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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
Demain soir, sur D8, à 20H50, ne manquez surtout pas "Entre ses mains" d'Anne Fontaine. Retrouvez mes quelques commentaires publiés lors de la sortie du film ci-dessous.
Fascination. Voilà probablement le terme qui définirait le mieux le dernier film d’Anne Fontaine. Celle qu’exerce sur Claire (Isabelle Carré), assureur, Laurent, le singulier vétérinaire (Benoît Poelvoorde), venu déclarer un sinistre. Celle qu’exerce sur le spectateur ce film troublant et son duo d’acteurs étonnants. C’est bientôt Noël, c’est à Lille et un tueur en séries sévit depuis quelques jours. Leur rencontre se déroule a priori dans un cadre anodin mais peu à peu la quotidienneté va laisser la place à l’étrangeté d’une relation magnifiquement tragique…
Progressivement, la caméra vacille et bascule avec Claire dans l’inéluctable, l’inénarrable. Progressivement elle va se retrouver aussi fragile qu’un animal blessé entre ses mains. Des mains qui soignent. Des mains qui tuent peut-être. Des mains qui hypnotisent.
Poelvoorde incarne ici ce fauve face à son animalité, ce prédateur de femmes, qui comme les lions qu’il soigne fascinent et effraient. Telle est aussi Claire, (parfaite Isabelle Carré) fascinée et effrayée, blonde hitchcockienne dans l’obscurité tentatrice et menaçante, tentée et menacée. Guidée par une irrépressible attirance pour cet homme meurtri, peut-être meurtrier. Cet homme qui ne cherche pas le bonheur. Juste l’instant. Comme celui de leurs mains qui se frôlent ; de leurs silences et leurs fêlures qui les rapprochent, hors de leur tragique ou quotidienne réalité.
Encore une fois Anne Fontaine explore l’irrationalité du désir avec subtilité et avec un salutaire anticonformisme.
Benoît Poelvoorde, bouleversant, bouleversé, sidérant, exprime avec nuance l’ambivalence de ce personnage qui tue et donne à Claire le sentiment d’être vivante, qui devrait nous répugner et dont nous comprenons pourtant, (grâce au jeu des deux comédiens et grâce une subtile mise en scène centrée sur les silences et les regards) l’irrépressible sentiment qu’il inspire à Claire qui se met à chanter, à danser. A exister.
Anne Fontaine dissèque brillamment chaque frémissement, chaque tremblement dans cette tranquille ville de Province soudainement en proie à la violence comme la tranquille Claire est en proie (la proie aussi) à celle de ses désirs. Les regards hésitants, égarés, déstabilisants, déstabilisés, de Poelvoorde, expriment une pluralité de possibles, l’impensable surtout. L’amour impossible est ici en effet amour impensable.
Un film effroyablement envoûtant, dérangeant. Captivant. Fascinant, définitivement.
Demain soir, sur France 2, à 20H45, ne manquez pas ce vrai choc cinématographique, un tourbillon fiévreux dont vous ne ressortirez pas indemnes.
Nina (Natalie Portman) est ballerine au sein du très prestigieux New York City Ballet. Elle (dé)voue sa vie à la danse et partage son existence entre la danse et sa vie avec sa mère Erica (Barbara Hershey), une ancienne danseuse. Lorsque Thomas Leroy (Vincent Cassel), le directeur artistique de la troupe, décide de remplacer la danseuse étoile Beth Mcintyre (Winona Ryder) pour leur nouveau spectacle « Le Lac des cygnes », Nina se bat pour obtenir le rôle. Le choix de Thomas s’oriente vers Nina même si une autre danseuse, Lily, l’impressionne également beaucoup, Nina aussi sur qui elle exerce à la fois répulsion et fascination. Pour « Le Lac des cygnes », il faut une danseuse qui puisse jouer le Cygne blanc, symbole d’innocence et de grâce, et le Cygne noir, qui symbolise la ruse et la sensualité. Nina en plus de l’incarner EST le cygne blanc mais le cygne noir va peu à peu déteindre sur elle et révéler sa face la plus sombre.
« Black swan » n’est pas forcément un film d’emblée aimable (ce qui, pour moi, est une grande qualité quand les synopsis des films ressemblent trop souvent à des arguments marketing) : il se confond ainsi avec son sujet, exerçant tout d’abord sur le spectateur un mélange de répulsion et de fascination, entrelaçant le noir et le blanc, la lumière (de la scène ou de la beauté du spectacle, celle du jour étant quasiment absente) et l’obscurité, le vice et l’innocence mais le talent de cinéaste d’Aronofsky, rusé comme un cygne noir, et de son interprète principale, sont tels que vous êtes peu à peu happés, le souffle suspendu comme devant un pas de danse époustouflant.
« Black swan » à l’image de l’histoire qu’il conte (le verbe conter n’est d’ailleurs pas ici innocent puisqu’il s’agit ici d’un conte, certes funèbre) est un film gigogne, double et même multiple. Jeu de miroirs entre le ballet que Thomas met en scène et le ballet cinématographique d’Aronofsky. Entre le rôle de Nina dans le lac des cygnes et son existence personnelle. Les personnages sont ainsi à la fois doubles et duals : Nina que sa quête de perfection aliène mais aussi sa mère qui la pousse et la jalouse tout à la fois ou encore Thomas pour qui, tel un Machiavel de l’art, la fin justifie les moyens.
Aronofsky ne nous « conte » donc pas une seule histoire mais plusieurs histoires dont le but est une quête d’un idéal de beauté et de perfection. La quête de perfection obsessionnelle pour laquelle Nina se donne corps et âme et se consume jusqu’à l’apothéose qui, là encore, se confond avec le film qui s’achève sur un final déchirant de beauté violente et vertigineuse, saisissant d’émotion.
Par une sorte de mise en abyme, le combat (qui rappelle celui de « The Wrestler ») de Nina est aussi celui du cinéaste qui nous embarque dans cette danse obscure et majestueuse, dans son art (cinématographique) qui dévore et illumine (certes de sa noirceur) l’écran comme la danse et son rôle dévorent Nina. L’art, du cinéma ou du ballet, qui nécessite l'un et l'autre des sacrifices. Le fond et la forme s’enlacent alors pour donner cette fin enivrante d’une force poignante à l’image du combat que se livrent la maîtrise et l’abandon, l’innocence et le vice.
