IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 30
-
Le 4 mai 2022 sortira la nouvelle anthologie des Éditions J'ai Lu à laquelle j'ai eu le grand plaisir de participer. Un recueil collectif de 6 nouvelles sur le thème de la Fête des mères.Ma nouvelle s'intitule Le premier été du reste de notre vie.Il s'agira de ma troisième collaboration avec les Éditions J'ai Lu depuis le concours Nouveaux Talents lancé à l'occasion des 60 ans de la maison d'édition dont j'avais fait partie des lauréats.Ma longue nouvelle vous emmènera en Grèce, sur l'île Ionienne de Corfou : du Liston (les arcades inspirées de la rue de Rivoli), à l'Achilleion (le palais d'Elisabeth d'Autriche), en passant par la baie de Kommeno (où a été prise cette photo d'il y a 15 ans)...Ce texte sera ainsi pour moi l'occasion de vous emmener à nouveau dans ce pays (et notamment sur cette île) que j'aime passionnément. Il y est question de danse, de musique, de renaissance.Le recueil intitulé Allô, maman ?! est déjà disponible à la précommande.Résumé (4ème de couverture du recueil) :« Allô, maman ?! » N’est-ce pas le premier réflexe de nombre d’enfants, petits ou grands, à la moindre contrariété ou au moindre bobo ? (Que celui ou celle qui n’a jamais appelé sa maman à la rescousse lève la main.) Et quand on est mère, n’est-ce pas ce que l’on vit presque au quotidien, entre les bébés qui pleurent pour réclamer notre attention et les ados qui nous sollicitent pour tout et rien ? Quelle maman n’a jamais eu les nerfs en pelote et l’envie de tout envoyer valser, de fuir les critiques et les conflits pour aller prendre l’air, seule, loin de ses chérubins et des autres parents ? Des coups de mou aux grands moments de réjouissance, être mère ne s’improvise pas. Alors il est temps de rendre hommage à toutes les mamans : celle que l’on est, celle que l’on aimerait être, celle que l’on ne sera jamais, celle que l’on a la chance d’avoir (ou pas)...Amélie C. Astier, Mary Matthews, Lise Syven, Ena Fitzbel, Julia Bru, Sandra Mézière et Déborah Bannwarth sont les sept auteures françaises qui participent à cette anthologie. Des plumes talentueuses qui rendent hommage avec tendresse, humour et douceur à toutes les mamans (et à leurs enfants!)."Et, en attendant, découvrez mon tout nouveau podcast :
-
L'affiche du Festival du Film de Cabourg 2022 : l'hommage à "César et Rosalie" de Claude Sautet
A l'occasion du 50ème anniversaire du film, le Festival de Cabourg a souhaité rendre hommage à ce chef-d'œuvre du cinéma romantique qu'est César et Rosalie de Claude Sautet en lui consacrant l'affiche de sa 36ème édition. Vous pourrez également redécouvrir ce film à La Cinémathèque, ce samedi 19 mars, dans le cadre de l'exposition consacrée à Romy Schneider.
Vous pouvez également retrouver ma critique de César et Rosalie, ci-dessous.
Je vous informerai de la suite de la programmation de cette édition 2022 des Journées romantiques de Cabourg, un festival dont j'avais eu le plaisir de faire partie du jury des courts-métrages en 2002. Vous pouvez également le retrouver dans une des nouvelles de mon recueil de 16 nouvelles sur le cinéma, Les illusions parallèles (Editions du 38).
CRITIQUE de CESAR ET ROSALIE de Claude Sautet
Il y a les cinéastes qui vous font aimer le cinéma, ceux qui vous donnent envie d'en faire, ceux qui vous font appréhender la vie différemment, voire l'aimer davantage encore. Claude Sautet, pour moi, réunit toutes ces qualités.
Certains films sont ainsi comme des rencontres, qui vous portent, vous enrichissent, vous influencent ou vous transforment même parfois. Les films de Claude Sautet, pour moi, font partie de cette rare catégorie et de celle, tout aussi parcimonieuse, des films dont le plaisir à les revoir, même pour la dixième fois, est toujours accru par rapport à la première projection. J'ai beau connaître les répliques par cœur, à chaque fois César et Rosalie m'emportent dans leur tourbillon de vie joyeusement désordonné, exalté et exaltant.
Claude Beylie parlait de « drame gai » à propos de César et Rosalie, terme en général adopté pour la Règle du jeu de Renoir, qui lui sied également parfaitement. Derrière l'exubérance et la truculence de César, on ressent en effet la mélancolie sous-jacente. César donc c'est Yves Montand, un ferrailleur qui a réussi, vivant avec Rosalie (Romy Schneider) divorcée d'Antoine (Umberto Orsini), et qui aime toujours David (Sami Frey), un dessinateur de bandes dessinées, sans cesser d'aimer César. Ce dernier se fâche puis réfléchit et abandonne Rosalie à David. Des liens de complicité et même d'amitié se tissent entre les deux hommes si bien que Rosalie, qui veut être aimée séparément par l'un et par l'autre, va tenter de s'interposer entre eux, puis va partir...
Dans ce film de 1972, qui fut souvent comparé à Jules et Jim de Truffaut, on retrouve ce qui caractérise les films de Claude Sautet : les scènes de café, de groupe et la solitude dans le groupe, la fugacité du bonheur immortalisée, l'implicite dans ce qui n'est pas- les ellipses- comme dans ce qui est-les regards- (Ah, ces derniers regards entre les trois personnages principaux! Ah, le regard de David lorsque l'enfant passe des bras de Rosalie à ceux de César, scène triangulaire parfaitement construite!).
Sur la tombe de Claude Sautet au cimetière Montparnasse, il est écrit : « Garder le calme devant la dissonance », voilà probablement la phrase qui définirait aussi le mieux son cinéma : d'abord parce que son cinéma est un cinéma de la dissonance, de l'imprévu, de la note inattendue dans la quotidienneté (ici, l'arrivée de David) et ensuite parce que cette épitaphe fait référence à la passion de Claude Sautet pour la musique. Claude Sautet a ainsi été critique musical au journal « Combat », un journal de la Résistance, il avait ainsi une vraie passion pour le jazz et pour Bach, notamment. Il a par ailleurs consacré un film entier à la musique, « Un cœur en hiver », (d'après un recueil de nouvelles de Lermontov : « Un héros de notre temps ») le meilleur selon moi tant les personnages y sont ambivalents, complexes, bref humains, et tout particulièrement le personnage de Stéphane interprété par Daniel Auteuil, le « cœur en hiver », pouvant donner lieu à une interprétation différente à chaque vision du film. Le tempo de ses films est ainsi réglé comme une partition musicale, impeccablement rythmée, une partition dont on a l'impression qu'en changer une note ébranlerait l'ensemble de la composition. C'est évidemment aussi le cas dans « César et Rosalie ».
« L'unité dans la diversité ». Pour qualifier le cinéma de Claude Sautet et l'unité qui le caractérise malgré une diversité apparente, nous pourrions ainsi paraphraser cette devise de l'Union européenne. Certes a priori, « L'arme à gauche » est un film très différent de « Vincent, François, Paul et les autres », pourtant si son premier film « Classe tous risques » est un polar avec Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo (« Bonjour sourire », une comédie, a été renié par Claude Sautet qui n'en avait assuré que la direction artistique), nous pouvons déjà y trouver ce fond de mélancolie qui caractérise tous ses films. Tous ses films se caractérisent d'ailleurs aussi par le suspense (il était fasciné par Ford et Hawks ) : le suspense sentimental avant tout, concourant à créer des films toujours haletants et fascinants. Claude Sautet citait ainsi souvent la phrase de Tristan Bernard : « il faut surprendre avec ce que l'on attend ». On ne peut certainement pas reprocher au cinéma de Claude Sautet d'être démesurément explicatif, c'est au contraire un cinéma de l'implicite, des silences et du non-dit. Pascal Jardin disait de Claude Sautet qu'il « reste une fenêtre ouverte sur l'inconscient ».
Dans « Nelly et M. Arnaud » se noue ainsi une relation ambiguë entre un magistrat à la retraite, misanthrope et solitaire, et une jeune femme au chômage qui vient de quitter son mari. Au-delà de l'autoportrait ( Serrault y ressemble étrangement à Sautet ), c'est l'implicite d'un amour magnifiquement et pudiquement esquissé, composé jusque dans la disparition progressive des livres d'Arnaud, dénudant ainsi sa bibliothèque et faisant référence à sa propre mise à nu. La scène pendant laquelle Arnaud regarde Nelly dormir, est certainement une des plus belles scènes d'amour du cinéma: silencieuse, implicite, bouleversante. Le spectateur retient son souffle, le suspense, presque hitchcockien y est à son comble. Sautet a atteint la perfection dans son genre, celui qu'il a initié: le thriller des sentiments.
