui, une distribution exceptionnelle campe plus d’une centaine de personnages, là encore identifiables et caractérisés en quelques mots, quelques plans. Un véritable défi. Parmi eux, retenons Sally Field impeccable dans le rôle de l’autoritaire et torturée Mrs Lincoln ou encore Tommy Lee Jones qui incarne les contradictions et les compromis nécessaires à l’adoption d’une loi historique qui aura guidé sa vie. Joseph Gordon-Lewitt qui interprète un des fils de Lincoln a lui les honneurs d'un des plus beaux plans du film, d’une tristesse et d’une beauté déchirantes, lorsqu’il découvre un charnier et décide de s’engager. David Strathairn, trop rare encore, est également remarquable en William Seward.

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    Le film est servi par un souci perfectionniste du détail, des décors aux costumes, en passant par une photographie réaliste d’une élégante sobriété. Ainsi, en un instant, lorsque Lincoln est filmé s’éloignant de dos dans un couloir vide tel un comédien quittant la scène ou dans ce plan de sa silhouette et de celle de son fils dans l’aveuglante lueur d’une fenêtre lorsqu'il apprend l'adoption de l'amendement, Spielberg nous éblouit sans pour autant chercher à en mettre plein la vue. La musique de John Williams alterne entre lyrisme et discrétion et achève ce tableau historique d’une passionnante sobriété.

    Un film captivant et exigeant sur un homme et une situation historiques et complexes. Un hommage à Lincoln mais, au-delà, à la politique et ce qu’elle implique d’exigence à laquelle la forme judicieuse du film rend si bien justice. Un film d’une sobriété salutaire qui ne cède que quelques instants et brillamment à l’émotion mais jamais à l’esbroufe. Un film dense aux 2H29 nécessaires. Un travail d’orfèvre servi par une prestation en or, celle d’un Daniel Day-Lewis au sommet de son art, accompagné par une distribution remarquablement choisie et dirigée. Un très grand film dont le classicisme n’est pas un défaut mais au contraire le témoignage de l’humilité et de l’intelligence d’un grand cinéaste devant un grand homme à qui il rend un admirable hommage, de la plus belle manière qui soit, en ne le mythifiant pas mais en le montrant dans toute son humaine complexité.

    Je vous parlais ici du film au lendemain de sa projection, je pense qu'il me faudra encore un peu de temps pour vous en parler comme il le mérite, et avec le recul nécessaire, donc j'y reviendrai.

    Retrouvez aussi cette critique sur "In the mood - Le Magazine" en cliquant ici.

    Sortie en salles : le 30 janvier 2013

  • Critique de "Ces amours-là" de Claude Lelouch, ce lundi 28 janvier, sur Ciné + Emotion, à 20H45

    Demain soir, ne manquez pas la diffusion de "Ces amours-là" de Claude Lelouch sur Ciné + Emotion. Retrouvez ma critique du film ci-dessous ainsi que celle du documentaire "D'un film à l'autre" qui ravira sans aucun doute ceux qui, comme moi, sont inconditionnels du cinéaste, et apprendra aux autres à mieux le connaître et, enfin, en bas de cet article, vous trouverez ma critique de "Un homme et une femme".

     

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    Lelouch. Prononcez ce nom dans un dîner et vous verrez immédiatement l’assistance se diviser en deux. Les adorateurs d’un côté qui aiment : ses fragments de vérité, ses histoires d’amour éblouissantes, sa vision romanesque de l’existence, sa sincérité, son amour inconditionnel du cinéma, ses phrases toutes faites et récurrentes, une musique et des sentiments grandiloquents, la beauté parfois cruelle des hasards et coïncidences. Les détracteurs de l’autre qui lui reprochent son sentimentalisme et tout ce que les premiers apprécient, et sans doute de vouloir raconter une histoire avant tout, que la forme soit au service du fond et non l’inverse. Je fais partie de la première catégorie et tant pis si pour cela je dois subir la condescendance des seconds.  Avec « Roman de gare », les seconds s’étaient rapprochés des premiers, mais pour cela il aura auparavant fallu que le film soit au préalable signé d’un autre nom que le sien. Avec « Ces amours-là », il ravira sans doute à nouveau les premiers et agacera certainement les seconds, ce dernier film réunissant tout ce qui définit son cinéma. Et c’est bien normal puisque ce film est le cadeau qu’il s’est offert et qu’il offre à son public pour ses cinquante ans de carrière.

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    Pour évoquer ces cinquante ans de cinéma, il nous invite à suivre le destin flamboyant d’Ilva (Andrey Dana), ses malheurs et ses bonheurs démesurés sur cinq décennies d’histoire. Pour Ilva l’amour est plus important que tout. C’est par la plaidoirie de son avocat (Laurent Couson) et au rythme d’un orchestre symphonique que son destin, fait de bonheurs et tragédies tout aussi romanesques, nous est conté.

