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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
Outre un dossier très complet sur Jude Law que vous pourrez retrouver prochainement dans "Contagion" également au sommaire de ce mois-ci dans Studio Ciné Live: une rencontre avec Isabelle Huppert, une enquête sur George Clooney, un reportage sur le tournage du dernier Tim Burton avec Johnny Depp, des articles sur les coups de coeur de la rédaction que sont "Polisse" (qui est aussi celui d'Inthemoodforcinema pour cette semaine, retrouvez ma critique ici) avec notamment la leçon de cinéma de Maïwenn et "Intouchables" mais aussi les rubriques habituelles avec la rencontre entre les lecteurs et une personnalité qui fait l'actualité (ce mois-ci Omar Sy), un flash-back sur "Métropolis" de Fritz Lang et un dossier sur "Romy Schneider" etc.
Pour remporter cet exemplaire, soyez le premier ou la première à me donner par email, les titres des 4 films suivants à inthemoodforcinema@gmail.com avec, pour intitulé de votre email "Concours Studio Ciné Live" en n'oubliant pas de joindre vos coordonnées. Tous ces films ont un rapport avec les sujets précités et vous ont été recommandés par inthemoodforcinema.com .
Samedi dernier s’est achevée la 16ème édition du Festival des Jeunes Réalisateurs de Saint Jean de Luz que j’ai eu le plaisir d’être invitée à découvrir. Un festival qui, au fil des années, a gagné en notoriété mais n’a rien perdu de la convivialité caractéristique des débuts d’un festival qui s’éclipse parfois au fil des ans. Comme son nom l’indique, le principe du festival est de ne projeter que des films de jeunes réalisateurs, jeunes non pas forcément en âge mais dans leur carrière de réalisateurs de longs-métrages puisque le festival ne projette que des premiers et des deuxièmes films.
J’ai vu tous les films de la sélection, à savoir 10 films en compétition, 2 avant-premières hors compétition et 8 courts-métrages en compétition…même si j’en avais déjà vu certains comme « En secret » et « On the ice » déjà en compétition du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville, preuve de la qualité de la sélection (la qualité de la compétition de ce dernier Festival du Cinéma Américain ayant été, comme chaque année ou presque, remarquable).
Un festival qui remplit pleinement ses objectifs, celui de découvrir des talents et d’être un lieu d’échanges (après chaque projection se tient un débat avec l’équipe du film animé avec enthousiasme par Patrick Fabre, le délégué général du festival) au cinéma Le Sélect, à deux pas de la rue principale et du charmant port de Saint Jean de Luz… Un festival qui a l’humilité de mettre en avant les cinéastes qu’il présente et non ses organisateurs (ce n’est pas le cas partout…).
Découvrir un festival et même si je ne compte plus le nombre de ceux que j’ai déjà parcourus ou auxquels j’ai participés, cela reste toujours un plaisir et c’est aussi découvrir ses codes (et c’est d’autant plus agréable lorsqu’un festival est aussi accessible) et ses incontournables comme Claude Pinoteau et Georges Lautner qui y ont même leurs fauteuils attitrés, semble-t-il présents et assidus chaque année….et on les comprend !
Ce festival propose des films très divers, avec néanmoins pour points communs cette année, autre celui d’être des premiers et seconds films, de mettre en scène des personnages, souvent de femmes fortes et courageuses, enfermés dans une réalité oppressante (guerre, absence de logement, dictature, deuil, solitude) qui trouvent finalement une lueur d’espoir dans l’évasion, sous diverses formes. Des films souvent très lumineux pour mettre en scène des sujets graves.
Ci-dessus, le jury lors de l'ouverture et ci-dessous lors de la clôture
C’est Mélanie Laurent qui a fait l’ouverture du festival avec « Les Adoptés », également en compétition, qui a reçu le prix du jury et le prix du public, 10 ans après avoir été elle-même membre du jury du festival. L’histoire d’une famille de femmes unies par un bel et fragile équilibre qui se rompra quand l’une d’entre elles tombera amoureuse. Elles n’auront pas le temps de le reconstruire, un drame frappant l’une d’elles qui se retrouve dans le coma. Il faudra alors vivre avec l’absence et le manque, s’adopter (il s’agit bien évidemment ici d’une adoption symbolique), tisser des liens nouveaux, un nouvel équilibre peut-être encore plus fort car soudé par le drame… Mélanie Laurent a "le malheur" d’être polyvalente : elle chante (avec talent), joue, réalise, et a même présenté la cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes, ce qui est forcément mal vu dans un pays où on souhaite mettre dans des cases mais ce qui montre surtout qu’elle est une artiste à part entière, guidée par le désir de créer. Elle dit que ce sont avant tout les idées de mise en scène qui l’ont conduite à réaliser ce film, et c’est ce qui en fait la grande qualité et la faiblesse. La réalisation est sensible, inspirée, et témoigne d’un vrai regard de cinéaste, très influencée par le cinéma indépendant américain. Elle fait alterner humour et larmes, et une réalisation lumineuse, portée par des comédiens de talent malheureusement encore peu connus (Marie Denarnaud et Denis Ménochet) à tel point que Mélanie Laurent qui ne souhaitait pas jouer au préalable à dû s’y résoudre pour que le film puisse être monté, qui vient contrebalancer la dureté du sujet, le tout porté par la douceur des Nocturnes de Chopin. Un film lumineux et tendre sur un sujet grave, qui n’échappe pas à quelques longueurs mais en tout cas très prometteur pour la suite. Peut-être le fait que le sujet ne soit pas personnel explique-t-il que ce petit plus qui rende un film marquant et poignant lui fasse défaut. Mélanie Laurent a également eu la bonne idée de tourner à Lyon sans que le lieu soit pour autant clairement identifiable, sa caméra étant principalement centrée sur ses acteurs principaux, leurs émotions. « On fait des films pour soi avec des équipes, avec des acteurs mais aussi pour le public. Et pour moi donc c’est le plus beau des prix » a-t-elle déclaré en recevant son prix du public.