Les films de Sautet ont tous des points communs : le groupe, (dont « Vincent, François, Paul et les autres » est le film emblématique), des personnages face à leurs solitudes malgré ce groupe, des scènes de café,( « A chaque film, avouait Sautet, je me dis toujours : non, cette fois tu n'y tournes pas. Et puis, je ne peux pas m'en empêcher. Les cafés, c'est comme Paris, c'est vraiment mon univers. C'est à travers eux que je vois la vie. Des instants de solitude et de rêvasseries. ») les personnages filmés à travers les vitres de ces mêmes cafés, des scènes de pluie qui sont souvent un élément déclencheur, des scènes de colère (peut-être inspirées par les scènes de colère incontournables dans les films de Jean Gabin, Sautet ayant ainsi revu « Le jour se lève » ...17 fois en un mois!), des femmes combatives souvent incarnées par Romy Schneider puis par Emmanuelle Béart, des fins souvent ouvertes et avant tout un cinéma de personnages : César, Rosalie, Nelly, Arnaud, Vincent, François, Paul, Max, Mado, ...et les autres, des personnages égarés affectivement et/ou socialement, des personnages énigmatiques et ambivalents.
Claude Sautet, en 14 films, a imposer un style, des films inoubliables, un cinéma du désenchantement enchanteur, d'une savoureuse mélancolie, de l'ambivalence et de la dissonance jubilatoires, une symphonie magistrale dont chaque film est un morceau unique indissociable de l'ensemble. Il a signé aussi bien des "drames gais" avec « César et Rosalie », ou encore le trop méconnu, fantasque et extravagant « Quelques jours avec moi », un film irrésistible, parfois aux frontières de l'absurde, mais aussi des films plus politiques notamment le très sombre « Mado » dans lequel il dénonce l'affairisme et la corruption...
« Les films de Claude Sautet touchent tous ceux qui privilégient les personnages par rapport aux situations, tous ceux qui pensent que les hommes sont plus importants que ce qu'ils font (..). Claude Sautet c'est la vitalité. », disait Truffaut. Ainsi, personne mieux que Claude Sautet ne savait et n'a su dépeindre des personnages attachants, fragiles mais si vivants (à l'exception de Stephan interprété par Daniel Auteuil dans Un cœur en hiver, personnage aux émotions anesthésiées quoique...) comme le sont César et Rosalie.
Ici au contraire ce n'est pas « un cœur en hiver », mais un cœur qui bat la chamade et qui hésite, celui de Rosalie, qui virevolte avec sincérité, et qui emporte le spectateur dans ses battements effrénés. Et effectivement on retrouve cette vitalité, celle de la mise en scène qui épouse le rythme trépidant de César face au taciturne David. César qui pourrait agacer ( flambeur, gouailleur, lâche parfois) face à la fragilité et la discrétion de l'artiste David. Deux hommes si différents, voire opposés, dans leur caractérisation comme dans leur relation à Rosalie que Sautet dépeint avec tendresse, parfois plutôt une tendre cruauté concernant César.
Là se trouve la fantaisie, dans ce personnage interprété magistralement par Yves Montand, ou dans la relation singulière des trois personnages, si moderne. Un film qui n'est pas conventionnel jusque dans sa magnifique fin, ambiguë à souhait. Sans effets spéciaux. Simplement par la caractérisation ciselée de personnages avec leurs fêlures et leur déraison si humaines.
On a souvent dit de Claude Sautet était le peintre de la société des années 70 mais en réalité la complexité des sentiments de ses personnages disséquée avec une rare acuité est intemporelle. S'il est vrai que la plupart de ses films sont des tableaux de la société contemporaine, notamment de la société d'après 1968, et de la société pompidolienne, puis giscardienne, et enfin mitterrandienne, ses personnages et les situations dans lesquelles il les implique sont avant tout universels, un peu comme « La Comédie Humaine » peut s'appliquer aussi bien à notre époque qu'à celle de Balzac.
« César et Rosalie » est un film à l'image de son personnage principal qui insuffle ce rythme précis et exalté : truculent et émouvant, mélancolique et joyeux, exubérant et secret. Un film intemporel et libre, qui oscille entre le rire et les larmes, dans lequel tout est grave et rien n'est sérieux (devise crétoise, un peu la mienne aussi). Un film délicieusement amoral que vous devez absolument voir ou revoir ne serait-ce que pour y voir deux monstres sacrés (Romy Schneider et Yves Montand, l'une parfaite et resplendissante dans ce rôle de femme riche de contradictions moderne, amoureuse, indépendante, enjouée, et triste, incarnant à elle seule les paradoxes de ce « drame gai » ; l'autre hâbleur, passionné, cabotin, bavard, touchant face à Samy Frey silencieux, posé, mystérieux, séduisant mais tous finalement vulnérables, et les regards traversés de voiles soudains de mélancolie ) au sommet de leur art et pour entendre des dialogues aussi incisifs, précis que savoureux (comme pour le scénario également cosigné par Jean-Loup Dabadie)...
Claude Sautet disait lui-même que ses films n'étaient pas réalistes mais des fables. Son univers nous envoûte en tout cas, et en retranscrivant la vie à sa « fabuleuse » manière, il l'a indéniablement magnifiée. Certains lui ont reproché son classicisme, pour le manque de réflexivité de son cinéma, comme on le reprocha aussi à Carné dont Sautet admirait tant « Le jour se lève. » On lui a aussi reproché de toujours filmer le même milieu social (bourgeoisie quinquagénaire et citadine). Qu'importe ! Un peu comme l'ours en peluche du « Jour se lève » qui a un œil qui rit et un autre qui pleure, nous ressortons de ses films, entre rires et larmes, bouleversés, avec l'envie de vivre plus intensément encore car là était le véritable objectif de Claude Sautet : nous « faire aimer la vie »...et il y est parvenu, magistralement. Personne après lui n'a su nous raconter des « histoires simples » aux personnages complexes qui nous parlent aussi bien de « choses de la vie ».
Retrouvez également ma critique du film Les choses de la vie de Claude Sautet, ici.
Retrouvez ma critique de Un cœur en hiver de Claude Sautet, ici.
-
Découvrez mon premier podcast !
En attendant ma prochaine sortie en librairie, le 4 mai, aux Editions J'ai Lu (j'ai hâte de vous en parler, il faudra encore attendre quelques jours...), je vous invite aujourd'hui à découvrir mon premier podcast, ici !Pour cette première, j'ai choisi d'enregistrer ma nouvelle lauréate du Prix Alain Spiess 2020, "Les âmes romanesques" (à écouter en entier ou par épisodes qui sont au nombre de 8).Cette nouvelle écrite lors du premier confinement, parle de bleus à l'âme et de deuil, mais aussi d'amour et d'espoir.J'espère qu'elle suscitera des émotions. Ma raison d'écrire.Merci d'avance pour vos retours, précieux.Promis, j'essaierai de parler moins vite la fois suivante. Et de ne plus écorcher aucun mot. C'est encore très perfectible, j'espère néanmoins que l'écoute sera agréable.Si le procédé vous séduit, je poursuivrai en piochant dans mes nombreux textes libres de droit. Mais aussi en y parlant cinéma...Bonne écoute ! -
Critique de TROIS FOIS RIEN de Nadège Loiseau (au cinéma le 16 mars 2022)
Après Goliath de Frédéric Tellier, La Brigade de Louis-Julien Petit, voici un troisième film que je vous recommande d’aller voir à l’occasion du Printemps du Cinéma (20 au 22 mars).
Brindille (Philippe Rebbot), Casquette (Antoine Bertrand) et La Flèche (Côme Levin) vivent comme ils peuvent, au jour le jour, dans le bois de Vincennes. Mais leur situation précaire devrait changer du tout au tout le jour où ils gagnent au Loto. Encore faut-il pouvoir encaisser l’argent, car sans domicile, pas de carte d’identité à jour et sans compte bancaire, pas de paiement !
Le rituel semble immuable pour Brindille et Casquette : la douche (à l’occasion de laquelle ils rencontreront La Flèche, ainsi baptisé en raison de son cerveau qui ne fonctionne pas vraiment à la vitesse de la lumière, et son indéfectible compagnon à 4 pattes dont je vous laisse découvrir le doux nom qui donnera lieu à quelques quiproquos), le loto, et la soirée sur le banc depuis lequel ils regardent les résultats diffusés à la télévision d’un appartement. C’est ainsi qu’ils découvrent qu’ils ont gagné. La Flèche ayant payé le loto, il leur faudra donc partager avec lui les gains…et les aventures…et mésaventures qui en découleront.