Quel talent fallait-il pour se montrer à la hauteur de la musique de Tchaïkovski (qui décidément inspire ces derniers temps les plus belles scènes du cinéma après « Des hommes et des dieux ») pour nous faire oublier que nous sommes au cinéma, dans une sorte de confusion fascinante entre les deux spectacles, entre le ballet cinématographique et celui dans lequel joue Nina. Confusion encore, cette fois d’une ironie cruelle, entre l'actrice Winona Ryder et son rôle de danseuse qui a fait son temps. Tout comme, aussi, Nina confond sa réalité et la réalité, l’art sur scène et sur l’écran se confondent et brouillent brillamment nos repères. Cinéma et danse perdent leur identité pour en former une nouvelle. Tout comme aussi la musique de Clint Mansell se mêle à celle de Tchaïkovski pour forger une nouvelle identité musicale.
La caméra à l’épaule nous propulse dans ce voyage intérieur au plus près de Nina et nous emporte dans son tourbillon. L’art va révéler une nouvelle Nina, la faire grandir, mais surtout réveiller ses (res)sentiments et transformer la petite fille vêtue de rose et de blanc en un vrai cygne noir incarné par une Natalie Portman absolument incroyable, successivement touchante et effrayante, innocente et sensuelle, qui réalise là non seulement une véritable prouesse physique (surtout sachant qu’elle a réalisé 90% des scènes dansées !) mais surtout la prouesse d’incarner deux personnes (au moins...) en une seule et qui mérite indéniablement un Oscar.
Un film aux multiples reflets et d’une beauté folle, au propre comme au figuré, grâce à la virtuosité de la mise en scène et de l’interprétation et d’un jeu de miroirs et mise(s) en abyme. Une expérience sensorielle, une danse funèbre et lyrique, un conte obscur redoutablement grisant et fascinant, sensuel et oppressant dont la beauté hypnotique nous fait perdre (à nous aussi) un instant le contact avec la réalité pour atteindre la grâce et le vertige.
Plus qu’un film, une expérience à voir et à vivre impérativement (et qui en cela m’a fait penser à un film certes a priori très différent mais similaire dans ses effets : « L’Enfer » d’Henri-Georges Clouzot) et à côté duquel le « Somewhere » de Sofia Coppola qui lui a ravi le lion d’or à Venise apparaît pourtant bien fade et consensuel...
Pour moi, le cinéma, c’est avant tout le plaisir de vivre une séance dans une salle, de vivre ces instants d’attente, ces bruissements d’impatience qui cessent progressivement quand le film commence puis captive, et ensuite d’entendre les réactions de la salle et surtout de me sentir immergée dans l’action, d’oublier qu’un écran me sépare de ce qu’il me donne à voir jusqu’à parfois ressentir les émotions des personnages. Jusqu’à présent seule une salle de cinéma parvenait à m’offrir ces émotions cinématographiques incomparables. Oui, jusqu’à présent.
Ainsi, je viens de découvrir un téléviseur qui semblerait abolir la frontière entre réalité de la salle et fiction mais tout en restant chez soi ou plutôt des téléviseurs dont la singulière et remarquable qualité de l’image (peut-on encore dire « image » d’ailleurs quand celle-ci nous donne ainsi l’impression qu’elle devient réalité, quand la richesse et la clarté des couleurs et des détails sont retranscrites comme si elles émanaient de la réalité, rien d’étonnant d’ailleurs avec une image de plus de 8 millions de pixels !) pourrait bien me convaincre que le plaisir de regarder un film ou un documentaire chez soi pourrait égaler voire dépasser celui de les découvrir en salle.
J’attends même maintenant avec impatience de découvrir sur le téléviseur 4Kultra-HD X9 de Sony ( puisque c’est celui dont il s’agit) les films qui m’ont tant enthousiasmée et embarquée cette année : de voir « All is lost » de J.C Chandor, ces images d’une tristesse et d’une beauté mêlées d’une puissance dévastatrice sur cet écran, avec ces plans d’une beauté à couper le souffle, comme ces requins en contre-plongée qui semblent danser, défier et accompagner Robert Redford ou comme cette fin qui mélange les éléments, l’eau et le feu, le rêve et la réalité ou encore cette lune braquée sur lui comme un projecteur. J’attends d’être emportée dans le tourbillon mélancolique et festif de « Gastby » de Baz Luhrmann. J’attends de (re)découvrir « Django unchained » dans lequel Tarantino réinvente ainsi le western en utilisant et s’affranchissant de ses règles avec cette histoire d’amitié et de vengeance romanesque, de duels et de duos, une nouvelle fois jubilatoire.
La nostalgie de ne plus pouvoir voir un de ces films réjouissants dans une salle de cinéma va maintenant céder la place à l’impatience de les découvrir sur un téléviseur 4K de l’exceptionnelle gamme de Sony avec son réalisme époustouflant dont le niveau de détail est quatre fois supérieur à celui de la Full HD, un téléviseur grâce auquel je vais pouvoir plonger « in the mood for cinema », plus que jamais.
Pour la 3ème année consécutive, j’aurai le plaisir de partager avec vous mes pérégrinations dans un festival qui mérite la palme de la convivialité avec, toujours, une remarquable sélection (j’y ai découvert de vraies pépites comme « J’enrage de son absence », « Les Voisins de Dieu », « Une bouteille à la mer », « Syngué Sabour », « Louise Wimmer » etc ).
Les 18 ans du Festival International des Jeunes Réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz seront ainsi célébrés du 8 au 12 octobre 2013, au cinéma Le Select. Cette année encore, le public pourra découvrir les nouveaux talents du cinéma à travers une compétition de 1ers et 2èmes films, courts et longs-métrages, et d’avant-premières nationales.
Les équipes des films concernés viendront à la rencontre des spectateurs et un jury de personnalités partagera ses coups de cœur lors de la remise des prix, les Chisteras, en fin de festival.
Le programme s’annonce à nouveau réjouissant cette année avec deux films forts en ouverture et en clôture qui témoignent d’ailleurs déjà de la diversité de la programmation de ce festival. Je vous laisse les découvrir ci-dessous.
Découvrez aussi, ci-dessus, l’affiche avec la très belle Sarah Kazemy, (mémorable dans « En secret », projeté il y a 2 ans en compétition au festival), très glamour, une invitation au rêve, à l’évasion…et évidemment au cinéma.
Mardi 8 Octobre – Soirée d’ouverture- Hors Compétition
en présence de l’équipe du film
Synopsis
Yann Kermadec voit son rêve se réaliser quand il remplace au pied levé, son ami Franck Drevil, au départ du Vendée Globe, le tour du monde à la voile en solitaire.
Habité par une farouche volonté de gagner, alors qu’il est en pleine course, la découverte à son bord d’un jeune passager va tout remettre en cause.