    Des premiers plans en noir et blanc qui évoquent les débuts du cinéma au dernier sur les spectateurs sortant d’un cinéma projetant « Ces amours-là » , ce dernier film de Claude Lelouch est avant tout un hommage au cinéma, une manière de remercier son public de sa fidélité (l’exergue puis le dernier plan leur sont ainsi destinés), de faire le bilan de son existence cinématographique, lui, l’enfant juif que sa mère cachait dans un cinéma pendant la guerre et qui verra ainsi naitre sa passion et sa dévotion pour le cinéma qui non seulement illuminera sa vie mais la sauvera. Il s’amuse avec la mise en abyme pour nous parler de son histoire, d’histoires vraies qui l’ont marqué, mais aussi du cinéma qu’il aime.

    Le père d’Ilva (Dominique Pinon) est projectionniste, beau prétexte pour évoquer les débuts du parlant avec « Le chanteur de jazz » ou pour nous montrer des extraits de classiques du cinéma : « Remorques » de Jean Grémillon, « Autant en emporte le vent » de Victor Fleming, « Le Jour se lève » et « Hôtel du Nord » de Marcel Carné sans parler d’une affiche très à propos du « Crime était presque parfait » d’Hitchcock. Et c’est avant tout ce qui m’a plu dans ce nouveau film : sa passion du cinéma qui transpire dans chaque plan, sa volonté de la partager avec nous, son regard toujours alerte et curieux, presque candide. Tant pis si cette naïveté en hérisse certains.

    L’amour du cinéma donc, un amour du cinéma qui passe par celui des acteurs. Et c’est là qu’il m’a bluffée. Dans ces scènes plus intimes ou ses fameux fragments de vérité et où l’émotion affleurent et nous emportent. Qu’importe si « Ces amours-là » souffre de quelques baisses de rythme, si la musique force parfois un peu trop l’émotion, si Claude Lelouch ne s’embarrasse pas de psychologie, il dessine la vie en grand, en romanesque et le jeu de ses acteurs qu’il dirige si habilement nous y fait croire (on comprend alors aisément le générique impressionnant des acteurs qui ont tourné pour lui et qui apparaissent à la fin).

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    Que ce soit dans une boîte de jazz avec Audrey Dana, Gilles Lemaire et Jacky Ido (ce dernier est pour moi LA révélation) où plus rien d’autre, malgré la foule et le bruit, ne semble exister que leurs sentiments naissants ou au siège de la Gestapo entre Samuel Labarthe, nazi jouant la Marseillaise et Audrey Dana (qui m’a rappelée la fameuse scène de la Marseillaise dans « Casablanca » de Michael Curtiz), Lelouch nous fait retenir notre souffle comme si la scène se déroulait réellement sous nos yeux, sans doute l’effet de sa fameuse méthode qui consiste à souffler le texte aux acteurs pour créer l’effet de surprise. Des acteurs filmés en gros plan dont sa caméra bienveillante traque l’éclat, l’émotion, la vie, la faille, la magie. Raphaël fait ses débuts plus que prometteurs de même que le musicien Laurent Couson, Dominique Pinon devient à nouveau beau sous l’œil de Claude Lelouch, Judith Magre et Anouk Aimée nous émeuvent en quelques plans. Audrey Dana confirme la confiance que Lelouch a placée en elle, invariablement juste, incarnant ce personnage à la fois courageux et désinvolte, grave et insouciant, volontaire et soumis aux hasards de l’existence. Et il en fallait du culot pour dire à des Français de jouer des Allemands ou des Américains et de l’audace pour prétendre retracer 50 ans d’Histoire en deux heures, et pour tourner le tout en Roumanie.

    Avec « Ces amours-là », Lelouch signe une fresque nostalgique ; une symphonie qui s’achève sur une note d’espoir ; la bande originale de son existence cinématographique qui évite l’écueil du narcissisme en guise de remerciements au cinéma, à la musique, à son public, à ses acteurs ; un film joliment imparfait qui met en exergue les possibles romanesques de l’existence ; un film jalonné de moments de grâce, celle des acteurs avant tout à qui ce film est une déclaration d’amour émouvante, passionnée et de ce point de vue entièrement réussie.

    En bonus, critique de l'excellent documentaire "D'un film à l'autre" (à voir absolument si vous aimez le cinéma de Claude Lelouch)

     

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    En mars 2011, dans les locaux des Films 13 était organisée une projection du documentaire « d’Un film à l’autre » suivie d’un débat avec Claude Lelouch.

    Le cinéma de Claude Lelouch a bercé mon enfance. D’ailleurs, moi dont la passion pour le cinéma a été exacerbée à et par Deauville, j’étais presque « condamnée » à aimer son cinéma indissociable de cette ville qu’il a magnifiquement immortalisée.

     Le cinéma est pour moi avant tout affaire de passion, de sincérité, d’audace et quoiqu’en disent ses détracteurs, le cinéma de Claude Lelouch se caractérise par ces trois éléments comme le démontre magnifiquement de documentaire « D’un film à l’autre » réalisé à l’occasion des 50 ans des films 13. Un documentaire qui résume un demi-siècle de cinéma du « Propre de l’homme » à « Ces amours-là ».