Cinq ans après Le petit locataire, Nadège Loiseau signe son deuxième long-métrage présenté en compétition au Festival International du Film de comédie de l'Alpe d'Huez qui, décidément, proposait cette année une programmation de qualité puisque le remarquable film de Louis-Julien petit, La Brigade, pour lequel Audrey Lamy a obtenu le prix d’interprétation féminine, figurait également parmi les films en compétition.
L’absurdité de l’administration à laquelle ils se heurtent est prétexte à des scènes aussi kafkaïennes que justes. Sans justificatif de domicile et de compte bancaire, il leur est en effet impossible de poser le chèque en banque et, sans papiers d’identité, il leur est impossible d’avoir un logement…
Paris, à l’exception de quelques plans, est un décor presque absent. Nadège Loiseau a préféré braquer sa caméra sur ceux qu’on ignore habituellement et qui y errent et y survivent pourtant, tant bien que mal.
Comme le film précité, le film de Nadège Loiseau est également une comédie sociale. Avec son coscénariste, Niels Rahou, elle a trouvé le ton juste, burlesque et tendre, pour nous émouvoir avec l’histoire d’amitié entre ces trois naufragés de la vie, tous trois tombés dans la précarité. Trois être fragiles, vulnérables, écorchés par la vie qu’un coup de chance va lier, eux qui en ont tant manqué. A priori, rien d’autre ne les relie si ce n’est l’expérience de la rue. Tout pourrait les opposer même.
L’un est tombé dans la précarité suite à une séparation et une dépression, un autre suite au décès de ses parents, fuyant ses familles d’accueil. Quant au troisième, Casquette, le mystère demeure quant aux raisons qui l’ont amené dans la rue et même son identité ne sera jamais dévoilée. Philippe Rebbot lui apporte son côté dégingandé, lunaire et poétique, que l’on aimait déjà tant dans L’amour flou (le film puis la série). Dans le bois de Vincennes, il vit dans une cabane qui semble sorti d’un conte qui contraste avec l’appartement vide dans lequel ils aménagent, un lieu sans passé, où ils sont en quête d’avenir. Casquette, lui l’avenir, celui dont il rêve, c’est un tour du monde avec Brindille…qui a d’autres projets en tête…
Là, les trois se reconstituent une famille dont La Flèche est l’enfant inconséquent. Le personnage le plus attachant est celui incarné par le Québécois Antoine Bertrand. Ce gain va être pour lui le moyen de prendre un nouveau départ et de tenter de renouer avec ses enfants qu’il n’a pas vus depuis des années et qui ignorent même qu’il est en vie, ce qui donnera lieu à une scène absolument poignante.
A noter aussi, la présence lumineuse de Nadège Beausson-Diagne, qui semble tout droit sortie d’une bd et complète parfaitement cette étrange équipée.
Nadège Loiseau a trouvé la note juste, tragi-comique, lorgnant même parfois du côté de la fable, une note si complexe pour traiter d’un sujet aussi délicat. Ces trois blessés de la vie, sur le chemin de la résilience, nous accompagneront bien longtemps après le générique de fin, grâce à la remarquable interprétation de ses trois acteurs principaux qui donnent de la voix et de la visibilité à ceux qui en manquent cruellement.
Au cinéma le 16 mars 2022
-
CESAR 2022 : nominations commentées et palmarès détaillé
1/ Nominations commentées
(retrouvez en bas de cet article le palmarès commenté mis à jour le 26/02/2022)
Ce soir, retransmise à 21h, sur Canal +, en direct de l'Olympia, aura lieu la 47ème cérémonie des César, un mois avant la cérémonie des Oscars qui se tiendra le 27 mars. Bien sûr, dans cet effroyable contexte de l’invasion de l’Ukraine et de la guerre, tout cela peut sembler futile et anecdotique, néanmoins nombreux sont les films en lice à nous rappeler que le cinéma est aussi cela : un moyen de mettre en lumière les ombres du monde (comme dans La Loi de Téhéran), de donner un coup de projecteur sur les maux de la société et des êtres (comme dans La Fracture, Médecin de nuit, Les Intranquilles...), souvent porté par une volonté sincère de changer les choses à l’exemple aussi d’ailleurs de films qui sortiront le mois prochain et dont je vous ai parlé il y a quelques jours comme Goliath de Frédéric Tellier ou La Brigade de Louis-Julien Petit.
L’édition 2021 des César avait été marquée par le contexte sanitaire et par la surprenante apparition de Corinne Masiero. Il ne fait aucun doute que la situation internationale s’invitera ce soir à L’Olympia.
Après Marina Foïs, ce sera Antoine de Caunes qui présentera la cérémonie cette année…pour la dixième fois, avec la volonté de « remettre le cinéma au cœur du dispositif, qu'on parle de cinéma, qu'on ait du plaisir à retourner dans les salles. »
C’est la scénariste et réalisatrice Danièle Thompson qui présidera la soirée.
A l’image de l’affiche de cette édition, la cérémonie rendra hommage à Jean-Paul Belmondo ou encore à Bertrand Tavernier. La soirée sera dédiée à Gaspard Ulliel. Xavier Dolan lui rendra hommage.
Le César d’honneur sera attribué à Cate Blanchett.
Parmi les 2217 professionnels du cinéma proposés aux suffrages des votants de l’Académie, subsistent 126 nominations et forcément quelques oubliés qui auraient mérité d'y figurer que vous trouverez dans ma rubrique "Critiques des films à l'affiche en 2021" comme les remarquables Rose d'Aurélie Saada, My son de Christian Carion, L'Etat du Texas contre Melissa de Sabrina van Tassel ou encore Albatros de Xavier Beauvois.
Illusions perdues, la sublime adaptation de Balzac par Xavier Giannoli figure en tête des nominations, 15 fois en lice. Pour ce film, Xavier Giannoli était accompagné de Jacques Fieschi au scénario, il y avait donc déjà fort à parier que ce serait une réussite, l’un et l’autre ayant à leur actif des peintures ciselées des dissonances du cœur et des tourments de l’âme. Jacques Fieschi est en effet notamment le scénariste de Quelques jours avec moi, Un cœur en hiver, Nelly et Monsieur Arnaud, Place Vendôme, Mal de pierres, Un balcon sur la mer. Le casting est aussi pour beaucoup dans cette réussite. À commencer par Benjamin Voisin qui crevait déjà l'écran dans Eté 85 de François Ozon qui, au bout de quelques minutes, m’a fait oublier l’image de Lucien de Rubempré que je m’étais forgée. Le héros de Balzac aura désormais ses traits, sa naïveté, sa fougue, son cynisme, sa vitalité, sa complexité (c’est aussi une richesse de cette adaptation de ne pas en faire un personnage manichéen) auxquels il donne corps et âme avec une véracité déconcertante. Il EST Lucien qui évolue, grandit, se fourvoie puis chute, Lucien ébloui par ses ambitions et sa soif de revanche jusqu’à tout perdre, y compris ses illusions. Vincent Lacoste est tout aussi sidérant de justesse dans le rôle d’Etienne à la fois charmant et horripilant. Xavier Dolan aussi dans le rôle de Nathan, un personnage qui est une judicieuse idée parmi d’autres de cette adaptation. Jeanne Balibar est une Marquise d'Espard manipulatrice et perfide à souhait. Cécile de France est, comme toujours, parfaite. Gérard Depardieu en éditeur qui ne sait ni lire ni écrire mais très bien compter bouillonne et tonitrue avec ardeur, Louis-Do de Lencquesaing est irréprochable en patron de presse, Jean-François Stévenin aussi en cynique marchant de succès et d’échecs, sans oublier Salomé Dewaels, vibrante Coralie qui a l’intelligence du cœur qui se donne sans retenue, corps et âme, telle que je l’aurais imaginée. Il faudrait encore parler de la photographie de Christophe Beaucarne et de la musique, notamment de Schubert, qui achèvent de nous transporter dans ce monde d’hier qui ressemble à s’y méprendre à celui d’aujourd’hui. Cette adaptation d’un classique de la littérature qu’est Illusions perdues est tout sauf académique. Cette satire de l’arrivisme, du théâtre des vanités que furent et sont encore Paris et le monde des médias, des « bons » mots, armes vengeresses qui blessent et tuent parfois, est d’une modernité époustouflante comme l’était l’œuvre de Balzac. Bien sûr, comme le roman, l’adaptation de Giannoli n’est pas seulement une peinture sociale mais aussi un film d’amour condamné sur l’autel d’une fallacieuse réussite. « L'amour véritable offre de constantes similitudes avec l'enfance : il en a l'irréflexion, l'imprudence, la dissipation, le rire et les pleurs. » écrivit ainsi magnifiquement Balzac dans Illusions perdues. Si, comme moi, vous aimez passionnément Balzac, son écriture, ses peintures de la société et des sentiments et leurs illusions (nobles, sacrifiés, sublimés, éperdus, terrassés), alors cette adaptation parfois intelligemment infidèle mais toujours fidèle à l’esprit de l’œuvre devrait vous séduire. Et si vous ne connaissez pas encore ce roman alors la modernité, la beauté, la clairvoyance et la flamboyance de cette adaptation devraient vous donner envie de le dévorer surtout que vous ne verrez pas passer ces 2H29 absolument captivantes qui s’achèvent sur cette citation de Balzac terrible et sublime : « Je pense à ceux qui doivent trouver quelque chose en eux après le désenchantement ». Espérons que, comme cela est parfois arrivé à certains films multi-nommés lors de précédentes éditions, malgré ses 15 nominations, le film de Xavier Giannoli ne repartira pas bredouille.