Avec : François Cluzet, Samy Seghir, Virginie Efira, Guillaume Canet, Arly Jover…
Produit par Les Films Du Cap et Gaumont
Distribué par Gaumont
Sortie nationale : 6 novembre 2013
LA MARCHE
de Nabil Ben Yadir
Samedi 12 Octobre Soirée de remise des prix et de Clôture – Hors Compétition
en présence de l’équipe du film
Synopsis
En 1983, dans une France en proie à l’intolérance et aux actes de violence raciale, trois jeunes adolescents et le curé des Minguettes lancent une grande Marche pacifique pour l’égalité et contre le racisme, de plus de 1000 km entre Marseille et Paris. Malgré les difficultés et les résistances rencontrées, leur mouvement va faire naître un véritable élan d’espoir à la manière de Gandhi et Martin Luther King. Ils uniront à leur arrivée plus de
100 000 personnes venues de tous horizons, et donneront à la France son nouveau visage.
Avec : Olivier Gourmet, Tewfik Jallab, Vincent Rottiers, M’Barek Belkouk, Nader Boussandel, Lubna Azabal, Hafsia Herzi, Charlotte Le Bon, Philippe Nahon, Jamel Debbouze…
Produit par Chi-Fou-Mi Productions (Hugo Sélignac)
Sa programmation est toujours diversifiée et de qualité, son ambiance particulièrement conviviale…et cette année ne devrait pas déroger à la règle.
Cette 24ème édition aura lieu du 2 au 6 octobre 2013 avec, en prime, le Balneum, une nouvelle salle (de 250 places) pour accueillir les projections.
Le Président du jury de cette édition 2013 sera Eric Cantona.
J’en profite aussi pour vous annoncer que vient de sortir mon recueil de nouvelles sur les festivals de cinéma « Ombres parallèles » (éditeur : Numeriklivres) dont une nouvelle, intitulée « A l’ombre d’Alfred » se déroule dans le cadre de ce beau festival et vous avez de la chance car c'est la seule nouvelle du recueil qui est à télécharger gratuitement, ici, en espérant que cela vous donnera envie de découvrir les autres...
L’AFFICHE
Après l’artiste peintre Mariano Otéro qui avait réalisé le visuel de l’affiche du Festival l’année dernière, c’est au tour de Jean-François Rauzier de signer celui de la 24 ème édition.
La Compétition du Festival du Film Britannique de Dinard 2013
Les chemins de deux paumés se croisent par hasard dans un restaurant : Ray, un homme au passé (et malheureusement au présent) assez louche, et Mélanie, une jeune allemande cérébrale coincée loin de chez elle avec un fiancé fantomatique, forment un duo drôle, sensible et maladroit.
Carter est au bout du rouleau… En l’espace d’un an, il a perdu son appartement, sa copine et son travail. Dans sa quête désespérée pour retrouver et reconquérir son ex, il se lance dans une folle course à travers Londres, embarquant avec lui les plus improbables complices.
C’est bientôt la fin de l’école pour les membres du groupe Shadowcaster, cinq jeunes fans des Stones Roses de Manchester. Rien ne pourra empêcher Tits, Dodge, Zippy, Little Gaz et Peach de voir leurs idoles sur scène, lors du légendaire concert du 27 mai 1990 des Stone Roses à Spike Island. Les 72 heures précédant l’événement seront décisives pour l’avenir de la bande de copains.
Suite au décès de son épouse, Max Morden, historien de l’art, retourne dans le village en bord de mer d’Irlande où, enfant, il passait ses vacances. Cette visite fait resurgir des souvenirs, tantôt romantiques, tantôt dramatiques, d’un été qui vit son éveil à la sexualité ainsi qu’une terrible tragédie…
Arbor, 13 ans, et son meilleur ami Swifty habitent un quartier populaire de Bradford, dans le nord de l’Angleterre. Renvoyés de l’école, les deux garçons rencontrent Kitten, un ferrailleur local. Ils commencent à collecter des métaux usagés pour lui en charrette à cheval. Kitten joue de leurs différences pour creuser un fossé entre eux. Leur amitié saura-t-elle résister au géant égoïste ?
Titus est une légende du jazz noir américain. Rattrapé par les années, il vit aujourd’hui dans la banlieue londonienne aux crochets de Marina, qui n’a jamais cessé de le soutenir. Il souffre d’avoir perdu le feu sacré qui le liait à la musique, son énergie vitale.
EVENEMENTS
Voici les premiers évènements annoncés pour cette 24ème édition (source: site officiel du Festival du Film Britannique de Dinard):
Événements
En plus de l’attrayante programmation que le Festival vous prépare pour cette 24ème édition, des séances « événements » seront organisées du 2 au 6 octobre 2013.
> Carte Blanche à un invité prestigieux : le directeur de la photographie Philippe Rousselot
Un grand nom du cinéma international avec une brillante carrière, il a été auréolé de l’Oscar de la meilleure photographie en 1992 pour Et au milieu coule une rivière de Robert Redford ainsi que de trois Césars : en 1982 pour Diva de Jean-Jacques Beineix, en 1987 pour Thérèse de Alain Cavalier et en 1995 pour La Reine Margot de Patrice Chéreau.
Il a travaillé avec les plus grands cinéastes : Tim Burton, Bertrand Blier, Neil Jordan… La liste est longue et impressionne. Pour le Festival, il a choisi de nous parler de 3 de ses collaborations avec des réalisateurs britanniques :
- Hope and Glory (La Guerre a 7 ans) de John Boorman – Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears – Sherlock Holmes : jeu d’ombres de Guy Ritchie
Une masterclass aura lieu à l’issue de la projection des Liaisons dangereuses.
> La compétition de courts-métrages entre la NFTS (UK) et La fémis (France)
le Festival accueille tous les ans deux prestigieuses écoles de cinéma qui s’affrontent par courts métrages interposés. La NFTS (National Film and Television School) et La fémis (École Nationale Supérieure des Métiers de l’Image et du Son) présenteront chacune des courts métrages et se retrouveront à Dinard face au public.
> Un Ciné concert : Charlot fait son cirque !
Le duo constitué de Sylvain Mollard à la guitare et de Vincent Surjous au violon escorte Charlie Chaplin dans ses aventures rocambolesques. Venez assister à la diffusion de L’Émigrant et Charlot policier sur fond de jazz manouche ainsi qu’une prestation de nos compères qui revisitent les standards du style.
> La leçon d’images d’AGM Factory : Les coulisses de la fabrication d’un film
Que se passe-t-il après un tournage ? La question sera posée à Yann Legay, directeur d’AGM Factory à Rennes. Il donnera une réponse en présentant sous forme d’ateliers les différentes étapes de la post-production d’un film. Du mixage son au bruitage en passant par le doublage ou encore l’étalonnage, ce rendez-vous permettra de découvrir l’envers du décor.
> L’Atelier de Technicolor : l’Ultra Haute Définition ou la révolution de la 4K.
