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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
Alors que déjà l'actualité cinématographique se focalise sur les Oscars qui auront lieu ce soir (et sur lesquels je reviendrai également), j'ai pour ma part encore la tête parmi les étoiles du Théâtre du Châtelet où a lieu chaque année la cérémonie des César.
Mise en abyme: "Ombres parallèles" aux César...
C'est le Président François Cluzet (nommé 10 fois aux César!) qui, comme le veut la tradition, a ouvert les festivités. Donnant peut-être un peu trop l'impression de lire son prompteur, il s'est exprimé avec la franchise, l'humour et l'enthousiasme qui le caractérisent : "Ce métier m'a tout appris. L'amour. La vie. La mort. Les 507 heures.", "Quand j'ai débuté avec Jouvet dans "L'assassin habite au 21" (au passage film sorti en 1942 soit 13 ans avant la naissance de Cluzet). Cette sincérité qui le caractérise, il l'a d'ailleurs évoquée, "sincère, il vaut mieux l'être en permanence".
Est ensuite arrivée la maîtresse de cérémonie: Cécile de France qui succédait ainsi à Antoine de Caunes. La cage aux lions, la fosse aux serpents ou les deux à la fois: voilà à quoi ressemble à peu près le public auquel elle était confrontée ce soir-là, sans aucun doute le plus impitoyable qui soit. Dans son élégante et simple robe blanche, elle ne s'est jamais départie de son second degré et de son sourire et on lui pardonne bien volontiers d'avoir confondu Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos tant elle a su apporter glamour, humour, classe à cette cérémonie. On se serait même un instant cru à Broadway lorsqu'elle a débuté en chantant accompagnée de la pétulante Rossy de Palma. Cette année on ne riait pas des nommés et lauréats mais avec eux.
Cette 39ème édition a donc couronné "Les Garçons et Guillaume, à table! " de et avec Guillaume Gallienne qui a reçu pas moins de 5 César (sur 10 nominations). Voilà qui est mérité pour le film d’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs (qui le prima d’ailleurs) qui avait tant ému les festivaliers, de même que les festivaliers deauvillais, lors de sa projection au Festival du Cinéma Américain de Deauville suite à l’obtention du prix Michel d’Ornano décerné à son scénario. Si le César du meilleur premier film était mérité, j'avoue que j'aurais préféré que celui du meilleur film revienne au "Passé" d'Asghar Farhadi. Un film qui est néanmoins avant tout une déclaration d’amour fou à la mère de Guillaume Gallienne -qu'il n'a d'ailleurs pas oubliée dans ses remerciements- (quel personnage qu’il interprète d’ailleurs aussi !) et aux femmes dont il aime et scrute jusqu’à la respiration, mais aussi aux mots, avec lesquels il jongle admirablement, et au théâtre, qui libère, et même au cinéma avec les codes duquel il s’amuse ici. Même s’il lorgne parfois du côté d’Almodovar, Woody Allen ou de Wilder (avec une réplique finale comme un écho à son « nobody’s perfect »), ce film peut difficilement être plus personnel tout en étant universel et il faut sans aucun doute une tonne de talent et de sensibilité pour transformer son mal être en film burlesque, en ce rafraichissant plaidoyer pour la différence (qui n’est jamais militant), en film aussi atypique, inclassable que celui qui en est l’auteur et l’acteur. Un grand auteur et un très grand acteur. Et une comédie tendre et caustique qui mérite indéniablement ces nombreuses nominations.
Je regrette donc l'absence au palmarès du "Passé" d'Asghar Farhadi mais aussi de "Elle s'en va" d'Emmanuelle Bercot (que je persiste et signe à qualifier de film de l'année 2013). Le premier, malgré ses 5 nominations, est reparti bredouille. Il aurait (notamment) mérité le César du meilleur scénario (qui a été attribué à Albert Dupontel pour "9 mois ferme") pour son extrême sensibilité et sa précision rare et parce qu’il donne au spectateur un vrai rôle et parce qu’il reflète si bien l’absurdité et la complexité de l’existence. C’est là toute la force du « Passé », d’une justesse fascinante et rare, dont le dernier plan nous laisse astucieusement interrogatifs, et émus, enfin. Bérénice Béjo qui avait reçu le prix d'interprétation à Cannes pour ce film n'aura pas réussi le doublé "Cannes-César", le César de la meilleure actrice était revenue à Sandrine Kiberlain pour "9 mois ferme".
Quant à « Elle s’en va » d’Emmanuelle Bercot, il s'agit d' un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va » montre que , à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour. « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’embrasser la vie . Un bonheur ! Et un bonheur rare.
Rien non plus pour « Grand Central » de Rebecca Zlotowski avec une seule nomination (pour Olivier Gourmet comme meilleur second rôle), un film qui, à la fois nous emporte par la beauté de ses personnages, leur rudesse tendre, la radieuse force des sentiments (amitié, amour) qui les unit … et qui nous glace d’effroi en nous montrant les conditions de travail de ceux qui risquent chaque jour leur vie dans l’une des 19 centrales nucléaires françaises.
C'est à Niels Arestrup qu'a été attribué le César du meilleur second rôle masculin, un troisième César pour cet acteur qui dévore l'écran, une nouvelle fois magistral dans le désopilant (et clairvoyant) film de Bertrand Tavernier dont ce fut malheureusement cette année le seul César.
Je regrette également l'absence au palmarès de Marisa Borini dans le très beau et mésestimé « Un château en Italie » de Valeria Bruni Tedeschi qui est un film riche de son humour noir, de sa fantaisie salutaire qui permet d’affronter cette histoire de deuils ( de l’enfance, du passé, des personnes aimées, de certains rêves et espoirs), comme un exutoire aux nôtres. Un film vibrant, vivant, lucide, cruel, drôle, tendre, plein de charme, parsemé d’instants de grâce. Un film tourbillonnant qui ne rentre pas dans les codes, singulier, qui mêle le burlesque, la tragédie et l’amour de la vie. Un film où l’amour et le rire dansent constamment avec la mort et les larmes. La lucidité et la cruauté finalement comme un masque pudique sur la douleur. Un film plein de vie qui s’achève en mêlant la beauté légère et joyeuse d’un nouvel élan et la cruauté douloureuse et déchirante d’un déracinement. Un film qui fait du bien, et que je vous recommande.
Contre toute attente le César du meilleur réalisateur a été décerné à Roman Polanski pour "La Vénus à la fourrure" qui avait récolté sept nominations. Voilà qui est aussi mérité pour ce film qui n'est certes pas le meilleur Polanski mais un film d’une réjouissante insolence qui est aussi un ping-pong sémantique jubilatoire, et un double-jeu habile, ludique et cruel, qui repose sur la frontière trouble et troublante entre fiction et réalité grâce au talent d’un réalisateur plus manipulateur et donc plus cynique que jamais.
Malgré sa Palme d’or, et sans doute en raison de la polémique sur les conditions de tournage, le film de Kechiche (absent de la cérémonie mais que celle-ci n'a pas épargné avec un petit film mordant ) qui partait favori (de même que ses actrices) déjà lauréat pour « L’Esquive » en 2004 et « La Graine et le Mulet » en 2008, n'est reparti qu'avec un seul César: celui du meilleur espoir féminin pour adèle Exarchopoulos dont je vois mal comment il aurait pu lui échapper. « Amour » d’Haneke l’an passé avait pourtant réussi à obtenir les deux récompenses suprêmes, palme d’or et César. Un film qui n’en reste pas moins singulier, coup de cœur, coup de poing au cœur, un film qui, comme tout grand film, ne peut pas laisser indifférent. Comment, en effet, pourrait-on rester indifférent devant un film qui respire autant le souffle de la vie avec tout ce qu’elle comprend de beauté et cruauté, déchirantes ? Qui pourrait rester indifférent devant un film qui décrit si bien l’embrasement, sublime, d’un amour puis son extinction, terrifiante ?