    Ayant lu l’autobiographie de Claude Lelouch (« Itinéraire d’un enfant très gâté », Robert Laffont) que je vous recommande et ayant vu un grand nombre de ses films, j’ai néanmoins appris pas mal d’anecdotes et an ai réentendu d’autres comme l’histoire de la rencontre de ses parents- présente également dans son court-métrage de "Chacun son cinéma"- auquel fera formidablement écho la remise de son Oscar des années plus tard (je vous laisse la découvrir si vous ne connaissez pas l’anecdote). Magnifique hasard à l’image de ceux qu’il met en scène.

    Un parcours fait de réussites flamboyantes et d’échecs retentissants. « C’est plus difficile aujourd’hui de sortir d’un échec, aujourd’hui la terre entière est au courant. A l’époque, cela restait confidentiel. Derrière un échec on peut rebondir autant qu’on veut si on ne demande rien aux autres. Etant donné que j’ai toujours été un spécialiste du système D, j’ai toujours trouvé le moyen de tourner des films » a-t-il précisé lors du débat.

    La plus flamboyante de ses réussites fut bien sûr « Un homme et une femme », palme d’or à Canes en 1966, Oscar du meilleur film étranger et du meilleur scénario parmi 42 récompenses … à 29 ans seulement! Film que Claude Lelouch a, comme souvent réalisé, après un échec. Ainsi le 13 septembre 1965, désespéré, il roule alors vers Deauville où il arrive la nuit, épuisé. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture, elle marche sur la plage avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera « Un homme et une femme », la rencontre de deux solitudes blessées qui prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires.

     

    Une histoire que vous redécouvrirez parmi tant d’autres comme les derniers instants de Patrick Dewaere, et puis des tas d’autres hasards et coïncidences et d’histoires sur les uns et les autres que Lelouch nous raconte en voix off, avec passion et sincérité, comme un film, celui de son existence, une existence à 100 à l’heure, à foncer et ne rien regretter à l’image de son court-métrage « C'était un rendez-vous » qui ouvre le documentaire. L’histoire d’une vie et une histoire, voire une leçon, de cinéma. Claude Lelouch souligne notamment l’importance de la musique essentielle dans ses films : « L’image, c’est le faire-valoir de la musique ». « Chaque nouvelle invention modifie l’écriture cinématographique. Mes gros plans c’est ma dictature, et les plans larges c’est ma démocratie, et pas de plan moyen. » a-t-il précisé lors du débat. « Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui va très vite et on n’a plus le temps de lire le mode d’emploi alors que de mon temps on avait le temps de lire le mode d’emploi mais il y a quelque chose qui n’a pas fait de progrès c’est l’amour. La montée et la descente d’une histoire d’amour m’ont toujours fasciné. »

     

    Claude Lelouch est né avec la Nouvelle Vague qui ne l’a jamais reconnu sans doute parce que lui-même n’avait « pas supporté que les auteurs de la Nouvelle Vague aient massacré Clouzot, Morgan, Decoin, Gabin », tous ceux qui lui ont fait aimer le cinéma alors qu’il trouvait le cinéma de la Nouvelle Vague « ennuyeux ».

    Quel bonheur de revoir Jean-Paul Belmondo, Jacques Villeret, Yves Montand, Annie Girardot, Jean Louis Trintignant, Anouk Aimée, Fabrice Luchini Evelyne Bouix, Catherine Deneuve, Lino Ventura, Fanny Ardant, Francis Huster, Alessandra Martines, tantôt irrésistibles ou bouleversants, parfois les deux, magnifiés par la caméra de Claude Lelouch qui sait si bien, par sa manière si particulière de tourner et surtout de diriger les acteurs, capter ces fameux fragments de vérités. « Les parfums de vérité plaisent au public français. Donner la chair de poule, c’est l’aristocratie de ce métier. » Comment ne pas être ému en revoyant Annie Girardot dans « Les Misérables » (qui lui vaudront ce César de la meilleure actrice dans un second rôle, en 1996, et sa déclaration d’amour éperdue au cinéma ), Jean-Paul Belmondo et Richard Anconina dans « Itinéraire d’une enfant gâté » ? Des extraits comme autant de courts-métrages qui nous laissent un goût d’inachevé et nous donnent envie de revoir ses films.

     « Il n’y a pas de vraies rencontres sans miracles » d’après Claude Lelouch et chacun de ces miracles en a donné un autre, celui du cinéma. «L’idée était de raconter l’histoire des films 13 et comment je suis allée d’un miracle à l’autre car un film est toujours un miracle. »

     Alors tant pis si une certaine critique continue de le mépriser (il y est habitué lui dont un critique clairvoyant disait à ses débuts "Claude Lelouch... Souvenez-vous bien de ce nom. Vous n'en entendrez plus jamais parler.") voire les professionnels de la profession (cf son absence de nominations aux César, récemment encore, pour "Ces amours-là"…) car comme il le dit lui-même : « Un seul critique qui compte sur moi, c’est le temps qui passe ».