Technicolor est à nouveau le parrain officiel de cette édition. A cette occasion, le spécialiste nous fait découvrir la 4K, une image captée en Ultra Haute Définition, bénéficiant d’une fluidité sans précédent avec une utilisation de fréquence 2 à 6 fois plus rapide et d’une nette augmentation de la couleur pour un rendu exceptionnel !
> La séquence J’écoute le cinéma
En prolongement de la thématique sur les séries télévisées, la maintenant traditionnelle séquence « J’écoute le cinéma ! » mettra à l’honneur les génériques des séries TV mythiques. Dans un transat face à la mer, les festivaliers profiteront d’un programme sonore et pourront tester leur culture télévisuelle.
MON ARTICLE PUBLIE DANS FLASHBACK, LE LIVRE DES 20 ANS DU FESTIVAL (pour vous convaincre de venir, si vous hésitez encore).
Avant 1999, Dinard représentait pour moi ce lieu délicieusement intemporel magnifié par cette incomparable couleur émeraude de la côte éponyme, exhalant un paradoxal parfum d’enfance et d’éternité, et sur lequel veillait, de son œil malicieux, la statue de mon réalisateur favori : le grand Alfred Hitchcock. En septembre 1999, je tombai sur une annonce dans un journal local annonçant un concours qui permettait de devenir membre du jury du Festival du Film Britannique. Je gardais de mon expérience dans le jury jeunes du Festival du Film de Paris, l’année précédente, un souvenir inaltérable et la féroce envie de renouveler cette expérience. Particulièrement passionnée par le cinéma britannique, le défi était d’autant plus passionnant et exaltant. Je rédigeai donc la lettre de motivation, la page exigée me semblant néanmoins bien trop courte pour exprimer mon amour inconditionnel pour le cinéma, et le cinéma britannique en particulier, et pour cette ambivalence qui en constitue la richesse et la particularité, cette influence a priori inconciliable de cinéma européen et américain ; j’exprimai mon admiration pour le réalisme social de Ken Loach ou pour celui du Free cinema, pour le lyrisme épique de David Lean, pour la sensible appréhension des atermoiements et des « ombres du cœur » de Richard Attenborough, et par-dessus tout pour « Les liaisons dangereuses » de Stephen Frears, « Les Virtuoses » de Mark Herman et pour le cinéma saisissant de vérité de Mike Leigh. Cinq jours avant le festival, on m’annonçait la bonne (et déstabilisante !) nouvelle : ma candidature avait été sélectionnée parmi plus de deux cents autres et j’allais intégrer le jury du 10ème Festival du Film Britannique de Dinard, alors présidé par Jane Birkin. Qui n’a jamais fait partie d’un jury ne peut imaginer à quel point une telle expérience est trépidante, enrichissante, singulière, à quel point elle cristallise tant d’émotions, cinématographiques et pas seulement, à quel point elle abolit la fragile frontière entre cinéma et réalité qui s’y défient et entrechoquent, nous emportant dans un troublant et ensorcelant tourbillon, suspendant le vol du temps. Alors jeune étudiante, écartelée entre mes études de cinéma et de sciences politiques, je me retrouvai dans cette réalité titubante et dans un jury avec des artistes que j’admirais (et d’autant plus désormais) comme Jane Birkin, présidente à l’empathie incomparable et à l’excentricité aussi joyeuse que nostalgique et mélancolique, Etienne Daho, Julian Barnes, Daniel Prévost et je faisais la connaissance de Tom Hollander et Mark Addy dont je constatais avec plaisir que, à l’image du festival, ils avaient tous l’humilité, l’affabilité et la simplicité des grands. Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de les remercier, ni le festival et son directeur Hussam Hindi, pour l’accueil chaleureux qui m’a alors été réservé, ce livre me donne l’occasion de le faire aujourd’hui, dix ans après ces quatre jours hors du temps et de la réalité. Non seulement, je découvrais un festival de cinéma sous un angle différent, ses débats exaltés et exaltants mais aussi un cinéma dont je soupçonnais la richesse et l’inventivité et dont cette compétition me fit mesurer l’étendue à l’image des deux films qui partagèrent les suffrages de notre jury cette année-là : le palpitant thriller magnifiquement sombre, premier long métrage d’un certain Christopher Nolan « Following » (qui remporta le Hitchcock d’argent) qui révélait un cinéaste avec un univers d’une originalité sidérante qu’il a confirmé deux ans plus tard avec « Memento » et le déjanté et burlesque « Human Traffic » de Justin Kerrigan qui remporta le Hitchcock d’or. De mémoire de festivaliers, cette dixième édition fut la plus mémorable. En tout cas pour moi qui depuis ai été dix fois jurés dans divers festivals de cinéma et en ai parcouru de nombreux autres de Deauville à Cannes, cela reste sans aucun doute un souvenir indélébile et la cause du caractère incurable d’une triple passion dont deux étaient déjà ardentes : pour le cinéma en général, pour le cinéma britannique en particulier, et pour le Festival du Film Britannique de Dinard. J’eus alors un véritable coup de foudre pour le Festival de Dinard et si je le découvrais dans des conditions étranges et privilégiées, cette impression ne s’est jamais démentie par la suite : celle d’un festival convivial dont les festivaliers et le cinéma, et non ses organisateurs, sont les véritables stars, où la diversité du cinéma britannique s’exprime aussi dans le choix de ses invités, qui deviennent souvent des habitués (et pour cause…), et dans le choix de ceux qu’il a honorés ou révélés, et non des moindres : Danny Boyle, Peter Cattaneo, Stephen Daldry, Paul Greengrass, Peter Webber, Shane Meadows…. ! Retourner à Dinard chaque fois que j’en ai l’occasion signifie toujours pour moi une douce réminiscence de ces instants magiques ( et lorsque je ne peux pas me donne l’impression d’un rendez-vous manqué) qui ont déterminé la voie que je me suis enfin décidée à emprunter, celle de la passion irrépressible ; c’est aussi la perspective de découvrir ou redécouvrir de grands auteurs, une image de la société britannique avec tout ce qu’elle reflète de fantaisie désenchantée et enchanteresse, de pessimisme enchanté, de romantisme sombre, d’élégance triste, d’audace flegmatique et de réjouissants paradoxes et oxymores… et la perspective de jubilatoires frissons cinéphiliques . Dinard a priori si sombre et pourtant si accueillante, auréolée de sa très hitchcockienne et resplendissante noirceur facétieuse, est à l’image de ce cinéma qui possède à la fois le visage tourmenté et attendrissant de Timothy Spall et celui robuste et déterminé de Daniel Craig, un cinéma qui excelle dans les comédies romantiques (de Richard Curtis, de Mike Newell…) mais aussi dans des films ancrés dans la réalité sociale, un cinéma qui, récemment encore, à Dinard, nous a fait chavirer avec la complainte mélancolique de John Carney dans « Once » ou qui nous a ouvert les yeux sur les plaies de la société contemporaine avec le percutant « It’s a free world » de Ken Loach ou le tristement intemporel « Pierrepoint » d’Adrian Shergold, bref un cinéma éclectique qui sait concilier Histoire et contemporanéité, « raisons et sentiments », une fenêtre ouverte sur des mondes, garanties d’un avenir que je souhaite aussi lucide et radieux au Festival du Film Britannique de Dinard, incomparable antre de passions et découvertes cinématographiques qui a fait chavirer le cours de mon destin.
