IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 266
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Après la présentation au Festival de Cannes de son dernier film "Vous n'avez encore rien vu" dont je vous ai dit à quel point il m'avait éblouie et fascinée, le cinéma LeChampo rend un hommage à Alain Resnais en 18 films à voir et à revoir, du 13 au 19 juin. Un festival de film à ne pas manquer.
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Vidéo de la clôture et du palmarès du Champs-Elysées Film Festival 2012
Je vous ai parlé ici à plusieurs reprises du Champs-Elysées Film Festival dont c'était la première édition (réussie) et qui s'est achevé avant-hier au cinéma Publicis sur les Champs-Elysées. Le festival dont les présidents d'honneur étaient Michael Madsen (prochainement à suivre sur ce blog, les meilleurs moments de sa fantastique Masterclass) et Lambert Wilson permettait aussi au public de voter. Je vous laisse découvrir le palmarès en vidéo, vous verrez qu'un (célèbre) lauréat était particulièrement heureux de son prix...
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Critiques de films romantiques en attendant l’ouverture du Festival du film de Cabourg 2012
Ce soir s’ouvrira la 26ème édition du Festival du Film de Cabourg consacrée au cinéma romantique. Lorsque j’avais fait partie du jury des courts-métrages de ce festival, en 2002, je me souviens que nous avions eu un débat passionné et passionnant sur la définition du cinéma romantique trop souvent confondu avec « la comédie romantique », déclinaison du cinéma romantique qui obéit à des codes (pour ne pas dire des clichés) bien précis. Pour moi, un film romantique, en revanche, ne se caractérise pas forcément par un happy end que l’on devine d’ailleurs dès les premières minutes (c'est aussi le principe) mais plutôt par une évocation de la passion amoureuse, ou du moins de l’amour qu’il soit partagé ou contrarié, heureux ou malheureux (dans les exemples choisis, c’est d’ailleurs plus souvent la seconde option).
A l’occasion de l’ouverture du festival, je vous propose donc quelques critiques de films romantiques qui sont autant de classiques du cinéma, et qui sont pour moi parmi les meilleurs films du genre (même si certains contesteront sans doute l'appartenance à ce genre pour certains des films choisis). Les films dont vous retrouverez les critiques ci-dessous coïncident donc avec mes films romantiques préférés auxquels il faudrait ajouter « In the mood for love » (évidemment…), « Les enfants du Paradis », « Autant en emporte le vent », « Docteur Jivago », « Elle et lui », « La boutique au coin de la rue », « Les lumières de la ville », « Le Patient anglais », "Quatre mariages et un enterrement", « Anna Karénine », désormais "The Artist" et quelques autres que j’oublie certainement… Et vous, quels sont vos films romantiques incontournables?
QUElQUES CRITIQUES DE FILMS ROMANTIQUES...:
Critique de « Casablanca » de Michael Curtiz
On ne présente plus « Casablanca » ni Rick Blaine (Humphrey Bogart), le mystérieux propriétaire du bigarré Café Américain. Nous sommes en 1942, à Casablanca, là où des milliers de réfugiés viennent et échouent des quatre coins de l'Europe, avec l'espoir fragile d'obtenir un visa pour pouvoir rejoindre les Etats-Unis. Casablanca est alors sous le contrôle du gouvernement de Vichy. Deux émissaires nazis porteurs de lettres de transit sont assassinés. Ugarte (Peter Lorre), un petit délinquant, les confie à Rick alors qu'il se fait arrêter dans son café. C'est le capitaine Renault (Claude Rains), ami et rival de Rick, qui est chargé de l'enquête tandis qu'arrive à Casablanca un résistant du nom de Victor Laszlo (Paul Henreid). Il est accompagné de sa jeune épouse : la belle Ilsa (Ingrid Bergman). Rick reconnaît en elle la femme qu'il a passionnément aimée, à Paris, deux ans auparavant...
Casablanca est un film qui contient plusieurs films, plusieurs histoires potentielles esquissées ou abouties, plusieurs styles et tant de destins qui se croisent.
Plusieurs films d'abord. Casablanca est autant le portrait de cette ville éponyme, là où tant de nationalités, d'espoirs, de désespoirs se côtoient, là où l'on conspire, espère, meurt, là où la chaleur et l'exotisme ne font pas oublier qu'un conflit mondial se joue et qu'il est la seule raison pour laquelle des êtres si différents se retrouvent et parfois s'y perdent.
C'est ensuite évidemment l'histoire de la Résistance, celle de la collaboration, l'Histoire donc.
Et enfin une histoire d'amour sans doute une des plus belles qui ait été écrite pour le cinéma. De ces trois histoires résultent les différents genres auxquels appartient ce film : vibrante histoire d'amour avant tout évidemment, mais aussi comédie dramatique, film noir, mélodrame, thriller, film de guerre.
Peu importe le style auquel il appartient, ce qui compte c'est cette rare alchimie. Cette magie qui, 70 ans après, fait que ce film est toujours aussi palpitant et envoûtant.
L'alchimie provient d'abord du personnage de Rick, de son ambiguïté. En apparence hautain, farouche individualiste, cynique, velléitaire, amer, il se glorifie ainsi de « ne jamais prendre parti », de « ne prendre de risque pour personne » et dit qu' « alcoolique » est sa nationalité ; il se révèle finalement patriote, chevaleresque, héroïque, déterminé, romantique. Evidemment Humphrey Bogart avec son charisme, avec son vieil imper ou son costume blanc (qui reflètent d'ailleurs le double visage du personnage), sa voix inimitable, sa démarche nonchalante, ses gestes lents et assurés lui apporte un supplément d'âme, ce mélange de sensibilité et de rudesse qui n'appartient qu'à lui. Un personnage aux mille visages, chacun l'appelant, le voyant aussi différemment. Auparavant surtout connu pour ses rôles de gangsters et de détectives, Humphrey Bogart était loin d'être le choix initial (il fut choisi après le refus définitif de George Raft) tout comme Ingrid Bergman d'ailleurs (Michèle Morgan, notamment, avait d'abord été contactée), de même que le réalisateur Michael Curtiz n'était pas le choix initial de la Warner qui était William Wyler. On imagine désormais mal comment il aurait pu en être autrement tant tous concourent à créer cette alchimie...
Ensuite cette alchimie provient évidemment du couple qu'il forme avec Ingrid Bergman qui irradie littéralement l'écran, fragile, romanesque, nostalgique, mélancolique notamment grâce à une photographie qui fait savamment briller ses yeux d'une tendre tristesse. Couple romantique par excellence puisque leur amour est rendu impossible par la présence du troisième personnage du triangle amoureux qui se bat pour la liberté, l'héroïque Victor Laszlo qui les place face à de cruels dilemmes : l'amour ou l'honneur. Leur histoire personnelle ou l'Histoire plus grande qu'eux qui tombent « amoureux quand le monde s'écroule ». L'instant ou la postérité.
Et puis il y a tous ces personnages secondaires : Sam (Dooley Wilson), le capitaine Renault, ... ; chacun incarnant un visage de la Résistance, de la collaboration ou parfois une attitude plus ambiguë à l'image de ce monde écartelé, divisé dont Casablanca est l'incarnation.
Concourent aussi à cette rare alchimie ces dialogues, ciselés, qui, comme le personnage de Rick oscillent entre romantisme noir et humour acerbe : « de tous les bistrots, de toutes les villes du monde c'est le mien qu'elle a choisi ». Et puis ces phrases qui reviennent régulièrement comme la musique de Sam, cette manière nonchalante, presque langoureuse que Rick a de dire « Here's looking at you, kid » .
Et comme si cela n'était pas suffisant, la musique est là pour achever de nous envoûter. Cette musique réminiscence de ces brefs instants de bonheur à Paris, entre Rick et Ilsa, à « La Belle Aurore » quand l'ombre ne s'était pas encore abattue sur le destin et qu'il pouvait encore être une « belle aurore », ces souvenirs dans lesquels le « Play it again Sam » les replonge lorsque Ilsa implore Sam de rejouer ce morceau aussi célèbre que le film : « As time goes by » ( la musique est signée Max Steiner mais « As time goes by » a été composée par Herman Hupfeld en 1931 même si c'est « Casablanca » qui l'a faîte réellement connaître).
Et puis il y a la ville de Casablanca d'une ensorcelante incandescence qui vibre, grouille, transpire sans cesse de tous ceux qui s'y croisent, vivent de faux-semblants et y jouent leurs destins : corrompus, réfugiés, nazis, collaborateurs... .
Des scènes d'anthologie aussi ont fait entrer ce film dans la légende comme ce combat musical, cet acte de résistance en musique (les partisans des Alliés chantant la Marseillaise couvrant la voix des Allemands chantant Die Wacht am Rhein, et montrant au détour d'un plan un personnage changeant de camp par le chant qu'il choisit) d'une force dramatique et émotionnelle incontestable. Puis évidemment la fin que les acteurs ne connaissaient d'ailleurs pas au début et qui fut décidée au cours du tournage, cette fin qui fait de « Casablanca » sans doute une des trois plus belles histoires d'amour de l'histoire du cinéma. Le tournage commença ainsi sans scénario écrit et Ingrid Bergman ne savait alors pas avec qui son personnage partirait à la fin, ce qui donne aussi sans doute à son jeu cette intrigante ambigüité. Cette fin( jusqu'à laquelle l'incertitude est jubilatoire pour le spectateur) qui rend cette histoire d'amour intemporelle et éternelle. Qui marque le début d'une amitié et d'un engagement (le capitaine Renault jetant la bouteille de Vichy, symbole du régime qu'il représentait jusqu'alors) et est clairement en faveur de l'interventionnisme américain (comme un autre film dont je vous parlais récemment), une fin qui est aussi un sacrifice, un combat pour la liberté qui subliment l'histoire d'amour, exhalent et exaltent la force du souvenir (« nous aurons toujours Paris ») et sa beauté mélancolique.
La réalisation de Michael Curtiz est quant à elle élégante, sobre, passant d'un personnage à l'autre avec beaucoup d'habileté et de fluidité, ses beaux clairs-obscurs se faisant l'écho des zones d'ombre des personnages et des combats dans l'ombre et son style expressionniste donnant des airs de film noir à ce film tragique d'une beauté déchirante. Un film qui comme l'amour de Rick et Ilsa résiste au temps qui passe.
Le tout concourant à ce romantisme désenchanté, cette lancinance nostalgique et à ce que ce film soit régulièrement classé comme un des meilleurs films du cinéma mondial. En 1944, il fut ainsi couronné de trois Oscars (meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur film) et l'American Film Institute, en 2007, l'a ainsi classé troisième des cents meilleurs films américains de l'Histoire derrière l'indétrônable « Citizen Kane » et derrière « Le Parrain ».