Mon vrai coup de cœur du festival est signé Thierry Binisti, s’intitule « Une bouteille à la mer » et a reçu le prix du meilleur film (Chistera d’or), adapté du roman de Valérie Zenatti « Une bouteille à la mer de Gaza ». C’est l’histoire de Tal (Agathe Bonitzer), une jeune Française installée à Jérusalem avec sa famille. A dix-sept ans, elle a l’âge des premières fois : premier amour, première cigarette, premier piercing. Et premier attentat, aussi. Après l’explosion d’un kamikaze dans un café de son quartier, elle écrit une lettre à un Palestinien imaginaire où elle exprime ses interrogations et son refus d’admettre que seule la haine peut régner entre les deux peuples. Elle glisse la lettre dans une bouteille qu’elle confie à son frère pour qu’il la jette à la mer, près de Gaza, où il fait son service militaire. Quelques semaines plus tard, Tal reçoit une réponse d’un mystérieux « Gazaman » (Mahmoud Shalaby)….. Sujet sensible pour un film qui l’est tout autant. Cela commence par le fracas d’une bombe et s’achève par une lumière d’espoir. Thierry Binisti ne tombe jamais dans l’angélisme ni la diabolisation de l’un ou l’autre côté du mur. Il les montre au contraire si différents mais si semblables dans leurs craintes et leurs aspirations, et dans l’absurdité de ce qu’ils vivent. Film épistolaire d’un genre nouveau, il nous fait tour à tour épouser le point de vue de l’un puis de l’autre. Une poignante histoire d’amour mais surtout un vibrant hymne à la tolérance et à la paix qui m’a fait verser une petite larme. Agathe Bonitzer épouse parfaitement la belle maturité de son jeune personnage et face à elle Mahmoud Shalaby est bouleversant. Ce film sortira en salles le 28 décembre. Je vous en reparlerai plus longuement d’ici là.
Autre grand vainqueur de ce festival, « Bullhead » dont l’acteur principal Matthias Schoenaerts est reparti avec un prix d’interprétation et dont le réalisateur Michael R.Roskam a également été récompensé du Chistera du meilleur réalisateur. Un film qui a le mérite de ne pas laisser indifférent. Jacky est issu d'une importante famille d'agriculteurs et d'engraisseurs du sud du Limbourg. A 33 ans, il apparaît comme un être renfermé et imprévisible, parfois violent… Grâce à sa collaboration avec un vétérinaire corrompu, Jacky s’est forgé une belle place dans le milieu de la mafia des hormones. Alors qu’il est en passe de conclure un marché exclusif avec le plus puissant des trafiquants d'hormones de Flandre occidentale, un agent fédéral est assassiné. C’est le branle-bas de combat parmi les policiers. Les choses se compliquent pour Jacky et tandis que l’étau se resserre autour de lui, tout son passé, et ses lourds secrets, ressurgissent… Pour moi, c’est un peu l’imposture de ce festival. Si le prix d’interprétation était amplement mérité, Matthias Schoenarts faisant passer dans son regard toute l’inhumanité apparente, et l’humanité meurtrie de son personnage, en revanche la réalisation relève davantage de l’exercice de style pour film de fin d’études, le réalisateur insistant avec beaucoup de lourdeur sur l’animalité du personnage soulignée encore par la mise en scène en long, en large et en travers sans parler des personnages qui rivalisent de bêtise et de violence, que le réalisateur tente de dédramatiser par un humour noir (ou plutôt obscur).
Dommage quand d’autres films auraient mérité de figurer au palmarès comme « Louise Wimmer », le grand oublié du jury signé Cyril Mennegun. « Insoumise et révoltée, Louise Wimmer a tout perdu. Armée de sa voiture et de la voix de Nina Simone, elle va tout faire pour reconquérir sa vie. » nous dit le synopsis. Louise Wimmer c’est une femme comme il y en a tant d’autres, que nous croisons sans le savoir, qui se drapent dans leur fierté pour dissimuler leurs malheurs. Son histoire se déroule par bribes mais reste heureusement elliptique pour conserver le caractère universel du sujet, ce qui donne encore plus de force au récit. Nous devinons qu’elle s’est retrouvée à la rue suite à une séparation, ce que tout son entourage ignore. Au lieu d’en faire une femme pitoyable, il en fait une femme noble et fière et même au départ un peu antipathique que le spectateur au fil du récit, accompagnant dans ses échecs révoltants, prend en empathie. Il est incompréhensible que Corinne Masiero n’ait pas eu le prix d’interprétation tant son visage âpre marqué par la vie qui en devient beau tant Cyril Mennegun la filme avec justesse, empathie, et dignité, dévore l’écran, nous happe, tant elle donne corps et âme à cette femme qui ressemble à la fois à tant d’autres et aucune autre qui dort dans sa voiture dans l’attente de son logement social. Je partage l’émotion qui a submergé le délégué général du festival quand il a dû interviewer le réalisateur et son actrice juste après la projection. Une belle leçon d’humanité (mais qui, surtout ne se donne pas des airs de leçon ). Sans oublier la musique de Nina Simone symbole de liberté et d’emprisonnement aussi puisque c’est la seule musique qu’elle peut écouter, symbole de sa pauvreté. Cyril Mennegun est avant tout réalisateur de documentaires (notamment de « Tahar l’étudiant », portrait de Tahar Rahim qui sera d’ailleurs l’acteur principal de son prochain film comme il l’a révélé à Saint Jean de Luz) et son expérience nourrit prodigieusement son film qui a de troublants accents de réalisme, sa caméra ne quittant pas cette femme. Un film plein de vie, de violence dramatiquement quotidienne aussi, empreint d’un regard jamais complaisant. Cyril Mennegun a ainsi raconté que c'est après avoir croisé, lors du tournage d'un documentaire, une femme qui s'appelait Corinne et vivait dans sa voiture, mais qu'il n'a "jamais pu filmer" et qu'il a "perdu assez vite", qu'est née l'idée du film, une histoire semble-t-il aussi proche de ce qu’a pu vivre la comédienne (que Cyril Mennegun dit avoir découverte dans un téléfilm diffusé un soir à la télévision). "Ce film est empreint de ce qu'elle est » a-t-il ainsi déclaré. On la retrouvera bien heureusement prochainement dans le prochain film de Jacques Audiard.