Before 1999, Dinard for me was a deliciously timeless place magnified by the wonderful emerald colour of its coastline, and a paradoxical odour of childhood and eternity watched over maliciously by the statue of my favourite director, the great Alfred Hitchcock.
In September 1999 I noticed a call for candidates in a local newspaper, to enter a competition which could lead to being a member of the jury of the British Film Festival. I already had wonderful memories of being one of the young jury members of the Paris Film Festival the previous year and was very keen to renew the experience. Since I am particularly interested in British cinema the challenge was even greater. So I applied thinking that the single page requested seemed far too short a space in which to express my absolute passion for film and for British films in particular as they represent a bridgehead between American and European cinema. I described my admiration for Ken Loach’s style of realism and its origins in Free Cinema. I also referred to the poetry to be found in David Lean’s films, to the prevariactions in Richard Attenborough’s « Shadowlands » but above all « Dangerous Liasions » by Stephen Frears, Mark Herman’s « Brassed Off » and for the remarkable truthfulness in Mike Leigh’s films. Five days before the festival started I received the good (and scary) news that I had been chosen out of some two hundred other applicants and was to become a member of the jury of the 10th British Film Festival of Dinard presided by Jane Birkin.
Impossible for someone who has never sat on a jury to imagine what an exciting, rewarding, exceptional experience it is and the extent to which so many emotions can be encompassed in such activity somehow banishing the fragile barrier between film and real life takiing us into a strange and betwitching whirlwind while time stood still. At the time I was torn between studying cinema and political sciences and I was staggered to find myself a part of a jury of artists I admired (even more so now) starting with the president, Jane Birkin, a person of incomparable sympathy yet full of joyful excentricity mixed with nostalgia and sadness, then there were Etienne Daho, Julian Barnes, Daniel Prévost. I came to know Tom Hollander and Mark Addy. I also discovered with pleasure that in common with all great people and like the festival itself, they shared the qualities of modesty, simplicity and friendliness. I have never really had the chance to thank either them or the Festival Director, Hussam Hindi, for the warm welcome I received. Thanks to this book, published ten years later, I am now given the opportunity to do so. Not only did I discover a film festival from a different angle with high minded and exhilarating discussions but I also discovered wider aspects to British cinema than I had expected through the films selected in competition. This is characterised by the two films singled out by the jury. « Following » a magnificient dark thriller by a certain Christopher Nolan (which was awarded the silver Hitchcock) first feature from a film maker who was soon to make his mark two years later with « Memento » and the crazy burlesque « Human Traffic » by Justin Kerrigan which was awarded the Golden Hitchcock.. This tenth edition was the most memorable one so far to the minds of regular festival goers. Since then I have served as a jury member in ten other festivals and have attended many others from Deauville to Cannes, but my special memory of Dinard will never fade because of my triple passion for cinema in general, British cinema in particular and for the Dinard Festival itself. I fell in love with this festival, which I discovered under strange and privileged conditions, and this impression has not changed since: a user-friendly festival where guests and festival goers are the real stars – not tthe organisers. The diversity of British cinema is also made apparent through the choice of the guests, many of whom, subsequently and understandably, become regulars. Also must be mentioned the judicious choices of people receiving tributes and new talents soon to become well known names: Danny Boyle, Peter Cattaneo, Stephen Daldry, Paul Greengrass, Peter Webber, Shane Meadows…. ! Going back to Dinard whenever I can always brings back the sweet memories of those magic moments (and the years I can’t attend it always seems to me that I have missed something important) and which led me to follow the course I am on today following a real passion. It is also the occasion to discover or rediscover established ‘auteurs’, a vision of British society with all it projects in the way of disenchanted yet enchanting fantasy, of pessimism, dark romanticism, sad elegance, phlegmatic daring and joyful pardoxes and oxymorons with the prospect of enjoyable film loving shivers. Dinard seems so sober yet is so welcoming, under the star of supreme film-maker Hitchcock , reflecting this cinema which has both the features of Timothy Spall (tormented and moving) and those of Daniel Craig, (rugged and determined). A cinema that excells in romantic comedies (by Richard Curtis or Mike Newell) but also in films anchored in social reality as was the case recently in Dinard with John Carney’s film « Once » or Ken Loach’s « It’s a Free World » which opened our eyes to the wounds of contemporary society.
I wish the British Film Festival of Dinard a radiant future and thank it for having dictated my destiny.
Adapter un fait divers aussi médiatique soit-il (ou justement parce qu’il est aussi médiatique) n’est jamais facile, d’abord parce qu’il faut respecter les droits des parties en cause, ensuite parce que réussir à susciter et maintenir l’intérêt du public avec des faits connus de tous nécessite une certaine maîtrise du récit.
C’était ici d’autant plus difficile que le fait divers est relativement récent et toujours très présent dans les esprits puisqu’il remonte au 24 juin 1991 avec l’assassinat de Ghislaine Marchal retrouvée morte dans sa villa de Mougins. Des lettres tracées avec le sang de la victime accusent : « Omar m’a tuer ». Quelques jours plus tard, Omar Raddad (Sami Bouajila), son jardinier, est écroué à la prison de Grasse. Il parle peu et comprend mal le français. Dès lors, il est le coupable évident….et idéal. Il n’en sortira que 7 ans plus tard, gracié, mais toujours coupable aux yeux de la justice. En 1994, révolté par le verdict, Pierre-Emmanuel Vaugrenard (Denis Podalydès), écrivain convaincu de l’innocence d’Omar Raddad ou du moins trouvant une belle opportunité dans la défense de son innocence, s’installe à Nice pour mener sa propre enquête et rédiger un ouvrage sur l’affaire…
C’est Rachid Bouchareb qui devait initialement réaliser ce film consacré à « L’affaire Raddad ». Le succès d’« Indigènes » en a décidé autrement. Après s’être vu proposer le rôle d’Omar, Roschdy Zem a finalement décidé de diriger lui-même le film, son second long-métrage après l’excellent « Mauvaise foi » en 2006. Le scénario originel a ainsi été écrit par Rachid Bouchareb et Olivier Lorelle. Le scénario s'inspire de deux ouvrages : « Pourquoi moi ? » dans lequel Omar Raddad livre son témoignage sur cette épreuve et « Omar : la construction d'un coupable » du romancier Jean-Marie Rouard, un livre-enquête qui dénonce les défaillances de la justice au moment de cette affaire criminelle et le lynchage médiatique dont a alors été victime Omar Raddad.