Le charme troublant de ce couple de cinéma mythique et le charisme ensorcelant de ceux qui les incarnent, la richesse des personnages secondaires, la cosmopolite Casablanca, la musique de Max Steiner, la voix de Sam douce et envoûtante chantant le nostalgique « As time goes by », la menace de la guerre lointaine et si présente, la force et la subtilité du scénario (signé Julius et Philip Epstein d'après la pièce de Murray Burnett et Joan Alison « Everybody comes to Rick's »), le dilemme moral, la fin sublime, l'exaltation nostalgique et mélancolique de la force du souvenir et de l'universalité de l'idéalisme (amoureux, résistant) et du combat pour la liberté font de ce film un chef d'œuvre...et un miracle quand on sait à quel point ses conditions de tournage furent désastreuses.
La magie du cinéma, tout simplement, comme le dit Lauren Bacall : « On a dit de Casablanca que c'était un film parfait évoquant l'amour, le patriotisme, le mystère et l'idéalisme avec une intégrité et une honnêteté que l'on trouve rarement au cinéma. Je suis d'accord. Des générations se plongeront dans le drame du Rick's Café Américain. Et au fil du temps, le charme de Casablanca, de Bogey et de Bergman continuera à nous ensorceler. C'est ça, la vraie magie du cinéma ».
Critique de « Sur la route de Madison » de Clint Eastwood
L’éphémère peut avoir des accents d’éternité, quatre jours, quelques heures peuvent changer, illuminer et sublimer une vie. Du moins, Francesca Johnson (Meryl Streep) et Robert Kincaid (Clint Eastwood) le croient-il et le spectateur aussi, forcément, inévitablement, après ce voyage bouleversant sur cette route de Madison qui nous emmène bien plus loin que sur ce chemin poussiéreux de l’Iowa. Caroline et son frère Michael Johnson reviennent dans la maison où ils ont grandi pour régler la succession de leur mère, Francesca. Mais quelle idée saugrenue a-t-elle donc eu de vouloir être incinérée et d’exiger de faire jeter ses cendres du pont de Roseman, au lieu d’être enterrée auprès de son défunt mari ? Pour qu’ils sachent enfin qui elle était réellement, pour qu’ils comprennent, elle leur a laissé une longue lettre qui les ramène de nombreuses années en arrière, un été de 1965… un matin d’été de 1965, de ces matins où la chaleur engourdit les pensées, et réveille parfois les regrets. Francesca est seule. Ses enfants et son mari sont partis pour un concours agricole, pour quatre jours, quatre jours qui s’écouleront probablement au rythme hypnotique et routinier de la vie de la ferme sauf qu’un photographe au National Geographic, Robert Kincaid, emprunte la route poussiéreuse pour venir demander son chemin. Sauf que, parfois, quatre jours peuvent devenir éternels.
Sur la route de Madison aurait alors pu être un mélodrame mièvre et sirupeux, à l’image du best-seller de Robert James Waller dont il est l’adaptation. Sur la route de Madison est tout sauf cela. Chaque plan, chaque mot, chaque geste suggèrent l’évidence de l’amour qui éclôt entre les deux personnages. Ils n’auraient pourtant jamais dû se rencontrer : elle a une quarantaine d’années et, des années auparavant, elle a quitté sa ville italienne de Bari et son métier de professeur pour se marier dans l’Iowa et y élever ses enfants. Elle n’a plus bougé depuis. A 50 ans, solitaire, il n’a jamais suivi que ses désirs, parcourant le monde au gré de ses photographies. Leurs chemins respectifs ne prendront pourtant réellement sens que sur cette route de Madison. Ce jour de 1965, ils n’ont plus d’âge, plus de passé, juste cette évidence qui s’impose à eux et à nous, transparaissant dans chaque seconde du film, par le talent du réalisateur Clint Eastwood. Francesca passe une main dans ses cheveux, jette un regard nostalgico-mélancolique vers la fenêtre alors que son mari et ses enfants mangent, sans lui parler, sans la regarder: on entrevoit déjà ses envies d’ailleurs, d’autre chose. Elle semble attendre Robert Kincaid avant même de savoir qu’il existe et qu’il viendra.
Chaque geste, simplement et magnifiquement filmé, est empreint de poésie, de langueur mélancolique, des prémisses de leur passion inéluctable : la touchante maladresse avec laquelle Francesca indique son chemin à Robert; la jambe de Francesca frôlée furtivement par le bras de Robert; la main de Francesca caressant, d'un geste faussement machinal, le col de la chemise de Robert assis, de dos, tandis qu’elle répond au téléphone; la main de Robert qui, sans se retourner, se pose sur la sienne; Francesca qui observe Robert à la dérobée à travers les planches du pont de Roseman, puis quand il se rafraîchit à la fontaine de la cour; et c’est le glissement progressif vers le vertige irrésistible. Les esprits étriqués des habitants renforcent cette impression d’instants volés, sublimés.
Francesca, pourtant, choisira de rester avec son mari très « correct » à côté duquel son existence sommeillait, plutôt que de partir avec cet homme libre qui « préfère le mystère » qui l’a réveillée, révélée, pour ne pas ternir, souiller, ces 4 jours par le remord d’avoir laissé une famille en proie aux ragots. Aussi parce que « les vieux rêves sont de beaux rêves, même s’ils ne se sont pas réalisés ».
Et puis, ils se revoient une dernière fois, un jour de pluie, à travers la vitre embuée de leurs voitures respectives. Francesca attend son mari dans la voiture. Robert est dans la sienne. Il suffirait d’une seconde… Elle hésite. Trop tard, son mari revient dans la voiture et avec lui : la routine, la réalité, la raison. Puis, la voiture de Francesca et de son mari suit celle de Robert. Quelques secondes encore, le temps suspend son vol à nouveau, instant sublimement douloureux. Puis, la voiture s’éloigne. A jamais. Les souvenirs se cristalliseront au son du blues qu’ils écoutaient ensemble, qu’ils continueront à écouter chacun de leur côté, souvenir de ces instants immortels, d’ailleurs immortalisés des années plus tard par un album de photographies intitulé « Four days ». Avant que leurs cendres ne soient réunies à jamais du pont de Roseman. Avant que les enfants de Francesca ne réalisent son immense sacrifice. Et leur passivité. Et la médiocrité de leurs existences. Et leur envie d'exister, à leur tour. Son sacrifice en valait-il la peine ? Son amour aurait-il survécu au remord et au temps ?...
Sans esbroufe, comme si les images s’étaient imposées à lui avec la même évidence que l’amour s’est imposé à ses protagonistes, Clint Eastwood filme simplement, majestueusement, la fugacité de cette évidence. Sans gros plan, sans insistance, avec simplicité, il nous fait croire aux« certitudes qui n’arrivent qu’une fois dans une vie » ou nous renforce dans notre croyance qu’elles peuvent exister, c'est selon. Peu importe quand. Un bel été de 1965 ou à un autre moment. Peu importe où. Dans un village perdu de l’Iowa ou ailleurs. Une sublime certitude. Une magnifique évidence. Celle d’une rencontre intemporelle et éphémère, fugace et éternelle. Un chef d’œuvre d’une poésie sensuelle et envoûtante. A voir absolument.
Remarque: La pièce de James Waller dont est tiré le film sera reprise au théâtre Marigny, à Paris, en janvier 2007, et les deux rôles principaux seront repris par Alain Delon et Mireille Darc.
Critique d'« Un cœur en hiver » de Claude Sautet
Maxime (André Dussolier) et Stéphane (Daniel Auteuil) sont (apparemment) amis et travaillent ensemble dans l'atmosphère feutrée d'un atelier de lutherie. Les violons sont toute la vie de Stéphane, contrairement à Maxime qui vient de tomber amoureux d’une jeune violoniste, Camille (Emmanuelle Béart), rapidement intriguée puis attirée par la retenue singulière de Stéphane. Pour Stéphane, véritable « cœur en hiver », ce n’est qu’un jeu dont il conte l’évolution à son amie Hélène (Elisabeth Bourgine). Stéphane semble n’aimer qu’une seule personne au monde : son maître de violon, Lachaume (Maurice Garrel).
Sur la tombe de Claude Sautet au cimetière Montparnasse, il est écrit : « Garder le calme devant la dissonance », voilà probablement la phrase qui définirait aussi le mieux son cinéma et peut-être même le mieux « Un cœur en hiver » : d'abord parce que son cinéma est un cinéma de la dissonance, de l'imprévu, de la note inattendue dans la quotidienneté (ici, l'arrivée de Camille dans la vie de Maxime et par conséquent dans celle de Stéphane comme c’est le cas de l’arrivée de David dans « César et Rosalie » ou de Nelly dans « Nelly et Monsieur Arnaud ») et ensuite parce que cette épitaphe fait référence à la passion de Claude Sautet pour la musique, une passion qui s’exprime pleinement ici puisque la musique est un personnage à part entière. Le tempo des films de Sautet est ainsi réglé comme une partition musicale, impeccablement rythmée, une partition dont on a l'impression qu'en changer une note ébranlerait l'ensemble de la composition.
C’est par elle, la musique, que Camille s’exprime (d’ailleurs Maxime le dira, elle ne se livre que lorsqu’elle joue) : tantôt sa mélancolie, sa violence (ainsi cette scène où elle enregistre en studio et qu’elle manie l’archet comme une lame tranchante), son désarroi, ses espoirs. C’est aussi à travers elle que Stéphane ressent et exprime ses (rares) émotions notamment lorsqu’un « c’est beau » lui échappe après avoir écouté Camille jouer. La musique ici, aussi sublime soit-elle (celle des sonates et trio de Ravel) n’est pas forcément mélodieuse mais exprime la dissonance que connaissent les personnages. C’est un élément d’expression d’une force rare, bien plus que n’importe quel dialogue.
La passion est donc celle pour la musique mais aussi celle qui s’exprime à travers elle, l’autre : la passion amoureuse. Celle qui s’empare de Camille pour cet homme hermétique au regard brillant, transperçant qui la fascine, l’intrigue, la désempare. Le trouble s’empare d’elle dès sa première répétition à laquelle Stéphane assiste. Elle ne parvient pas à jouer, dit qu’elle reprendra un autre jour et puis quand Stéphane quitte la pièce, elle reprend comme si de rien n’était. Ensuite, venue rejoindre Maxime dans l’atelier de lutherie, ce dernier occupé, elle l’attend en compagnie de Stéphane et lui confie ce qu’elle n’avait jamais dit à personne, lui parlant de ses rapports compliqués avec son agent et amie Régine (Brigitte Catillon). Enfin, troisième rencontre déterminante : Stéphane vient la voir jouer, seul, sans Maxime pour la première fois. Ils s’évadent un instant de la répétition pour aller boire un café après avoir traversé la rue sous la pluie. Leurs mains s’effleurent presque subrepticement, négligemment. Stéphane la protège de la pluie avec sa veste. Puis, il l’écoute assis au café, avec son regard scrutateur. Puis, c’est l’absence et le silence de Stéphane mais c’est trop tard : Camille est déjà bouleversée, amoureuse. A priori, racontées ainsi rien d’extraordinaire dans ces trois scènes, pourtant le scénario et la mise en scène de Sautet et surtout ses personnages sont d’une telle richesse que chacune d’elle est plus haletante qu’une scène d’un palpitant thriller. Aucun plan n’est inutile. Comme dans un thriller, chaque plan a une implication sur la résolution.