Egalement en compétition, deux films dont je vous parlais précédemment, déjà évoqués dans mon compte rendu du Festival du Cinéma Américain de Deauville, « On the ice » et « En secret », deux films en apparence très différents mais qui, d’une certaine manière, montrent des adolescents qui étouffent et suffoquent . Dans « En secret » de l’Iranienne Maryam Keshawarz, Atafeh et sa meilleure amie Shireen fréquentent les soirées branchées du Téhéran underground. Elles essayent de profiter au mieux de leur jeunesse quand Mehran, le frère et complice d’Atafeh, devient membre de la police des mœurs. Alors qu’il désapprouve sévèrement leur besoin de liberté, Mehran tombe amoureux de Shireen. Ses sentiments vont vite tourner à l’obsession et mettre à l’épreuve l’amitié des jeunes filles. « En secret » a reçu le prix du public du dernier Festival de Sundance. Le film montre ce qui devrait être la légèreté de la jeunesse mais qui est étouffée par le poids l’intégrisme, dont la seule lueur d’espoir semble être dans la fuite, là où le bonheur semble être condamné au secret. La jeune et talentueuse actrice Sarah Kazemy, présente à Saint Jean de Luz a ainsi expliqué que si elle retournait en Iran, elle ne pourrait sans doute plus en sortir. Bouleversant témoignage sur un Etat qui oppresse la jeunesse, toute tentative de pensée libre, tout désir et qui scrute les moindres et faits et gestes (omniprésence des caméras dans la sphère privée et publique). Si le style est parfois rpesque « clipesque », le sujet habilement traité en fait presque un documentaire sur une réalité qui nie l’individu, où faire la fête ou doubler des films américains, ou s’aimer, est considéré comme subversif, condamnable. Un film courageux et nécessaire.
C’est aussi à Téhéran que nous emmènent Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi dans « Poulet aux prunes », mais un tout autre Téhéran, d’abord nous sommes en 1958 et ensuite l’atmosphère est ici celle du conte enchanté et enchanteur.Depuis que son violon tant aimé a été brisé, Nasser Ali Khan, un des plus célèbres musiciens de son époque, a perdu le goût de vivre. Ne trouvant aucun instrument digne de le remplacer, il décide de se mettre au lit et d'attendre la mort. En espérant qu'elle vienne, il s'enfonce dans de profondes rêveries aussi mélancoliques que joyeuse, qui, tout à la fois, le ramènent à sa jeunesse, le conduisent à parler à Azraël, l'ange de la mort, et nous révèlent l'avenir de ses enfants... Au fur et à mesure que s'assemblent les pièces de ce puzzle, apparaît le secret bouleversant de sa vie : une magnifique histoire d'amour qui a nourri son génie et sa musique... Mélancolique, poétique, nostalgique, « Poulet aux prunes » mêle habilement les genres, les techniques, les émotions. La musique y est une bouleversante réminiscence du passé. Dommage comme l’ont souligné quelques personnes dans le public que le titre ne fasse pas honneur à la poésie mélancolique et lumineuse qui émane de ce film, même s’il témoigne d’un moment clé du film (et est aussi le titre de la bd dont il s’inspire). Dommage que le jury ait préféré, pour le prix du meilleur réalisateur, la violence et l’esbroufe de « Bullhead » plutôt que ce film qui traite d’un sujet tragique avec poésie, sans mièvrerie, avec une construction habile et des comédiens réjouissants. Quel plaisir de voir Edouard Baër dans le rôle de l’Ange de la mort ou de retrouver Maria de Medeiros! Le tout au son envoûtant des sanglots longs des violons.
La déception, et d’ailleurs l’unique déception, de la sélection est venue du film « De force » de Frank Henry, une déception d’autant plus grande qu’au casting figure Isabelle Adjani qui a joué dans tant de chefs d’œuvre et reste sans doute la plus grande comédienne française. Alors comment a-t-elle pu accepter (et même être emballée à en croire le réalisateur) un film aussi invraisemblable et ennuyeux (le comble pour un film qui se veut de divertissement pur). Du casting (improbable rôle d’Anne Consigny), au scénario (pas crédible une seconde, qui ne nous tient jamais en haleine et aligne les invraisemblances) même jusqu’au son (paroles parfois incompréhensibles d’Eric Cantona), la déception est totale pour un film dont le synopsis et le casting était pourtant si prometteurs.