Afin d’apporter du rythme à l’histoire, les scénaristes ont eu la bonne idée de montrer les destins croisés de l’accusé Omar Raddad et de l’écrivain dandy qui écrit un livre sur ce dernier, sans doute pas seulement pour de nobles raisons, épris au moins autant d’ambition que de justice, mais cela permet en tout cas de révéler les multiples zones d’ombre de l’enquête : aucune trace de sang détectée sur les vêtements qu'Omar Raddad portait au moment du crime, ses empreintes n'apparaissent nulle part sur les lieux du crime, les gendarmes se sont débarrassés de l'appareil photo qui contenait des clichés pris par la victime peu avant son décès, son corps a été incinéré moins d'une semaine après le meurtre, alors que de nouvelles autopsies auraient dû être effectuées…sans oublier les deux phrases "Omar m'a tuer" et "Omar m'a t" écrites de manière lisible, avec les lettres bien détachées alors que Mme Marchal était dans l’obscurité…et avec cette faute d’orthographe reprise dans le titre du film, d’autant plus étrange lorsqu’on sait que Ghislaine Marchal était férue de littérature et en particulier de Sagan, le nom de sa villa étant même inspiré de celui du roman « La Chamade » (que je vous recommande vivement par ailleurs).
Plutôt que de s’attaquer aux médias et à la justice et à leur violence aveugle (traiter de l’implacable machine médiatique et judiciaire aurait d’ailleurs été un autre point de vue intéressant), Roschdy Zem a préféré réaliser un film à hauteur d’homme et dresser le portrait d’un homme simple démuni face à l’implacable machine judiciaire sans nier qu’il dépensait beaucoup au jeu (on l’a aussi accusé de dépenser pour des prostituées…mais personne n’est jamais parvenu à le prouver). Démuni parce que ne possédant pas la maîtrise du langage et son premier interrogatoire par des gendarmes montre de manière flagrante l’incompréhension, l’angoisse qui le saisissent, dans toute son humanité désarmée. Ce film est aussi un plaidoyer pour les mots, la maîtrise du langage, véritable arme (celle dont se sert l’écrivain et celle dont Omar est démuni) et instrument de pouvoir. Les mots qui l’accuseront, aussi.
Comme souvent dans les films réalisés par des acteurs, l’interprétation est remarquable pas seulement grâce à la direction d’acteurs de Roschdy Zem mais évidemment aussi grâce à l’interprétation de Sami Bouajila qui interprète Omar Raddad avec sobriété, sans jamais en faire trop, mais interprétant l’homme dans toute sa dignité bafouée, sa fragilité, presque sa candeur. Dans un regard ou un silence, il parvient ainsi à exprimer toute la détresse d’un homme, sans parler évidemment de la performance physique (perte de poids, apprentissage du marocain).
Roschdy Zem a eu l’intelligence de mettre en avant le coupable (devenu la seconde victime de cette histoire) plutôt que sa réalisation qui se contente de poser sa caméra sur pied ou sur des rails pour les scènes de l’écrivain qui « maîtrise » (sa situation, le langage) et de porter la caméra à l’épaule pour filmer les scènes plus fébriles liées à Omar Raddad (désarmé, perdu). Il n’oublie pas non plus la victime initiale en en dressant le portrait d’une femme libre, plutôt iconoclaste dont on ne souhaitait visiblement pas voir le passé révélé au grand jour !
Un film de compassion, d’humanité poignante qui témoigne autant de celle de celui dont il raconte l’histoire que de celle de celui qui se trouve derrière la caméra, comme c’était d’ailleurs déjà le cas dans son premier film « Mauvaise foi ».
Denis Podalydès est juste dans le rôle de cet écrivain parisien à mille lieux de l’univers de celui qu’il prétend défendre et Maurice Bénichou dans celui de l’avocat Vergès qui trouvera en Omar son « premier innocent ».
En attendant, le mystère demeure : les deux ADN masculins retrouvés sur les lieux du crime et qui ne correspondent ni l'un ni l'autre à celui d'Omar Raddad demeurent non identifiés. La Cour de révision, en charge du dossier a malgré cela décidé en 2002 de ne pas rejuger l'homme, qui reste toujours coupable aux yeux de la justice tout en ayant bénéficié de la grâce présidentielle de Jacques Chirac. Et surtout demeure l’honneur bafoué d’Omar Raddad, un homme physiquement libre et mentalement emprisonné. A défaut de plaider ouvertement pour son innocence, le film plaide, avec compassion, pudeur et sobriété, pour une réouverture de l’enquête et une réhabilitation d’un homme privé du pouvoir des mots, que le pouvoir de quatre mots à a jamais enfermé et à qui le pouvoir d’un seul mot pourrait rendre la liberté.
Ce soir, sur France 3, à 20H45, je vous recommande "Les Emotifs anonymes" de Jean-Pierre Améris, l'occasion aussi de vous inciter à (re)voir le dernier film du cinéaste, "L'homme qui rit" dont vous pourrez également retrouver ma critique, ci-dessous.
Critique - "Les émotifs anonymes" de Jean-Pierre Améris
La comédie française se porte bien : après le réjouissant « Tout ce qui brille », le pétillant « De vrais mensonges », le romantique « L’Arnacoeur », le décalé « La reine des pommes », le sucré acide « Potiche » cette année 2010 s’achève par une comédie qui n’est pas la plus clinquante ni la plus formatée mais sans aucun doute la plus attachante à des années lumière d’une « comédie » désolante, démagogique et opportuniste comme « Fatal ».
Le gérant d’une chocolaterie au prénom aussi improbable que ses costumes démodés est un grand émotif. Jean-René (Benoît Poelvoorde) donc, puisque tel est ce fameux prénom suranné, cherche à employer une nouvelle commerciale. Angélique (Isabelle Carré) est la première à se présenter. Chocolatière de talent, elle est au moins aussi émotive que Jean-René, participant même à des séances des «Emotifs anonymes ». Entre eux le charme opère immédiatement, malgré leurs maladresses, leurs hésitations, leurs regards fuyants. Seulement leur timidité maladive tend à les éloigner…
Quant la mode est aux cyniques célèbres, un film qui s’intitule « Les Emotifs anonymes » est déjà en soi rafraîchissant et j’avoue avoir d’emblée beaucoup plus de tendresse pour les seconds. Cela tombe bien : de la tendresse, le film de Jean-Pierre Améris en regorge. Pas de la tendresse mièvre, non. Celle qui, comme l’humour qu’il a préféré judicieusement employer ici, est la politesse du désespoir. Jean-Pierre Améris connaît bien son sujet puisqu’il est lui-même hyper émotif. J’en connais aussi un rayon en émotivité et évidemment à l’entendre je comprends pourquoi son film (me) touche en plein cœur et pourquoi il est un petit bijou de délicatesse.
