La 42ème cérémonie des César se tiendra ce 24 février prochain à la salle Pleyel et sera présentée donc par Jérôme Commandeur…sans président puisque, suite à la polémique, par la voix de son avocat, Roman Polanski a annoncé qu’il renonçait à présider la cérémonie.
La cérémonie, sera diffusée sur Canal+ en direct de la salle Pleyel. Un hommage sera rendu à Jean-Paul Belmondo (d'ailleurs à l'honneur en ce moment sur Canal + avec, notamment, une diffusion de ses films comme "Itinéraire d'un enfant gâté", hier soir (dont vous pouvez retrouver ma critique, ici).
Un César d'honneur sera remis à George Clooney.
Photo ci-dessus prise lors de la conférence de presse de Monuments men.
Vous pourrez suivre la cérémonie en clair sur Canal + à partir de 21h. Cliquez ici pour retrouver mon compte rendu de la cérémonie des César 2016 vécus en direct du Théâtre du Châtelet. Ci-dessous, quelques clichés de mes différents passages aux César (tantôt en salle presse, tantôt dans la salle).
En tête des nominations de cette 42ème édition, le chef-d’œuvre de François Ozon « Frantz » et « Elle » de Paul Verhoeven, chacun totalisant 11 nominations. Le second est également en lice pour les Oscars pour lesquels Isabelle Huppert est également nommée comme meilleure actrice. Viennent ensuite « Ma Loute », la comédie noire et grinçante de Bruno Dumont avec 9 nominations, et « Mal de Pierres » de Nicole Garcia avec 8 nominations puis « Divines » de Houda Benyamina avec 7 nominations, un film nommé à la fois comme meilleur film et meilleur premier film.
De nombreux films semblent avoir été oubliés par l’Académie à commencer par le remarquable « La Forêt de Quinconces » de Grégoire Leprince-Ringuet, sans aucun doute un des meilleurs films de 2016. J’en profite donc pour vous parler à nouveau de conte moderne, de ce ballet fiévreux, aux frontières du fantastique et pourtant ancré dans la réalité, d’une inventivité rare porté par des comédiens au talent éclatant, par des contrastes judicieux (entre les formats qui changent au fil du film mais aussi entre le jour et la nuit, l’extérieur et l’intérieur, la force et la douceur). Ce film rend un sublime hommage à la puissance émotionnelle de la poésie, une promenade poétique, palpitante et envoûtante remarquablement écrite.
A également été oublié des nominations « Personal Shopper » d’Olivier Assayas.
Tout aussi incompréhensible est l’unique nomination pour « L'Odyssée » de Jérôme Salle ( simplement nommé pour le son) qui aurait mérité d’être nommé comme meilleur film, notamment, mais aussi pour le meilleur acteur (Lambert Wislon). Ce film est une leçon d’écriture scénaristique. Un film à l’image de celui dont il retrace la vie : complexe et élégant. Un coup de projecteur sur un homme et les dérives d’un siècle, époque narcissique, matérialiste, qui dévore tout, y compris ce qu’elle admire : « L’homme a plus détruit la planète au 20ème siècle qu’au cours de tous les autres siècles réunis ». Un hymne au monde du silence, à sa beauté époustouflante, à la vie aussi. Une épopée romanesque vibrante. Une belle histoire d’amour (entre un père et son fils, entre Jacques-Yves et Simone, entre l’homme et l’océan). Une valse étourdissante dont on ressort avec en tête des images et un message forts et cette phrase : « Nous sommes là le temps d’un battement de cils à l’échelle de l’univers alors profitez-en, c’est la vie qui est plus forte que tout ». Plus qu’un film, une aventure, un voyage, une bouffée de romanesque et de sublime, une croyance dans les rêves et en l’utopie.
Le même sort est réservé au splendide « Dans les forêts de Sibérie » de Safy Nebbou (meilleure musique originale) qui aurait également mérité (au moins) une nomination comme meilleur film et comme meilleur acteur pour Raphaël Personnaz, un voyage envoûtant, un film qui exhale et exalte la liberté et l’émerveillement, qui donne une féroce envie d’étreindre le présent, qui respire la bienveillance, un film porté par une musique et une photographie, sublimes et incandescentes, et l’interprétation lumineuse, criante de vérité et de naturel de Raphaël Personnaz. Plus qu'un voyage, une expérience.