Tous les films de Sautet se caractérisent d'ailleurs aussi par le suspense (il était fasciné par Ford et Hawks ) : le suspense sentimental avant tout, concourant à créer des films toujours haletants et fascinants. Claude Sautet citait ainsi souvent la phrase de Tristan Bernard : « il faut surprendre avec ce que l'on attend ». On ne peut certainement pas reprocher au cinéma de Claude Sautet d'être démesurément explicatif, c'est au contraire un cinéma de l'implicite, des silences et du non-dit. Pascal Jardin disait de Claude Sautet qu'il « reste une fenêtre ouverte sur l'inconscient ».
Le souffle du spectateur est suspendu à chaque regard (le regard tellement transperçant de Stéphane, ou de plus en plus troublé de Camille) à chaque note, à chaque geste d’une précision rare. Je n’ai encore jamais trouvé au cinéma de personnages aussi « travaillés » que Stéphane, ambigu, complexe qui me semble avoir une existence propre, presque exister en dehors de l’écran. Là encore comme un thriller énigmatique, à chaque fois je l’interprète différemment, un peu aussi comme une sublime musique ou œuvre d’art qui à chaque fois me ferait ressentir des émotions différentes. Stéphane est-il vraiment indifférent ? Joue-t-il un jeu ? Ne vit-il qu’à travers la musique ? « La musique c’est du rêve » dit-il. Ou, selon cette citation de La Rochefoucauld que cite Sautet fait-il partie de ceux qui pensent que« Peu de gens seraient amoureux si on ne leur avait jamais parlé d’amour » ? A-t-il peur d’aimer ? Ou n’y croit-il simplement pas ? Est-il sincère quand il dit avec une froide tranquillité que Maxime n’est pas un ami, juste « un partenaire ».
Le film commence ainsi de nuit dans l’atelier et se termine de jour dans un café et entre ces deux moments, Stéphane passera de l’ombre à la lumière, d’une personnalité ombrageuse à (peut-être, là aussi, l’interprétation varie à chaque visionnage) un homme capable d’aimer. Un personnage assez proche du personnage de Martial dans « Quelques jours avec moi » (un autre film de Sautet méconnu que je vous recommande, où son regard se fait encore plus ironique et acéré, un film irrésistiblement drôle et non dénué de –douce-cruauté). « Les films de Claude Sautet touchent tous ceux qui privilégient les personnages par rapport aux situations, tous ceux qui pensent que les hommes sont plus importants que ce qu'ils font (..). Claude Sautet c'est la vitalité. » disait ainsi Truffaut.
Et puis certaines scènes font pour moi partie des plus belles et cruelles du cinéma. Cette scène où dans une voiture, Camille lui avoue l’amour qu’il lui inspire et se livre à lui, ce à quoi Stéphane répond avec tranquillité, jubilation peut-être, froidement en tout cas : « je ne vous aime pas ». Cette scène me glace le sang à chaque fois. Et puis la scène où Camille veut l’humilier à son tour. Elle se maquille outrageusement, le rejoint au café où il a ses habitudes où il dîne avec son amie Hélène. Camille lui crie sa rancœur, sa passion, cherche à l’humilier. La scène est tranchante, violente et sublime comme la musique de Ravel jouée par Camille.
Et puis comment ne pas parler de la distribution, absolument parfaite, à commencer par Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart, sans aucun doute leurs meilleurs rôles auxquels ils semblent se livrer (ou se cacher) corps et âme, d’autant plus ambigus puisqu’ils vivaient alors ensemble. Emmanuelle Béart est à la fois mystérieuse, sensuelle, forte, fragile, fière, brisée, passionnée et talentueuse (elle apprit ainsi le violon pendant un an). Daniel Auteuil donne vie à ce Stéphane énigmatique, opaque, cinglant, glacial, austère qui se définit lui-même comme sournois, parfois révoltant, parfois touchant avec ce regard perçant, tantôt terriblement là ou terriblement absent. L’un comme l’autre, dans leurs regards, expriment une multitude d’émotions ou de mystères. Mais il ne faudrait pas non plus oublier les seconds rôles : André Dussolier, personnage digne qui échappe au cliché de l’amant trompé et qui obtint d’ailleurs le César du meilleur second rôle. Jean-Luc Bideau qui dans une scène courte mais intense aligne les clichés sur la culture et l’élitisme (magnifique scène de dialogue où là aussi Stéphane dévoile une trouble (et pour Camille troublante) facette de sa personnalité). Myriam Boyer, Brigitte Catillon, Elisabeth Bourgine (les femmes de l’ombre avec, chacune à leur manière, une présence forte et déterminante).
« Un cœur en hiver » obtint le lion d’argent à Venise. Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart passèrent à côté des César de meilleurs acteurs (que leur ravirent Claude Rich pour « Le souper » et Catherine Deneuve, pour « Indochine »). Claude Sautet obtint néanmoins le césar du meilleur réalisateur (le seul avec celui de Dussolier malgré sept nominations) et celui du meilleur film fut cette année-là attribué à Cyril Collard pour « Les nuits fauves ». Tous les postes du film auraient mérités d’être récompensés : le scénario, l’image d’Yves Angelo, le travail sur la musique de Philippe Sarde, le scénario de Jacques Fieschi et Claude Sautet…
On retrouve là encore ce qui caractérise les films de Claude Sautet : les scènes de groupe (dont « Vincent, François, Paul et les autres est le film emblématique) et la solitude dans et malgré le groupe, l'implicite dans ce qui n'est pas- les ellipses- comme dans ce qui est-les regards- (Ah le regard tranchant de Daniel Auteuil! Ah, ce dernier plan !), des scènes de café ( « A chaque film, avouait Sautet, je me dis toujours : non, cette fois tu n'y tournes pas. Et puis, je ne peux pas m'en empêcher. Les cafés, c'est comme Paris, c'est vraiment mon univers. C'est à travers eux que je vois la vie. Des instants de solitude et de rêvasseries. ») les personnages filmés à travers les vitres de ces mêmes cafés, des scènes de pluie qui sont souvent un élément déclencheur, des scènes de colère (peut-être inspirées par les scènes de colère incontournables dans les films de Jean Gabin, Sautet ayant ainsi revu « Le jour se lève » ...17 fois en un mois!), des femmes combatives souvent incarnées par Romy Schneider puis par Emmanuelle Béart, des fins souvent ouvertes et avant tout un cinéma de personnages : César, Rosalie, Nelly, Arnaud, Vincent, François, Paul, Max, Mado, ...et les autres, des personnages égarés affectivement et/ou socialement, des personnages énigmatiques et ambivalents.
On a souvent dit de Claude Sautet était le peintre de la société des années 70 mais en réalité la complexité des sentiments de ses personnages disséquée avec une rare acuité est intemporelle. S'il est vrai que la plupart de ses films sont des tableaux de la société contemporaine, notamment de la société d'après 1968, et de la société pompidolienne, puis giscardienne, et enfin mitterrandienne, ses personnages et les situations dans lesquelles il les implique sont avant tout universels, un peu comme « La Comédie Humaine » peut s'appliquer aussi bien à notre époque qu'à celle de Balzac.
Le personnage de Stéphane ne cessera jamais de m’intriguer, intrigant le spectateur comme il intrigue Camille, exprimant tant d’ambiguïté dans son regard brillant ou éteint. Hors de la vie, hors du temps. Je vous le garantis, vous ne pourrez pas oublier ce crescendo émotionnel jusqu’à ce plan fixe final polysémique qui vous laisse ko et qui n’est pas sans rappeler celui de Romy Schneider à la fin de « Max et les ferrailleurs » ou de Michel Serrault (regard absent à l’aéroport) dans « Nelly et Monsieur Arnaud » ou de Montand/Frey/Schneider dans « César et Rosalie ». Le cinéma de Claude Sautet est finalement affaire de regards, qu’il avait d’une acuité incroyable, saisissante sur la complexité des êtres, et jamais égalée. Alors que le cinéma est de plus en plus univoque, explicatif, c’est plus que salutaire.
Une histoire d’amour, de passion(s), cruelle, intense, poétique, sublime, dissonante, mélodieuse, contradictoire, trouble et troublante, parfaitement écrite, jouée, interprétée, mise en lumière, en musique et en images.
Un peu comme l'ours en peluche du « Jour se lève » qui a un œil qui rit et un autre qui pleure, nous ressortons des films de Sautet et de celui-là en particulier, entre rires et larmes, bouleversés, avec l'envie de vivre plus intensément encore car là était le véritable objectif de Claude Sautet : nous « faire aimer la vie »...et il y est parvenu, magistralement. Personne après lui n'a su nous raconter des « histoires simples » aux personnages complexes qui nous parlent aussi bien de « choses de la vie ».
Claude Sautet, en 14 films, a su imposer un style, des films inoubliables, un cinéma du désenchantement enchanteur, d'une savoureuse mélancolie, de l'ambivalence et de la dissonance jubilatoires, une symphonie magistrale dont chaque film est un morceau unique indissociable de l'ensemble, et celui-ci pour moi le plus beau et bouleversant.
Critique de “Two lovers” de James Gray
Direction New York, ville fétiche du cinéma de James Gray, où, après avoir tenté de se suicider, un homme hésite entre suivre son destin et épouser la femme que ses parents ont choisie pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, belle, fragile et inconstante, dont il est tombé éperdument amoureux, un amour dévastateur et irrépressible.
L’intérêt de « Two lovers » provient avant tout des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses. Si James Gray est avant tout associé au polar, il règne ici une atmosphère de film noir et une tension palpable liée au désir qui s’empare du personnage principal magistralement interprété par Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, fiévreux, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente.
Ce dernier interprète le personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (à travers le regard duquel nous suivons l’histoire : il ne quitte jamais l’écran), un homme, atteint d'un trouble bipolaire (mais ce n'est pas là le sujet du film, juste là pour témoigner de sa fragilité) qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes : Michelle, sa nouvelle voisine incarnée par Gwyneth Paltrow, et Sandra, la fille d’amis de ses parents campée par l’actrice Vinessa Shaw. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard va balancer…
Il éprouve ainsi un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Ces « Two lovers » comme le titre nous l’annonce et le revendique d’emblée ausculte la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’acceptent pas les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister, de ne pas trouver « la mélodie du bonheur ».
Par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, James Gray dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne ( plan de Michelle derrière des barreaux de son appartement, les appartements de Leonard et Michelle donnant sur la même cour rappelant ainsi « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock de même que la blondeur toute hitchcockienne de Michelle), et qui exalte et détruit.
James Gray a délibérément choisi une réalisation élégamment discrète et maîtrisée et un scénario pudique et la magnifique photographie crépusculaire de Joaquin Baca-Asay qui procurent des accents lyriques à cette histoire qui aurait pu être banale, mais dont il met ainsi en valeur les personnages d’une complexité, d’une richesse, d’une humanité bouleversantes. James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages (Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père etc).