Le César du meilleur acteur a été attribué à Guillaume Gallienne: LA révélation de cette année 2013. Il interprète ainsi le rôle de sa mère, aimante (trop ou mal peut-être), sachant rester élégante tout en étant vulgaire, masquant sa tendresse derrière un air revêche et des paroles (fra)cassantes, mais parce qu’il joue aussi son propre rôle… à tous les âges ! Avec un talent tel qu’on oublie d’ailleurs rapidement et totalement qu’il n’a pas l’âge du personnage. La magie du cinéma. Et le talent d’un grand acteur, à tel point qu’il en devient follement séduisant malgré son allure parfois improbable. Face à lui se trouvait notamment le partenaire d’Emmanuelle Seigner dans « La Vénus à la fourrure« , Mathieu Amalric qui est ici un double de Polanski (la ressemblance est troublante et évidemment pas innocente) un peu velléitaire, se laissant bientôt dominer, damner, devenant totalement désinhibé, et objet dans les mains de sa créature devenue créateur. Etait également nommé Fabrice Luchini dans « Alceste à bicylette » et Michel Bouquet, épatant Renoir dans le film éponyme qui a déjà obtenu deux fois le César notamment pour sa formidable interprétation de Mitterrand dans « Le Promeneur du champ de Mars ».
Il ne serait pas étonnant que Guillaume Gallienne soit à nouveau nommé en 2015 pour "Yves Saint Laurent". Son partenaire dans « Yves Saint Laurent », Pierre Niney, n’était en revanche pas nommé pour la comédie « 20 ans d’écart », une comédie pleine de clichés (au propre et au figuré, le seul film avec l'acteur que je n'ai pas aimé, mise à part sa remarquable performance) qu’il éclaire néanmoins, une prestation pour laquelle il aurait mérité d’être nommé. Sans nul doute, il sera nommé pour les César 2015 pour « Yves Saint Laurent » de Jalil Lespert dont je prends déjà le pari qu’il l’obtiendra. Sa prestation aux César 2014 a sans aucun doute été la plus réussie et drôle de cette édition. J'avais eu le plaisir de l'interviewer pour "J'aime regarder les filles", ici. Il se murmure même qu'il serait lecteur de ce blog...mais chut...
Enfin, une pensée pour les disparus de l'année, notamment Patrice Chéreau à qui l'affiche des César 2014 rendait hommage mais aussi Valérie Benguigui que j'avais vue, étincelante, l'an passé, en salle presse.
Et enfin, on termine par quelques photos entre amis avant de partir épiloguer jusqu'au bout de la nuit sur cette belle soirée et le palmarès...
Palmarès Officiel CÉSAR 2014
Meilleure Actrice
Sandrine Kiberlain dans 9 MOIS FERME
Meilleur Acteur
Guillaume Gallienne dans LES GARÇONS ET GUILLAUME, À TABLE !
Meilleure Actrice dans un Second Rôle
Adèle Haenel dans SUZANNE
Meilleur Acteur dans un Second Rôle
Niels Arestrup dans QUAI D’ORSAY
Meilleur Espoir Féminin
Adèle Exarchopoulos dans LA VIE D’ADÈLE CHAPITRES 1 & 2
Meilleur Espoir Masculin
Pierre Deladonchamps dans L’INCONNU DU LAC
Meilleur Scénario Original
Albert Dupontel pour 9 MOIS FERME
Meilleure Adaptation
Guillaume Gallienne pour LES GARÇONS ET GUILLAUME, À TABLE !
Meilleure Musique Originale
Martin Wheeler pour MICHAEL KOHLHAAS
Meilleur Son
Jean-Pierre Duret / Jean Mallet / Mélissa Petitjean pour MICHAEL KOHLHAAS
Meilleure Photo
Thomas Hardmeier
pour L’EXTRAVAGANT VOYAGE DU JEUNE ET PRODIGIEUX T.S. SPIVET
Meilleur Montage
Valérie Deseine pour LES GARÇONS ET GUILLAUME, À TABLE !
Meilleurs Costumes
Pascaline Chavanne pour RENOIR
Meilleurs Décors
Stéphane Rozenbaum pour L’ÉCUME DES JOURS
Meilleur Réalisateur
Roman Polanski pour LA VÉNUS À LA FOURRURE
Meilleur Film de Court Métrage
AVANT QUE DE TOUT PERDRE réalisé par Xavier Legrand
Meilleur Film d’Animation
MADEMOISELLE KIKI ET LES MONTPARNOS (Court Métrage) réalisé par Amélie Harrault
LOULOU L’INCROYABLE SECRET (Long Métrage) réalisé par Eric Omond
Meilleur Film Documentaire
SUR LE CHEMIN DE L’ÉCOLE réalisé par Pascal Plisson
Meilleur Premier Film
LES GARÇONS ET GUILLAUME, À TABLE ! réalisé par Guillaume Gallienne
Meilleur Film Étranger
ALABAMA MONROE réalisé par Félix Van Groeningen
Meilleur Film
LES GARÇONS ET GUILLAUME, À TABLE ! produit par Edouard Weil / Cyril Colbeau-Justin / Jean-Baptiste Dupont réalisé par Guillaume Gallienne
Chaque année depuis 9 ans, le rendez-vous est désormais pour moi incontournable, alternativement en salle presse ou dans la salle du Châtelet, c'est en direct que j'ai le plaisir de vivre la cérémonie des César. Ce sera cette année dans la salle de laquelle j'essaierai de twitter en direct (sur @moodforcinema ), à partir de 18H45. Vous pourrez vous aussi suivre la cérémonie sur Canal plus à partir de 21H. Le mot-dièse sera #CESAR2014 et pour tout savoir vous pourrez également suivre @cinemacanalplus. Vous trouverez aussi une page spéciale sur le site de Canal plus http://canalplus.fr . Vous retrouverez bien entendu ici mon compte rendu complet de la cérémonie.
Si vous voulez vous plonger dans l'ambiance en avant-première, sachez que mon recueil de nouvelles « Ombres parallèles » qui se déroule dans le cadre du cinéma comprend une nouvelle qui se déroule dans le cadre de cette cérémonie des César (intitulée « Sans lendemain, sans importance ») que je connais désormais bien pour y avoir assisté plusieurs fois. Tout relation avec la réalité serait purement fortuite...quoique... Pour acquérir le recueil, c’est notamment ici: http://www.storenumeriklire.com/fiction-litterature/113-o…
Avant de vous laisser découvrir les nominations complètes et mon avis sur celles-ci, sachez que je vous fais gagner des VOD de films nommés cette année ou d'anciens films primés. Cliquez ici pour participer au concours.
Photos ci-dessus copyright inthemoodforcinema.com
Vous trouverez ci-dessous le récapitulatif et mon avis sur ces nominations à l'annonce desquelles j'ai assisté au Fouquet's et dont je peux vous dire d’emblée qu’elles reflètent le bel éclectisme du cinéma français.
La cérémonie aura lieu le 28 février en direct du théâtre du Châtelet. Elle sera présidée par l’acteur François Cluzet (qui comptabilise pas moins de 10 nominations) et c’est l’actrice Cécile de France qui présentera la cérémonie.
Avec un total de 10 nominations « Les Garçons et Guillaume, à table! », le premier film de Guillaume Gallienne en tant que réalisateur figure en tête des nominations, nommé à la fois comme meilleur premier film et comme meilleur film. Voilà qui est mérité pour le film d’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs (qui le prima d’ailleurs) qui avait tant ému les festivaliers, de même que les festivaliers deauvillais, lors de sa projection au Festival du Cinéma Américain de Deauville suite à l’obtention du prix Michel d’Ornano décerné à son scénario. Un film qui est avant tout une déclaration d’amour fou à sa mère (quel personnage qu’il interprète d’ailleurs aussi !) et aux femmes dont il aime et scrute jusqu’à la respiration, mais aussi aux mots, avec lesquels il jongle admirablement, et au théâtre, qui libère, et même au cinéma avec les codes duquel il s’amuse ici. Même s’il lorgne parfois du côté d’Almodovar, Woody Allen ou de Wilder (avec une réplique finale comme un écho à son « nobody’s perfect »), ce film peut difficilement être plus personnel tout en étant universel et il faut sans aucun doute une tonne de talent et de sensibilité pour transformer son mal être en film burlesque, en ce rafraichissant plaidoyer pour la différence (qui n’est jamais militant), en film aussi atypique, inclassable que celui qui en est l’auteur et l’acteur. Un grand auteur et un très grand acteur. Et une comédie tendre et caustique qui mérite indéniablement ces nombreuses nominations.