A contrario, « Forces spéciales » de Stéphane Rybojad, le film de clôture, n’est peut-être pas un grand film mais il remplit pleinement sa mission de divertissement. Afghanistan. Elsa Casanova, grand reporter, est prise en otage par les talibans. Devant l’imminence de son exécution, une unité des Forces Spéciales est envoyée pour la libérer. Dans des paysages à la fois hostiles et magnifiques, une poursuite impitoyable s’engage alors entre ses ex-ravisseurs qui n’entendent pas laisser leur proie leur échapper et ce groupe de soldats qui, au péril de leur vie, n’ont qu’un objectif : la ramener vivante. Entre cette femme de caractère et ces hommes de devoir, contraints d’affronter ensemble les pires dangers, vont se nouer des liens affectifs, violents, intimes…
Surtout le débat qui a suivi le film s’est révélé passionnant et, a postériori, a donné encore plus d’intérêt au film. Raphael Personnaz a ainsi raconté comment il s’était réellement entraîné auprès des forces spéciales, et le réalisateur é évoqué ses précédents reportages (notamment pour « Envoyé spécial ») qui ont nourri ce film tourné dans des conditions particulièrement difficiles (au Tadjikistan). Il avait d’ailleurs déjà tourné un documentaire sur les « Forces spéciales ».
Egalement hors compétition « JC comme Jésus Christ » de Jonathan Zaccaï, farce très drôle sur le milieu du cinéma dans laquelle Vincent Lacoste interprète un jeune réalisateur prodige qui a obtenu la palme d’or à 15 ans et dont, à 17 ans, le seul vrai problème est de passer le bac. Dommage que cela se réduise à une farce justement, relevant plus d’une suite de sketchs que du scénario construit et surtout que le milieu du cinéma y soit traité uniquement comme une vaste imposture dépourvue de toute passion ou intelligence, et regardé avec un certain mépris… A prendre au 36ème degré donc et à voir pour d’Elsa Zylberstein qui se moque d’elle-même, semble-t-il avec beaucoup de plaisir.
Côté compétition de courts-métrages, c’est l’humour cruel et dévastateur qui l’a emporté avec « Aime-moi » de David Courtil. Dommage que mon favori « Alexis Ivanovitch vous êtes mon héros » de Guillaume Gouix déjà favori à Cabourg soit à nouveau reparti sans récompenses. « Alex et Cerise s’aiment d’un amour joyeux. Un jour, Alex est agressé devant Cerise et la peur l’empêche de réagir. Alors que Cerise fait de cette histoire une simple anecdote, Alex la vit comme une réelle humiliation. Et si son amour-propre le faisait passer à côté du bonheur. » Le fait que Guillaume Gouix soit acteur n’est sûrement pas étranger au jeu des comédiens qui résonne ici si juste (Swann Arlaud est réellement remarquable et me fait aussi penser à cette phrase de Pierre Duculot à propos de son actrice principale lors du festival de Cabourg « la beauté des filles ordinaires qui ne le sont pas », Swann Arnaud a ainsi la beauté d’un garçon ordinaire dont Guillaume Gouix révèle la belle fragilité, cela confirme d’ailleurs au passage le talent de découvreur d’acteurs de Jean-Pierre Améris puisque, Swann Arlaud, comme Pierre Niney, dont je vous parlais lors de la sortie de « J’aime regarder les filles » jouait dans « Les Emotifs anonymes », son dernier film.) Guillaume Gouix arrive à rendre particulièrement touchant ce personnage radieux et joyeusement désinvolte qui, en une fraction seconde, blessé dans son orgueil, va tout remettre en question, découvrant ne pas être le héros qu’il aurait aimé être aux yeux de son amoureuse. Ce film recèle de ces instants de vérité dont parle si souvent Lelouch ( même si ce court-métrage n’a rien d’un Lelouch) qui auraient à eux seuls valu une récompense à ce film très juste et sensible.
Quoiqu’il en soit, un festival avec une programmation de belle qualité avec un objectif louable, celui de permettre de découvrir les talents de demain, le tout dans un cadre particulièrement agréable que je connaissais certes déjà mais que j’ai redécouvert avec plaisir. A noter également : l’accueil particulièrement chaleureux de l’équipe du festival. Je vous le recommande et en attendant n’oubliez pas d’aller voir « Une bouteille à la mer », le 28 décembre.
Retrouvez également prochainement quelques conseils gastronomiques et touristiques à Saint Jean de Luz sur mon blog http://www.inthemoodforluxe.com .
Concert de musique de films sur la place Louis XIV le jour de la clôture
Ci-dessus, les très expressives et originales photos de Maxime Bruno exposées dans le hall du Sélect. A découvrir également les photos de Christophe Brachet, l'autre photographe du festival.
PALMARES COMPLET DU FESTIVAL
CHISTERA du Meilleur Réalisateur parrainé par CINE +
Michaël R. ROSKAM pour le film « Bullhead» (Belgique)
CHISTERA du Meilleur Film parrainé par France BLEU
« Une bouteille à la mer » de Thierry BENISTI (France)
CHISTERA de la Meilleure Interprétation Féminine
Sandra HULLER dans « L’amour et rien d’autre » de Jan SCHOMBURG (Allemagne)
CHISTERA de la Meilleure Interprétation Masculine parrainé par JOACASINO
Matthias SCHOENAERTS dans «Bullhead » de Michaël R. ROSKAM (Belgique)
CHISTERA DU PUBLIC
« Les adoptés » de Mélanie LAURENT (France)
CHISTERA DU JURY DES JEUNES parrainé par ALLIANZ
« Les adoptés » de Mélanie LAURENT (France)
CHISTERA DU JURY DU COURT-METRAGE parrainé par Suez-GDF
Michael Rymer, entouré de ses 2 productrices Leanne Hanley et Gabrielle Christopher, et de Bernard Bories (directeur du festival) reçoit le prix du public et le prix d’interprétation pour son acteur Luke Ford.