Un film d’une tendre cruauté, d’une amère beauté, et parfois même d'une drôlerie désenchantée, un thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Irrépressiblement. Ajoutez à cela la bo entre jazz et opéra ( même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, « Una furtiva lagrima » que dans le chef d’œuvre de Woody Allen « Match point » dans lequel on retrouve la même élégance dans la mise en scène et la même "opposition" entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski… : les ressemblances entre les deux films sont trop nombreuses pour être le fruit du hasard ), et James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin. Trois ans après sa sortie : d’ores et déjà un classique du cinéma romantique.
Critique de "Gatsby Le Magnifique" de Jack ClaytonAdapté en 1974 du chef d'œuvre de Fizgerald, le film (comme le roman) se déroule dans la haute aristocratie américaine. Une vraie gageure d'adapter ce sublime roman( sans doute un de ceux que j'ai le plus relus) qui évite toujours soigneusement la mièvrerie et assume le romantisme effréné et exalté (mais condamné) de son personnage principal.
Eté 1920. Nick Carraway (Sam Waterston), jeune homme du Middlewest américain se rend à New York pour travailler comme agent de change. C'est dans la zone huppée de Long Island qu'il trouve une maison, juste à côté de la somptueuse demeure du mystérieux Gatsby (Robert Redford) et avec une vue imprenable sur East Egg où vivent sa cousine Daisy (Mia Farrow) et son mari Tom Buchanan (Bruce Dern) . Daisy s'ennuie avec son mari bourru qui la trompe ouvertement et elle tue le temps avec son amie la golfeuse professionnelle Jordan Baker. Tom présente même à Nick sa maîtresse Myrtle Wilson (Karen Black), la femme du garagiste. Tous s'étonnent que Nick ne connaisse pas son voisin Jay Gatsby qui donne des réceptions somptueuses avec des centaines d'invités et sur le compte de qui courent les rumeurs les plus folles. C'est en répondant à une des invitations de son mystérieux voisin que Nick va faire ressurgir le passé liant sa cousine Daisy à l'étrange et séduisant Jay Gatsby.
Dès les premières minutes, ce film exerce la même fascination sur le spectateur que le personnage de Jay Gatsby sur ceux qui le côtoient ou l'imaginent. La magnificence crépusculaire de la photographie et la langueur fiévreuse qui étreint les personnages nous laissent entendre que tout cela s'achèvera dans le drame mais comme Nick nous sommes fascinés par le spectacle auquel nous souhaitons assister jusqu'au dénouement. Jay Gatsby n'apparaît qu'au bout de vingt minutes, nous nous trouvons alors dans la même situation que Nick qui ne le connaît que par sa réputation : on dit qu'il « a tué un homme » et qu'il n'apparaît jamais aux fêtes somptueuses qu'il donne dans une joyeuse décadence.
Comme dans le roman de Fitzgerald, le film de Jack Clayton dépeint brillamment l'ennui de la haute aristocratie américaine grâce à plusieurs éléments : l'élégance romantique et le jeu de Robert Redford ( difficile après avoir vu le film d'imaginer autrement le personnage de Gatsby qu'il incarne à la perfection), le scénario impeccable signé Francis Ford Coppola, une photographie éblouissante qui évoque à la fois la nostalgie et la chaleur éblouissantes, une interprétation de Mia Farrow entre cruauté, ennui, insouciance et même folie, l'atmosphère nostalgique et fiévreuse (la sueur perle en permanence sur le front des personnages comme une menace constante), et puis bien sûr l'adaptation du magnifique texte de Fitzgerald : « La poussière empoisonnée flottant sur ses rêves » ou cette expression de « nuages roses » qui définit si bien le ton du roman et du film. Avec l'amertume dissimulée derrière l'apparente légèreté. La mélancolie et le désenchantement derrière la désinvolture. Il faut aussi souligner l'excellence des seconds rôles et notamment de Karen Black aussi bien dans la futilité que lorsqu'elle raconte sa rencontre avec Tom Buchanan.
« Gatsby le magnifique » est à la fois une critique de l'insouciance cruelle et de la superficialité de l'aristocratie que symbolise Daisy, c'est aussi le portrait fascinant d'un homme au passé troublant, voire trouble et à l'aura romantique dont la seule obsession est de ressusciter le passé et qui ne vit que pour satisfaire son amour inconditionnel et aveugle. (Ah la magnifique scène où Jay et Daisy dansent dans une pièce vide éclairée à la bougie !) Face à lui Daisy, frivole et lâche, qui préfère sa réputation et sa richesse à Gatsby dont la réussite sociale n'avait d'autre but que de l'étonner et de poursuivre son rêve qui pour lui n'avait pas de prix. Gatsby dont par bribes la personnalité se dessine : par sa manie d'appeler tout le monde « vieux frère », par ses relations peu recommandables, par le portrait qu'en dresse son père après sa mort, un père qu'il disait riche et mort. Pour Daisy, la richesse est un but. Pour Jay, un moyen (de la reconquérir). Elle qui ne sait que faire des 30 années à venir où il va falloir tuer le temps.
Les deux êtres pour qui l'argent n'étaient qu'un moyen et non une fin et capables d'éprouver des sentiments seront condamnés par une société pervertie et coupable de désinvolture et d'insouciance. Un film de contrastes. Entre le goût de l'éphémère de Daisy et celui de l'éternité de Gatsby. Entre la réputation sulfureuse de Gatsby et la pureté de ses sentiments. Entre la fragilité apparente de Daisy et sa cruauté. Entre la douce lumière d'été et la violence des sentiments. Entre le luxe dans lequel vit Gatsby et son désarroi. Entre son extravagance apparente et sa simplicité réelle. Entre la magnificence de Gatsby et sa naïveté. Et tant d'autres encore. Des contrastes d'une douloureuse beauté.
C'est à travers le regard sensible et lucide de Nick qui seul semble voir toute l'amertume, la vanité, et la beauté tragique de l'amour, mélancolique, pur et désenchanté, que Gatsby porte à Daisy que nous découvrons cette histoire tragique dont la prégnante sensation ne nous quitte pas et qui nous laisse avec l'irrésistible envie de relire encore et encore le chef d'œuvre de Fitzgerald et de nous laisser dangereusement griser par l'atmosphère de chaleur écrasante, d'extravagance et d'ennui étrangement mêlés dans une confusion finalement criminelle. Un film empreint de la fugace beauté de l'éphémère et de la nostalgie désenchantée qui portent le fascinant et romanesque Gatsby. A (re)voir absolument.
Critique de "La Femme d'à côté" de François Truffaut
François Truffaut, avec Alain Resnais, Claude Sautet, Woody Allen, Alfred Hitchcock fait partie de ces cinéastes dont j’aime tous les films sans exceptions. J’ai d’abord découvert « Le Dernier Métro », « La Femme d’à côté », « L’Histoire d’Adèle.H », « La Mariée était en noir » avant la série des Antoine Doinel, puis « La Peau douce » et je me souviens encore à quel point « La Femme d’à côté » m’avait marquée la première fois. Je l’ai revu bien souvent depuis et notamment avant-hier, à l’occasion de sa rediffusion sur Arte. Cette critique est la première d’une série que je consacrerai au cinéaste.
Bernard Coudray (Gérard Depardieu) et Mathilde Bauchard (Fanny Ardant) se sont connus et aimés follement, passionnément, douloureusement, et séparés violemment, sept ans plus tôt. L’ironie tragique du destin va les remettre en présence lorsque le mari de Mathilde, Philippe Bauchard (Henri Garcin), qu’elle a récemment épousé, lui fait la surprise d’acheter une maison dans un hameau isolé, non loin de Grenoble, dans la maison voisine de celle qu’occupent Bernard, son épouse Arlette (Michèle Baumgartner), et leur jeune fils. (Une fenêtre sur cour que l’admirateur et grand connaisseur d’Hitchcock qu’était Truffaut n’a d’ailleurs certainement pas choisie innocemment.) Bernard et Mathilde taisent leur passé commun à leurs époux respectifs et vont bientôt renouer avec leur ancienne passion.
A mon sens, personne d’autre que Truffaut n’a su aussi bien transcrire les ravages de la passion, sa cruauté sublime et sa beauté douloureuse, cette « joie » et cette « souffrance » entremêlées. Si : dans un autre domaine, Balzac peut-être, dont Truffaut s’est d’ailleurs inspiré, notamment pour « Baisers volés » (« Le Lys dans la vallée ») ou « La Peau douce » (Pierre Lachenay y donne ainsi une conférence sur Balzac). L’amour chez Truffaut est en effet presque toujours destructeur et fatal.
La femme d’à côté est cette étrange étrangère au prénom d’héroïne de Stendhal, magnifiquement incarnée par la classe, l’élégance, le mystère, la voix ensorcelante et inimitable de Fanny Ardant, ici impétueuse et fragile, incandescente, ardente Fanny.
Truffaut dira ainsi : "J'ai volontairement gardé les conjoints à l'arrière-plan, choisissant d'avantager un personnage de confidente qui lance l'histoire et lui donne sa conclusion : "Ni avec toi, ni sans toi ". De quoi s'agit-il dans la "La Femme d'à côté" ? D'amour et, bien entendu, d'amour contrarié sans quoi il n'y aurait pas d'histoire. L'obstacle, ici, entre les deux amants, ce n'est pas le poids de la société, ce n'est pas la présence d'autrui, ce n'est pas non plus la disparité des deux tempéraments mais bien au contraire leurs ressemblances. Ils sont encore tous deux dans l'exaltation du "tout ou rien" qui les a déjà séparés huit ans plus tôt. Lorsque le hasard du voisinage les remet en présence, dans un premier temps Mathilde se montre raisonnable, tandis que Bernard ne parvient pas à l'être. Puis la situation, comme le cylindre de verre d'un sablier, se renverse et c'est le drame."
Le rapport entre les deux va en effet se renverser à deux reprises. Bernard va peu à peu se laisser emporter par la passion, à en perdre ses repères sociaux, professionnels et familiaux, à en perdre même la raison, toute notion de convenance sociale alors bien dérisoire. Le tourbillon vertigineux de la passion, leurs caractères exaltés, leurs sentiments dans lesquels amour et haine s’entremêlent, se confondent et s’entrechoquent vont rendre le dénouement fatal inévitable. Chaque geste, chaque regard, chaque parole qu’ils échangent sont ainsi empreints de douceur et de douleur, de joie et de souffrance, de sensualité et de violence.
Truffaut y démontre une nouvelle fois une grande maîtrise scénaristique et de mise en scène. Après « Le Dernier Métro » , la fresque sur l’Occupation avec ses nombreux personnages, il a choisi ce film plus intimiste au centre duquel se situe un couple, sans pour autant négliger les personnages secondaires, au premier rang desquels Madame Jouve (Véronique Silver), la narratrice, sorte de double de Mathilde, dont le corps comme celui de Mathilde porte les stigmates d’une passion destructrice. Elle donne un ton apparemment neutre au récit, en retrait, narrant comme un fait divers cette histoire qui se déroule dans une ville comme il y en a tant, entre deux personnes aux existences en apparence banales, loin de la grandiloquence d’Adèle.H, mais qui n’ en a alors que plus d’impact, de même que ces plans séquences dans lesquels le tragique se révèle d’autant plus dans leur caractère apparemment anodin et aérien. A l’image des deux personnages, la sagesse de la mise en scène dissimule la folie fiévreuse de la passion, et ce qui aurait pu être un vaudeville se révèle une chronique sensible d’une passion fatale. D’ailleurs, ici les portes ne claquent pas: elles résonnent dans la nuit comme un appel à l’aide, à l’amour et à la mort.