Viennent ensuite « La Vie d’Adèle, chapitres 1 & 2 » et « L’Inconnu du lac » avec huit nominations puis « La Vénus à la fourrure » de Roman Polanski avec sept nominations. Voilà qui est aussi mérité pour ce film d’une réjouissante insolence qui est aussi un ping-pong sémantique jubilatoire, et un double-jeu habile, ludique et cruel, qui repose sur la frontière trouble et troublante entre fiction et réalité grâce au talent d’un réalisateur plus manipulateur et donc plus cynique que jamais.
Ensuite, six nominations pour « 9 mois ferme » de Dupontel et cinq pour « Le Passé » d’Asghar Farhadi qui mériterait (notamment) le César du meilleur scénario pour son extrême sensibilité et sa précision rare et parce qu’il donne au spectateur un vrai rôle et parce qu’il reflète si bien l’absurdité et la complexité de l’existence. C’est là toute la force du « Passé », d’une justesse fascinante et rare, dont le dernier plan nous laisse astucieusement interrogatifs, et émus, enfin.
Photos ci-dessus copyright inthemoodforcinema.com
Avec sa Palme d’or, le film de Kechiche part favori (de même que ses actrices) déjà lauréat pour « L’Esquive » en 2004 et « La Graine et le Mulet » en 2008. « Amour » d’Haneke l’an passé avait déjà réussi ) obtenir les deux récompenses suprêmes, palme d’or/César. Adèle Exarchopoulos est nommé comme meilleur espoir, le règlement ne permettant plus d’être nommé meilleur espoir et meilleure actrice depuis que Tahar Rahim avait obtenu les deux récompenses pour « Un Prophète ». Sachant néanmoins que ce sont les techniciens du cinéma (notamment ) qui votent, soutiendront-ils un film dont le réalisateur avait été accusé (à juste titre ou à tort) par leurs collègues de les malmener quelque peu? Un film qui n’en reste pas moins singulier, coup de cœur, coup de poing au cœur, un film qui de toutes façons, comme tout grand film, ne peut pas laisser indifférent. Comment, en effet, pourrait-on rester indifférent devant un film qui respire autant le souffle de la vie avec tout ce qu’elle comprend de beauté et cruauté, déchirantes ? Qui pourrait rester indifférent devant un film qui décrit si bien l’embrasement, sublime, d’un amour puis son extinction, terrifiante ?
Parmi les oubliés, « Elle s’en va » d’Emmanuelle Bercot, un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va » montre que , à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour. « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’embrasser la vie . Un bonheur ! Et un bonheur rare.
Egalement oublié de ces nominations, « After » de Géraldine Maillet, une danse sensuelle et mélancolique, un tango doux et troublant, une parenthèse enchantée qui possède la magie ineffable des rencontres improbables et furtives, éphémères et indélébiles, et malgré ou à cause de tout cela d’une évidence insensée.
Egalement oublié: « Grand Central » de Rebecca Zlotowski avec une seule nomination (pour Olivier Gourmet comme meilleur second rôle), un film qui, à la fois nous emporte par la beauté de ses personnages, leur rudesse tendre, la radieuse force des sentiments (amitié, amour) qui les unit … et qui nous glace d’effroi en nous montrant les conditions de travail de ceux qui risquent chaque jour leur vie dans l’une des 19 centrales nucléaires françaises.
A également été oublié « Le temps de l’aventure » de Jérôme Bonnell, un film sur une passion éphémère (ou peut-être pas…) porté par une actrice étincelante et qui nous prouve que le bonheur peut parfois être un présent, un film qui laisse un goût d’éternité et nous donne envie d’arrêter le temps ou en tout cas de croire que le temps parfois peut s’arrêter, même quand, ou a fortiori quand, la réalité est douloureuse et implacable. « Le temps de l’aventure » est un hymne subtile et délicat au présent, au jeu aussi, à la vie qui peut en être un aussi. Un film d’une mélancolie solaire, une belle réflexion sur le bonheur et la vérité, avec un air truffaldien (plane d’ailleurs l’ombre d’un certain Antoine) qui m’a emportée et m’a accompagnée longtemps après le générique de fin avec le goût persistant de cette parenthèse enchantée, de tristesse et d’espoir mêlés. Finalement une sorte de mise en abyme ou de métaphore du cinéma, et de sa magie : l’espace de quelques minutes, nous faire croire au vol du temps suspendu. Et au spectateur de décider s’il veut y croire, si cela modifiera le cours de l’existence (la sienne et celle des personnages) ou non… Une absence de nominations inexplicable.
Seulement 2 nominations donc pour le film qui reste pour moi le meilleur de l’année 2013 « Elle s’en va » d’Emmanuelle Bercot, des nominations pour ses deux formidables interprètes néanmoins: Catherine Deneuve (extraordinaire) comme meilleure actrice et Nemo Schiffman (comme meilleur espoir masculin). L’absence de nomination pour le scénario reste pour moi un mystère.
Pour le César de la meilleure actrice, Catherine Deneuve (dont ce sera la 12ème nomination!) le mériterait une nouvelle fois pour « Elle s’en va » qui est d’abord un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. Elle se retrouvera face à d’autres grandes intérprètes : Fanny Ardant, Emmanuelle Seigner (formidable dans « La Vénus à la fourrure« ). En effet, pour sa quatrième collaboration avec Emmanuelle Seigner, après « Frantic », « Lunes de Fiel », « La Neuvième porte », le metteur en scène Polanski offre un rôle en or à l’actrice Seigner comme Thomas avec Vanda dans la pièce sauf que l’actrice Seigner se laisse ici diriger, manipuler. Emmanuelle Seigner est sidérante aussi bien dans le rôle de la Vanda actrice d’une désinvolture, d’une stupidité apparente et d’une exubérance savoureuses sans parler de ses tics de langage (elle ponctue toutes ses phrases par « genre ») que dans le personnage de Vanda de la pièce, au langage beaucoup plus distingué, passant de l’une à l’autre avec une dextérité déconcertante, pour finalement interpréter un troisième personnage, grâce à une inversion des rôles qui vient brillamment clôturer le film, le mythe gagnant et l’emportant sur la réalité. A l’inverse de « Tess » tout en douceur et retenue, enfermée dans les conventions, ainsi Vanda les défie et les inverse.
Léa Seydoux n’en reste pas moins favorite pour ce César de la meilleure actrice. Elle vient d’obtenir le prix Lumières de la meilleure actrice, des prix qui préfigurent souvent les César.
Le César du meilleur acteur confronte aussi de grands acteurs. Nous y retrouvons notamment le partenaire d’Emmanuelle Seigner dans « La Vénus à la fourrure« , Mathieu Amalric qui est ici un double de Polanski (la ressemblance est troublante et évidemment pas innocente) un peu velléitaire, se laissant bientôt dominer, devenant totalement désinhibée, et objet dans les mains de sa créature devenue créateur. Est également nommé Fabrice Luchini dans « Alceste à bicylette », Michel Bouquet (épatant Renoir dans le film éponyme qui a déjà obtenu deux fois le César notamment pour sa formidable interprétation de Mitterrand dans « Le Promeneur du champ de Mars »), un film qui est un hymne à la nature, à la beauté et la force de l’art qui manque certes parfois de la vitalité et de la flamboyance d’Andrée (en particulier dans le traitement de son histoire d’amour avec Jean) et de celles des peintures du maître, mais la musique du prolifique Alexandre Desplat et surtout les interprétations de Michel Bouquet et Vincent Rottiers en font un film agréable et instructif, même émouvant dans une très belle scène d’adieux qui les réunit, les enlace même.
Et bien sûr, nommé comme meilleur acteur Guillaume Gallienne: LA révélation de cette année 2013. Il interprète ainsi le rôle de sa mère, aimante (trop ou mal peut-être), sachant rester élégante tout en étant vulgaire, masquant sa tendresse derrière un air revêche et des paroles (fra)cassantes, mais parce qu’il joue aussi son propre rôle… à tous les âges ! Avec un talent tel qu’on oublie d’ailleurs rapidement et totalement qu’il n’a pas l’âge du personnage. La magie du cinéma. Et le talent d’un grand acteur, à tel point qu’il en devient follement séduisant malgré son allure parfois improbable
Son partenaire dans « Yves Saint Laurent », Pierre Niney, n’est en revanche pas nommé pour la comédie « 20 ans d’écart », une comédie pleine de clichés qu’il éclaire néanmoins, une prestation pour laquelle il aurait mérité d’être nommé. Sans nul doute, il sera nommé pour les César 2015 pour « Yves Saint Laurent » de Jalil Lespert dont je prends déjà le pari qu’il l’obtiendra.