Festival des Antipodes, le Jury: Philip McLaren, Julie De Bona, Deborah Grall, Mathieu Delarive, Isabelle Doval et Helen Buday
Nadia Tass dont le film « Matching Jack » a reçu le prix d’interprétation féminine pour l’actrice Jacinda Barrett, avec Bernard Bories
Je vous ai à maintes reprises parlé ici de ce festival qui délivrait samedi soir son palmarès que je vous invite à découvrir ci-dessous. Un festival dont inthemoodforcinema était partenaire et où je n'ai pu être présente contrairement à ce qui était prévu mais je compte bien me rattraper l'an prochain pour découvrir ce festival qui met à l'honneur un cinéma méconnu, à savoir le cinéma australien et néo-zélandais, le tout dans un cadre aussi idyllique que convivial!
"La 13ème édition du Festival des Antipodes, le rendez-vous annuel du cinéma australien et néo-zélandais, qui s’est tenu du 10 au 15 octobre s’est donc terminée samedi soir à Saint Tropez.
Le jury présidé par l’actrice australienne Helen Buday, entourée des comédiennes Julie DE BONA, Deborah GRALL, de la réalisatrice Isabelle DOVAL, de l’écrivain aborigène Philip MC LAREN et du comédien Mathieu DELARIVE a décerné le Grand Prix du festival au film australien LOU de Belinda CHAYKO.
LOU était en competition avec les films Face to Face, Here I am, Mad Bastards,Matching Jack, Predicament et Toomelah.
Le prix de la meilleure actrice a été décerné à Jacinda Barrett pour son rôle dans Matching Jack de Nadia Tass. Ce film a déjà remporté le prix du Bel Age à Cannes Cinéphiles 2011, ainsi que le prix du meilleur film au festival international de Milan.
Le prix du meilleur acteur a été attribué à Luke Ford pour son rôle dans Face to face de Michael Rymer. Ce film racontant une histoire de mensonge, trahison, sexe t brimade en entreprise a été présenté au Festival de Melbourne en août et est sorti sur les écrans australiens le 8 septembre.
Le film Face to Face remporte également le prix du public.
Le jury a attribué une mention spéciale au jeune acteur Daniel Connors, 10 ans, pour son rôle dans le film Toomelah, l’histoire poignante d’un petit garçon Aborigène qui aspire à devenir un gangster. Le film était en compétition au festival de Cannes 2011 dans la catégorie Un Certain Regard.
Enfin le prix Nicolas Baudin du Court métrage, attribué par un jury de lycéens de la région, dont le lycée du Golfe de Saint Tropez, a été décerné au film Bear de Nash Edgerton."
Bien que participant à de nombreux concours d’écriture (après tout je leur dois beaucoup, et notamment l’existence de ce blog, mais c’est une longue histoire…, et vous connaissez ma passion viscérale, démesurée, et incurable bien sûr pour le cinéma mais aussi pour l’écriture, si vous suivez ce blog depuis un moment), je fais néanmoins rarement appel à vos contributions ici. Une fois n’est pas coutume donc.
Je participe actuellement à un concours de pitchs lancé par le site Peopleforcinema avec, à la clef, la production de son scénario pour le lauréat. Autant dire le rêve. Les initiatives de ce genre sont suffisamment rares pour être saluées (la France est le pays des auteurs/réalisateurs et le scénario n’a pas encore totalement acquis ses lettres de noblesse). En ayant un certain nombre dans mes tiroirs, j’ai d’abord hésité à participer car rien n’est plus volatile et aisé à subtiliser qu’une idée mais je me suis aussi dit qu’elles seraient toujours mieux là que dans lesdits tiroirs, même si j’en garde certaines bien au chaud.
Plusieurs de mes pitchs ont figuré en tête de classement un certain temps et l’un d’entre eux a même été premier un moment (pour la majorité de mes pitchs, les scénarii sont d’ailleurs déjà écrits) sur les presque 3000 en ligne, seulement à 8 jours de la clôture des votes, ils sont victimes de la "concurrence" (enfin pas toute la "concurrence", j'ose l'espérer!) qui met systématiquement de mauvaises notes à ceux qui figurent en tête de classement (pas très fair-play mais c’est ainsi) donc si vous souhaitez voter et commenter, uniquement si vous appréciez mes pitchs (et d'ailleurs si vous n'appréciez pas et avez des réserves, vous pouvez aussi commenter, cela me fera avancer) car je souhaite respecter scrupuleusement le règlement même si ce n’est pas le cas de tout le monde, cliquez ici pour accéder à mon profil et à mes pitchs… et au préalable pour voter et/ou commenter il faudra vous inscrire sur le site People for cinema. Rien ne vous empêche d'ailleurs de voter également pour la "concurrence" car je ne pense pas, là comme ailleurs, que ce soit en dénigrant les autres ou en sabotant leur travail, qu'on avance dans l'existence...
En cliquant sur le titre du pitch qui vous intéresse, vous accéderez à sa note d’intention et à son casting "idéal". Pour voter (il est possible de voter et/ou commenter plusieurs pitchs), vous devrez cliquer sur l’étoile qui correspond à la note que vous souhaitez attribuer.
Les caractères impartis pour le pitch et la note d’intention sont très limités, j’en ai à chaque fois utilisé le maximum, et seuls les 60 passant à l’étape suivante auront l’opportunité de développer leur synopsis dans un premier temps…mais cela ne dépend plus de moi…
Vous trouverez ci-dessous ma critique revue et corrigée suite à la deuxième projection de "Polisse" à laquelle j'ai assisté, en ouverture du Festival Paris Cinéma (la première étant au Festival de Cannes). Après le prix du jury cannois, "Polisse" a reçu le Grand Prix Cinéma Elle 2011 (dont c'était cette année la première édition), un jury dont une éminente blogueuse cinéma faisait d'ailleurs partie. Ci-dessous, les vidéos de la présentation du film au festival Paris Cinéma.