    Alors si comme moi, vous aimez le cinéma de Claude Lelouch et les fragments de vérités, si vous croyez aux hasards et coïncidences, fussent-ils improbables, découvrez ce documentaire qui est aussi la leçon d’une vie d’un homme qui a su tirer les enseignements de ses succès et surtout de ses échecs et d’un cinéaste qui a tellement sublimé l’existence et les acteurs, ce dont témoigne chaque seconde de ce documentaire passionnant, itinéraire d'un enfant gâté, passionné fou de cinéma.

    Critique - "Un homme et une femme" de Claude Lelouch

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    Je ne sais plus très bien si j'ai vu ce film avant d'aller à Deauville, avant que cette ville soit indissociablement liée à tant d'instants de mon existence, ou bien si je l'ai vu après, après que mon premier séjour à Deauville, il y a 19 ans, ait modifié le cours de mon « destin »... Toujours est-il qu'il est impossible désormais de dissocier Deauville du film de Claude Lelouch qui a tant fait pour sa réputation, « Un homme et une femme » ayant créé la légende du réalisateur comme celle de la ville de Deauville, et notamment sa réputation de ville romantique à tel point que, pendant le Festival du Cinéma Américain 2006, a été inaugurée une place Claude Lelouch, en sa présence et celle d'Anouk Aimée. J'étais présente ce jour-là et l'émotion et la foule étaient au rendez-vous.

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    Le 13 septembre 1965, Claude Lelouch est désespéré, son dernier film ayant été un échec. Il prend alors sa voiture, roule jusqu'à épuisement en allant vers Deauville où il s'arrête à 2 heures du matin en dormant dans sa voiture. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture, étonné de la voir marcher avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera « Un homme et une femme ».

    Synopsis : Anne (Anouk Aimée), scripte, inconsolable depuis la mort de son mari cascadeur Pierre (Pierre Barouh), rencontre à Deauville, en allant chercher sa fille à la pension, un coureur automobile, Jean (Jean-Louis Trintignant), dont la femme s'est suicidée par désespoir. Jean raccompagne Anne à Paris. Tous deux sont endeuillés, et tous deux ont un enfant. C'est l'histoire d'un homme et d'une femme qui s'aiment, se repoussent, se retrouvent et s'aiment encore...

    J'ai vu ce film un grand nombre de fois, tout à l'heure encore et comme à chaque fois, avec le même plaisir, la même émotion, le même sentiment de modernité pour un film qui date de 1966, étonnant pour un cinéaste dont beaucoup de critiques raillent aujourd'hui le classicisme. Cette modernité est bien sûr liée à la méthode Claude Lelouch d'ailleurs en partie la conséquence de contraintes techniques et budgétaires. Ainsi, Lelouch n'ayant pas assez d'argent pour tourner en couleurs tournera les extérieurs en couleurs et les intérieurs en noir et blanc. Le montage et les alternances de noir et blanc et de couleurs jouent alors habilement avec les méandres du temps et de la mémoire émotive, entre le présent et le bonheur passé qui ressurgit sans cesse.

    Je ne sais pas si « le cinéma c'est mieux que la vie » mais en tout cas Claude Lelouch fait partie de ceux dont les films et surtout « Un homme et une femme » nous la font aimer. Rares sont les films qui donnent à ce point la sensation de voir une histoire d'amour naître et vibrer sous nos yeux, d'en ressentir -partager, presque- le moindre battement de cœur ou le moindre frémissement de ses protagonistes, comme si la caméra scrutait les visages et les âmes. Par une main qui frôle une épaule si subtilement filmée. Par le plan d'un regard qui s'évade et s'égare. Par un sourire qui s'esquisse. Par des mots hésitants ou murmurés. Par la musique éternelle de Francis Lai (enregistrée avant le film) qui nous chavire le cœur. Par une photographie aux accents picturaux qui sublime Deauville filmée avec une lumière nimbée de mélancolie, des paysages qui cristallisent les sentiments de Jean-Louis et d'Anne, fragile et paradoxalement impériale, magistralement (dirigée et) interprétée par Anouk Aimée. Rares sont les films qui procurent cette impression de spontanéité, de vérité presque. Les fameux « instants de vérité » de Lelouch.

    Et puis il y a le charme incomparable du couple Anouk Aimée/ Jean-Louis Trintignant, le charme de leurs voix, notamment quand Jean-Louis Trintignant prononce « Montmartre 1540 ». Le charme et la maladresse des premiers instants cruciaux d'une histoire d'amour quand le moindre geste, la moindre parole peuvent tout briser. Et puis ces plans fixes, de Jean-Louis dans sa Ford Mustang (véritable personnage du film), notamment lorsqu'il prépare ce qu'il dira à Anne après qu'il ait reçu son télégramme. Et puis ces plans qui encerclent les visages et en capturent la moindre émotion. Ce plan de cet homme avec son chien qui marche dans la brume et qui fait penser à Giacometti (pour Jean-Louis). Tant d'autres encore...

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    Avec « Un homme et une femme » Claude Lelouch a signé une histoire intemporelle, universelle avec un ton très personnel et poétique. La plus simple du monde et la plus difficile à raconter. Celle de la rencontre d'un homme et une femme, de la rencontre de deux solitudes blessées. Il prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires.