Deux personnages inoubliables, troublants et attachants, interprétés par deux acteurs magnifiques. Truffaut aurait songé à eux pour incarner cette histoire, en les voyant côte-à-côte lors du dîner après les César lors desquels « Le Dernier Métro » avait été largement récompensé.
Il fallait un talent démesuré pour raconter avec autant de simplicité cette histoire d’amour fou, de passion dévastatrice, qui nous emporte dans sa fièvre, son vertige étourdissant et bouleversant, comme elle emporte toute notion d'ordre social et la raison de ses protagonistes. Un film qui a la simplicité bouleversante d’une chanson d’amour, de ces chansons qui « plus elles sont bêtes plus, elles disent la vérité ».
Ce film sorti le 30 septembre 1981 est l’avant-dernier de Truffaut, juste avant « Vivement Dimanche » dans lequel Fanny Ardant aura également le rôle féminin principal.
Un chef d’œuvre d’un maître du septième art : à voir et à revoir.
Critique - "Les Enchaînés" d'Alfred Hitchcock
Dans son livre d'entretiens avec Alfred Hitchcock, François Truffaut disait que « Les Enchaînés » était son film d'Hitchcock en noir et blanc préféré notamment parce qu'il s'agissait selon lui de « la quintessence d'Hitchcock » pour sa « pureté magnifique » et son « modèle de construction de scénario. » Même si « Sueurs froides », « Les Oiseaux », « Fenêtre sur cour », « Psychose », « La mort aux trousses » sont plus fréquemment cités « Les Enchaînés » reste pour moi un film exemplaire à bien des égards et un de mes films préférés.
A Miami, en 1946, Alicia (Ingrid Bergman), fille d'un espion nazie qui vient d'être condamné, mène une vie dissolue et noie son désarroi dans l'alcool. Devlin (Cary Grant) qui travaille pour le gouvernement américain lui propose de travailler pour les Etats-Unis. Il la pousse à séduire puis épouser Alexander Sebastian (Claude Rains) qui, à Rio de Janeiro, appartient à un groupe très actif d'anciens nazis... mais Alicia et Devlin sont loin d'être indifférents l'un à l'autre...
C'est d'abord David O.Selznick qui a suggéré à Hitchcock d'adapter « The Song of the Dragon » une nouvelle dont le scénario final (signé Hitchcock et Ben Hecht) sera plutôt éloigné. Selznick ne croit pas à cette histoire et en particulier à la bouteille contenant de l'uranium. Il revend donc le tout à la RKO.... Comme dans tous les films d'Hitchcock, le Mac Guffin, donc ici la bouteille contenant de l'uranium, remplit pourtant pleinement son objectif de bombe à retardement et d'élément du suspense...
« Les Enchaînés » est en effet certes une histoire d'espionnage avec Mac Guffin* de rigueur (=c'est un élément de l'histoire qui sert à l'initialiser, voire à la justifier, mais qui se révèle, en fait, sans grande importance) mais aussi une histoire d'amour. C'est même là que réside le secret de ce film, dans l'entremêlement parfait entre l'histoire d'amour et l'histoire d'espionnage qui entrent en conflit. Celui de l'amour et du devoir, enchaînés l'un à l'autre comme Alicia l'est à son passé mais aussi à son mari. Le titre original « Notorious » signifiant « tristement célèbre » renvoie d'ailleurs à cette idée puisque ce sont les tristement célèbres activités de son père qui ont rendu le nom d'Alicia lui aussi tristement célèbre. Sebastian est lui aussi enchaîné, à sa mère, et aux autres nazis qui surveillent le moindre de ses faux pas. C'est aussi à leur mensonge et à la trahison que sont enchaînés Devlin et Alicia : Devlin trahit dès le début Alicia la contraint à renouer avec Sebastian, elle trahit Sebastian en se mariant avec lui pour l'espionner. Dans le premier plan où il apparaît, Devlin est d'ailleurs cadré de dos et restera ainsi plusieurs minutes, augmentant le désir du spectateur de découvrir ce mystérieux personnage muet qui semble tant intéresser Alicia, cette posture de dos signifiant aussi son rôle trouble et ambigu.
Ces conflits entre amour et devoir donnent lieu à des scènes d'une force dramatique rare comme la scène de l'hippodrome ou celle du banc qui se répondent d'ailleurs, les deux étant filmés en plans fixes, et dans les deux Alicia et Devlin masquent leurs vrais sentiments. Ces scènes dramatiques alternent avec des scènes de suspense admirables dans lesquels Hitchcock montre une nouvelle fois sa maîtrise et son génie dans ce domaine, ces scènes tournant essentiellement autour de la bouteille contenant l'uranium et d'une clé. Une simple clé qui, par la manière dont Hitchcock la filme passant de la main d'Alicia à l'autre, son expression contrastant avec le ton désinvolte qu'elle s'efforce d'employer face à Sebastian, le tout procurant à la scène un suspense d'une intensité inouïe (voir l'extrait en bas de l'article... ou ne pas le voir pour ceux qui n'ont pas encore vu le film). Plusieurs scènes sont d'ailleurs particulièrement palpitantes, notamment grâce à un savant montage parallèle lors d'une scène capitale de réception (où Hitchcock fait d'ailleurs sa coutumière apparition) ou encore lors de la scène finale de l'escalier (un élément d'ailleurs récurrent dans le cinéma hitchcockien).
La réussite doit aussi beaucoup à la richesse des quatre personnages principaux et de ses interprètes : Devlin (Cary Grant), cynique agent secret faisant passer le devoir avant l'amour, Alicia (Ingrid Bergman) forte et fragile, courageuse et apeurée, blessée et digne ; Claude Rains le « méchant » qui, comme toujours chez Hitchcock ne l'est pas complètement (un méchant réussi pour Hitchcock l'étant lorsqu'il paraît presque sympathique), ce dernier étant ici surtout (aussi comme souvent chez Hitchcock) victime d'une mère possessive (Mme Konstantin). Hitchcock dira ainsi que selon lui ce dernier était plus amoureux d'Alicia que l'était Devlin. Le choix de Claude Rains est donc particulièrement judicieux, si on se souvient du rôle trouble qu'il incarnait également déjà dans « Casablanca ». Il a d'ailleurs été nommé aux Oscars pour « Les Enchaînés » (ainsi que le scénariste Ben Hecht). Quant au couple formé par Ingrid Bergman et Cary Grant, il est absolument sublime et sublimé par l'élégance de la mise en scène d'Hitchcock mais aussi par celle de la photographie de Ted Tetzlaff l'auréolant d'un magnétisme mélancolique, électrique et fascinant.
Après « Soupçons », en 1941, « Les Enchaînés » est le deuxième film d'Hitchcock avec Cary Grant. Suivront ensuite « La Main au collet » et « La Mort aux trousses ». C'est également son deuxième film avec Ingrid Bergman après « La Maison du Dr Edwards », en 1945. Il tournera encore un film avec elle : «Les Amants du Capricorne. »
C'est aussi sa scène de baiser entrecoupée entre Cary Grant et Ingrid Bergman qui a rendu le film célèbre, un baiser intelligemment découpé par de nombreux dialogues; pour contourner le code "Hays" (la censure de l'époque) qui minutait la durée de toutes les scènes jugées osées. L'entrecouper de dialogues faisait redémarrer le compteur à zéro à chaque fois permettant de rallonger la durée du baiser.
Au-delà de cette anecdote comme le disait si bien Truffaut, « Les Enchaînés » est en effet la quintessence du cinéma d'Hitchcock : perfection scénaristique saupoudrée d'humour, de trahison, de rédemption; mélange habile d'histoire d'amour contrarié et d'espionnage, astucieuse simplicité de l'intrigue, virtuosité de la mise en scène ( Ah, le travelling du lustre du salon jusqu'à main de Bergman contenant la clé !), photographie magnétique, couple de cinéma légendaire, intrigue trépidante, palpitante et jubilatoire... le tout formant un classique du cinéma que l'on ne se jamais de voir et de revoir !
*Pour Hitchcock, le but du cinéma était avant tout d'embarquer le spectateur, de le manipuler, quitte à faire quelques incohérences. A ceux qui lui reprochait le manque de vraisemblance, il racontait l'histoire suivante (comme il l'expliqua à Truffaut dans son livre d'entretiens !) : « Deux voyageurs se trouvent dans un train allant de Londres à Édimbourg. L'un dit à l'autre : « Excusez-moi, monsieur, mais qu'est-ce que ce paquet à l'aspect bizarre que vous avez placé dans le filet au-dessus de votre tête ? - Ah ça, c'est un MacGuffin. - Qu'est-ce que c'est un MacGuffin ? - Eh bien c'est un appareil pour attraper les lions dans les montagnes d'Écosse - Mais il n'y a pas de lions dans les montagnes d'Écosse. - Dans ce cas, ce n'est pas un MacGuffin » .
Critique de "La Fièvre dans le sang" d'Elia Kazan
Je vous ai déjà parlé, il y a 15 jours, du Ciné-Club du cinéma l’Arlequin, à Paris, rue de Rennes, à l’occasion de la projection de « Quand la ville dort» de John Huston. Dimanche dernier, le ciné-club projetait un autre classique du septième art américain, « La fièvre dans le sang » un film de 1961, signé Elia Kazan, un film que j’apprécie tout particulièrement notamment parce qu’il transfigure un apparent classicisme à de nombreux égards, et que j'ai donc revu avec plaisir à cette occasion.
Dans une petite ville du Kansas, à la veille du Krach boursier de 1929 et en pleine prohibition, Deanie Loomis (Nathalie Wood) et Bud Stamper ( Warren Beatty) sont épris l’un de l’autre mais le puritanisme de l’Amérique des années 20, l’autoritarisme du père de Bud qui veut que son fils fasse ses études à Yale avant d’épouser Deanie, la morale, et les vicissitudes du destin, vont les séparer…
Le titre original « Splendor in the grass » (Splendeur dans l’herbe) provient d’un poème de William Wordsworth, « Intimations of immortality from Reflections of Early Childhood » qui dit notamment ceci: « Bien que rien ne puisse faire revenir le temps de la splendeur dans l’herbe…nous ne nous plaindrons pas mais trouverons notre force dans ce qui nous reste », ces vers sont repris au dénouement du film , ils reflètent toute la beauté désenchantée par laquelle il s’achève qui contraste tellement avec le premier plan du film qui symbolise tout le désir, toute la fureur de vivre (le film d’Elia Kazan n’est d’ailleurs pas sans rappeler le film éponyme de Nicholas Ray sorti 6 ans plus tôt) qui embrase les deux personnages : un baiser fougueux dans une voiture derrière laquelle se trouve une cascade d’une force inouïe, métaphore de la violence de leurs émotions qui emportent tout sur leur passage.