Vient ensuite Annette avec 11 nominations, l’opéra-rock poétiquement sombre de Léos Carax. Cette expérience déroutante et flamboyante, lyrique, tragique, étourdissante, cruelle, captivante, ode au pouvoir de l’imaginaire et donc du cinéma, a récemment reçu deux Paris Film Critics Awards, l’un pour la photographie envoûtante de Caroline Champetier et l’autre pour la musique originale des Sparks, qui mériteraient aussi d’être récompensés lors de ces César. Adam Driver, nommé comme meilleur acteur, sera présent à la cérémonie. Face à lui, des comédiens auxquels on doit aussi de formidables prestations comme Damien Bonnard dans Les intranquilles de Joachim Lafosse, Vincent Macaigne dans Médecin de nuit d' Elie Wajeman , ou encore Benoît Magimel dans De son vivant d'Emmanuelle Bercot.
Ensuite figure Aline de Valérie Lermercier avec ses 10 nominations et Bac Nord de Cédric Jimenez avec 7 nominations.
Le film de Catherine Corsini, La Fracture, a été nommé 6 fois. Catherine Corsini, une fois de plus, avec cette tragicomédie sociale, a su brillamment marier et manier les genres cinématographiques et faire se côtoyer les mondes pour nous emporter avec elle dans ce tourbillon à la fois drôle et désespéré sur la fracture et les maux d’une époque. Un cri d’alerte retentissant et surtout clairvoyant. Les acteurs sont pour beaucoup dans cette réussite au premier rang desquels des comédiens non professionnels comme Aissatou Diallo Sagna (nommée au César de la meilleure actrice dans un second rôle). Elle est absolument bouleversante dans le rôle de l’infirmière Kim. Valeria Bruni-Tedeschi (nommée pour le César de la meilleure actrice) est une Raf à la fois exaspérante et touchante, égocentrique et attachante, et surtout blessée dans tous les sens du terme. Quant à Pio Marmaï (également nommé, pour le César du meilleur acteur), il incarne l’énergie du désespoir avec une conviction qui force l’admiration.
Notons également 5 nominations pour Boîte noire de Yann Gozlan qui narre l’histoire d’un Technicien au BEA, autorité responsable des enquêtes de sécurité dans l’aviation civile, Mathieu Vasseur (Pierre Niney, nommé pour le César du meilleur acteur) est propulsé enquêteur en chef sur une catastrophe aérienne sans précédent. Après un premier plan séquence vertigineux à l’intérieur de l’avion, ensuite pendant (presque) tout le film le point de vue est celui de Matthieu. Hermétique, méticuleux, même maniaque, n’esquissant jamais l’ombre d’un sourire, s’exprimant d’une voix atone. Comme dans Un homme idéal néanmoins, se dessine peu à peu le portrait d’un homme face à ses contradictions, ses failles, ses rêves brisés (les siens ou ceux que son père avait forgés pour lui) qui veut tout contrôler et qui semble perdre progressivement le contact avec la réalité. Dans les deux films, la réalisation de Yann Gozlan enserre le protagoniste pour souligner son enfermement mental. Déjà dans Un homme idéal les brillantes références étaient savamment distillées : Plein soleil, Match point, La Piscine, Tess, Hitchcock pour l’atmosphère, Chabrol pour l’auscultation impitoyable de la bourgeoisie… La mise en scène était déjà précise, signifiante et le scénario, terriblement efficace, allait à l’essentiel, ne nous laissant pas le temps de réfléchir, le spectateur ayant alors la sensation d’être claquemuré dans le même étau inextricable que Mathieu, aux frontières de la folie. C’est ici à nouveau le cas avec un scénario signé Yann Gozlan, Simon Moutaïrou, Nicolas Bouvet. Un film sobre, intense, haletant, dans lequel le son et la musique de Philippe Rombi jouent un rôle à part entière. Un film qui s’inspire autant des héros melvilliens, des films noirs avec leur fatalité inexorable, que de Sydney Pollack et des thrillers des années 70. Dans le rôle de l’épouse glaciale (en écho à l’archétype de la femme fatale du film noir) toujours époustouflante et si différente à chaque rôle, Lou de Laâge, dont la carapace se fissure peu à peu, la froideur laissant finalement place à l’émotion qui la saisit, enfin, et nous saisit à l’issue de cette quête effrénée de vérité, où la machine comme l’homme laissent apparaître leurs failles. Un film palpitant, brillamment interprété, mis en scène et en « sons ».
L'événement d’Audrey Diwan est également nommé 4 fois et pourrait aussi figurer parmi les lauréats, le film ayant déjà remporté de nombreux prix comme le Lion d'Or à la Mostra de Venise.
La palme d'or du dernier Festival de Cannes, Titane de Julia Ducournau, a également récolté 4 nominations.
Arthur Harari est, quant à lui, nommé 4 fois. Il a récemment reçu le prix du meilleur réalisateur aux Paris Films Critics Awards pour Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, un prix que lui a remis Régis Wargnier qui a ainsi déclaré que : « La grande mise en scène se voit assez mais ne dépasse jamais le récit » et qui a qualifié Arthur Harari de «fils naturel de Lean et Kurosawa» tout en ajoutant que «C’est une folie de faire un film pareil.» Ce film est en effet une expérience, d’une lenteur paradoxalement palpitante, l’histoire vraie d’un Japonais qui, sur une île philippine, obsédé par une croyance obsessionnelle, a continué à se battre pendant des années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et cela malgré la reddition du Japon, ou la mise en scène inspirée d’une prison mentale ou d'un huis-clos dans un décor extérieur.
Seulement une nomination pour The Father de Florian Zeller (dans la catégorie César du meilleur film étranger) . Il y a parfois des brûlures nécessaires pour nous rappeler la glaçante vanité de l’existence mais aussi pour nous rappeler de ne pas oublier l’essentiel : les sentiments, la fugacité du bonheur et de la mémoire, la fuite inexorable du temps qu’une montre ne suffit pas à retenir (ce n’est pas un hasard si c’est l’objet auquel s’accroche tant Anthony), la fragilité des êtres car il n’y a guère que sur un tableau (qui d’ailleurs finira aussi par disparaître) qu’une petite fille court sans jamais vieillir, sans jamais s’abîmer, sans jamais devoir mourir. « Je ne me souviens plus du film, mais je me souviens des sentiments » entend-on ainsi le personnage incarné Jean-Louis Trintignant dire en racontant une anecdote à son épouse, victime d’une attaque cérébrale, dans Amour d’Haneke, film dans lequel ces deux octogénaires sont enfermés dans leur appartement, unis pour un ultime face à face, une lente marche vers la déchéance puis la mort. Un Impromptu de Schubert accompagne cette marche funèbre. Dans The Father, Anthony lui aussi a son appartement pour seul univers et la musique pour compagnie (Norma de Bellini, Les Pêcheurs de perles de Bizet). De l’autre côté de sa fenêtre, la vie s’écoule, immuable, rassurante, mais à l’intérieur de l’appartement, comme dans son cerveau, tout est mouvant, incertain, fragile, inquiétant. Un labyrinthe inextricable, vertigineux. Peu à peu le spectateur s’enfonce avec lui dans ce brouillard, plonge dans cette expérience angoissante. Les repères spatio-temporels se brouillent, les visages familiers deviennent interchangeables. Dans chaque instant du quotidien s’insinue une inquiétante étrangeté qui devient parfois une équation insoluble. Une mise en scène et en abyme de la folie qui tisse sa toile arachnéenne nous envahit et progressivement nous glace d’effroi. Pour cela nul besoin d’artifices mais un scénario, brillant, de Christopher Hampton et Florian Zeller, qui nous fait expérimenter ce chaos intérieur. L’interprétation magistrale d’Anthony Hopkins y est aussi pour beaucoup, jouant de la confusion entre son personnage (qui s’appelle d’ailleurs, à dessein, Anthony) et l’homme vieillissant qui l’incarne. Comment ne pas être bouleversée quand The Father redevient un enfant inconsolable secoué de sanglots, réclamant que sa maman vienne le chercher, l’emmener loin de cette prison mentale et de cette habitation carcérale ? Quand je suis sortie de la salle, une chaleur, accablante, s’est abattue sur moi, ressentie comme une caresse, celle de la vie tangible et harmonieuse, une respiration après ce suffocant voyage intérieur, me rappelant cette phrase du film : « Et tant qu’il y a du soleil il faut en profiter car cela ne dure jamais. » Une brûlure décidément nécessaire. Pour mieux savourer la sérénité de ces feuilles qui bruissent, là, de l’autre côté de la fenêtre, avant ou après la tempête. Ou la beauté d’un Impromptu de Schubert.