    Alors pour reprendre l'interrogation de Jean-Louis dans le film citant Giacometti « Qu'est-ce que vous choisiriez : l'art ou la vie » Lelouch, n'a certainement pas choisi, ayant réussi a insufflé de l'art dans la vie de ses personnages et de la vie dans son art. Voilà c'est de l'art qui transpire la vie.

    Alors que Claude Lelouch a tourné sans avoir de distributeur, sans même savoir si son film sortirait un jour, il obtint la palme d'or à Cannes en 1966, l'oscar du meilleur film étranger et celui du meilleur scénario et 42 récompenses au total et aujourd'hui encore de nombreux touristes viennent à Deauville grâce à « Un homme et une femme », le film, mais aussi sa musique mondialement célèbre. Vingt ans après, Claude Lelouch tourna une suite « Un homme et une femme 20 ans déjà » réunissant à nouveau les deux protagonistes.

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  • Vidéo - Voeux à la presse 2013 de la Ministre de la Culture Aurélie Filippetti

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    J'étais ce matin invitée aux voeux à la presse de la Ministre de la Culture et de la communication, Aurélie Filippetti, au Ministère de la Culture, rue de Valois. Retrouvez ma vidéo de l'intégralité du discours ci-dessous (il manque juste les 10 premières secondes, désolée pour la qualité approximative de l'image). Vous pouvez aussi retrouver la version écrite du discours en cliquant ici.

  • Critique - "Il y a longtemps que je t'aime" de Philippe Claudel, à 20H50, ce soir, sur Arte

     

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    Le film s’ouvre sur le regard bleu et absent et glacial de Kristin Scott Thomas (Juliette), ce regard qui va nous happer dans les abysses de ses douleurs et ses secrets et ne plus nous lâcher jusqu’à la dernière seconde du film. Ses traits sont tirés, sa démarche maladroite, ses réactions sont brutales. Elle vient de sortir de prison après 15 ans d’enfermement. 15 années pendant lesquelles sa famille l’a rejetée. Sa jeune sœur, Léa (Elsa Zylberstein), vient la chercher pour l’héberger et l’accueillir chez elle auprès de son mari Luc (Serge Hazanavicius) et ses deux filles, adoptives (ce qui n’est évidemment pas anodin). L’une et l’autre vont alors reconstruire leur relation et reconstruire le passé, panser cette plaie à vif, ce gouffre béant. Juliette va devoir se faire « adopter ».

    78c6f923d22bbf6d767494e0cca2be92.jpgA la manière d’un tableau qui l’on jugerait rapidement, s’arrêtant à notre premier regard, vue d’ensemble imparfaite et simpliste et finalement rassurante dans nos certitudes illusoires, c’est d’abord le mal être, la violence des réactions de Juliette qui nous apparaît, filmée en plongée, si fragile, brisée par la vie, l’absence de vie. Le cinéaste distille les informations retenant judicieusement notre attention par cette soif de comprendre, accroissant notre curiosité pour cette femme aux contours de moins en moins flous mais de plus en plus complexes. On apprend ensuite qu’elle a commis l’impardonnable : elle a tué son enfant. Elle devrait être détestable mais l’humanité avec laquelle elle est filmée, son égarement, son mutisme obstiné sur les circonstances du drame, la violence des réactions qu’elle provoque suscitent notre empathie puis notre sympathie. « Crime et châtiment ». Dostoïevski. (Probablement le livre le plus cité au cinéma, non ? Ici, aussi.) Le tableau nous apparaît d’abord très noir. Et puis les nuances apparaissent peu à peu. Juliette « Raskolnikov » s’humanise. Nous voyons le monde à travers son regard : faussement compassionnel, un monde qui aime enfermer dans des cases, un monde qui juge sans nuances. Un monde dont Philippe Claudel, peintre des âmes grises (Juliette est d’ailleurs presque toujours vêtue de gris) et des souffrances enfouies, nous dépeint la cruauté et la fragilité avec acuité.