La première grande idée est d’avoir choisi pour couple de cinéma Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré déjà réunis dans « Entre ses mains », le très beau film d’Anne Fontaine. Poelvoorde donne ici brillamment corps (mal à l’aise, transpirant, maladroit), vie (prévoyante et tétanisée par l’imprévu) et âme (torturée et tendre) à cet émotif avec le mélange de rudesse involontaire et de personnalité à fleur de peau caractéristiques des émotifs et Isabelle Carré, elle aussi à la fois drôle et touchante, sait aussi nous faire rire sans que jamais cela soit aux dépends de son personnage. L’un et l’autre sont pour moi parmi les plus grands acteurs actuels, capables de tout jouer et de nous émouvoir autant que de nous faire rire. Ici ils font les deux, parfois en même temps. Poelvoorde en devient même beau à force d’être touchant et bouleversant, notamment lorsqu’il chante, dans une scène magnifique que je vous laisse découvrir. Le film de Jean-Pierre Améris est ainsi à l’image de l’entreprise de chocolaterie vacillante de son personnage principal : artisanal mais soigné, à taille humaine, et terriblement touchant.
La (première) scène du restaurant est un exemple de comédie et symptomatique du ton du film, de ce savant mélange de sucreries, douces et amères, de drôlerie et de tendresse. Cette scène doit (aussi) beaucoup au jeu des acteurs. Leur maladresse dans leurs gestes et leurs paroles (leurs silences aussi), leurs mots hésitants, leurs phrases inachevées, leurs regards craintifs nous font ressentir leur angoisse, l’étirement du temps autant que cela nous enchante, nous amuse et nous séduit.
Le deuxième est le caractère joliment désuet, intemporel du film qui ne cherche pas à faire à la mode mais qui emprunte ses références à Demy ou à des pépites de la comédie comme « The shop around the Corner » de Lubitsch avec ses personnages simples en apparence, plus compliqués, complexes et intéressants qu’il n’y paraît sans doute à ceux qui préfèrent les cyniques célèbres précités.
Avec son univers tendrement burlesque, avec ses couleurs rouges et vertes, Jean-Pierre Améris nous embarque dans ce conte de noël qui se déguste comme un bon chocolat à l’apparence démodée mais qui se révèle joliment intemporel. Un film tout simplement délicieux, craquant à l’extérieur et doux et fondant à l’intérieur qui vous reste en mémoire...comme un bon chocolat à la saveur inimitable.
Jean-Pierre Améris m’avait déjà bouleversée avec « C’est la vie » et « Poids léger », maintenant en plus il nous fait rire. Vivement le prochain film du cinéaste et vivement le prochain film avec Isabelle Carré ET Benoît Poelvoorde ! Si vous n’avez pas encore vu ce film allez-y de préférence le 25 décembre, vous ferez en plus une bonne action. Un film qui fait du bien comme celui-ci, c'est vraiment l'idéal un jour de noël et vous auriez tort de vous en priver.
En bonus, regardez le clip de "Big jet lane" d'Angus et Julia Stone, très belle bo qui prolonge le film.
Critique de "L'homme qui rit" de Jean-Pierre Améris
Comme étais-je passée à côté de ce roman de Victor Hugo ? Mystère… La sortie du film a pour moi été l’occasion de cette magnifique découverte, d’un texte ardu mais passionnant, riche de multiples digressions, d’une langue admirable (évidemment), et surtout d’un personnage monstrueusement séduisant auquel tous ceux qui se sont un jour sentis différents pourront s’identifier : Gwynplaine sur lequel Jean-Pierre Améris a eu la bonne idée de centrer son film.
Alors que la tempête de neige fait rage, Ursus (Gérard Depardieu), le forain en apparence revêche mais généreux, recueille deux orphelins dans sa roulotte. Le premier de ces deux orphelins, c’est Gwynplaine, un jeune garçon dont une cicatrice qui ressemble à un rire insolemment triste barre le visage, l’œuvre des Comprachicos (un mot qui est une invention de Victor Hugo provenant de l'espagnol comprar -qui signifie acheter- et chicos -qui signifie enfant- signifiant donc «acheteurs d’enfants»), spécialisés dans le commerce d'enfants, qu'ils achètent ou volent et revendent après les avoir mutilés. L’autre enfant, c’est Déa une petite fille aveugle que ce dernier a trouvée sur son chemin. Quelques années plus tard, ils sillonnent toujours les routes et présentent un spectacle dont Gwynplaine (Marc-André Grondin) alors adulte, est devenu la vedette, accompagné de Déa (Christa Théret), également sur scène. Partout, on souhaite voir « L’homme qui rit » celui qui fait rire et émeut les foules mais un autre théâtre, bien plus redoutable, celui de l’aristocratie, va l’éloigner de ceux qu’il aime et qui l’aiment…
Hugo a écrit « L’homme qui rit » entre 1866 et 1869 durant son exil politique dans les îles Anglo-Normandes. Adapter les 750 pages de ce roman était un véritable défi tant le roman est foisonnant, allégorique aussi, et tant l’auteur digresse sur la politique, la philosophie et même l’architecture. Jean-Pierre Améris et Guillaume Laurant (notamment scénariste de films de Jean-Pierre Jeunet dont « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ») ont réalisé un incroyable travail d’adaptation et ont eu l’excellente idée de transposer le roman qui se déroule dans l’Angleterre du XVIIème sicèle dans un lieu et une époque imprécis (le film a été tourné en studios à Prague) et surtout d’en faire un conte sombre, et ainsi fascinant. Pour rendre l’histoire plus moderne et accessible, Jean-Pierre Améris a volontairement utilisé des éléments plus contemporains, pour les dialogues mais aussi pour les costumes, comme l'avaient fait Baz Luhrmann pour "Roméo et Juliette" ou Sofia Coppola pour "Marie-Antoinette".
Dès les premiers plans dans la neige et la tempête, la poésie lugubre et la féérie sombre des images captivent. Du roman baroque d’Hugo Jean-Pierre Améris a fait une fable intemporelle d’une beauté triste mais ensorcelante. C’est un magnifique roman (et film) sur la différence, la dualité, entre blancheur et noirceur, entre beauté et laideur, entre théâtre et réalité, entre aveuglement et clairvoyance, des contrastes que l’esthétique du film souligne magnifiquement et dont elle souligne aussi les paradoxes. « Qu’est-ce que ça veut dire être laid ? Laid c’est faire le mal ! Toi tu me fais du bien », résume si bien l’aveugle et sensible Déa.