Si à de nombreux égards et lors d’une vision superficielle « La fièvre dans le sang » peut paraître caricatural et répondre à tous les standards du film sentimental hollywoodien (un amour adolescent, l’opposition parentale, et le caractère parfois caricatural des personnages et notamment des parents, ou encore le caractère caricatural du personnage de Ginny, la sœur délurée et aguicheuse -interprétée par Barbara Loden- ) c’est aussi pour mieux s’en affranchir. Au-delà de ces clichés émane en effet de ce film une fièvre incandescente qui reflète magistralement celle qui enflamme les deux jeunes gens, en proie à leurs désirs qu’une mise en scène lyrique met en exergue. Le désir jusqu’à la folie, la névrose. « La fièvre dans le sang » est d’ailleurs d’une grande modernité par son évocation de Freud et de la psychanalyse. C’est aussi une réflexion sur les relations parents enfants, sur l’acceptation de l’imperfection (des parents autant que celles de l’existence).
De nombreuses scènes rappellent la scène initiale qui résonne alors a posteriori comme un avertissement de la violence passionnelle et dévastatrice : la scène de la baignoire où, comme possédée par le désir, la rage, Deanie jure à sa mère qu’elle n’a pas été « déshonorée », dans un cri de désespoir, de désir, d’appel à l’aide ; la robe, rouge évidemment, tenue comme un objet maléfique par l’infirmière ; la cascade (d’ailleurs dramatiquement prémonitoire puisque Nathalie Wood est morte noyée en 1981, dans des circonstances mystérieuses, en tombant de son yacht appelé … « The Splendour » en référence au film de Kazan), la même que celle du début où Deanie tentera de se tuer ; les regards magnétiques que s’échangent Deanie et Bud etc.
C’est aussi une critique de la société américaine puritaine et arriviste que symbolisent la mère étouffante de Deanie qui l’infantilise constamment (qui craint donc que sa fille soit « déshonorée ») et le père autoritaire (mais estropié ou car estropié) de Bud, un film qui n’aurait certainement pas été possible à l’époque à laquelle il se déroule (la fin des années 1920) et qui l’était en revanche en 1961.
C’est surtout son dénouement qui fait de « La fièvre dans le sang » un grand film, une fin qui décida d’ailleurs Elia Kazan à le réaliser comme il l’explique dans ses entretiens avec Michel Ciment, (« Ce que je préfère, c'est la fin. J'adore cette fin, c'est la meilleure que j'ai réalisée : il y a quelque chose de si beau dans cette scène où Deanie rend visite à Bud qui est marié. J'ai même du mal à comprendre comment nous sommes arrivés à ce résultat, ça va au-delà de tout ce que j'ai pu faire. C'est une happy end, au vrai sens du terme, pas au sens hollywoodien : on sent que Bud a mûri, on le voit à la façon dont il se comporte avec elle, et lorsqu'il prend sa femme dans ses bras pour la rassurer. C'est cette fin qui m'a donné envie de faire le film. »), une fin adulte, une happy end pour certains, une fin tragique, l’acceptation de la médiocrité, le renoncement à ses idéaux de jeunesse, pour d’autres. Je me situerais plutôt dans la seconde catégorie. Un fossé semble s’être creusé entre les deux : Bud a réalisé une part de son rêve et vit dans un ranch, marié. Quand Deanie lui rend visite dans une robe blanche virginale, il la reçoit le visage et les mains noircis, à l’image de ses rêves (certains) déchus. Les regards échangés si significatifs, si dénués de passion (pas sûr ?), où chacun peut y voir tantôt de la résignation, des regrets, de l’amertume, rendent encore plus tragique cette scène, non moins magnifique.
Le départ de Deanie en voiture laissant dans le lointain derrière elle Bud et avec lui : ses désirs, son adolescence, son idéalisme, nous arrache le cœur comme une mort brutale. Celle du passé à jamais révolu. Le gouffre insoluble et irréversible du destin.
C’est donc aussi la fin, et le renoncement qu’elle implique, en plus de la mise en scène lyrique d’Elia Kazan et l’interprétation enfiévrée de Nathalie Wood et Warren Beatty, qui permet de transfigurer les clichés du film sentimental classique hollywoodien.
Avec ce désir amoureux qui meurt, subsiste, malgré tout, un autre désir : celui de vivre. Sans la fureur. Sans la fièvre dans le sang. Peut-être seulement éclairé par le souvenir. Sans se poser la question du bonheur (Quand Deanie lui demande s’il est heureux, Bud répond qu’il ne se pose plus la question). C’est peut-être là le secret du bonheur : ne pas s’en poser la question…
Ce film vous laisse le souvenir poignant, brûlant, magnétique, lumineux, d’un amour idéalisé, illuminé et magnifié par la beauté rayonnante, d’une force fragile, de Warren Beatty (qui n’est pas sans rappeler Marlon Brando dans « Un tramway nommé désir » du même Elia Kazan), et de Nathalie Wood (elle fut nommée pour l’Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle, en 1962).
Un film fiévreux et enfiévré d’absolu, à fleur de peau, sombre et lumineux, rouge et blanc, d’eau et de feu, enflammé (de désir) et de la splendeur d’un amour de jeunesse. Un film qui a la force et la violence, incomparable, à la fois désenchantée et enchanteresse, d’un amour idéalisé…ou plutôt idéal(iste).
Peut-on se contenter de la médiocrité quand on a connu ou frôlé l’absolu ? Etre adulte signifie-t-il renoncer ? Peut-on vivre heureux sans renoncer à ses idéaux de jeunesse ? Je ne crois pas (mais peu importe hein ! -Laissez-moi mes idéaux, mon intransigeance, non, mes idéaux, de jeunesse.- Et c’est d’ailleurs aussi cette fin déchirante paradoxalement qui me plait tant dans ce film) cette fin nous répond que oui, et à cet égard, elle est loin de la happy end à laquelle nous habitue le cinéma hollywoodien classique.
Elia Kazan, qui passera toute sa vie a essayé de justifier ses dénonciations de metteurs en scène communistes, à la commission MacCarthy, en 1952, par ce film semble aussi critiquer la société américaine et donc aussi justifier ses propres erreurs, comme il tenta de le faire toute la fin de sa vie....
En tout cas, un classique, un poème lyrique et sensuel doublé d’une critique sociale et un portrait de l’Amérique des années 20, à (re)voir ABSOLUment.
Critique de « Un homme et une femme » de Claude Lelouch
Je ne sais plus très bien si j'ai vu ce film avant d'aller à Deauville, avant que cette ville soit indissociablement liée à tant d'instants de mon existence, ou bien si je l'ai vu après, après que mon premier séjour à Deauville, il y a 17 ans, ait modifié le cours de mon « destin »... Toujours est-il qu'il est impossible désormais de dissocier Deauville du film de Claude Lelouch qui a tant fait pour sa réputation, « Un homme et une femme » ayant créé la légende du réalisateur comme celle de la ville de Deauville, et notamment sa réputation de ville romantique à tel point qu'il y a 4 ans, pendant le Festival du Cinéma Américain 2006, a été inaugurée une place Claude Lelouch, en sa présence et celle d'Anouk Aimée. J'étais présente ce jour-là et l'émotion et la foule étaient au rendez-vous.
Alors sans doute faîtes-vous partie de ceux qui adorent ou détestent Claude Lelouch, ses « instants de vérité », ses hasards et coïncidences. Rares sont ceux qu'il indiffère. Placez son nom dans une conversation et vous verrez. Quelle que soit la catégorie à laquelle vous appartenez, peut-être ce film « d'auteur » vous mettra-t-il d'accord...Le 13 septembre 1965, Claude Lelouch est désespéré, son dernier film ayant été un échec. Il prend alors sa voiture, roule jusqu'à épuisement en allant vers Deauville où il s'arrête à 2 heures du matin en dormant dans sa voiture. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture, étonné de la voir marcher avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera « Un homme et une femme ».
Synopsis : Anne (Anouk Aimée), scripte, inconsolable depuis la mort de son mari cascadeur Pierre (Pierre Barouh), rencontre à Deauville, en allant chercher sa fille à la pension, un coureur automobile, Jean (Jean-Louis Trintignant), dont la femme s'est suicidée par désespoir. Jean raccompagne Anne à Paris. Tous deux sont endeuillés, et tous deux ont un enfant. C'est l'histoire d'un homme et d'une femme qui s'aiment, se repoussent, se retrouvent et s'aiment encore...
J'ai vu ce film un grand nombre de fois, tout à l'heure encore et comme à chaque fois, avec le même plaisir, la même émotion, le même sentiment de modernité pour un film qui date de 1966, étonnant pour un cinéaste dont beaucoup de critiques raillent aujourd'hui le classicisme. Cette modernité est bien sûr liée à la méthode Claude Lelouch d'ailleurs en partie la conséquence de contraintes techniques et budgétaires. Ainsi, Lelouch n'ayant pas assez d'argent pour tourner en couleurs tournera les extérieurs en couleurs et les intérieurs en noir et blanc. Le montage et les alternances de noir et blanc et de couleurs jouent alors habilement avec les méandres du temps et de la mémoire émotive, entre le présent et le bonheur passé qui ressurgit sans cesse.
Je ne sais pas si « le cinéma c'est mieux que la vie » mais en tout cas Claude Lelouch fait partie de ceux dont les films et surtout « Un homme et une femme » nous la font aimer. Rares sont les films qui donnent à ce point la sensation de voir une histoire d'amour naître et vibrer sous nos yeux, d'en ressentir -partager, presque- le moindre battement de cœur ou le moindre frémissement de ses protagonistes, comme si la caméra scrutait les visages et les âmes. Par une main qui frôle une épaule si subtilement filmée. Par le plan d'un regard qui s'évade et s'égare. Par un sourire qui s'esquisse. Par des mots hésitants ou murmurés. Par la musique éternelle de Francis Lai (enregistrée avant le film) qui nous chavire le cœur. Par une photographie aux accents picturaux qui sublime Deauville filmée avec une lumière nimbée de mélancolie, des paysages qui cristallisent les sentiments de Jean-Louis et d'Anne, fragile et paradoxalement impériale, magistralement (dirigée et) interprétée par Anouk Aimée. Rares sont les films qui procurent cette impression de spontanéité, de vérité presque. Les fameux « instants de vérité » de Lelouch.
Et puis il y a le charme incomparable du couple Anouk Aimée/ Jean-Louis Trintignant, le charme de leurs voix, notamment quand Jean-Louis Trintignant prononce « Montmartre 1540 ». Le charme et la maladresse des premiers instants cruciaux d'une histoire d'amour quand le moindre geste, la moindre parole peuvent tout briser. Et puis ces plans fixes, de Jean-Louis dans sa Ford Mustang (véritable personnage du film), notamment lorsqu'il prépare ce qu'il dira à Anne après qu'il ait reçu son télégramme. Et puis ces plans qui encerclent les visages et en capturent la moindre émotion. Ce plan de cet homme avec son chien qui marche dans la brume et qui fait penser à Giacometti (pour Jean-Louis). Tant d'autres encore...