Pour le César de la meilleure actrice dans un second rôle, nous retrouvons François Fabian pour « Les Garçons et Guillaume, à table! » notamment face à Marisa Borini dans le très beau et mésestimé « Un château en Italie » de Valeria Bruni Tedeschi qui est un film riche de son humour noir, de sa fantaisie salutaire qui permet d’affronter cette histoire de deuils ( de l’enfance, du passé, des personnes aimées, de certains rêves et espoirs), comme un exutoire aux nôtres. Un film vibrant, vivant, lucide, cruel, drôle, tendre, plein de charme, parsemé d’instants de grâce. Un film tourbillonnant qui ne rentre pas dans les codes, singulier, qui mêle le burlesque, la tragédie et l’amour de la vie. Un film où l’amour et le rire dansent constamment avec la mort et les larmes. La lucidité et la cruauté finalement comme un masque pudique sur la douleur. Un film plein de vie qui s’achève en mêlant la beauté légère et joyeuse d’un nouvel élan et la cruauté douloureuse et déchirante d’un déracinement. Un film qui fait du bien, et que je vous recommande.
Egalement nommée pour le meilleur second rôle féminin, Julie Gayet dans « Quai d’Orsay » qui à mon sens aurait davantage mérité de l’être pour « After » de Géraldine Maillet dans lequel elle était lumineuse à souhait. La nommer comme meilleure actrice ( pour cet autre film aurait évité les suspicions tant on peut se demander pourquoi elle est nommée pour un film dans lequel elle n’apparaît que très peu, et si cette nomination n’est pas un cadeau empoisonné des votants. Même si j’apprécie cette actrice (qui est aussi une courageuse productrice), en l’espèce Marisa Borini (ironie du sort, mère de Carla Bruni) mériterait sans aucun doute davantage ce César.
Pour le prix de la meilleure adaptation, le choix s’annonce cornélien entre « Les Garçons et Guillaume, à table! », « La Vie d’Adèle » et « Quai d’Orsay ».
« Blue Jasmine », « Django unchained« , « La Grande Bellezza », « Gravity », « Dead man talking », « Blancanieves », « Alabama Monroe » s’affronteront pour le César du meilleur film étranger. Il me serait bien difficile de choisir entre les trois premiers.
Deux hommages cette année: le premier à Patrice Chéreau, disparu l’an passé, et l’autre à Henri Langlois, le fondateur de la Cinémathèque française.
La conférence de presse a aussi été l’occasion de découvrir l’affiche des César représentant Isabelle Adjani, dans « La Reine Margot » pour lequel elle a obtenu le César de la meilleure actrice 1995 (elle l’a également obtenu pour « Possession », »L’été meurtrier », « La journée de la jupe », « Camille Claudel »).
Petit rappel: pour être nommés, les films en compétition doivent être sortis entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013. Le 2ème tour commencera le 10 février et prendra fin à 16h, le 28 février, jour de la cérémonie.
La cérémonie des César sera retransmise en direct et en exclusivité sur Canal plus à 21H le vendredi 28 février. Dès maintenant, retrouvez de nombreuses informations sur les César sur http://www.canalplus.fr avec notamment des interviews des talents et des bandes-annonces des films nommés. Et n’oubliez pas le hashtag #Cesar2014 . Comme chaque année, j’aurai le plaisir de vous la faire suivre et vivre en direct de la salle presse où se succèdent les lauréats (ci-dessous, petit extrait de mes photos et vidéos de l’an passé).
A l’occasion du César d’honneur qui sera remis vendredi prochain à Scarlett Johansson par Quentin Tarantino, retrouvez 3 critiques de films de Woody Allen avec Scarlett Johansson.
Critique de « Match point » de Woody Allen
Un film de Woody Allen comme le sont ceux de la plupart des grands cinéastes est habituellement immédiatement reconnaissable, notamment par le ton, un humour noir corrosif, par la façon dont il (se) met en scène, par la musique jazz, par le lieu (en général New York).
Cette fois il ne s’agit pas d’un Juif New Yorkais en proie à des questions existentielles mais d’un jeune irlandais d’origine modeste, Chris Wilton (Jonathan Rhys-Meyer), qui se fait employer comme professeur de tennis dans un club huppé londonien. C’est là qu’il sympathise avec Tom Hewett (Matthew Goode), jeune homme de la haute société britannique avec qui il partage une passion pour l’opéra. Chris fréquente alors régulièrement les Hewett et fait la connaissance de Chloe (Emily Mortimer), la sœur de Tom, qui tombe immédiatement sous son charme. Alors qu’il s’apprête à l’épouser et donc à gravir l’échelle sociale, il rencontre Nola Rice (Scarlett Johansson), la pulpeuse fiancée de Tom venue tenter sa chance comme comédienne en Angleterre et, comme lui, d’origine modeste. Il éprouve pour elle une attirance immédiate, réciproque. Va alors commencer entre eux une relation torride…
Je mets au défi quiconque n’ayant pas vu le nom du réalisateur au préalable de deviner qu’il s’agit là d’un film de Woody Allen, si ce n’est qu’il y prouve son génie, dans la mise en scène, le choix et la direction d’acteurs, dans les dialogues et dans le scénario, « Match point » atteignant d’ailleurs pour moi la perfection scénaristique.
Woody Allen réussit ainsi à nous surprendre, en s’affranchissant des quelques « règles » qui le distinguent habituellement : d’abord en ne se mettant pas en scène, ou en ne mettant pas en scène un acteur mimétique de ses tergiversations existentielles, ensuite en quittant New York qu’il a tant sublimée. Cette fois, il a en effet quitté Manhattan pour Londres, Londres d’une luminosité obscure ou d’une obscurité lumineuse, en tout cas ambiguë, à l’image du personnage principal, indéfinissable.
Dès la métaphore initiale, Woody Allen nous prévient (en annonçant le thème de la chance) et nous manipule (pour une raison que je vous laisse découvrir), cette métaphore faisant écho à un rebondissement (dans les deux sens du terme) clé du film. Une métaphore sportive qu’il ne cessera ensuite de filer : Chris et Nola Rice se rencontrent ainsi autour d’une table de ping pong et cette dernière qualifie son jeu de « très agressif »…
« Match point » contrairement à ce que son synopsis pourrait laisser entendre n’est pas une histoire de passion parmi d’autres (passion dont il filme d’ailleurs et néanmoins brillamment l’irrationalité et la frénésie suffocante que sa caméra épouse) et encore moins une comédie romantique (rien à voir avec « Tout le monde dit I love you » pour lequel Woody Allen avait également quitté les Etats-Unis) ; ainsi dès le début s’immisce une fausse note presque imperceptible, sous la forme d’une récurrente thématique pécuniaire, symbole du mépris insidieux, souvent inconscient, que la situation sociale inférieure du jeune professeur de tennis suscite chez sa nouvelle famille, du sentiment d’infériorité que cela suscite chez lui mais aussi de sa rageuse ambition que cela accentue ; fausse note qui va aller crescendo jusqu’à la dissonance paroxystique, dénouement empruntant autant à l’opéra qu’à la tragédie grecque. La musique, notamment de Verdi et de Bizet, exacerbe ainsi encore cette beauté lyrique et tragique.
C’est aussi le film des choix cornéliens, d’une balle qui hésite entre deux camps : celui de la passion d’un côté, et de l’amour, voire du devoir, de l’autre croit-on d’abord ; celui de la passion amoureuse d’un côté et d’un autre désir, celui de réussite sociale, de l’autre (Chris dit vouloir « apporter sa contribution à la société ») réalise-t-on progressivement. C’est aussi donc le match de la raison et de la certitude sociale contre la déraison et l’incertitude amoureuse.
A travers le regard de l’étranger à ce monde, Woody Allen dresse le portrait acide de la « bonne » société londonienne avec un cynisme chabrolien auquel il emprunte d’ailleurs une certaine noirceur et une critique de la bourgeoisie digne de La cérémonie que le dénouement rappelle d’ailleurs. Le talent du metteur en scène réside également dans l’identification du spectateur au (anti)héros et à son malaise croissant qui trouve finalement la résolution du choix cornélien inéluctable, aussi odieuse soit-elle. En ne le condamnant pas, en mettant la chance de son côté, la balle dans son camp, c’est finalement notre propre aveuglement ou celui d’une société éblouie par l’arrivisme que Woody Allen stigmatise. Parce-que s’il aime (et d’ailleurs surtout désire) la jeune actrice, Chris aime plus encore l’image de lui-même que lui renvoie son épouse : celle de son ascension. Il y a aussi du Renoir dans ce Woody Allen là qui y dissèque les règles d’un jeu social, d’un match fatalement cruel ou même du Balzac car rarement le ballet de la comédie humaine aura été aussi bien orchestré.