« Polisse » est le troisième long métrage de Maïwenn après « Pardonnez-moi » (2006) et « Le bal des actrices » (2009). J’étais restée particulièrement sceptique devant «Le Bal des actrices » , film sur les masques et les mensonges des actrices dans lequel Maïwenn nous impose sa propre vérité, un bal dont elle est la reine et la manipulatrice, un bal dans lequel le cinéma est montré comme un théâtre masqué, un monde de faux-semblants dans lequel les actrices sont toutes malheureuses, narcissiques, prétentieuses et pour se dédouaner de s'être attribuée le beau rôle, Maïwenn lors d'une scène finale (lors de laquelle toutes les actrices sont réunies pour voir son documentaire) devance toutes les critiques, ses actrices lui adressant les reproches que pourrait lui faire la critique. Bref, je craignais le pire avec le sujet ô combien sensible de ce troisième long métrage.
Connaissant l’intrigue et le dénouement, j’étais curieuse de voir si je serais à nouveau embarquée, touchée, parfois agacée… et je dois avouer qu’à cette deuxième vision l’émotion, surtout, était tout autant au rendez-vous qu’à la première.
Synopsis : « Polisse » suit le quotidien des policiers de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs) : gardes à vue de pédophiles, arrestations de pickpockets mineurs, auditions de parents maltraitants, dépositions des enfants, les dérives de la sexualité chez les adolescents, mais aussi la solidarité entre collègues et les fous rires incontrôlables dans les moments les plus impensables. En parallèle, Maïwenn montre les répercussions sur la vie privée de chacun de ces policiers et l’équilibre précaire entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Mélissa ( Maïwenn) est mandatée par le Ministère de l’Intérieur pour réaliser un livre de photos sur la brigade. Ce regard va révéler les fêlures de Fred (Joeystarr), le plus écorché vif de la brigade.
Les premières minutes nous montrent une petite fille décrivant avec sa candeur enfantine les attouchements que son père lui a ou aurait fait subir (nous ne saurons pas vraiment). Quelques scènes plus tard, nous retrouvons les policiers de la BPM qui, à la cantine, racontent leurs histoires de couples, avec une certaine crudité, à la fois pour désamorcer la violence de ce qu’ils entendent au quotidien, mais aussi parce que cette violence a des répercussions inévitables sur leur vie privée.
C’est avant tout eux que la caméra de Maïwenn va suivre, nous immergeant dans leur douloureux quotidien. Douloureux parce que difficile d’entendre des horreurs toute la journée et de ne pas en ressortir écorché, voire blessé, ou même meurtri. Douloureux parce que la vie privée devient chaotique quand la vie professionnelle est aussi rude et vorace, et exige un tel dévouement dont il est impossible de ressortir indemne. Douloureux parce que les blessures des autres ravivent les leur.
Lors de la première projection à Cannes, je vous avais dit avoir été partagée entre émotion et scepticisme, agacement et admiration mais j’avoue que cette fois l’émotion et l’admiration ont dominé. Emotion parce que la caméra de Maïwenn capte et esquisse admirablement des portraits de pères, de mères, d’hommes, de femmes, d’enfants, désemparés face à la douleur indicible mais aussi la glaçante épouvante de ceux qui avouent les pires horreurs avec le sourire et une terrible « innocence », inconscients de celle qu’ils ont bafouée (Terrifiante déclaration du personnage d’Audrey Lamy inspirée comme tous les autres faits de ce film, de faits réels). Emotion parce qu’il est impossible de rester insensible devant, par exemple, cette scène douloureusement réaliste de cet enfant arraché à sa mère parce qu’il est impossible de leur trouver un foyer à tous deux. Emotion lorsque par un frôlement de main, une danse d’abandon, surgit une tendresse si longtemps contenue. Emotion parce que la scène finale d’une logique tragiquement implacable vous saisit d’effroi.
Admiration parce que Maïwenn en quelques plans, parfois juste le temps d’une déclaration à la police, nous raconte toute une histoire, un passé sombre et un avenir compromis. Admiration parce qu’elle tire des acteurs et surtout actrices, le meilleur d’eux-mêmes : Sandrine Kiberlain bouleversante, Karin Viard insaisissable, touchante puis presque effrayante, et que dire de Marina Foïs, remarquable dans le rôle de ce personnage de policier, le plus intéressant, abimé, fragile, désorienté. Même Joeystarr dont la prestation dans « Le bal des actrices » ne m’avait pas convaincue, est ici particulièrement touchant dans son rôle de flic bourru au cœur tendre qui s’implique émotionnellement dans chaque « cas ».
Alors pourquoi étais-je aussi sceptique et agacée suite à la projection cannoise ? Sceptique parce que le personnage qu’incarne Maïwenn qui se cache derrière ses grandes lunettes, son chignon, qui passe des beaux quartiers aux quartiers plus populaires, semble une nouvelle fois une manière de se dédouaner, de se donner le beau rôle, de se mettre en scène sans que cela soit forcément nécessaire. Il faut avouer que, suite à cette deuxième projection, j’ai trouvé que son personnage qui certes parfois sourit un peu trop béatement, apporte une certaine fraîcheur, un regard extérieur et est une vraie trouvaille scénaristique pour permettre au personnage de Joeystarr d’évoluer et de révéler une autre facette de sa personnalité. C’est aussi un moyen d’explorer à nouveau la mise en abyme. C'est d’ailleurs après avoir vu un documentaire à la télévision sur le travail des policiers chargés de protéger les mineurs, qu'elle a eu l'idée d'en faire un film.