    123d0f153ac881bcd7bc96b0868d006a.jpgIl y a des films comme ça, rares, qui vous cueillent, vous embarquent, vous emprisonnent délicieusement dans leurs univers, douloureux et, puis, lumineux, dès la première seconde, pour ne plus vous lâcher. C’est le cas d’ « Il y a longtemps que je t’aime », premier film en tant que réalisateur de l’auteur des « Ames grises » (Prix Renaudot 2003 adapté par Yves Angelo) et du « Rapport de Brodeck » qui a également signé le scénario. La bienveillance de son regard sur ces âmes grises, blessées, insondables, parcourt tout le film. Tous ces personnages, libres en apparence, sont enfermés à leur manière : le grand-père muet à la suite de son accident cérébral est muré dans son silence, la mère de Juliette et Léa est enfermée dans son oubli après l’avoir été dans son aveuglement, le capitaine est enfermé dans sa solitude, Michel –Laurent Grévil- (un professeur qui enseigne dans la même faculté que Léa et qui va s’éprendre de Juliette) est enfermé dans ses livres, Léa est enfermée dans ce passé qu’on lui a volé, et Juliette est encore enfermée dans cette prison à laquelle on ne cesse de l’associer et la réduire. La caméra ne s’évade que très rarement des visages pour mieux les enfermer, les scruter, les sculpter aussi, les disséquer dans leurs frémissements, leurs fléchissements, leurs fragilités : leur humanité surtout. La ville de Nancy où a été tourné le film est quasiment invisible. Nous sommes enfermés. Enfermés pour voir. Pour distinguer les nuances, dans les visages et les regards. Comme cette jeune fille que Michel vient sans cesse voir au musée, enfermée dans son cadre, et qui ressemble à un amour déçu et dont il se venge ainsi parce qu’elle ne peut pas s’échapper. Nous ne pouvons nous enfuir guidés et hypnotisés par le regard captivant, empli de douleur et de détermination, de Juliette. Nous n’en avons pas envie.

    Ne vous méprenez pas, ne soyez pas effrayés par le sujet. Si le tableau est sombre en apparence, ses couleurs sont multiples, à l’image de la vie : tour à tour cruel, très drôle aussi, l’ironie du désespoir peut-être, l’ironie de l’espoir aussi, les deux parfois (scène du dîner), bouleversant aussi, ce film vous poursuit très longtemps après le générique à l’image de la rengaine qui lui sert de titre. Il est parfois plus facile de chanter ou d’esquisser que de dire. « Il y a longtemps que ». Tout juste peut-on regretter que les traits de la personnalité du personnage de Luc ne soient qu’esquissés. (néanmoins interprété avec beaucoup de justesse par Serge Hazanavicius). Mais à l’image du verdict improbable, cela importe finalement peu.

    ef7396aca26c62ce0118fae3b1ff799a.jpgKristin Scott Thomas trouve là un personnage magnifique à la (dé)mesure de son talent, au prénom d'héroïne romantique qu'elle est ici finalement, aimant inconiditionnellement, violemment. A côté d’elle le jeu d’Elsa Zylberstein nous paraît manquer de nuances mais après tout la violence de la situation (le passé qui ressurgit brusquement) justifie celle de ses réactions. Au contact l’une de l’autre elles vont reconstituer le fil de l’histoire, elles vont renaître, revivre, et illuminer la toile.

    Jusqu’à cet instant paroxystique où le regard, enfin, n’est plus las mais là, où des larmes sublimes, vivantes, ostensibles, coulent sur la vitre, de l’autre côté, inlassablement, et les libèrent. Un hymne à la vie. Bouleversant. De ces films dont on ressort avec l’envie de chanter, de croquer la vie (dans le sens alimentaire et dans le sens pictural du terme) et la musique du générique, de Jean-Louis Aubert, achève de nous conquérir. Irréversiblement.

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  • Critique - "Zero dark thirty" de Kathryn Bigelow (en salles ce mercredi)

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    En 2009, Kathryn Bigelow remportait l’Oscar du meilleur film avec “Démineurs”. Elle est à nouveau nommée cette année, de retour avec son scénariste/producteur Mark Boal, avec « Zero dark thirty », dans pas moins de 5 catégories et à nouveau dans celle du meilleur film face à Argo, L’Odyssée de Pi, Lincoln, Django unchained. Mérite-t-elle cette récompense ?

    « Zero dark thirty » raconte les dix années de traque qui aboutirent à la mort de Ben Laden et à le découvrir non pas terrée dans une grotte inaccessible comme le voulait la rumeur mais vivant confortablement dans une habitation fortifiée de la banlieue d’Abbottābād, au Pakistan, ce qui lui permettait de communiquer efficacement et facilement, et ainsi de transmettre ses ordres. C’est à travers les yeux de Maya (Jessica Chastain), agent de la CIA, que nous suivons cette traque depuis le 11 septembre 2001 jusqu’à Zero dark thirty (qui signifie 0H30 dans le langage militaire), heure à laquelle Ben Laden a été trouvé et tué, dix ans plus tard.

    Reconnaissons au moins à Kathryn Bigelow l’intelligence de n’avoir pas fait de son film une fiction à la gloire des Etats-Unis s’achevant (forcément) par une bannière étoilée flottant insolemment et fièrement et alors que la sortie avait été repoussée les Républicains redoutant que le film ne soit à la gloire de l'administration Obama, à la veille des élections (ce qui est d'ailleurs très loin d'être le cas). Pour le reste, rarement un film m’aura inspiré une telle indifférence, ce qui est sans doute étonnant au regard de la polémique suscitée par le film (Kathryn Bigelow est accusée de faire l’apologie de la torture puisque celle-ci ici est ouvertement montrée et permet d’obtenir des informations cruciales). Au contraire, j’ai plutôt eu l’impression qu’elle se glorifiait d’oser l’aborder tout en se justifiant en montrant tout de même que l'agent Dan (Jason Clarke) qui menait ces actes de tortures et y initie en quelque sorte Maya finit par quitter le terrain des opérations pour Washington, subitement las de cette torture qui semblait d’ailleurs à aucun moment auparavant ne lui poser problème. Dans le même temps, elle montre bien que les agents de la CIA sont davantage motivés par leur avancement que la gloire de la patrie et qu’ils sont dotés d’un cynisme redoutable : « Faites votre boulot et amenez moi des gens à tuer » dit ainsi George (Mark Strong), chef des divisions d’antiterrorisme d’Afghanistan et du Pakistan. Quelle courageuse, cette Kathryn Bigelow.