Woody Allen signe un film d’une férocité jubilatoire, un film cynique sur l’ironie du destin, l’implication du hasard et de la chance. Un thème que l’on pouvait notamment trouver dans « La Fille sur le pont » de Patrice Leconte. Le fossé qui sépare le traitement de ce thème dans les deux films est néanmoins immense : le hiatus est ici celui de la morale puisque dans le film de Leconte cette chance était en quelque sorte juste alors qu’elle est ici amorale, voire immorale, …pour notre plus grand plaisir. C’est donc l’histoire d’un crime sans châtiment dont le héros, sorte de double de Raskolnikov, est d’ailleurs un lecteur assidu de Dostoïevski (mais aussi d’un livre sur Dostoïevski, raison pour laquelle il épatera son futur beau-père sur le sujet), tout comme Woody Allen à en croire une partie la trame du récit qu’il lui « emprunte ».
Quel soin du détail pour caractériser ses personnages, aussi bien dans la tenue de Nola Rice la première fois que Chris la voit que dans la manière de Chloé de jeter négligemment un disque que Chris vient de lui offrir, sans même le remercier . Les dialogues sont tantôt le reflet du thème récurrent de la chance, tantôt d’une savoureuse noirceur (« Celui qui a dit je préfère la chance au talent avait un regard pénétrant sur la vie », ou citant Sophocle : « n’être jamais venu au monde est peut-être le plus grand bienfait »…). Il y montre aussi on génie de l’ellipse (en quelques détails il nous montre l’évolution de la situation de Chris…).
Cette réussite doit aussi beaucoup au choix des interprètes principaux : Jonathan Rhys-Meyer qui interprète Chris, par la profondeur et la nuance de son jeu, nous donnant l’impression de jouer un rôle différent avec chacun de ses interlocuteurs et d’être constamment en proie à un conflit intérieur ; Scarlett Johansson d’une sensualité à fleur de peau qui laisse affleurer une certaine fragilité (celle d’une actrice en apparence sûre d’elle mais en proie aux doutes quant à son avenir de comédienne) pour le rôle de Nola Rice qui devait être pourtant initialement dévolu à Kate Winslet ; Emily Mortimer absolument parfaite en jeune fille de la bourgeoisie londonienne, naïve, désinvolte et snob qui prononce avec la plus grande candeur des répliques inconsciemment cruelles(« je veux mes propres enfants » quand Chris lui parle d’adoption …). Le couple que forment Chris et Nola s’enrichit ainsi de la fougue, du charme électrique, lascif et sensuel de ses deux interprètes principaux.
La réalisation de Woody Allen a ici l’élégance perfide de son personnage principal, et la photographie une blancheur glaciale semble le reflet de son permanent conflit intérieur.
Le film, d’une noirceur, d’un cynisme, d’une amoralité inhabituels chez le cinéaste, s’achève par une balle de match grandiose au dénouement d’un rebondissement magistral qui par tout autre serait apparu téléphoné mais qui, par le talent de Woody Allen et de son scénario ciselé, apparaît comme une issue d’une implacable et sinistre logique et qui montre avec quelle habileté le cinéaste a manipulé le spectateur (donc à l’image de Chris qui manipule son entourage, dans une sorte de mise en abyme). Un match palpitant, incontournable, inoubliable. Un film audacieux, sombre et sensuel qui mêle et transcende les genres et ne dévoile réellement son jeu qu’à la dernière minute, après une intensité et un suspense rares allant crescendo. Le témoignage d’un regard désabusé et d’une grande acuité sur les travers et les blessures de notre époque. Un chef d’œuvre à voir et à revoir !
Cr
Scoop
Après Match point, perfection du genre, film délicieusement immoral au scénario virtuose totalement et magnifiquement scénarisé en fonction de son dénouement et de la balle de match finale, quel film pouvait donc bien ensuite réaliser Woody Allen ? Evidemment pas un film noir qui aurait inévitablement souffert de la comparaison. Si, à l’image de Match point, Woody Allen a de nouveau délaissé New York -qu’il a tellement sublimée et immortalisée- pour Londres, si comme dans Match point, il a de nouveau eu recours à Scarlett Johansson comme interprète principale, il a donc néanmoins délaissé le film noir pour retourner à la comédie policière à l’image d’Escrocs mais pas trop ou du Sortilège du scorpion de Jade. Si le principal atout de Match point était son scénario impeccable, c’est ailleurs qu’il faut aller chercher l’intérêt de ce Scoop.
L’intrigue est ainsi délibérément abracadabrantesque et improbable. Le célèbre journaliste d’investigation Joe Strombel, arrivé au Purgatoire, y rencontre la secrétaire de l’aristocrate Peter Lyman, également politicien à l’image irréprochable de son état. Elle lui révèle qu’elle aurait été empoisonnée par ce dernier après avoir découvert que Peter serait en réalité le tueur en série surnommé « le Tueur au Tarot » qui terrorise Londres. Professionnel et avide de scoops jusqu’à la mort et même après, Joe Strombel, va se matérialiser à une jeune étudiante en journalisme (et accessoirement en orthodontie), la jeune Sondra (Scarlett Johansson) lorsqu’elle est enfermée dans une boîte lors du tour de magie de l’Américain Splendini (Woody Allen). Croyant avoir trouvé le scoop du siècle elle décide de faire la connaissance de Peter Lyman (charismatique et mystérieux Hugh Jackman) pour le démasquer, avec, comme « perspicace » collaborateur, Splendini. Evidemment elle va tomber amoureuse (de Peter Lyman, pas de Woody, celui-ci ayant ici renoncé au rôle de l’amoureux, dans un souci de crédibilité, ou dans un sursaut de lucidité, pour jouer celui du protecteur). Elle n’aurait peut-être pas dû…
Woody Allen est donc passé de la noirceur à la légèreté. C’est agréable la légèreté, aussi, surtout après la noirceur, aussi parfaite soit-elle. Woody Allen nous revient aussi en tant qu’acteur, fidèle à lui-même, balbutiant, maladroit, chaplinesque, woodyallenesque plutôt, adepte de l’ironie et de l’autodérision, et narcissique de religion (si, si, vous verrez, ça existe). Intrigue abracadabrantesque donc mais c’est aussi ce qui fait le charme de ce scoop. Preuve que légèreté et noirceur ne sont pas totalement incompatibles, Woody Allen a saupoudré son scoop d’humour exquisément noir avec notamment une mort presque sympathique en grande faucheuse embarquant ses défunts et bavards voyageurs. Woody Allen lui aussi nous embarque, dans un jeu, dans son jeu. Il ne nous trompe pas. Nous en connaissons les règles, les codes du genre : la désinvolture et la loufoquerie sont de mise.
La mise en scène reste cependant particulièrement soignée, Scarlett Johansson est de nouveau parfaite, cette fois en étudiante naïve et obstinée. Comme la plupart des bonnes comédies, ce Scoop fonctionne sur les contrastes d’un duo impossible, celui de la journaliste écervelée et obstinée et de son protecteur farfelu. Certes, vous n’explosez pas de rire mais vous avez constamment le sourire aux lèvres entraînés par l’entrain communicatif et l’humour décalé de Woody Allen qui montre à nouveau que l’on peut être un réalisateur particulièrement prolifique sans rien perdre de son enthousiasme et de sa fraîcheur. Une bonne humeur tenace et contagieuse vaut après tout mieux qu’un rire explosif, non ?
Un film rythmé, léger, burlesque, ludique à la mise en scène soignée avec une touche d’humour noir même si on peut regretter que la morale soit sauve et même si on peut donc regretter l’immoralité jubilatoire de Match point. Ce scoop-là n’est ni sidérant, ni inoubliable, mais néanmoins il vaut la peine d’être connu.