Avec « Un homme et une femme » Claude Lelouch a signé une histoire intemporelle, universelle avec un ton très personnel et poétique. La plus simple du monde et la plus difficile à raconter. Celle de la rencontre d'un homme et une femme, de la rencontre de deux solitudes blessées. Il prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires.Alors pour reprendre l'interrogation de Jean-Louis dans le film citant Giacometti « Qu'est-ce que vous choisiriez : l'art ou la vie » Lelouch, n'a certainement pas choisi, ayant réussi a insufflé de l'art dans la vie de ses personnages et de la vie dans son art. Voilà c'est de l'art qui transpire la vie.
Alors que Claude Lelouch a tourné sans avoir de distributeur, sans même savoir si son film sortirait un jour, il obtint la palme d'or à Cannes en 1966, l'oscar du meilleur film étranger et celui du meilleur scénario et 42 récompenses au total et aujourd'hui encore de nombreux touristes viennent à Deauville grâce à « Un homme et une femme », le film, mais aussi sa musique mondialement célèbre. Vingt ans après, Claude Lelouch tourna une suite « Un homme et une femme 20 ans déjà » réunissant à nouveau les deux protagonistes. Je vous en parle très bientôt.
Retrouvez également ma critique de mon coup de cœur du Festival du Film de Cabourg 2011 « J’aime regarder les filles » de Frédéric Louf et des deux meilleurs films français de cette année (jusqu’à présent) « Une bouteille à la mer » de Thierry Binisti et « Les Adieux à la reine » de Benoit Jacquot qui seront projetés dans le cadre du festival. Demain, je vous parlerai d’un autre film projeté dans le cadre du festival, un de mes coups de coeur du Festival de Cannes 2012: « A perdre la raison » de Joachim Lafosse.
Retrouvez également le programme complet du Festival du Film de Cabourg, ici.
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L'affiche du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2012
J'ai le plaisir de vous faire découvrir aujourd'hui l'affiche du 38ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. Comme chaque année, y figure la bannière étoilée. Cette année, les planches ont remplacé la traditionnelle cabine de bains mais Deauville est toujours bien présente dans cet élément dont elle est indissociable. Deux mains représentant les drapeaux français et américains, mêlant le drapeau tricolore et la bannière étoilée, se tendent en signe d'amitié, se posent sur les planches et encadrent un oiseau, signe de liberté, peut-être d'indépendance à l'image des films projetés en compétition, lien aussi entre les deux continents. Une invitation au partage, à l'envol, à l'évasion. Et ce qui semble être devenu le judicieux slogan du Festival s'inscrit sur l'affiche "a precious moment for all cinema lovers". Que pensez-vous de cette affiche? Viendrez-vous au festival cette année?
Pour ma part, ce sera mon 19ème Festival du Cinéma Américain et j'y serai avec le même enthousiasme, la même curiosité que lorsque je découvrais pour la première fois ce festival, alors toute jeune adolescente qui ignorait que ce passage sur les planches l'embarquerait bien plus loin et pour des années de passion pour le cinéma et pour ce festival...
Vous pourrez suivre ici le Festival de l'ouverture à la clôture, du 31 août au 9 septembre, mais aussi sur mes autres blogs, le nouveau http://inthemoodlemag.com et celui qui existe depuis 9 ans déjà http://www.inthemoodforcinema.com et peut-être sur un nouveau dont je vous parlerai ultérieurement .
Vous pouvez également suivre mon compte twitter dédié au Festival http://twitter.com/moodfdeauville et ma page Facebook consacrée à celui-ci et bien sûr, suivez également le site officiel: http://www.festival-deauville.com .
A très bientôt ici pour les premières informations sur la programmation!
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Critiques – « On connaît la chanson », « Cœurs », « Vous n’avez encore rien vu » d’Alain Resnais (Champs-Elysées Film Festival 2012)
A chaque nouveau film, Alain Resnais arrive (encore) à nous surprendre, faisant à chaque fois preuve d’une étonnante inventivité et modernité et le titre de son dernier film pourrait ainsi résumer sa filmographie « Vous n’avez encore rien vu ». A chaque nouveau film, il nous donne en effet la sensation de n’avoir encore rien vu, qu’il peut encore nous embarquer ailleurs, nous enthousiasmer. Rarement filmographie aura été si étonnamment éclectique…et si riche de chefs d’œuvre : « Hiroshima, mon amour », « L’année dernière à Marienbad », « Je t’aime, je t’aime », « Mélo », « Smoking, no smoking »…
Le Champs-Elysées Film Festival a eu la bonne idée de projeter trois de ses films sur suggestion du Président d’honneur du festival, Lambert Wilson, interprète dans les trois films en question. Trois films « choraux », de brillantes variations sur les atermoiements du cœur qui ont également en commun une remarquable direction d’acteurs, une finesse psychologique rare et une mise en scène enthousiasmante et ludique.
Commençons par le premier film projeté dans le cadre du festival qui est aussi le plus ancien des trois « On connaît la chanson ». Toute la malice du cinéaste apparaît déjà dans le titre de ce film de 1997, dans son double sens, propre et figuré, puisqu’il fait à la fois référence aux chansons en playback interprétées dans le film mais parce qu’il sous-entend à quel point les apparences peuvent être trompeuses et donc que nous ne connaissons jamais vraiment la chanson…
Suite à un malentendu, Camille (Agnès Jaoui), guide touristique et auteure d’une thèse sur « les chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru » s’éprend de l’agent immobilier Marc Duveyrier (Lambert Wilson). Ce dernier est aussi le patron de Simon (André Dussolier), secrètement épris de Camille et qui tente de vendre un appartement à Odile (Sabine Azéma), la sœur de Camille. L’enthousiaste Odile est décidée à acheter cet appartement malgré la désapprobation muette de Claude, son mari velléitaire (Pierre Arditi). Celui-ci supporte mal la réapparition après de longues années d’absence de Nicolas (Jean-Pierre Bacri), vieux complice d’Odile qui devient le confident de Simon et qui est surtout très hypocondriaque.
Ce film est pourtant bien plus que son idée de mise en scène, certes particulièrement ludique et enthousiasmante, à laquelle on tend trop souvent à le réduire. A l’image de ses personnages, le film d’Alain Resnais n’est pas ce qu’il semble être. Derrière une apparente légèreté qui emprunte au Boulevard et à la comédie musicale ou du moins à la comédie (en) »chantée », il débusque les fêlures que chacun dissimule derrière de l’assurance, une joie de vivre exagérée, de l’arrogance ou une timidité.
C’est un film en forme de trompe-l’œil qui commence dès la première scène : une ouverture sur une croix gammée, dans le bureau de Von Choltitz au téléphone avec Hitler qui lui ordonne de détruire Paris. Mais Paris ne disparaîtra pas et sera bien heureusement le terrain des chassés-croisés des personnages de « On connaît la chanson », et cette épisode était juste une manière de planter le décor, de nous faire regarder justement au-delà du décor, et de présenter le principe de ces extraits chantés. La mise en scène ne cessera d’ailleurs de jouer ainsi avec les apparences, comme lorsqu’Odile parle avec Nicolas, lors d’un dîner chez elle, et que son mari Claude est absent du cadre, tout comme il semble d’ailleurs constamment « absent », ailleurs.
Resnais joue habilement avec la mise en scène mais aussi avec les genres cinématographiques, faisant parfois une incursion dans la comédie romantique, comme lors de la rencontre entre Camille et Marc. L’appartement où ils se retrouvent est aussi glacial que la lumière est chaleureuse pour devenir presque irréelle mais là encore c’est une manière de jouer avec les apparences puisque Marc lui-même est d’une certaine manière irréel, fabriqué, jouant un personnage qu’il n’est pas.
Le scénario est signé Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri et témoigne déjà de leur goût des autres et de leur regard à la fois acéré et tendre sur nos vanités, nos faiblesses, nos fêlures. Les dialogues sont ainsi des bijoux de précision et d’observation mais finalement même s’ils mettent l’accent sur les faiblesses de chacun, les personnages ne sont jamais regardés avec condescendance mais plutôt lucidité et indulgence. Une phrase parfois suffit à caractériser un personnage comme cette femme qui, en se présentant dit, « J’suis une collègue d’Odile. Mais un petit cran au-dessus. Mais ça ne nous empêche pas de bien nous entendre ! ». Tout est dit ! La volonté de se montrer sous son meilleur jour, conciliante, ouverte, indifférente aux hiérarchies et apparences…tout en démontrant le contraire. Ou comme lorsque Marc répète à deux reprises à d’autres sa réplique adressée à Simon dont il est visiblement très fier « Vous savez Simon, vous n’êtes pas seulement un auteur dramatique, mais vous êtes aussi un employé dramatique ! » marquant à la fois ainsi une certaine condescendance mais en même temps une certaine forme de manque de confiance, et amoindrissant le caractère a priori antipathique de son personnage.
Les personnages de « On connaît la chanson » sont avant tout seuls, enfermés dans leurs images, leurs solitudes, leur inaptitude à communiquer, et les chansons leur permettent souvent de révéler leurs vérités masquées, leurs vrais personnalités ou désirs, tout en ayant souvent un effet tendrement comique. De « J’aime les filles » avec Lambert Wilson au « Vertige de l’amour » avec André Dussolier (irrésistible ) en passant par le « Résiste » de Sabine Azéma. C’est aussi un moyen de comique de répétition dont est jalonné ce film : blague répétée par Lambert Wilson sur Simon, blague de la publicité pour la chicorée lorsque Nicolas montre la photo de sa famille et réitération de certains passages chantés comme « Avoir un bon copain ».
Chacun laissera tomber son masque, de fierté ou de gaieté feinte, dans le dernier acte où tous seront réunis, dans le cadre d’une fête qui, une fois les apparences dévoilées (même les choses comme l’appartement n’y échappent pas, même celui-ci se révèlera ne pas être ce qu’il semblait), ne laissera plus qu’un sol jonché de bouteilles et d’assiettes vides, débarrassé du souci des apparences, et du rangement (de tout et chacun dans une case) mais la scène se terminera une nouvelle fois par une nouvelle pirouette, toute l’élégance de Resnais étant là, dans cette dernière phrase qui nous laisse avec un sourire, et l’envie de saisir l’existence avec légèreté.
Rien n’est laissé au hasard, de l’interprétation (comme toujours chez Resnais remarquable direction d’acteurs et interprètes judicieusement choisis, de Dussolier en amoureux timide à Sabine Azéma en incorrigible optimiste en passant par Lambert Wilson, vaniteux et finalement pathétique et presque attendrissant) aux costumes comme les tenues rouges et flamboyantes de Sabine Azéma ou d’une tonalité plus neutre, voire fade, d’Agnès Jaoui.