Agacée par ce style faussement réaliste (Lors de la conférence de presse des lauréats à Cannes, Maïwenn s’est énervée suite à la question d’un journaliste qui, à propos de son film, parlait de style semi-documentaire) qui recrée une réalité et forcément l’édulcore pour faire surgir une réalité qui forcément n’en est pas totalement une. Agacée parce que Maïwenn par moments semble nous refaire « Le bal des actrices » et plus soucieuse de leurs performances que du réalisme (peut-être aurait-il été plus judicieux d’utiliser uniquement des comédiens inconnus) mais après cette deuxième projection, je reconnais que tous les acteurs sans exception, sont absolument remarquables et que Maïwenn est incontestablement douée pour la direction d’acteurs sachant tirer ici le meilleur de chacun (les « témoignages » d’anonymes sont saisissants).
Agacée parce que parfois la caméra s’attarde un peu trop, et nous prend en otage, ou parce que parfois elle semble privilégier ou du moins hésiter entre l’effet de style ou l’émotion et le réalisme (comme la scène des enfants qui dansent dans le bus). Agacée parce que, à l’image de son titre, cela frôle alors l’artificiel. Polisse écrit par un enfant. Polisse mais surtout pas « policé ». Polisse parce qu’il y avait déjà le PoliCe de Pialat.
Avec ce troisième film, Maïwenn veut à nouveau faire surgir la vérité, « peindre les choses cachées derrière les choses » pour reprendre une célèbre réplique d’un non moins célèbre film de Marcel Carné. En voulant parfois trop mettre en valeur ses actrices (ou elle-même), elle nuit justement à cette vérité nous rappelant trop souvent que « c’est du cinéma », alors qu’elle retranscrit malheureusement surtout une sombre réalité. Il n’en demeure pas moins que c’est un bel hommage à ces policiers de la BPM, à leur dévorant métier et leur dévouement, un constat effroyable sur la noirceur humaine, et il n’en demeure pas moins que la fin est bouleversante de beauté tragique et de lyrisme dramatique : ces deux corps qui s’élancent, et font éclater ou taire la vérité, inadmissible, et éclater ou taire l’espoir. Un film agaçant, intense, marquant, bouleversant, parfois même (sombrement) drôle.
A cette deuxième vision, la qualité de la réalisation (caméra nerveuse qui épouse la tension palpable), et surtout l’écriture m’ont particulièrement marquée, sans doute la raison pour laquelle Maïwenn condamnait cette définition de semi-documentaire. Le film est extrêmement construit, les dialogues sont particulièrement efficaces et sans doute certains les trouveront trop écrits, en contradiction avec l’impression de réalisme auquel ils ne nuisent néanmoins pas. Chaque scène de chaque personnage, qu’il soit au premier ou au second plan, dit quelque chose du dénouement concernant ce personnage et il faut dire que Maïwenn et sa coscénariste Emmanuelle Bercot manient brillamment le film choral aidées par un brillant montage qui fait alterner scènes de la vie privée et scènes de la vie professionnelle, les secondes révélant toujours quelque chose sur les premières, ces deux familles se confondant parfois. Pialat, Tavernier, Beauvois, Marchal avaient chacun à leur manière éclairer une facette parfois sombre de la police. Il faudra désormais compter avec le « Polisse » de Maïwenn dont le prix du jury cannois était en tout cas entièrement justifié.
Le film à ne pas manquer ce soir, c'est "Vicky Cristina Barcelona" de Woody Allen, à 20H35, sur France 2. Retrouvez ma critique du film, ci-dessous (critique publiée lors de sa sortie en salles, d'où la référence au Festival de Cannes). Retrouvez également mon dossier consacré à Woody Allen, en cliquant ici.
Quoiqu’il advienne, quel que soit le sujet, je ne manque JAMAIS un film de Woody Allen et ils sont peu nombreux ces réalisateurs dont chaque film recèle une trouvaille, dont chaque film est une réussite (même si certains évidemment sont meilleurs que d’autres, ou plus légers que d’autres), une véritable gageure quand on connaît la productivité de Woody Allen qui sort quasiment un film par an.
Imaginez donc mon désarroi d’avoir manqué celui-ci au dernier Festival de Cannes (non, vous ne pouvez pas : c’est insoutenable surtout sachant que mes acolytes festivaliers en sortaient tous le sourire aux lèvres, réjouis et un brin narquois envers ma malchance…) et mon impatience de le voir dès sa sortie en salles. Je me demande comment j’ai pu attendre trois jours après sa sortie surtout sachant que, dans mon impatience, je pensais qu’il sortait la semaine dernière… Bref, alors ce dernier Woody Allen était-il à la hauteur de l’attente ?
Evidemment, il serait malvenu de le comparer à la trilogie londonienne, véritable bijou d’écriture scénaristique et de noirceur jubilatoire. Ce dernier est plus léger (quoique…), et pourtant..., et pourtant c’est encore une véritable réussite, qui ne manque ni de sel (pour faire référence à une réplique du film), ni d’ailleurs d’aucun ingrédient qui fait d’un film un moment unique et réjouissant.
Pitch :Vicky (Rebecca Hall) et Cristina (Scarlett Johanson) sont d'excellentes amies, avec des visions diamétralement opposées de l'amour : la première est plutôt raisonnable, fiancée à un jeune homme « respectable » ; la seconde est plutôt instinctive, dénuée d'inhibitions et perpétuellement à la recherche de nouvelles expériences passionnelles. Vicky et Cristina sont hébergées chez Judy et Mark, deux lointains parents de Vicky, Vicky pour y consacrer les derniers mois avant son mariage et y terminer son mémoire sur l’identité catalane; Cristina pour goûter un changement de décor. Un soir, dans une galerie d'art, Cristina remarque le ténébreux peintre Juan Antonio (Javier Bardem). Son intérêt redouble lorsque Judy lui murmure que Juan Antonio entretient une relation si orageuse avec son ex-femme, Maria Elena (Pénélope Cruz), qu'ils ont failli s'entre-tuer. Plus tard, au restaurant, Juan Antonio aborde Vicky et Cristina avec une « proposition indécente ». Vicky est horrifiée ; Cristina, ravie, la persuade de tenter l'aventure...