Critique de « Vicky Cristina Barcelona » de Woody Allen
Quoiqu’il advienne, quel que soit le sujet, je ne manque JAMAIS un film de Woody Allen et ils sont peu nombreux ces réalisateurs dont chaque film recèle une trouvaille, dont chaque film est une réussite (même si certains évidemment sont meilleurs que d’autres, ou plus légers que d’autres), une véritable gageure quand on connaît la productivité de Woody Allen qui sort quasiment un film par an.
Imaginez donc mon désarroi d’avoir manqué celui-ci au dernier Festival de Cannes (non, vous ne pouvez pas : c’est insoutenable surtout sachant que mes acolytes festivaliers en sortaient tous le sourire aux lèvres, réjouis et un brin narquois envers ma malchance…) et mon impatience de le voir dès sa sortie en salles. Je me demande comment j’ai pu attendre trois jours après sa sortie surtout sachant que, dans mon impatience, je pensais qu’il sortait la semaine dernière… Bref, alors ce dernier Woody Allen était-il à la hauteur de l’attente ?
Evidemment, il serait malvenu de le comparer à la trilogie londonienne, véritable bijou d’écriture scénaristique et de noirceur jubilatoire. Ce dernier est plus léger (quoique…), et pourtant…, et pourtant c’est encore une véritable réussite, qui ne manque ni de sel (pour faire référence à une réplique du film), ni d’ailleurs d’aucun ingrédient qui fait d’un film un moment unique et réjouissant.
Pitch :Vicky (Rebecca Hall) et Cristina (Scarlett Johanson) sont d’excellentes amies, avec des visions diamétralement opposées de l’amour : la première est plutôt raisonnable, fiancée à un jeune homme « respectable » ; la seconde est plutôt instinctive, dénuée d’inhibitions et perpétuellement à la recherche de nouvelles expériences passionnelles. Vicky et Cristina sont hébergées chez Judy et Mark, deux lointains parents de Vicky, Vicky pour y consacrer les derniers mois avant son mariage et y terminer son mémoire sur l’identité catalane; Cristina pour goûter un changement de décor. Un soir, dans une galerie d’art, Cristina remarque le ténébreux peintre Juan Antonio (Javier Bardem). Son intérêt redouble lorsque Judy lui murmure que Juan Antonio entretient une relation si orageuse avec son ex-femme, Maria Elena (Pénélope Cruz), qu’ils ont failli s’entre-tuer. Plus tard, au restaurant, Juan Antonio aborde Vicky et Cristina avec une « proposition indécente ». Vicky est horrifiée ; Cristina, ravie, la persuade de tenter l’aventure…
Les jeux de l’amour et du hasard. Un marivaudage de plus. Woody Allen fait son Truffaut et son « Jules et Jim » pourrait-on se dire à la lecture de ce pitch. Oui mais non. Surtout non. Non parce que derrière un sujet apparemment léger d’un chassé-croisé amoureux, le film est aussi empreint de mélancolie et même parfois de gravité. Non parce qu’il ne se contente pas de faire claquer des portes mais d’ouvrir celles sur les âmes, toujours tourmentées, du moins alambiquées, de ses protagonistes, et même de ses personnages secondaires toujours croqués avec talent, psychologie, une psychologie d’une douce cruauté ou tendresse, c’est selon. Non parce que le style de Woody Allen ne ressemble à aucun autre : mélange ici de dérision (souvent, d’habitude chez lui d’auto-dérision), de sensualité, de passion, de mélancolie, de gravité, de drôlerie, de cruauté, de romantisme, d’ironie…
Woody Allen est dit-on le plus européen des cinéastes américains, alors certes on a quitté Londres et sa grisaille pour Barcelone dont des couleurs chaudes l’habillent et la déshabillent mais ce qu’il a perdu en noirceur par rapport à la trilogie londonienne, il l’a gagné en sensualité, et légèreté, non pour autant dénuées de profondeur. Il suffit de voir comment il traduit le trouble et le tiraillement sentimental de Vicky lors d’une scène de repas où apparait tout l’ennui de la vie qui l’attend pour en être persuadé. Ou encore simplement de voir comment dans une simple scène la beauté d’une guitare espagnole cristallise les émotions et avec quelle simplicité et quel talent il nous les fait ressentir. (Eh oui Woody Allen a aussi délaissé le jazz pour la variété et la guitare espagnoles…)
Javier Bardem, ténébreux et troublant, Penelope Cruz, volcanique et passionnelle, Scarlett Johanson (dont c’est ici la troisième collaboration avec Woody Allen après « Match point » et « Scoop »…et certainement pas la dernière), sensuelle et libre, Rebecca Hall, sensible et hésitante : chacun dans leurs rôles ils sont tous parfaits, et cette dernière arrive à imposer son personnage, tout en douceur, face à ces trois acteurs reconnus et imposants. (Dommage d’ailleurs que son personnage n’apparaisse même pas sur l’affiche, c’est finalement le plus intéressant mais certes aussi peut-être le plus effacé…dans tous les sens du terme.)
A la fois hymne à la beauté (notamment de Barcelone, ville impétueuse, bouillonnante, insaisissable, véritable personnage avec ses bâtiments conçus par Gaudi , le film ne s’intitulant pas « Vicky Cristina Barcelona » pour rien) et à l’art, réflexion sur l’amoralité amoureuse et les errements et les atermoiements du corps et du cœur, Woody Allen signe une comédie (on rit autant que l’on est ému) romantiquement sulfureuse et mélancoliquement légère, alliant avec toute sa virtuosité ces paradoxes et s’éloignant des clichés ou de la vulgarité qui auraient été si faciles pour signer un film aussi élégant que sensuel. Cet exil barcelonais pourra en déconcerter certains, mais c’est aussi ce qui imprègne ce film de cette atmosphère aussi fougueuse que cette ville et ces personnages.
Malgré les 72 ans du cinéaste, le cinéma de Woody Allen n’a pas pris une ride : il fait preuve d’une acuité, d’une jeunesse, d’une insolence, d’une inventivité toujours étonnantes, remarquables et inégalées. Un voyage barcelonais et initiatique décidément réjouissant. Vivement le prochain ! En attendant je vous laisse réfléchir à l’idée défendue dans le film selon laquelle l’amour romantique serait celui qui n’est jamais satisfait… A méditer !
Avant-hier matin, comme chaque année, au Fouquet's, avait lieu la conférence de presse au cours de laquelle sont annoncées les nominations aux César. Comme chaque année, vous avez pu en suivre mon live tweet en direct du Fouquet's sur mon compte twitter @moodforcinema. En voici le récapitulatif et mon avis sur ces nominations dont je peux vous dire d'emblée qu'elles reflètent le bel éclectisme du cinéma français.
La cérémonie aura lieu le 28 février en direct du théâtre du Châtelet. Elle sera présidée par l'acteur François Cluzet (qui comptabilise pas moins de 10 nominations) et c'est l'actrice Cécile de France qui présentera la cérémonie.
Avec un total de 10 nominations "Les Garçons et Guillaume, à table!", le premier film de Guillaume Gallienne en tant que réalisateur figure en tête des nominations, nommé à la fois comme meilleur premier film et comme meilleur film. Voilà qui est mérité pour le film d'ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs (qui le prima d'ailleurs) qui avait tant ému les festivaliers, de même que les festivaliers deauvillais, lors de sa projection au Festival du Cinéma Américain de Deauville suite à l'obtention du prix Michel d'Ornano décerné à son scénario. Un film qui est avant tout une déclaration d’amour fou à sa mère (quel personnage qu'il interprète d'ailleurs aussi !) et aux femmes dont il aime et scrute jusqu’à la respiration, mais aussi aux mots, avec lesquels il jongle admirablement, et au théâtre, qui libère, et même au cinéma avec les codes duquel il s’amuse ici. Même s’il lorgne parfois du côté d’Almodovar, Woody Allen ou de Wilder (avec une réplique finale comme un écho à son « nobody’s perfect »), ce film peut difficilement être plus personnel tout en étant universel et il faut sans aucun doute une tonne de talent et de sensibilité pour transformer son mal être en film burlesque, en ce rafraichissant plaidoyer pour la différence (qui n’est jamais militant), en film aussi atypique, inclassable que celui qui en est l’auteur et l’acteur. Un grand auteur et un très grand acteur. Et une comédie tendre et caustique qui mérite indéniablement ces nombreuses nominations.