Les 5 nominations pour « Juste la fin du monde » sont le minimum auquel ce film pouvait prétendre. Une fois de plus Xavier Dolan nous envoûte, électrise, bouleverse, déroute. Sans doute le film le plus intense du dernier Festival de Cannes, mais aussi le plus intense de Xavier Dolan, dans lequel chaque seconde, chaque mot ou plus encore chaque silence semblent vitaux ou meurtriers. J’en suis ressortie épuisée, éblouie, en larmes, après une fin en forme de valse de l’Enfer qui nous embrasse dans son vertige étourdissant et éblouissant, un paroxysme sans retour possible. Comme une apothéose : une fin du monde. Comme le bouquet final d’une démonstration implacable sur la violence criminelle de l’incommunicabilité. Tellement symptomatique d’une société qui communique tant et finalement si mal, incapable de dire et d’entendre l’essentiel.
En revanche, je reste perplexe devant les multiples nominations du grandguignolesque « Elle » mais aussi de « Victoria » (je ne comprends toujours pas l’engouement de la critique pour ce film qui aligne les stéréotypes agaçants et qui reste une comédie romantique très classique). Contradictoire me semble aussi la polémique liée à la présidence Roman Polanski alors que personne ne trouve à y redire qu’un film au discours très ambigu sur le viol (« Elle », même si cela n’enlève rien à la remarquable prestation d’Isabelle Huppert) suscite un tel enthousiasme et se retrouve en tête des nominations.
Je me réjouis de voir en revanche deux des meilleurs films de l’année 2016 figurer en tête des nominations : d’abord « Frantz » (pour moi LE film de l’année 2016). Frantz est un poème mélancolique, une valse élégante, une peinture fascinante et délicate, une musique troublante grâce au cadrage rigoureusement implacable, à la photographie d’une élégance à couper le souffle, au scénario brillant et aux dialogues précis et à l’interprétation d’une justesse remarquable. L’émotion quand elle est contenue tout comme la vérité, masquée, n’en sont que plus fortes, et au dénouement, vous terrassent. Et surtout, au-delà de tout cela (mensonges, culpabilité, manipulation, désirs enfouis) et de cette présence étouffante des absents que le film dépeint magnifiquement, Frantz est un film sublime sur la réconciliation et un hymne à la vie. Il fallait tout le talent du cinéaste pour, avec Le Suicidé (1877), le somptueusement sinistre tableau de Manet, nous donner ainsi envie d’embrasser la vie.
Je me réjouis également des 8 nominations de « Mal de pierres », oublié du palmarès du Festival de Cannes (le film y figurait en compétition). Une nouvelle fois, Nicole Garcia se penche sur les méandres de la mémoire et la complexité de l’identité comme dans le sublime « Un balcon sur la mer ». Nicole Garcia est une des rares à savoir raconter des « histoires simples » qui révèlent subtilement la complexité des « choses de la vie ». Rarement un film aura aussi bien saisi la force créatrice et ardente des sentiments, les affres de l’illusion amoureuse et de la quête d’absolu. Un film qui sublime les pouvoirs magiques et terribles de l’imaginaire qui portent et dévorent, comme un hommage au cinéma. Un grand film romantique et romanesque comme il y en a désormais si peu. La Barcarolle de juin de Tchaïkovsky et ce plan à la John Ford qui, de la grange où se cache Gabrielle, dans l’ombre, ouvre sur l’horizon, la lumière, l’imaginaire, parmi tant d’autres images, nous accompagnent bien longtemps après le film. Un plan qui ouvre sur un horizon d’espoirs à l’image de ces derniers mots où la pierre, alors, ne symbolise plus un mal mais un avenir rayonnant, accompagné d’ un regard qui, enfin, se pose et se porte au bon endroit. Un très grand film d’amour(s).
Marion Cotillard, nommée comme meilleure actrice, dans ce rôle incandescent, une fois de plus, est époustouflante, et la caméra délicate et sensuelle de Nicole Garcia a su mieux que nulle autre transcender la beauté âpre de cette femme libre qu’elle incarne, intensément et follement vibrante de vie. Une femme qui représente la passion aveugle et la fièvre de l’absolu qui ne sont pas sans rappeler celles d’Adèle H, mais aussi l’animalité et la fragilité, la brutalité et la poésie, la sensualité et une obstination presque enfantine. Elle est tout cela à la fois, plus encore, et ses grands yeux bleus âpres et lumineux nous hypnotisent et conduisent à notre tour dans sa folie créatrice et passionnée. Gabrielle incarne une métaphore du cinéma, ce cinéma qui « substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs ».
La concurrence pour le César de la meilleure actrice sera néanmoins rude même, notamment avec Soko dans « La Danseuse » et Judith Chemla dans « Une vie » l’adaptation très personnelle et réussie du roman de Maupassant par Stéphane Brizé.