Une seule nomination aussi pour Les choses humaines d'Yvan Attal, dans la catégorie du César de la meilleure adaptation. Ce film a presque inventé un genre, le thriller sociétal, qui dresse un tableau passionnant mais effrayant de notre société, dans laquelle des mondes se côtoient sans se comprendre, dans laquelle même dans l’ère post #Metoo des comportements inacceptables restent banalisés. Il questionne notre époque, et dans celle-ci le rapport à l’autre, à la vérité, au corps. Il en est un instantané brillant et nuancé. Un film qui fait confiance à l’intelligence du spectateur à qui il appartiendra de se forger une opinion après ce plan de la fin et ce visage, poignant, qui pour moi apporte une réponse sur ces faits qu’Yvan Attal a eu la brillante idée de laisser hors champ. Mais pour chacun sans doute cette réponse sera-t-elle différente. Et là réside aussi le mérite de ce film : susciter le débat sur la manière dont chacun perçoit les « choses humaines ». Et les restituer dans toute leur ambivalence. Un film qui m’a laissée bouleversée et KO comme au dénouement d’un thriller, palpitant.
Un film en écho au poignant film de Charlène Favier, Slalom, qui mériterait également de trouver sa place au palmarès.
A noter également, 3 nominations pour Les magnétiques (pour Thimotée Robart dans la catégorie meilleur espoir masculin, dans la catégorie son, et comme meilleur premier film ) qui porte si bien son nom qui mériterait d’être récompensé ne serait-ce que pour le formidable travail sur le son.
Dans la catégorie meilleur premier film, il faudra aussi compter sur Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, un conte envoûtant qui nous embarque dans une sorte de rêve, en apesanteur, un périple qui nous évade de la réalité comme le ferait un voyage interstellaire. Un film audacieux, métaphorique, onirique, fabuleux. Un film qui, tout en douceur, prône la résistance par le rêve et par la puissance de l'imaginaire et du cinéma pour faire face aux fracas de la réalité et pour ne pas quitter l'enfance.
Retrouvez l’ensemble des nominations ci-dessous.
2. Nominations et palmarès commenté (Article complété le 26/02/2022)
Au regard des nominations commentées ci-dessous, vous ne serez pas surpris que j’écrive à quel point ce palmarès me réjouit. Mais aussi que le cinéma ait été au centre de la cérémonie globalement réussie, sans égarements, et que la situation internationale n’ait pas non plus été oubliée, mentionnée par plusieurs lauréats (Vincent Maël Cardona, Cate Blanchett, Nelly Quettier) et aussi en ouverture par le maître de cérémonie : « Ce que nous célébrons ce soir est précieux. Ce soir nous pensons aux Ukrainiens. Et soyons à la hauteur de la chance qu’ils n’ont pas. » Cette soirée a été un bel hommage au cinéma, à la salle de cinéma (« la magie de la salle de cinéma que jamais rien ne remplacera » comme l’a évoquée la présidente de cette 47ème édition, Danièle Thompson, et en écho le cri de colère de Arthur Harari, César du meilleur scénario original pour Onoda, 10 000 nuits dans la jungle qui a ainsi déclaré : « on ne va pas au supermarché pour avoir une émotion »). De cette édition, je retiendrai : les 7 César dont celui du meilleur film pour Illusions perdues de Xavier Giannoli (qui avait battu le record de nominations avec 15 citations) et 5 pour Annette dont celui de la meilleure réalisation pour Léos Carax, amplement mérités (cf ce que je vous disais ci-dessus sur ces deux films), le César du meilleur film étranger pour The Father de Florian Zeller, la reconnaissance du travail de scénariste du prolifique et si talentueux Jacques Fieschi, le vibrant hommage de Xavier Dolan à Gaspard Ulliel et l’évocation de la plaie béante du deuil dans une magnifique lettre ouverte adressée à la mère du disparu, la reconnaissance du talent magistral d’un acteur exceptionnel avec le sacre de Benoît Magimel mais aussi de la prestation d’une non professionnelle, Aissatou Diallo Sagna, dans la formidable tragicomédie de Catherine Corsini, La Fracture, le César du meilleur premier film pour Les Magnétiques, un film qui l’est tellement, justement magnétique, la classe de Cate Blanchett, la prestation enchanteresse des Sparks (récompensés pour la musique originale d’Annette), l’hommage trop court à Bertrand Tavernier au regard de son immense carrière… Et, malgré tout, une belle célébration du septième art, rudement éprouvé ces dernières années, qui a mis en lumière la richesse et la diversité du cinéma français.
Je vous laisse découvrir le palmarès complet ci-dessous.
CÉSAR DE LA MEILLEURE ACTRICE
LEÏLA BEKHTI dans LES INTRANQUILLES
VALERIA BRUNI TEDESCHI dans LA FRACTURE
LAURE CALAMY dans UNE FEMME DU MONDE
VIRGINIE EFIRA dans BENEDETTA
VICKY KRIEPS dans SERRE MOI FORT
VALÉRIE LEMERCIER dans ALINE
LÉA SEYDOUX dans FRANCE
CÉSAR DU MEILLEUR ACTEUR
DAMIEN BONNARD dans LES INTRANQUILLES
ADAM DRIVER dans ANNETTE
GILLES LELLOUCHE dans BAC NORD
VINCENT MACAIGNE dans MÉDECIN DE NUIT
BENOÎT MAGIMEL dans DE SON VIVANT
PIO MARMAÏ dans LA FRACTURE
PIERRE NINEY dans BOÎTE NOIRE
CÉSAR DE LA MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND RÔLE
JEANNE BALIBAR dans ILLUSIONS PERDUES
CÉCILE DE FRANCE dans ILLUSIONS PERDUES
AISSATOU DIALLO SAGNA dans LA FRACTURE
ADÈLE EXARCHOPOULOS dans MANDIBULES
DANIELLE FICHAUD dans ALINE
CÉSAR DU MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND RÔLE
FRANÇOIS CIVIL dans BAC NORD
XAVIER DOLAN dans ILLUSIONS PERDUES
VINCENT LACOSTE dans ILLUSIONS PERDUES
KARIM LEKLOU dans BAC NORD
SYLVAIN MARCEL dans ALINE
CÉSAR DU MEILLEUR ESPOIR FÉMININ
NOÉE ABITA dans SLALOM
SALOMÉ DEWAELS dans ILLUSIONS PERDUES
AGATHE ROUSSELLE dans TITANE
ANAMARIA VARTOLOMEI dans L’ÉVÉNEMENT
LUCIE ZHANG dans LES OLYMPIADES
CÉSAR DU MEILLEUR ESPOIR MASCULIN
SANDOR FUNTEK dans SUPRÊMES
SAMI OUTALBALI dans UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR
THIMOTÉE ROBART dans LES MAGNÉTIQUES
MAKITA SAMBA dans LES OLYMPIADES
BENJAMIN VOISIN dans ILLUSIONS PERDUES
CÉSAR DU MEILLEUR SCÉNARIO ORIGINAL
VALÉRIE LEMERCIER, BRIGITTE BUC pour ALINE
LEOS CARAX, RON MAEL, RUSSELL MAEL pour ANNETTE
YANN GOZLAN, SIMON MOUTAÏROU, NICOLAS BOUVET-LEVRARD pour BOÎTE NOIRE
CATHERINE CORSINI, LAURETTE POLMANSS, AGNÈS FEUVRE pour LA FRACTURE
ARTHUR HARARI, VINCENT POYMIRO pour ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE
CÉSAR DE LA MEILLEURE ADAPTATION
YAËL LANGMANN, YVAN ATTAL pour LES CHOSES HUMAINES