Viennent ensuite « La Vie d'Adèle, chapitres 1 & 2 » et « L'Inconnu du lac » avec huit nominations puis « La Vénus à la fourrure » de Roman Polanski avec sept nominations. Voilà qui est aussi mérité pour ce film d’une réjouissante insolence qui est aussi un ping-pong sémantique jubilatoire, et un double-jeu habile, ludique et cruel, qui repose sur la frontière trouble et troublante entre fiction et réalité grâce au talent d’un réalisateur plus manipulateur et donc plus cynique que jamais.
Ensuite, six nominations pour « 9 mois ferme » de Dupontel et cinq pour « Le Passé » d'Asghar Farhadi qui mériterait (notamment) le César du meilleur scénario pour son extrême sensibilité et sa précision rare et parce qu’il donne au spectateur un vrai rôle et parce qu'il reflète si bien l’absurdité et la complexité de l’existence. C’est là toute la force du « Passé », d’une justesse fascinante et rare, dont le dernier plan nous laisse astucieusement interrogatifs, et émus, enfin.
Photos ci-dessus copyright inthemoodforcinema.com
Avec sa Palme d’or, le film de Kechiche part favori (de même que ses actrices) déjà lauréat pour « L’Esquive » en 2004 et « La Graine et le Mulet » en 2008. « Amour » d'Haneke l’an passé avait déjà réussi ) obtenir les deux récompenses suprêmes, palme d’or/César. Adèle Exarchopoulos est nommé comme meilleur espoir, le règlement ne permettant plus d’être nommé meilleur espoir et meilleure actrice depuis que Tahar Rahim avait obtenu les deux récompenses pour "Un Prophète". Sachant néanmoins que ce sont les techniciens du cinéma (notamment ) qui votent, soutiendront-ils un film dont le réalisateur avait été accusé (à juste titre ou à tort) par leurs collègues de les malmener quelque peu? Un film qui n'en reste pas moins singulier, coup de cœur, coup de poing au cœur, un film qui de toutes façons, comme tout grand film, ne peut pas laisser indifférent. Comment, en effet, pourrait-on rester indifférent devant un film qui respire autant le souffle de la vie avec tout ce qu’elle comprend de beauté et cruauté, déchirantes ? Qui pourrait rester indifférent devant un film qui décrit si bien l’embrasement, sublime, d’un amour puis son extinction, terrifiante ?
Parmi les oubliés, « Elle s’en va » d'Emmanuelle Bercot, un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va » montre que , à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour. « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’embrasser la vie . Un bonheur ! Et un bonheur rare.
Egalement oublié de ces nominations, « After » de Géraldine Maillet, une danse sensuelle et mélancolique, un tango doux et troublant, une parenthèse enchantée qui possède la magie ineffable des rencontres improbables et furtives, éphémères et indélébiles, et malgré ou à cause de tout cela d’une évidence insensée.
Egalement oublié: « Grand Central » de Rebecca Zlotowski avec une seule nomination (pour Olivier Gourmet comme meilleur second rôle), un film qui, à la fois nous emporte par la beauté de ses personnages, leur rudesse tendre, la radieuse force des sentiments (amitié, amour) qui les unit … et qui nous glace d’effroi en nous montrant les conditions de travail de ceux qui risquent chaque jour leur vie dans l’une des 19 centrales nucléaires françaises.
A également été oublié « Le temps de l’aventure » de Jérôme Bonnell, un film sur une passion éphémère (ou peut-être pas…) porté par une actrice étincelante et qui nous prouve que le bonheur peut parfois être un présent, un film qui laisse un goût d’éternité et nous donne envie d’arrêter le temps ou en tout cas de croire que le temps parfois peut s’arrêter, même quand, ou a fortiori quand, la réalité est douloureuse et implacable. « Le temps de l’aventure » est un hymne subtile et délicat au présent, au jeu aussi, à la vie qui peut en être un aussi. Un film d’une mélancolie solaire, une belle réflexion sur le bonheur et la vérité, avec un air truffaldien (plane d’ailleurs l’ombre d’un certain Antoine) qui m’a emportée et m’a accompagnée longtemps après le générique de fin avec le goût persistant de cette parenthèse enchantée, de tristesse et d’espoir mêlés. Finalement une sorte de mise en abyme ou de métaphore du cinéma, et de sa magie : l’espace de quelques minutes, nous faire croire au vol du temps suspendu. Et au spectateur de décider s’il veut y croire, si cela modifiera le cours de l’existence (la sienne et celle des personnages) ou non… Une absence de nominations inexplicable.
Seulement 2 nominations donc pour le film qui reste pour moi le meilleur de l'année 2013 "Elle s'en va" d'Emmanuelle Bercot, des nominations pour ses deux formidables interprètes néanmoins: Catherine Deneuve (extraordinaire) comme meilleure actrice et Nemo Schiffman (comme meilleur espoir masculin). L'absence de nomination pour le scénario reste pour moi un mystère.
Pour le César de la meilleure actrice, Catherine Deneuve (dont ce sera la 12ème nomination!) le mériterait une nouvelle fois pour « Elle s’en va » qui est d’abord un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. Elle se retrouvera face à d'autres grandes intérprètes : Fanny Ardant, Emmanuelle Seigner (formidable dans "La Vénus à la fourrure"). En effet, pour sa quatrième collaboration avec Emmanuelle Seigner, après « Frantic », « Lunes de Fiel », « La Neuvième porte », le metteur en scène Polanski offre un rôle en or à l’actrice Seigner comme Thomas avec Vanda dans la pièce sauf que l’actrice Seigner se laisse ici diriger, manipuler. Emmanuelle Seigner est sidérante aussi bien dans le rôle de la Vanda actrice d’une désinvolture, d’une stupidité apparente et d’une exubérance savoureuses sans parler de ses tics de langage (elle ponctue toutes ses phrases par « genre ») que dans le personnage de Vanda de la pièce, au langage beaucoup plus distingué, passant de l’une à l’autre avec une dextérité déconcertante, pour finalement interpréter un troisième personnage, grâce à une inversion des rôles qui vient brillamment clôturer le film, le mythe gagnant et l’emportant sur la réalité. A l’inverse de « Tess » tout en douceur et retenue, enfermée dans les conventions, ainsi Vanda les défie et les inverse.
Léa Seydoux n'en reste pas moins favorite pour ce César de la meilleure actrice. Elle vient d'obtenir le prix Lumières de la meilleure actrice, des prix qui préfigurent souvent les César.
Le César du meilleur acteur confronte aussi de grands acteurs. Nous y retrouvons notamment le partenaire d'Emmanuelle Seigner dans "La Vénus à la fourrure", Mathieu Amalric qui est ici un double de Polanski (la ressemblance est troublante et évidemment pas innocente) un peu velléitaire, se laissant bientôt dominer, devenant totalement désinhibée, et objet dans les mains de sa créature devenue créateur. Est également nommé Fabrice Luchini dans "Alceste à bicylette", Michel Bouquet (épatant Renoir dans le film éponyme qui a déjà obtenu deux fois le César notamment pour sa formidable interprétation de Mitterrand dans "Le Promeneur du champ de Mars"), un film qui est un hymne à la nature, à la beauté et la force de l’art qui manque certes parfois de la vitalité et de la flamboyance d’Andrée (en particulier dans le traitement de son histoire d’amour avec Jean) et de celles des peintures du maître, mais la musique du prolifique Alexandre Desplat et surtout les interprétations de Michel Bouquet et Vincent Rottiers en font un film agréable et instructif, même émouvant dans une très belle scène d’adieux qui les réunit, les enlace même.
Et bien sûr, nommé comme meilleur acteur Guillaume Gallienne: LA révélation de cette année 2013. Il interprète ainsi le rôle de sa mère, aimante (trop ou mal peut-être), sachant rester élégante tout en étant vulgaire, masquant sa tendresse derrière un air revêche et des paroles (fra)cassantes, mais parce qu’il joue aussi son propre rôle… à tous les âges ! Avec un talent tel qu’on oublie d’ailleurs rapidement et totalement qu’il n’a pas l’âge du personnage. La magie du cinéma. Et le talent d’un grand acteur, à tel point qu’il en devient follement séduisant malgré son allure parfois improbable
Son partenaire dans "Yves Saint Laurent", Pierre Niney, n'est en revanche pas nommé pour la comédie "20 ans d'écart", une comédie pleine de clichés qu'il éclaire néanmoins, une prestation pour laquelle il aurait mérité d'être nommé. Sans nul doute, il sera nommé pour les César 2015 pour "Yves Saint Laurent" de Jalil Lespert dont je prends déjà le pari qu'il l'obtiendra.