Le choix sera tout aussi cornélien pour le César du meilleur acteur. Dans « Frantz », Pierre Niney, une fois de plus, « est » son personnage dans un rôle qui relevait du défi. Il a ainsi appris l’allemand (ce qui contribue à l’authenticité du film, loin de ces films américains dans lesquels Allemands et Français parlent un anglais irréprochable), mais aussi la valse et le violon. Après avoir adopté la voix si particulière, la touchante complexité et l’élégante gaucherie de Yves Saint Laurent dans le film éponyme, et avoir appris à dessiner pour ce rôle (rôle qui lui a valu un César après deux nominations comme meilleur espoir pour « J’aime regarder les filles » et pour « Comme des frère »s dans lequel il incarnait un personnage burlesque, lunaire, attachant), après avoir incarné « un homme idéal » qui possédait le charme trouble, solaire et insondable de Tom Ripley dans « Plein soleil », à l’inverse, ce personnage incarne la vulnérabilité. Qu’il soit un personnage lunaire, un idéaliste, un menteur, un héros romantique, un artiste timide, ou qu’il jongle avec les Alexandrins, il reste tout aussi crédible. Et ici en jeune homme fragile, tourmenté, modifiant sa démarche, ses expressions, son phrasé, sobres, doux et lents. Le tout toujours avec autant d’implication, de justesse, de modernité.
Face à lui, il fallait une actrice exceptionnelle et Paula Beer (nommée comme meilleur espoir féminin) l’est indéniablement. Si le film confirme le talent de Pierre Niney, sa capacité à se transformer, à tout pouvoir jouer, à s’impliquer pleinement dans ses rôles, Paul Beer est la révélation du film. Elle incarne brillamment et avec une justesse sidérante la fragilité et la détermination, la force et la douceur d’Anna. Un sublime portrait de femme amoureuse, manipulatrice par bienveillance, blessée et combattante. Pour ce rôle, elle a d’ailleurs reçu notamment le prix Marcello Mastroianni du Meilleur Espoir pour son rôle à la Mostra de Venise.
Omar Sy est bouleversant dans le rôle de Chocolat (le film éponyme aurait aussi mérité davantage de nominations, belle mise en scène classique de Roschdy Zem et scénario impeccable)…et comme un clin d’œil malheureux au film, le talentueux James Thierrée se retrouve nommé comme second rôle.
Gaspard Ulliel, également nommé comme meilleur acteur, est lui remarquable dans le rôle du « roi » Louis dans « Juste la fin du monde » de Xavier Dolan, apportant au personnage une infinie douceur. Dans la lenteur de chacun de ses gestes, dans la tendresse mélancolique de chacun de ses regards et dans chacun de ses silences, il semble crier sa détresse indicible.
Mes critiques des films en lice aux César 2017 (cliquez sur les titres des films pour lire mes critiques en entier).
FRANTZ de François Ozon
MAL DE PIERRES de Nicole Garcia
JUSTE LA FIN DU MONDE de Xavier Dolan
L'ODYSSEE de Jérôme Salle
DANS LES FORÊTS DE SIBERIE de Safy Nebbou
MOI, DANIEL BLAKE de Ken Loach
Et pour ceux qui veulent vivre la cérémonie comme s’ils y étaient, retrouvez une nouvelle qui s’y déroule intégralement dans mon recueil « Les illusions parallèles » (Editions du 38). Pour en savoir plus et/ou le commander sur le site de mon éditeur, cliquez ici.
Nous ignorons encore à qui sera décerné le César d’honneur.
LISTE DES NOMMES AUX CESAR 2017
Meilleur film
Elle de Paul Verhoeven
Divines de Houda Benyamina
Frantz de François Ozon
Les Innocentes d'Anne Fontaine
Ma Loute de Bruno Dumont
Mal de pierres de Nicole Garcia
Victoria de Justine Triet
Meilleure actrice
Judith Chemla pour Une vie
Isabelle Huppert pour Elle
Marion Cotillard pour Mal de pierres
Virginie Efira pour Victoria
Marina Foïs pour Irréprochable
Sidse Babett Knudsen pour La fille de Brest
Soko pour La danseuse
Meilleur acteur
François Cluzet pour Médecin de campagne
Gaspard Ulliel pour Juste la fin du monde
Omar Sy pour Chocolat
Pierre Deladonchamps pour Le Fils de Jean
Nicolas Duvauchelle pour Je ne suis pas un salaud
Fabrice Luchini pour Ma Loute
Pierre Niney pour Frantz
Meilleur acteur dans un second rôle