AUDREY DIWAN, MARCIA ROMANO pour L’ÉVÉNEMENT
XAVIER GIANNOLI, JACQUES FIESCHI pour ILLUSIONS PERDUES
CÉLINE SCIAMMA, LÉA MYSIUS, JACQUES AUDIARD pour LES OLYMPIADES
MATHIEU AMALRIC pour SERRE MOI FORT
CÉSAR DE LA MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE
RON MAEL, RUSSELL MAEL pour le groupe Sparks pour ANNETTE
GUILLAUME ROUSSEL pour BAC NORD
PHILIPPE ROMBI pour BOÎTE NOIRE
RONE pour LES OLYMPIADES
WARREN ELLIS, NICK CAVE pour LA PANTHÈRE DES NEIGES
CÉSAR DU MEILLEUR SON
OLIVIER MAUVEZIN, ARNAUD ROLLAND, EDOUARD MORIN, DANIEL SOBRINO pour ALINE
ERWAN KERZANET, KATIA BOUTIN, MAXENCE DUSSÈRE, PAUL HEYMANS, THOMAS GAUDER
pour ANNETTE
NICOLAS PROVOST, NICOLAS BOUVET-LEVRARD, MARC DOISNE pour BOÎTE NOIRE
FRANÇOIS MUSY, RENAUD MUSY, DIDIER LOZAHIC pour ILLUSIONS PERDUES
MATHIEU DESCAMPS, PIERRE BARIAUD, SAMUEL AÏCHOUN pour LES MAGNÉTIQUES
CÉSAR DE LA MEILLEURE PHOTO
CAROLINE CHAMPETIER pour ANNETTE
CHRISTOPHE BEAUCARNE pour ILLUSIONS PERDUES
PAUL GUILHAUME pour LES OLYMPIADES
TOM HARARI pour ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE
RUBEN IMPENS pour TITANE
CÉSAR DU MEILLEUR MONTAGE
NELLY QUETTIER pour ANNETTE
SIMON JACQUET pour BAC NORD
VALENTIN FÉRON pour BOÎTE NOIRE
FRÉDÉRIC BAILLEHAICHE pour LA FRACTURE
CYRIL NAKACHE pour ILLUSIONS PERDUES
CÉSAR DES MEILLEURS COSTUMES
CATHERINE LETERRIER pour ALINE
PASCALINE CHAVANNE pour ANNETTE
MADELINE FONTAINE pour DÉLICIEUX
THIERRY DELETTRE pour EIFFEL
PIERRE-JEAN LARROQUE pour ILLUSIONS PERDUES
CÉSAR DES MEILLEURS DÉCORS
EMMANUELLE DUPLAY pour ALINE
FLORIAN SANSON pour ANNETTE
BERTRAND SEITZ pour DÉLICIEUX
STÉPHANE TAILLASSON pour EIFFEL
RITON DUPIRE-CLÉMENT pour ILLUSIONS PERDUES
CÉSAR DES MEILLEURS EFFETS VISUELS
SÉBASTIEN RAME pour ALINE
GUILLAUME PONDARD pour ANNETTE
OLIVIER CAUWET pour EIFFEL
ARNAUD FOUQUET, JULIEN MEESTERS pour ILLUSIONS PERDUES
MARTIAL VALLANCHON pour TITANE
CÉSAR DE LA MEILLEURE RÉALISATION
VALÉRIE LEMERCIER pour ALINE
LEOS CARAX pour ANNETTE
CÉDRIC JIMENEZ pour BAC NORD
AUDREY DIWAN pour L’ÉVÉNEMENT
XAVIER GIANNOLI pour ILLUSIONS PERDUES
ARTHUR HARARI pour ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE
JULIA DUCOURNAU pour TITANE
CÉSAR DU MEILLEUR FILM DE COURT MÉTRAGE D’ANIMATION
EMPTY PLACES
réalisé par GEOFFROY DE CRÉCY,
produit par NICOLAS SCHMERKIN
FOLIE DOUCE, FOLIE DURE
réalisé par MARINE LACLOTTE,
produit par CHRISTIAN PFOHL
LE MONDE EN SOI
réalisé par SANDRINE STOÏANOV, JEAN-CHARLES FINCK,
produit par JÉRÔME BARTHÉLEMY, DANIEL SAUVAGE
PRÉCIEUX
réalisé par PAUL MAS,
produit par MARC JOUSSET, PERRINE CAPRON
CÉSAR DU MEILLEUR FILM DE COURT MÉTRAGE DOCUMENTAIRE
AMERICA
réalisé par GIACOMO ABBRUZZESE,
produit par SÉBASTIEN HUSSENOT, MARIE SAVARE DE LAITRE
LES ANTILOPES
réalisé par MAXIME MARTINOT,
produit par QUENTIN BRAYER
LA FIN DES ROIS
réalisé par RÉMI BRACHET,
produit par JOSÉPHINE MOURLAQUE, ANTOINE SALOMÉ
MAALBEEK
réalisé par ISMAËL JOFFROY CHANDOUTIS,
produit par LIONEL MASSOL, PAULINE SEIGLAND, JULES REINARTZ, MAXENCE VOISEUX
CÉSAR DU MEILLEUR FILM DE COURT MÉTRAGE DE FICTION
L’ÂGE TENDRE
réalisé par JULIEN GASPAR-OLIVERI,
produit par HÉLÈNE MITJAVILE
LE DÉPART
réalisé par SAÏD HAMICH BENLARBI,
produit par SOPHIE PENSON
DES GENS BIEN
réalisé par MAXIME ROY,
produit par ALICE BLOCH
LES MAUVAIS GARÇONS
réalisé par ELIE GIRARD,
produit par LIONEL MASSOL, PAULINE SEIGLAND
SOLDAT NOIR
réalisé par JIMMY LAPORAL-TRÉSOR,
produit par MANUEL CHICHE, VIOLAINE BARBAROUX, NICOLAS BLANC, SARAH EGRY
CÉSAR DU MEILLEUR FILM D’ANIMATION
MÊME LES SOURIS VONT AU PARADIS
réalisé par DENISA GRIMMOVÁ, JAN BUBENICEK,
coproducteurs France ALEXANDRE CHARLET, JONATHAN HAZAN
LE SOMMET DES DIEUX
réalisé par PATRICK IMBERT,
produit par JEAN-CHARLES OSTORERO, DIDIER BRUNNER, DAMIEN BRUNNER
LA TRAVERSÉE
réalisé par FLORENCE MIAILHE,
produit par DORA BENOUSILIO, LUC CAMILLI
CÉSAR DU MEILLEUR FILM DOCUMENTAIRE
ANIMAL
réalisé par CYRIL DION,
produit par GUILLAUME THOURET, CÉLINE ROUX, PATRICE LORTON, JEAN-MARIE MICHEL,
THOMAS BÉNET, CYRIL DION, PATRICK FOURNIER
BIGGER THAN US
réalisé par FLORE VASSEUR,
produit par DENIS CAROT, FLORE VASSEUR
DEBOUT LES FEMMES !
réalisé par GILLES PERRET, FRANÇOIS RUFFIN,
produit par THIBAULT LHONNEUR
INDES GALANTES
réalisé par PHILIPPE BÉZIAT,
produit par PHILIPPE MARTIN, DAVID THION
LA PANTHÈRE DES NEIGES
réalisé par MARIE AMIGUET, VINCENT MUNIER,
produit par LAURENT BAUJARD, PIERRE-EMMANUEL FLEURANTIN, VINCENT MUNIER
CÉSAR DU MEILLEUR PREMIER FILM
GAGARINE
réalisé par FANNY LIATARD, JÉRÉMY TROUILH,
produit par JULIE BILLY, CAROLE SCOTTA
LES MAGNÉTIQUES
réalisé par VINCENT MAËL CARDONA,
produit par MARC-BENOÎT CRÉANCIER, TOUFIK AYADI, CHRISTOPHE BARRAL
LA NUÉE
réalisé par JUST PHILIPPOT,
produit par THIERRY LOUNAS, MANUEL CHICHE
LA PANTHÈRE DES NEIGES
réalisé par MARIE AMIGUET, VINCENT MUNIER,
produit par LAURENT BAUJARD, PIERRE-EMMANUEL FLEURANTIN, VINCENT MUNIER
SLALOM
réalisé par CHARLÈNE FAVIER,
produit par ÉDOUARD MAURIAT, ANNE-CÉCILE BERTHOMEAU
CÉSAR DU MEILLEUR FILM ÉTRANGER
COMPARTIMENT N°6
réalisé par JUHO KUOSMANEN,
distribution France HAUT ET COURT DISTRIBUTION
DRIVE MY CAR
réalisé par RYÛSUKE HAMAGUCHI,
distribution France DIAPHANA DISTRIBUTION
FIRST COW
réalisé par KELLY REICHARDT,
distribution France CONDOR DISTRIBUTION
JULIE (EN 12 CHAPITRES)
réalisé par JOACHIM TRIER,
coproduction France MK PRODUCTIONS (Nathanaël Karmitz, Juliette Schrameck, Elisha Karmitz)
LA LOI DE TÉHÉRAN
réalisé par SAEED ROUSTAEE,
distribution France WILD BUNCH DISTRIBUTION
MADRES PARALELAS
réalisé par PEDRO ALMODÓVAR,
distribution France PATHÉ
THE FATHER
réalisé par FLORIAN ZELLER,
coproduction France F COMME FILM (Jean-Louis Livi), CINÉ-@. (Philippe Carcassonne)
CÉSAR DU MEILLEUR FILM
ALINE
produit par EDOUARD WEIL, ALICE GIRARD, SIDONIE DUMAS,
réalisé par VALÉRIE LEMERCIER
ANNETTE
produit par CHARLES GILLIBERT,
réalisé par LEOS CARAX
BAC NORD
produit par HUGO SÉLIGNAC,
réalisé par CÉDRIC JIMENEZ
L’ÉVÉNEMENT
produit par EDOUARD WEIL, ALICE GIRARD,
réalisé par AUDREY DIWAN
LA FRACTURE
produit par ELISABETH PEREZ,
réalisé par CATHERINE CORSINI
ILLUSIONS PERDUES
produit par OLIVIER DELBOSC, SIDONIE DUMAS,
réalisé par XAVIER GIANNOLI
ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE
produit par NICOLAS ANTHOMÉ, LIONEL GUEDJ,
réalisé par ARTHUR HARARI
* Les 7 films nommés au César du Meilleur Film seront également soumis au vote de 1866 lycéens pour le César des Lycéens.