Les jeux de l’amour et du hasard. Un marivaudage de plus. Woody Allen fait son Truffaut et son « Jules et Jim » pourrait-on se dire à la lecture de ce pitch. Oui mais non. Surtout non. Non parce que derrière un sujet apparemment léger d’un chassé-croisé amoureux, le film est aussi empreint de mélancolie et même parfois de gravité. Non parce qu’il ne se contente pas de faire claquer des portes mais d’ouvrir celles sur les âmes, toujours tourmentées, du moins alambiquées, de ses protagonistes, et même de ses personnages secondaires toujours croqués avec talent, psychologie, une psychologie d’une douce cruauté ou tendresse, c’est selon. Non parce que le style de Woody Allen ne ressemble à aucun autre : mélange ici de dérision (souvent, d’habitude chez lui d’auto-dérision), de sensualité, de passion, de mélancolie, de gravité, de drôlerie, de cruauté, de romantisme, d’ironie...
Woody Allen est dit-on le plus européen des cinéastes américains, alors certes on a quitté Londres et sa grisaille pour Barcelone dont des couleurs chaudes l’habillent et la déshabillent mais ce qu’il a perdu en noirceur par rapport à la trilogie londonienne, il l’a gagné en sensualité, et légèreté, non pour autant dénuées de profondeur. Il suffit de voir comment il traduit le trouble et le tiraillement sentimental de Vicky lors d’une scène de repas où apparait tout l’ennui de la vie qui l’attend pour en être persuadé. Ou encore simplement de voir comment dans une simple scène la beauté d’une guitare espagnole cristallise les émotions et avec quelle simplicité et quel talent il nous les fait ressentir. (Eh oui Woody Allen a aussi délaissé le jazz pour la variété et la guitare espagnoles…)
Javier Bardem, ténébreux et troublant, Penelope Cruz, volcanique et passionnelle, Scarlett Johanson (dont c’est ici la troisième collaboration avec Woody Allen après « Match point » et « Scoop »…et certainement pas la dernière), sensuelle et libre, Rebecca Hall, sensible et hésitante : chacun dans leurs rôles ils sont tous parfaits, et cette dernière arrive à imposer son personnage, tout en douceur, face à ces trois acteurs reconnus et imposants. (Dommage d'ailleurs que son personnage n'apparaisse même pas sur l'affiche, c'est finalement le plus intéressant mais certes aussi peut-être le plus effacé...dans tous les sens du terme.)
A la fois hymne à la beauté (notamment de Barcelone, ville impétueuse, bouillonnante, insaisissable, véritable personnage avec ses bâtiments conçus par Gaudi , le film ne s’intitulant pas « Vicky Cristina Barcelona » pour rien) et à l’art, réflexion sur l’amoralité amoureuse et les errements et les atermoiements du corps et du cœur, Woody Allen signe une comédie (on rit autant que l’on est ému) romantiquement sulfureuse et mélancoliquement légère, alliant avec toute sa virtuosité ces paradoxes et s’éloignant des clichés ou de la vulgarité qui auraient été si faciles pour signer un film aussi élégant que sensuel. Cet exil barcelonais pourra en déconcerter certains, mais c’est aussi ce qui imprègne ce film de cette atmosphère aussi fougueuse que cette ville et ces personnages.
Malgré les 72 ans du cinéaste, le cinéma de Woody Allen n’a pas pris une ride : il fait preuve d’une acuité, d’une jeunesse, d’une insolence, d’une inventivité toujours étonnantes, remarquables et inégalées. Un voyage barcelonais et initiatique décidément réjouissant. Vivement le prochain ! En attendant je vous laisse réfléchir à l’idée défendue dans le film selon laquelle l’amour romantique serait celui qui n’est jamais satisfait… A méditer !
"La couleur des sentiments" de Tate Taylor ("The Help"), est l'adaptation du best seller éponyme de Kathryn Stockett qui a fait l'ouverture du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville.
Un film avec Viola Davis, Emma Stone, Octavia Spencer, Jessica Chastain, Bryce Dallas Howard, Mary Steenburgen, Mike Vogel.
L’adaptation du best-seller phénomène mondial, a réalisé plus de 100M de $ au box office américain depuis sa sortie le 10 août dernier. Tiré du livre phénomène en tête des meilleures ventes sur la liste du New York Times, THE HELP (paru en France sous le titre « La Couleur des sentiments ») raconte l’histoire de trois femmes du Mississippi dans les années 60, qui vont forger une amitié à haut risque autour d’un projet de livre secret qui va faire exploser les règles de la société et les exposer au danger. De cette alliance improbable va naître une solidarité hors du commun entre ces trois femmes, qui va leur donner le courage de dépasser les limites qui régissent leur existence, et les amener à prendre conscience que les frontières sont faites pour être franchies. Pour cela, elles iront jusqu’à mettre toute la ville face au vent du changement…
"La Couleur des sentiments" sort en salles en France le 26 octobre 2011.
Aujourd'hui, je suis d'autant plus ravie de vous faire gagner des places pour ce film (et des agendas) qu'il glorifie le pouvoir salvateur et de conviction des mots.
Pour faire partie des gagnants, dîtes-moi, par email à inthemoodforcinema@gmail.com avec, pour intitulé de votre email "Coucours The Help", quelle cause vous souhaiteriez défendre si vous aviez (ou même si vous l'avez, si tel est le cas) le pouvoir inestimable, de savoir manier les mots... Les plus convaincants et originaux remporteront les places de cinéma ou les moleskines.