    Elle revendique par ailleurs de ne pas faire de psychologie, mais de là à créer des personnages aux motivations totalement opaques, il y a un fossé qu’elle a allègrement franchi. Jessica Chastain, sans doute très bonne actrice par ailleurs, a ici deux expressions à son actif (l'abattement et la détermination) et passe de l’une à l’autre de manière complètement incompréhensible et injustifiée. Son Golden Globe et sa nomination comme meilleure actrice aux Oscars demeurent un mystère pour moi. On ne comprend jamais pourquoi elle s’investit à ce point et encore moins (parait-il en partie pour protéger la personne qui a inspiré le rôle mais alors pourquoi dans ce cas ne pas avoir opté pour de la fiction pure ou au contraire pour le documentaire) pourquoi en un quart de seconde elle semble passer de la terreur devant la torture à la résignation puis à son adoption. On ne comprend JAMAIS ses motivations, ni son changement de caractère.

    Kathryn Bigelow, elle-même, semble constamment hésiter entre l’œuvre exigeante basée sur des informations réelles, un vrai travail de recherche et les concessions à un film divertissant destiné au plus grand nombre (le film fait d’ailleurs un carton au box office américain). Preuve en sont ces dernières minutes dans l’habitation de Ben Laden à Abbottabad filmées avec un minimum de lumière par une caméra très sensible, l’Alexa qui, comme Kathryn Bigelow l’a elle-même expliqué, « donne aux images une texture unique qui ne s’apparente ni à du 35 mm ni à du numérique. La netteté n’est pas parfaite, le rendu est un peu grenu, mais avec une large échelle de couleurs qui permet une image dense, saturée et riche". En émane un sentiment de réalisme et en résulte une scène plutôt réussie dont les effets sont totalement annihilés lorsqu’un des Seals (agents du Raid) appelle « Oussama » pour le faire sortir de sa cachette, ce qui a d’ailleurs suscité l’hilarité d’une partie de la salle. Le dernier plan, en pleine lumière, qui répond à l’obscurité ( et la noirceur) du début du film nous laisse aussi décontenancés et perdus que celle qui a consacré dix ans de sa vie à un but enfin atteint.

    Ce film ne m’a pas ailleurs rien appris que je ne savais déjà, ne m’a même pas ennuyé, m’a simplement laissé indifférente (ce qui est pire que tout). Finalement, on ne sait jamais ce que Kathryn Bigelow souhaite dire, dénoncer, montrer et quel est sont point de vue, elle-même paraissant constamment écartelée entre le désir de susciter l’intérêt du plus grand monde et le souci de véracité, faisant finalement des concessions aux uns et aux autres et aboutissant à cette œuvre tiède et sans personnalité.

    La musique du compositeur français Alexandre Desplat et le « plaisir » de retrouver le talentueux comédien français Reda Kateb dans le rôle (particulièrement difficile) d’Ammar ne m’auront pas sortie de ma léthargie.

    Vous l’aurez compris : ma préférence va largement à « Django unchained » de Tarantino et plus encore à « Lincoln » de Spielberg pour cet Oscar du meilleur film à côté duquel cette polémique certes biaisée devrait faire passer Kathryn Bigelow, si l’absence de qualités de ce film sans âme et finalement dénué de réel point de vue (d’où la polémique qui fait que chacun a sa propre interprétation, celle que veut donner la réalisatrice/scénariste du film étant particulièrement floue) n’y suffisent pas.

    Sortie en salles : le 23 janvier 2013

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  • Critique - "La vie des autres" de Florian Henckel von Donnersmarck, sur Arte, à 20H50, ce soir

    1984. RDA. La STASI, les services secrets de la RDA, depuis 1950, espionne quiconque est soupçonné du moindre murmure contre le régime à l’exemple du dramaturge George Dreymann, à leurs yeux (ou leurs œillères), trop irréprochable pour l’être réellement, ainsi que sa compagne, l’actrice Crista-Maria Sieland. Le Ministre de la Culture charge un agent secret de les surveiller, officiellement parce que Dreymann est ami d’un metteur en scène interdit de travailler, officieusement parce que ledit ministre est épris de Crista-Maria Sieland à qui il fait subir un odieux chantage. C’est à Wiesler, fonctionnaire zélé, apparemment irréprochable selon les critères du régime, c’est-à-dire d’une déférence inconditionnelle et aveugle au régime, irréprochable lui aussi donc, qu’incombe cette tâche obscure par laquelle il accèdera, pourtant, aux Lumières : de la raison, de l’art et de la liberté de penser…