DECOMPTE DES NOMINATIONS
15 pour ILLUSIONS PERDUES
11 pour ANNETTE
10 pour ALINE
7 pour BAC NORD
6 pour LA FRACTURE
5 pour BOÎTE NOIRE
5 pour LES OLYMPIADES
4 pour L’ÉVÉNEMENT
4 pour ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE
4 pour TITANE
3 pour EIFFEL
3 pour LES MAGNÉTIQUES
3 pour LA PANTHÈRE DES NEIGES
2 pour DÉLICIEUX
2 pour LES INTRANQUILLES
2 pour SERRE MOI FORT
2 pour SLALOM
1 pour L’ÂGE TENDRE
1 pour AMERICA
1 pour ANIMAL
1 pour LES ANTILOPES
1 pour BENEDETTA
1 pour BIGGER THAN US
1 pour LES CHOSES HUMAINES
1 pour COMPARTIMENT N°6
1 pour DE SON VIVANT
1 pour DEBOUT LES FEMMES !
1 pour LE DÉPART
1 pour DES GENS BIEN
1 pour DRIVE MY CAR
1 pour EMPTY PLACES
1 pour LA FIN DES ROIS
1 pour FIRST COW
1 pour FOLIE DOUCE, FOLIE DURE
1 pour FRANCE
1 pour GAGARINE
1 pour INDES GALANTES
1 pour JULIE (EN 12 CHAPITRES)
1 pour LA LOI DE TÉHÉRAN
1 pour MAALBEEK
1 pour MADRES PARALELAS
1 pour MANDIBULES
1 pour LES MAUVAIS GARÇONS
1 pour MÉDECIN DE NUIT
1 pour MÊME LES SOURIS VONT AU PARADIS
1 pour LE MONDE EN SOI
1 pour LA NUÉE
1 pour PRÉCIEUX
1 pour SOLDAT NOIR
1 pour LE SOMMET DES DIEUX
1 pour SUPRÊMES
1 pour THE FATHER
1 pour LA TRAVERSÉE
1 pour UNE FEMME DU MONDE
1 pour UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR
TOTAL : 126 NOMINATIONS
-
Critique de LA FRACTURE de Catherine Corsini
Ce film figurait en compétition officielle du Festival de Cannes 2021 puis fut présenté à Deauville dans la section « L’heure de la Croisette ».
Dans Partir, Suzanne (Kristin Scott Thomas) menait une vie bien (trop) tranquille avec son mari médecin (Yvan Attal) dans une belle maison, glaciale, à l’image de ce dernier, avant de rencontrer Ivan (Sergi Lopez), un ouvrier espagnol employé au noir vivant de petits boulots et ayant fait de la prison, chargé de leurs travaux. Un accident allait les rapprocher et bientôt une passion irrépressible les emporter. Dans ce film déjà, Catherine Corsini confrontait ainsi des mondes qui n’auraient pas dû se rencontrer. C’était aussi le sujet au centre du palpitant et bien nommé Trois mondes, un film s’inspirant du cinéma de Sautet et de celui d’Hitchcock, entre histoire d’amour et thriller. Dans son dernier film, Un amour impossible, deux mondes se télescopaient aussi : celui de Rachel (Virginie Efira), modeste employée de bureau, et celui de Philippe (Niels Schneider), brillant jeune homme issu d'une famille bourgeoise. Cette fois encore, dans La Fracture, ce sont donc des mondes qui se confrontent. Des genres cinématographiques qui se mêlent aussi.
Cela commence pour un réveil en sursaut comme celui auquel nous invite Catherine Corsini. Raf (Valeria Bruni-Tedeschi) envoie une salve de textos furieux à sa compagne Julie (Marina Foïs) qui dort profondément à ses côtés. Elles sont au bord de la rupture. En voulant rattraper Julie, Raf chute et se retrouve dans un service d’Urgences proche de l'asphyxie le soir d'une manifestation parisienne des Gilets Jaunes. Leur rencontre avec Yann (Pio Marmaï), un manifestant blessé et en colère, va faire voler en éclats les certitudes et les préjugés de chacun. À l'extérieur, la tension monte. L’hôpital, sous pression, doit fermer ses portes. Le personnel est débordé. La nuit va être longue…
Dès ce réveil brusque, La Fracture nous emporte dans un tourbillon porté par la caméra à l’épaule de Catherine Corsini aidée de sa cheffe opératrice Jeanne Lapoirie, et ne nous lâchera plus, si ce n’est le temps de quelques pas dans un Paris faussement apaisé. Le rire est constamment au bord des larmes. La colère laisse parfois affleurer un instant de douceur. Catherine Corsini n’a en effet pas son pareil pour marier les paradoxes et nous emporter dans ce maelstrom d’émotions porté par une énergie folle. L’humour, aux frontières du burlesque, en une fraction de seconde, vient désamorcer ce cauchemar suffocant, parfois par le comique de répétition (les chutes, nombreuses, de Raf). Le film lorgne aussi du côté du documentaire en dressant un état des lieux terrifiant (et malheureusement réaliste) de l’hôpital en pleine implosion qui se décompose même au sens propre. L’infirmière Kim a ainsi enchaîné six nuits de garde alors que la loi n’en permet pas plus de trois. Le personnel est en grève. Tous les services de psychiatrie étant fermés, les urgences reçoivent aussi ceux qui devraient y être. Certains meurent dans la solitude.
Dans ce chaos et ce huis-clos, la cohabitation forcée va conduire des êtres qui n’auraient jamais dû se côtoyer à se rapprocher. Là, il n’y a pas de privilèges, plus de barrières sociales. Un routier et une dessinatrice peuvent se retrouver dans la même situation de détresse, face au même infirmier désabusé et insensible. Ou une éditrice parisienne peut croiser un ancien camarade de Valenciennes venu à Paris pour manifester. La fracture (sociale) provient avant tout d’un manque de dialogue, d’écoute, d’un vacarme assourdissant. La fracture (physique) va les rapprocher.
Les acteurs sont pour beaucoup dans cette réussite au premier rang desquels des comédiens non professionnels comme Aissatou Diallo Sagna (nommée au César de la meilleure actrice dans un second rôle). Elle est absolument bouleversante dans le rôle de l’infirmière Kim. Valeria Bruni-Tedeschi (nommée pour le César de la meilleure actrice) est une Raf à la fois exaspérante et touchante, égocentrique et attachante, et surtout blessée dans tous les sens du terme. Quant à Pio Marmaï (également nommé, pour le César du meilleur acteur), il incarne l’énergie du désespoir avec une conviction qui force l’admiration.
Et puis il y a ce dernier plan, d’une tristesse implacable, qui témoigne d’un répit illusoire et nous laisse comme l’infirmière : abattus, impuissants, sidérés devant cette situation suffocante. Catherine Corsini, une fois de plus, avec cette tragicomédie sociale, a su brillamment marier les genres et faire se côtoyer les mondes pour nous emporter avec elle dans ce tourbillon à la fois drôle et désespéré sur la fracture et les maux d’une époque. Un cri d’alerte retentissant et surtout clairvoyant.