Pour le César de la meilleure actrice dans un second rôle, nous retrouvons François Fabian pour "Les Garçons et Guillaume, à table!" notamment face à Marisa Borini dans le très beau et mésestimé "Un château en Italie" de Valeria Bruni Tedeschi qui est un film riche de son humour noir, de sa fantaisie salutaire qui permet d’affronter cette histoire de deuils ( de l’enfance, du passé, des personnes aimées, de certains rêves et espoirs), comme un exutoire aux nôtres. Un film vibrant, vivant, lucide, cruel, drôle, tendre, plein de charme, parsemé d’instants de grâce. Un film tourbillonnant qui ne rentre pas dans les codes, singulier, qui mêle le burlesque, la tragédie et l’amour de la vie. Un film où l’amour et le rire dansent constamment avec la mort et les larmes. La lucidité et la cruauté finalement comme un masque pudique sur la douleur. Un film plein de vie qui s’achève en mêlant la beauté légère et joyeuse d’un nouvel élan et la cruauté douloureuse et déchirante d’un déracinement. Un film qui fait du bien, et que je vous recommande.
Egalement nommée pour le meilleur second rôle féminin, Julie Gayet dans "Quai d'Orsay" qui à mon sens aurait davantage mérité de l'être pour "After" de Géraldine Maillet dans lequel elle était lumineuse à souhait. La nommer comme meilleure actrice ( pour cet autre film aurait évité les suspicions tant on peut se demander pourquoi elle est nommée pour un film dans lequel elle n'apparaît que très peu, et si cette nomination n'est pas un cadeau empoisonné des votants. Même si j'apprécie cette actrice (qui est aussi une courageuse productrice), en l'espèce Marisa Borini (ironie du sort, mère de Carla Bruni) mériterait sans aucun doute davantage ce César.
Pour le prix de la meilleure adaptation, le choix s'annonce cornélien entre "Les Garçons et Guillaume, à table!", "La Vie d'Adèle" et "Quai d'Orsay".
"Blue Jasmine", "Django unchained", "La Grande Bellezza", "Gravity", "Dead man talking", "Blancanieves", "Alabama Monroe" s'affronteront pour le César du meilleur film étranger. Il me serait bien difficile de choisir entre les trois premiers.
Deux hommages cette année: le premier à Patrice Chéreau, disparu l’an passé, et l’autre à Henri Langlois, le fondateur de la Cinémathèque française.
La conférence de presse a aussi été l’occasion de découvrir l’affiche des César représentant Isabelle Adjani, dans « La Reine Margot » pour lequel elle a obtenu le César de la meilleure actrice 1995 (elle l'a également obtenu pour "Possession", "L'été meurtrier", "La journée de la jupe", "Camille Claudel").
Petit rappel: pour être nommés, les films en compétition doivent être sortis entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013. Le 2ème tour commencera le 10 février et prendra fin à 16h, le 28 février, jour de la cérémonie.
La cérémonie des César sera retransmise en direct et en exclusivité sur Canal plus à 21H le vendredi 28 février. Dès maintenant, retrouvez de nombreuses informations sur les César sur http://www.canalplus.fr avec notamment des interviews des talents et des bandes-annonces des films nommés. Et n'oubliez pas le hashtag #Cesar2014 . Comme chaque année, j'aurai le plaisir de vous la faire suivre et vivre en direct de la salle presse où se succèdent les lauréats (ci-dessous, petit extrait de mes photos et vidéos de l'an passé).
Comme chaque année, je vous donne rendez-vous demain en direct de la conférence de presse des César (sans "s", César était un sculpteur et un nom propre...), à 10H, au Fouquet's de Paris. Vous pourrez me suivre sur twitter en attendant de découvrir ici les nominations complètes et commentées comme chaque année.
Pour l'instant, nous savons seulement que cette 39ème cérémonie aura lieu le 28 février au théâtre du Châtelet, qu'elle sera présidée par François Cluzet, que la comédienne Cécile de France aura la lourde tâche de présenter la cérémonie (succédant à Antoine De Caunes) et que les nommés aux César du meilleur espoir féminin et du meilleur espoir masculin se trouvent parmi les 32 nommés aux révélations suivants:
Présélectionnés pour le César du meilleur espoir féminin 2014 :
Il serait plus que surprenant qu'Adèle Exarchopoulos ne figure pas parmi les nommés (elle vient d'obtenir le Prix Lumières de l'espoir féminin, une cérémonie dont les prix préfigurent souvent ceux des César). Pour les autres, c'est plus incertain même si Marine Vacth semblait avoir fait l'unanimité à Cannes. Pour ma part, j'aimerais, en plus d'Adèle Exarchopoulos y voir figurer Lou de Laâge et Pauline Burlet pour "Le Passé" ou encore Golshifteh Farahani pour le sublime "Syngué sabour - Pierre de patience".
Nemo Schiffman sera-t-il nommé pour ce qui est pour moi le film de l'année (pour lequel il serait d'ailleurs étonnant et injuste que Catherine Deneuve ne soit pas nommée): "Elle s'en va" d'Emmanuelle Bercot.
J'aimerais également que "Driss Ramdi" soit nommé, ce qui donnerait peut-être une visibilité au film "Je ne suis pas mort " de Mehdi Ben Attia malheureusement passé inaperçu lors de sa sortie ainsi que Swann Arlaud, comédien exceptionnel encore méconnu, vu dans des courts-métrages mais aussi dans "L'homme qui rit" de Jean-Pierre Améris.
Il est aussi fort probable que Pierre Niney, après deux nominations en tant que meilleur espoir (pour "J'aime regarder les filles" puis "Comme des frères") sera nommé comme meilleur acteur pour "20 ans d'écart" (comédie dans l'air du temps qui n'évite pas certains clichés mais dans lequel il est exceptionnel) avant une autre nomination l'an prochain pour "Yves Saint Laurent" (et un César 2015 amplement mérité, je prends le pari). Parmi les nommés comme meilleur acteur, il pourrait bien retrouver Guillaume Gallienne, son compagnon dans "Yves Saint Laurent" qui pour moi mériterait indéniablement ce César pour "Les Garçons et Guillaume, à table!" dont il ne serait pas étonnant qu'il figure aussi en tête des nominations.
Réponses à ces questions vendredi à 10H. J'en profite aussi pour vous signaler que l'une des nouvelles de mon recueil "Ombres parallèles" se déroule dans le cadre de la cérémonie des César à laquelle j'ai le plaisir d'assister depuis de nombreuses années, que ce soit dans la salle ou en salle presse. Il ne serait donc pas étonnant que la réalité en soit la source d'inspiration: http://www.storenumeriklire.com/fiction-litterature/113-ombres-paralleles-de-sandra-meziere.html
Comme chaque année, vous pourrez me suivre en direct de la cérémonie des César. Retrouvez ci-dessous, mes articles sur les éditions précédentes avec, notamment, des vidéos inédites.
32 comédiennes et comédiens ont été choisis par le Comité Révélations de l’Académie des César, à l’issue de sa délibération en date du 18 novembre 2013, conformément aux dispositions prévues par le Règlement de l’Académie. Cette liste sera proposée à titre indicatif aux 4381 membres de l’Académie afin de faciliter leur vote pour les César 2014 du Meilleur Espoir Féminin et du Meilleur Espoir Masculin, sans aucun caractère d’obligation. Sans trop de surprises, nous y retrouvons Adèle Exarchopoulos pour "La vie d'Adèle" ou encore Marine Vacth pour "Jeune et jolie". Je me réjouis tout particulièrement de la présence de Lou de Laâge pour "Jappeloup", comédienne à qui le jury dont je faisais partie au Festival International du Film De Boulogne-Billancourt 2012 avait eu le plaisir de remettre le prix d'interprétation féminine. Côté comédiens, je me réjouis de la présence de Swann Arlaud que j'avais découvert au Festival du Film Romantique de Cabourg, un comédien rare. Je me réjouis également de la présence de Nemo Schiffman pour "Elle s'en va" d'Emmanuelle Bercot qui reste pour moi le film de l'année.
En attendant de vous faire vivre les César, comme chaque année en direct, en février 2014, retrouvez ci-dessous, mes articles sur les éditions précédentes, notamment mon compte rendu en direct des César 2013, et les Révélations 2014.