    Pas de générique. Dès le premier plan, nous voilà emprisonnés dans l’univers glacial de la vie de Wiesler (pas encore celle des autres) par un long couloir, impersonnel, verdâtre, angoissant. Puis, nous le retrouvons, dans son bureau aussi austère, impassible, inhumain que celui qui mène l’interrogatoire. Immergés et captivés, déjà. Par la tension et l’enjeu de l’interrogatoire. Dès les premiers plans, un univers s’impose à nous. Celui du, d’un vrai cinéaste. Avec ses couleurs, ternes, maussades, vertes et oranges en réalité. Avec ses lignes horizontales et verticales qui rappellent Playtime de Tati(et notamment la première scène qui rappelle celle du long couloir), son univers kafkaïen et fantomatique. Des lignes à l’image du régime. Obtus. Rigide. Cadenassé. Carcéral. Celui de ces sombres années aussi.

    Puis, en guise de générique, juste le titre : La vie des autres. Ouverture sur le regard de Wiesler qui regarde la pièce de théâtre écrite par Dreymann et dans laquelle joue Crista-Maria Sieland. Ouverture, pour lui, sur la vie des autres. Une lueur dans son regard. De curiosité. De suspicion. De fascination ? Non pas encore. Qu’importe, une lueur. Ses gestes sont mécaniques : il agit, marche, s’exécute comme un robot sans âme auquel son mutisme, sa tenue, ses attitudes, sa démarche le font ressembler, un parfait exécutant du régime. "Les hommes ne changent pas", assène le Ministre de la Culture. Le film est la démonstration, implacable, subtile, magnifique, que, si, les hommes peuvent changer. Dreymann va changer. Wiesler, surtout, va changer. Il va s’éveiller, se réveiller. Il va lire Brecht en cachette, s’émouvoir en écoutant Beethoven, ou en écoutant l’histoire d’amour dont il doit violer l’intimité sous de fallacieux prétextes.

    Pendant 2H17, si courtes finalement, nous sommes suspendus aux lèvres, aux silences, aux gestes, à la naissance de l’émotion (à l’art, à l’amour) de Wiesler. Il va revivre par procuration, s’humaniser surtout. Cela donne lieu a des scènes d’une intensité hitchcockienne : scène de la cantine, scène de la feuille ou telle encore cette scène dans l’ascenseur avec l’enfant, jouant avec son ballon, rappelant une jeune proie d’un M. Le Maudit d’un autre temps. W. le Maudit. Et puis, non… il ne va pas dénoncer son père. Premier acte de l’homme libre qu’il n’est pas encore. Le spectateur est dans la même situation vis-à-vis de Wiesler, dans sa salle obscure, que Wiesler vis-à-vis de ceux qu’il espionne, dans son sombre sous-sol, à la différence qu’il peut intervenir en véritable démiurge et artiste-metteur en scène de la vie des autres. Fascinés nous aussi, nous certainement.

    Faut-il se vendre pour l’art ? Peut-on tout faire pour l’amour de l’art? Chacun à leur manière: Dreymann, Crista-Maria, Wiesler, et même le metteur en scène vont répondre à cette passionnante question, Wiesler devenant lui-même artiste en recréant la réalité de ceux qu’il espionne. Sous nos yeux Wiesler va passer de l’état de robot à celui d’homme. De l’ombre à la lumière. De l’obéissance à la résistance. De l’inhumanité à l’humanité. Jusqu’au sourire final, esquissé et si sublime. Le sien, le nôtre. Et cette dernière phrase « C’est pour moi » : il s’assume, s’affirme, existe enfin et la vie des autres rencontre la sienne, par le biais de l’art, toujours. Libre enfin comme ce pays dont le mur est tombé. Son sourire comme une musique ou une sonate pour un homme bon, un visage enfin mélodieux. Et les applaudissements dans la salle. Spontanés. Rares. Du grand art.

    La mise en scène est d’une rigueur et d’une efficacité remarquables pour un premier film, jamais gratuite. Sans jamais tomber dans le manichéisme simplificateur et si facile. Sans jamais forcer l’émotion. Sans gros plans sur les larmes, les cris, sans violons pour souligner. Plus efficace qu’un film didactiquement historique. Un film riche aux personnages complexes (Ah ! Merci !), à la fois film d’amour, thriller, documentaire, film politique… auquel Costa-Gavras aurait même à envier. Film Z donc au sens costagavrassien et donc très noble du terme. Scénario ciselé, acteurs remarquables ( au premier rang desquels Ulrich Mühe –Wiesler- ), réalisation irréprochable, musique sans grandiloquence mais toujours à propos de Gabriel Yared et de Stéphane Moucha, tout concourt à faire de ce premier film une belle leçon d’Histoire et d’histoire, bref de cinéma. Du cinéma.

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  • Programme du 20ème Festival International du Film Fantastique de Gérardmer

    Pour connaître le programme, retrouvez mon article sur Inthemoodforfilmfestivals.com en cliquant sur l'affiche ci-dessous pour y accéder:

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