-
LETTRE D’UNE INCONNUE de Max Ophüls (ressortie en version restaurée ce 9.02.2022 – sélection Cannes Classics 2021)
Quel plaisir de revoir Lettre d’une inconnue de Max Ophüls au cinéma (en l'occurrence Le Champo), à l’occasion d’une avant-première événement présentée par Olivier Minne (qui connut Louis Jourdan qui lui parla longuement de ce film). Ce film faisait partie de la sélection Cannes Classics 2021 et ressort sur les écrans ce 9 février 2022, restauré en 4K.
La nouvelle de Zweig dont le film d’Ophüls est la libre adaptation parut pour la première fois sous le titre Der Brief einer Unbekannten (La Lettre d’une inconnue) le 1er janvier 1922, dans le quotidien viennois Neue Freie Presse. Ce texte a ainsi été adapté 7 fois au cinéma. Ophüls l’adapta en 1948. Trois cinéastes l’adaptèrent même avant lui (Alfred Abel, John M.Stahl et Hannu Leminen). Parmi les autres adaptations, plus récentes, figurent notamment celle de Jacques Deray en 2001 ou encore celle de la réalisatrice chinoise Jinglei Xu en 2004.
« Quand vous lirez cette lettre, je serai peut-être morte. » Ainsi, par cette phrase qui place d’emblée le récit sous le sceau de la tragédie, débute la lettre que son valet de chambre remet à Stefan Brand (Louis Jourdan), ex-pianiste célèbre, de retour d’une soirée. Nous sommes à Vienne dans les années 1900 et, par une nuit pluvieuse, un carrosse a ramené chez lui cet homme fatigué. Cette lettre est celle d’une inconnue qui se nomme en réalité Lisa Berndle (Joan Fontaine). Il commence à la lire sans imaginer une seconde l’histoire dramatique qu’elle recèle, celle d’une patiente à l’agonie qui a recouru à ses dernières forces pour lui écrire cette longue missive, l’histoire de sa vie. Quelques heures plus tard, à l’aube, il est censé affronter en duel un mari trompé. Il n’a aucune intention d’honorer ce rendez-vous. Commence alors en flashback le récit poignant et terrible de cette passion inconditionnelle, obsessionnelle et à sens unique. Le spectateur, par la voix off de Lisa, va alors suivre trois périodes de son existence, uniquement vécues par le prisme de cet amour éperdu, de sa première rencontre à 15 ans avec ce pianiste promis alors à un avenir radieux qui emménage juste à côté de chez elle jusqu'à leur dernière rencontre alors que son piano n’est désormais plus qu’un objet de décoration et que la musique ne fait même plus partie de sa vie.
Si les adaptations de la nouvelle de Zweig furent nombreuses, celle d’Ophüls a marqué l’histoire du cinéma car, mieux que quiconque, il su adapter et s’adapter à l’œuvre romantique de l’écrivain autrichien épris de psychanalyse. Ophüls donne ainsi un nouvel éclairage au travail littéraire de Zweig, lui apportant une dimension supplémentaire, comme il l’avait fait auparavant avec celui d’Arthur Schnitzler pour La Ronde et celui de Guy de Maupassant pour Le Plaisir. Pour cela, il a collaboré avec Howard Koch dans l'écriture du scénario. Ainsi, dans cette adaptation, l'écrivain du livre (sorte de double de Zweig) devient, dans le film, un pianiste talentueux mais perfectionniste et insatisfait, un séducteur impénitent, domaine de la séduction dans lequel il semble finalement avoir beaucoup plus d’assurance que dans celui de la musique. Dans l’adaptation d’Ophüls, à la lecture de la lettre de Lisa, il va peu à peu prendre conscience de son aveuglement. La fin diffère ainsi de celle du livre.
Lettre d’une inconnue est le deuxième film américain de Max Ophuls après L’Exilé (1947), un film de cape et d'épée avec Douglas Fairbanks Jr. Emigré à Hollywood, il lui fallut ainsi attendre six ans après son arrivée aux USA pour pouvoir s’atteler de nouveau à la réalisation d’un film. On remarque au passage qu’au générique du film, le cinéaste est crédité sous le nom "Max Opuls".
S’il fallait trouver des termes pour qualifier le cinéma d’Ophüls, ce serait certainement le mouvement et l’écho (les jeux de correspondances et de miroirs), cette ronde perpétuelle de la vie. Ainsi, Lisa ne cesse de déambuler dans Vienne pour trouver Stefan. Stefan lui aussi déambule, entre Vienne et Milan. Leur fils lui aussi partira en voyage, pour un voyage sans retour. Les personnages semblent être constamment dans l’évanescence, l’instabilité, l’incertitude, en proie aux rouages impitoyables et carnassiers du destin qui les conduit inexorablement vers la mort tragique comme le seront aussi Madame de... et Lola Montès. Ce mouvement se traduit par des longs plans séquences d’une virtuosité et d’une fluidité admirables.
La réalisation n’est pas que mouvement. Elle traduit aussi l’isolement, l’enfermement de Lisa dans son illusion, souvent dans l’embrasure des portes, souvent en observatrice du monde, souvent derrière des rideaux. Il y a aussi cette cage d’oiseau lorsque sa mère lui annonce qu’elles vont devoir partir car elle va se remarier. Lisa est dans sa prison de rêves, coupée du monde, coupée de la réalité et coupée des autres. Le seul personnage qui la voit et l’entend, le valet de l’artiste, ne parle pas. Comme elle, il est perpétuellement placé dans l’attente. Le premier rendez-vous amoureux entre Stefan et Lisa, à l'intérieur du train du parc d'attractions au Prater à Vienne met aussi en scène une illusion. Ils parcourent plusieurs pays et lieux comme Venise ou les Alpes Suisses qui ne sont alors que des toiles peintes défilant derrière la vitre du wagon. Et le baiser qu’ils se donneront, comme s’il n’était là aussi pas réel, ne sera pas montré à l'écran. La subtile mise en scène d’Ophüls instille ainsi de la mélancolie et donne cette impression de brouillard qui auréole la réalité d’un voile onirique.
Il recourt ainsi également beaucoup au jeu des miroirs, des correspondances, de la symétrie des scènes. Lisa dit ainsi deux fois adieu à la gare, une fois à l'homme qu’elle aime passionnément, et dix ans plus tard à son fils. Les deux fois, elle est censée les revoir 15 jours plus tard. Les deux fois, la fatalité en décidera autrement. Les scènes d’escalier sont aussi nombreuses, des escaliers en spirale comme s’ils matérialisaient une autre spirale infernale, celle du destin. Il y a cette mémorable séquence dans le hall de l'opéra de Vienne. Mais aussi cette fois où Stefan est filmé deux fois sous le même angle, en plongée du haut de l'escalier. Les deux fois, il est accompagné d’une femme. La première fois, il est vu par Lisa, alors adolescente qui, depuis le haut de l’escalier, le voit ramener une femme chez lui, la femme du soir ou du moment. La deuxième fois, des années plus tard, c’est Lisa qui l’accompagne. La mise en scène nous signifie ainsi qu’elle n’est qu’une femme parmi d’autres. Tout n’est que question de point de vue semble nous dire Ophüls, cette symétrie suggère ce que Lisa, dans son illusion romantique, ne veut pas encore voir, et préfigure l’effroyable désillusion qui l’attend.
Lettre d'une inconnue est aussi la troisième collaboration d’Ophüls avec le chef-opérateur Franz Planer. Et la lumière apporte aussi un autre éclairage au récit, notamment lorsque, par une lumière expressionniste, Stefan ressemble soudain à un vampire comme un écho (encore un) à cette scène, devant une vitrine de mannequins en cire lors de laquelle Lisa se demandait si l'on ferait un jour un personnage de cire de Stefan,
Ophüls joue et jongle habilement et malicieusement avec les regards et les points de vue. Si le point de vue est celui, amoureux et aveuglé, de Lisa, la mise en scène révèle un tout autre visage de Stefan, celui d’un homme égoïste, désabusé, vide qui ne se souvient absolument pas d’elle et qui ne la voit que lorsqu’elle est à jamais disparue. Le splendide et historique fondu enchaîné qui fait superposer le visage de Stefan à celui de la jeune femme qui les réunit alors qu’il est trop tard est empreint d’une rare force nostalgique, bouleversante.
Grâce a sa mise en scène, aux jeux des points de vue, de lumière et de symétrie, Ophüls a apporté à la nouvelle de Zweig un supplément d’âme mais aussi grâce à ses deux interprètes qui ont à jamais immortalisé les héros de la nouvelle. Un film qui nous emporte dans son vertige amoureux, une valse tragique et bouleversante à revoir absolument et à ajouter à la liste des autres chefs-d’œuvre du cinéaste que sont La Ronde, Le Plaisir, Madame de... et Lola Montès.