La vie est à la fois sublimée et plus réelle sur les planches comme elle peut l’être dans « Le Carrosse d’or », « Les enfants du paradis », « Le dernier métro » et c’est là que l’amour impossible de Déa (la jeune aveugle qui voit la beauté de l’âme, allégorie simple et tellement magnifique) et Gwynplaine est le plus éclatant. La monstruosité, le théâtre, la noirceur se situent finalement dans la réalité et du côté de l’aristocratie comme dans le « Ridicule » de Patrice Leconte. « Ne quitte jamais les planches. Ici les gens t’aimeront, mais dans la vie réelle, ils te feront souffrir » le prévient pourtant Ursus mais pour son plus grand malheur, Gwynplaine ne l’écoutera pas…
Jean-Pierre Améris (dont j’ai découvert le cinéma avec « C’est la vie » et « Poids léger » que je vous recommande vivement et dont le dernier film « Les Emotifs anonymes » était une comédie très réussie), pour son 12ème film, est une nouvelle fois attiré par une histoire de marginaux qu’il sait si bien comprendre et pour lesquels il sait si bien susciter de l’empathie. Il a ainsi fait de Gwynplaine un personnage éminemment séduisant : innocent, révolté, libre, d’une laideur attrayante. Gwynplaine est moins connu que Quasimodo et pourtant sa belle monstruosité a énormément inspiré les artistes, à commencer par Tim Burton pour « Edward aux mains d’argent ». Le film de Jean-Pierre Améris, sans jamais le singer, m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à l’univers du cinéaste américain par sa beauté baroque, entre rêve et cauchemar, par ses personnages d’une beauté étrange et fascinante (très felliniens, aussi), par sa mise en scène inspirée. Tim Burton n’était d’ailleurs pas le seul à avoir été inspiré par Gwynplaine. Les dessinateurs Jerry Robinson et Bob Kane reconnaissaient ainsi volontiers s’être inspirés de Gwynplaine pour le personnage du Joker, dans les comics Batman. Et le roman d’Hugo est longuement évoqué dans « Le Dahlia noir » de James Ellroy, présent également dans l'adaptation cinématographique de Brian De Palma.
C’est aussi un très bel hymne à la différence, et à ceux qui se battent pour les autres (Hugo était un écrivain engagé, Jean-Pierre Améris, l’est aussi à sa manière dans chacun de ses films ou même teléfilms comme « Maman est folle »). Magnifique scène de la tirade au Parlement ! Il s’agit d’un discours exalté dans lequel Marc-André Grondin met beaucoup d’éloquence et de conviction : « Ce qu’on fait à ma bouche, c’est ce qu’on fait au peuple. On le mutile » dit-il notamment (le texte, magnifique, est là repris de Hugo). Marc-André Grondin apporte toute sa beauté, sa fraîcheur à ce homme bouleversant caché derrière ce masque tragiquement rieur, se mettant ainsi à nu, dévoilant son visage mais surtout sa belle âme, face à la vraie monstruosité.
Le film bénéficie aussi d’un casting impeccable : outre Marc-André Grondin, Gérard Depardieu impose sa force tranquille et sa générosité (au passage, que les pseudo-politiquement corrects laissent tranquille cet homme terriblement libre, vivant, cet immense artiste, plutôt que d’utiliser sa vie personnelle pour, probablement, exprimer une certaine rancœur, voire jalousie, et qu’ils s’engagent et mettent leur énergie vindicative au service de causes qui en sont vraiment). J’espère que cela permettra aussi à certains de découvrir Swann Arlaud que j’avais découvert au Festival de Cabourg dans le court-métrage « Alexis Ivanovich vous êtes mon héros » de Guillaume Gouix dans lequel il incarne admirablement un personnage radieux et joyeusement désinvolte qui, en une fraction seconde, blessé dans son orgueil, va tout remettre en question, découvrant ne pas être le héros qu’il aurait aimé être aux yeux de son amoureuse. Emmanuelle Seigner est une incarnation sublime de la tentation diabolique et finalement, malgré tout, touchante (comme chez Hugo, même ou car monstrueux, ses personnages restent humains), et comme elle le dit elle-même, le visage de Gwynplaine est le reflet de son âme sombre. Enfin, Christa Théret dont le visage est si expressif (à voir aussi absolument dans « Renoir », dans un rôle très différent dans lequel elle excelle également) est la tentation angélique, incarnation du mélange de force et de fragilité, d’aveuglement et de clairvoyance.
Mon seul reproche concerne le montage, et la durée, l’impression que la fin est un peu brusque…et que sans digresser autant que le fait Hugo dans son livre, le film aurait encore gagné en densité en gagnant un peu en longueur.
Ce film est néanmoins vraiment un enchantement, un enchantement mélancolique, la forme reflétant ainsi le fond et toutes les sublimes dualités que l’histoire recèle. C’est aussi un opéra moderne ( la musique a été enregistrée à Londres avec un orchestre de 65 musiciens et elle apporte une force lyrique au film) . C’est également une histoire d’amour absolu, idéalisée, intemporelle (elles sont trop rares au cinéma pour s’en priver). C’est enfin un film universel au dénouement bouleversant. N’ayez pas peur de l’humour grinçant, la noirceur, la tragédie, ils sont sublimés par un personnage émouvant qui à la fois nous ressemble si peu et tellement (pour peu que nous nous sentions un tout petit peu différents) et un univers fascinant, poignant : celui d’un conte funèbre et envoûtant. La très belle surprise de cette fin d’année.
Quelques citations extraites du livre « L’homme qui rit » de Victor Hugo, pour terminer :
« Les aristocrates ont pour orgueil ce que les femmes ont pour humiliation, vieillir. » « De telles innocences dans de telles ténèbres, une telle pureté dans un tel embrassement, ces anticipations sur le ciel ne sont possibles qu'à l'enfance, et aucune immensité n'approche de cette grandeur des petits. » « Ca doit se fourrer dans des trous, le bonheur. Faites-vous encore plus petits que vous n'êtes, si vous pouvez. Dieu mesure la grandeur du bonheur à la petitesse des heureux. Les gens contents doivent se cacher comme des malfaiteurs. » « Deux coeurs qui s'aiment, n'allez pas chercher plus loin la poésie; et deux baisers qui dialoguent, n'allez pas chercher plus loin la musique. »
L’homme qui rit a été présenté en clôture de la 69ème Mostra de Venise.