Gabriel Arcand pour Le fils de Jean
Laurent Laffite pour Elle
Vincent Lacoste pour Victoria
Vincent Cassel pour Juste la fin du monde
Gaspard Ulliel pour La danseuse
Melvil Poupaud pour Victoria
James Thierrée pour Chocolat
Meilleure actrice dans un second rôle
Nathalie Baye pour Juste la fin du monde
Valeria Bruni Tedeschi pour Ma Loute
Anne Consigny pour Elle
Déborah Lukumuena pour Divines
Mélanie Thierry pour La Danseuse
Meilleur réalisateur
Houda Benyamina pour Divines
Paul Verhoeven pour Elle
François Ozon pour Frantz
Anne Fontaine pour Les Innocentes
Xavier Dolan pour Juste la fin du monde
Bruno Dumont pour Ma Loute
Nicole Garcia pour Mal de pierres
Meilleure espoir féminin
Oulaya Amamra pour Divines
Paula Beer pour Frantz
Lily-Rose Depp pour La danseuse
Noemie Merlant pour Le Ciel Attendra
Raph dans Ma Loute
Meilleur espoir masculin
Nils Schneider pour Diamant Noir
Corentin Fila pour Quand on a 17 ans
Damien Bonnard pour Rester vertical
Kacey Mottet Klein pour Quand on a 17 ans
Jonas Bloquet pour Elle
Meilleur premier film
Cigarettes et chocolat chaud de Sophie Reine
La danseuse de Stéphanie Di Giusto
Diamant noir d'Athur Harari
Divines de Houda Benyamina
Rosalie Blum de Julien Rappeneau
Meilleur documentaire
Dernières nouvelles du cosmos de Julie Bertucelli
Merci patron ! de François Rufin
Fuocoammare, par-delà Lampedusa de Gianfranco Rosi
Voyage à travers le cinéma français de Bertrand Tavernier
Swagger d'Olivier Babinet
Meilleure photographie
Stéphane Fontaine pour Elle
Pascal Marti pour Frantz
Caroline Champetier pour Les Innocentes
Guillaume Deffontaines pour Ma loute
Christophe Beaucarne pour Mal de pierres
Meilleur film étranger
Aquarius
Baccalaureat
La fille inconnue
Toni Erdmann
Manchester by the Sea
Moi, Daniel Blake
Juste la fin du monde
Meilleure adaptation
David Birke pour Elle
Séverine Bosschem, Emmanuelle Bercot pour La fille de Brest
François Ozon pour Frantz
Céline Sciamma pour Ma vie de Cougette
Nicole Garcia, Jacques Fieschi pour Mal de pierres
Katell Quillévéré, Gilles Taurand pour Réparer les vivants
Meilleur court-métrage
Après Suzanne de Felix Moati
Au Bruit des clochettes de Chabname Zariab
Chasse royale de Lise Akoka et Romane Gueret
Maman(s) de Maïmouna Doucouré
Vers la Tendresse de Alice Diop
Meilleur court-métrage d'animation
Café froid de François Leroy et Stéphanie Lansaque
Celui qui a deux âmes de Fabrice Luang-Vija
Journal animé de Donato Sansone
Peripheria de David Coquard-Dassault
Meilleur film d'animation
La jeune fille sans mains de Sébastien Laudenbach
Ma vie de courgette de Claude Barras
La tortue rouge de Michael Dudok de Wit
Meilleur son
Brigitte Taillandier, Vincent Guillon, Stéphane Thiébaut pour Chocolat
Jean-Paul Mugel, Alexis Place, Cyril Holtz, Damien Lazzerini pour Elle
Martin Boisseau, Benoît Gargonne, Jean-Paul Hurier pour Frantz
Jean-Pierre Duret, Sylvain Malbrant, Jean-Pierre Laforce pour Mal de Pierres
Marc Engels, Fred Demolder, Sylvain Réty, Jean-Paul Hurier pour L'Odyssée
Meilleure musique originale
Gabriel Yared pour Chocolat
Ibrahim Malouf pour Dans les forêts de Sibérie
Anne Dudley pour Elle
Philippe Rombi pour Frantz
Sophie Hunger pour Ma vie de courgette
Meilleur scénario original
Romain Compingt, Houda Benyamina, Malik Rumeau pour Divines
Solveig Anspach, Jean-Luc Gaget pour L'effet aquatique
Sabrina B. Karine, Alice Vial, Pascal Bonitzer, Anne Fontaine pour Les Innocentes
Bruno Dumont pour Ma Loute
Justine Triet pour Victoria
Meilleurs costumes
Anaïs Romand pour La danseuse
Pascaline Chavanne pour Frantz
Catherine Leterrier pour Mal de Pierres
Alexandra Charles pour Ma Loute
Madeline Fontaine pour Une vie
Meilleurs décors
Jérémie D. Lignol pour Chocolat
Carlos Conti pour La danseuse
Michel Barthélémy pour Frantz
Riton Dupire-Clément pour Ma Loute
Katia Wyszkop pour Planetarium
Meilleur montage
Loic Lallemand, Vincent Tricon pour Divines
Job ter Burg pour Elle
Laure Gardette pour Frantz
Xavier Dolan pour Juste la fin du monde
Simon Jacquet pour Mal de pierre