« On connaît la chanson » a obtenu 7 César dont celui du meilleur film et du meilleur scénario original. C’est pour moi un des films les plus brillants et profonds qui soient malgré sa légèreté apparente, un mélange subtile –à l’image de la vie - de mélancolie et de légèreté, d’enchantement et de désenchantement, un film à la frontière des émotions et des genres qui témoigne de la grande élégance de son réalisateur, du regard tendre et incisif de ses auteurs et qui nous laisse avec un air à la fois joyeux et nostalgique dans la tête. Un film qui semble entrer dans les cadres et qui justement nous démontre que la vie est plus nuancée et que chacun est forcément plus complexe que la case à laquelle on souhaite le réduire, moins lisse et jovial que l’image « enchantée » qu’il veut se donner. Un film jubilatoire enchanté et enchanteur, empreint de toute la richesse, la beauté, la difficulté, la gravité et la légèreté de la vie. Un film tendrement drôle et joyeusement mélancolique à voir, entendre et revoir sans modération…même si nous connaissons déjà la chanson !
Dans le cadre du festival était également projeté « Cœurs », un film d’Alain Resnais de 2006. Le film choral était alors à la mode. Alain Resnais, cinéaste emblématique de la modernité, ne suit pas les modes mais les initie, encore. Malgré le temps, sa modernité n’a pas pris une ride et de ce point de vue du haut de ses 80 ans et quelques, mais surtout du haut de ses innombrables chefs d’œuvre (Hiroshima, mon amour, L’année dernière à Marienbad, Nuit et brouillard, On connaît la chanson, Smoking, no smoking, Je t’aime, je t’aime et tant d’autres), il reste le plus jeune des cinéastes. Coeurs est l’adaptation de Private fears in public places, une pièce de théâtre de l’auteur anglais Alain Ayckbourn dont Alain Resnais avait déjà adapté en 1993 une autre de ses œuvres, pour en faire Smoking, No smoking.
Ce film, choral donc, croise les destins de six « cœurs en hiver » dans le quartier de la Grande Bibliothèque, quartier froid, moderne et impersonnel, sous la neige du début à la fin du film. La neige, glaciale, évidemment. La neige qui incite à se presser, à ne pas voir, à ne pas se rencontrer, à fuir l’extérieur. C’est donc à l’intérieur qu’il faut chercher la chaleur. Normalement. A l’intérieur qu’on devrait se croiser donc. Alors, oui, on se croise mais on ne se rencontre pas vraiment.
C’est probablement d’On connaît la chanson que se rapproche le plus ce film, en particulier pour la solitude des personnages. Le dénouement est pourtant radicalement différent et avec les années qui séparent ces deux films la légèreté s’est un peu évaporée. Ainsi, dans On connaît la chanson les personnages chantent. Là, ils déchantent plutôt. Ils sont en quête surtout. En quête de désirs. De désir de vivre, surtout, aussi. Même dans un même lieu, même ensemble, ils sont constamment séparés : par un rideau de perle, par la neige, par une séparation au plafond, par une cloison en verre, par des couleurs contrastées, par des cœurs qui ne se comprennent plus et ne battent plus à l’unisson. Non, ces cœurs-là ne bondissent plus. Ils y aspirent pourtant.
Le coeur se serre plus qu’il ne bondit. A cause des amours évanouis. Des parents disparus. Du temps passé. Ils sont enfermés dans leur nostalgie, leurs regrets même si la fantaisie et la poésie affleurent constamment sans jamais exploser vraiment. La fantaisie est finalement recouverte par la neige, par l’apparence de l’innocence. L’apparence seulement. Chaque personnage est auréolé de mystère. Resnais a compris qu’on peut dire beaucoup plus dans les silences, dans l’implicite, dans l’étrange que dans un excès de paroles, l’explicite, le didactique. Que la normalité n’est qu’un masque et un vain mot.
Comme toujours chez Resnais les dialogues sont très et agréablement écrits. La mise en scène est particulièrement soignée : transitions magnifiquement réussies, contrastes sublimes et saisissants des couleurs chaudes et froides, jeu sur les apparences (encore elles). Rien d’étonnant à ce qu’il ait obtenu le Lion d’Argent du meilleur réalisateur à Venise.
De la mélancolie, Alain Resnais est passé à la tristesse. De l’amour il est passé à la tendresse. Celle d’un frère et d’une sœur qui, à la fin, se retrouvent, seuls, enlacés. Sur l’écran de télévision qu’ils regardent, s’inscrit alors le mot fin. Espérons qu’elle ne préfigure pas la croyance du réalisateur en celle du cinéma, peut-être sa disparition sur le petit écran du moins. Peut-être la fin des illusions du cinéaste.
En suivant les cœurs de ces personnages désenchantés, leurs « cœurs en hiver », Alain Resnais signe là un film particulièrement pessimiste, nostalgique, cruel parfois aussi. On en ressort tristes, nous aussi, tristes qu’il n’ait plus le cœur léger. Un film qui mérite néanmoins d’être vu. Pour ses acteurs magistraux et magistralement dirigés. Pour la voix de Claure Rich vociférant. Pour le vibrant monologue de Pierre Arditi. Pour le regard d’enfant pris en faute de Dussolier. Pour la grâce désenchantée d’Isabelle Carré. Pour la fantaisie sous-jacente de Sabine Azéma. Pour l’égarement de Lambert Wilson. Pour la voix chantante de Laura Morante soudainement aussi monotone que les appartements qu’elle visite. Pour et à cause de cette tristesse qui vous envahit insidieusement et ne vous quitte plus. Pour son esthétisme si singulier, si remarquablement soigné. Pour la sublime photographie d’Eric Gautier. Pour sa modernité, oui, encore et toujours. Parce que c’est une pierre de plus au magistral édifice qu’est l’œuvre d’Alain Resnais.
Enfin, le Champs-Elysées Film Festival projetait en avant-première le dernier film d’Alain Resnais (qui sortira en salles le 26 septembre 2012) que j’ai découvert à Cannes (retrouvez, ici, mon bilan complet du Festival de Cannes 2012) où il figurait en compétition officielle et dont je regrette d’ailleurs l’absence au palmarès. Voici ma critique écrite suite à la projection du Festival de Cannes.
Disons-le d’emblée, le film d’Alain Resnais est mon énorme coup de cœur de cette édition 2012 (pour l’instant) avec « A perdre la raison » de Joachim Lafosse (section Un Certain Regard) et « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire (Semaine de la Critique). Bien sûr, il est difficile d’évincer (et de comparer) avec « Amour » et «De rouille et d’os » qui m’ont également enthousiasmée mais ce film a (et a suscité) ce quelque chose en plus, cet indicible, cet inexplicable que l’on pourrait nommer coup de foudre.
Après tant de grands films, des chefs d’œuvres souvent même, Alain Resnais prouve une nouvelle fois qu’il peut réinventer encore et encore le dispositif cinématographique, nous embarquer là où on ne l’attendait pas, jouer comme un enfant avec la caméra pour nous donner à notre tour ce regard d’enfant émerveillé dont il semble ne s’être jamais départi. A bientôt 90 ans, il prouve que la jeunesse, l’inventivité, la folie bienheureuse ne sont pas questions d’âge.
Antoine, homme de théâtre, convoque après sa mort, ses amis comédiens ayant joué dans différentes versions d’Eurydice, pièce qu’il a écrite. Il a enregistré, avant de mourir, une déclaration dans laquelle il leur demande de visionner une captation des répétitions de cette pièce: une jeune troupe lui a en effet demandé l’autorisation de la monter et il a besoin de leur avis.
Dès le début, la mise en abyme s’installe. Les comédiens appelés par leurs véritables noms reçoivent un coup de fil leur annonçant la mort de leur ami metteur en scène. Première répétition avant une succession d’autres. Puis, ils se retrouvent tous dans cette demeure étrange, presque inquiétante, tel un gouffre un peu morbide où leur a donné rendez-vous Antoine.Cela pourrait être le début d’un film policier : tous ces comédiens réunis pour découvrir une vérité. Mais la vérité qu’ils vont découvrir est toute autre. C’est celle des mots, du pouvoir et de la magie de la fiction.
Puis, se passe ce qui arrive parfois au théâtre, lorsqu’il y a ce supplément d’âme, de magie, lorsquece pouvoir des mots vous embarque ailleurs, vous hypnotise, vous fait oublierla réalité, tout en vous ancrant plus que jamais dans la réalité, vous faisant ressentir les palpitations de la vie. En 1942, Alain Resnais avait ainsi assisté à une représentation d’ « Eurydice » de Jean Anouilh de laquelle il était sorti bouleversé à tel point qu’il avait fait deux fois le tour de Paris à bicyclette. C’est aussi la sensation exaltante que m’a donné ce film.
Chaque phrase prononcée, d’une manière presque onirique, magique, est d’une intensité sidérante de beauté et de force et exalte la force de l’amour. Mais surtout Alain Resnais nous livre ici un film inventif et ludique. Il joue avec les temporalités, avec le temps, avec la disposition dans l’espace (usant parfois aussi du split screen entre autres « artifices »). Il donne à jouer des répliques à des acteurs qui n’en ont plus l’âge. Cela ne fait qu’accroître la force des mots, du propos, leur douloureuse beauté et surtout cela met en relief le talent de ses comédiens. Rarement, je crois, j’aurais ainsi été émue et admirative devant chaque phrase prononcée quel que soit le comédien. A chaque fois, elle semble être la dernière et la seule, à la fois la première et l’ultime. Au premier rang de cette distribution (remarquable dans sa totalité), je citerai Pierre Arditi, Lambert Wilson, Anne Consigny, Sabine Azéma mais en réalité tous sont extraordinaires, aussi extraordinairement dirigés.
C’est une des plus belles déclarations d’amour au théâtre et aux acteurs, un des plus beaux hommages au cinéma qu’il m’ait été donné de voir et de ressentir. Contrairement à ce qui a pu être écrit, ce n’est pas une œuvre posthume mais au contraire une mise en abyme déroutante, exaltante d’une jeunesse folle, un pied-de-nez à la mort qui, au théâtre ou au cinéma, est de toutes façons transcendée. C’est aussi la confrontation entre deux générations ou plutôt leur union par la force des mots. Ajoutez à cela la musique de Mark Snow d’une puissance émotionnelle renversante et vous obtiendrez un film inclassable et si séduisant (n’usant pourtant d’aucune ficelle pour l’être mais au contraire faisant confiance à l’intelligence du spectateur).
Ce film m’a enchantée, bouleversée, m’a rappelé pourquoi j’aimais follement le cinéma et le théâtre, et les mots. Ce film est d’ailleurs au-delà des mots auquel il rend pourtant un si bel hommage. Ce film mériterait un prix d’interprétation collectif, un prix de la mise en scène…et pourquoi pas une palme d’or ! Ces quelques mots sont bien entendu réducteurs pour vous parler de ce grand film, captivant, déroutant, envoûtant, singulier. Malgré tout ce que je viens de vous en dire, dîtes-vous que de toutes façons, « Vous n’avez encore rien vu ». C’est bien au-delà des mots. Et espérons que nous aussi nous n’avons encore rien vu et qu’Alain Resnais continuera encore très longtemps à nous surprendre et enchanter ainsi. Magistralement.
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Les Espoirs du cinéma français nommés pour les prix Romy Schneider et Patrick Dewaere 2012
Ce soir aura lieu la cérémonie de remise de prix officielle du prix Romy Schneider et du prix Patrick Dewaere 2012. Sont nommés: Bérénice Béjo, Leila Beikhti, Céline Sallette et Jérémie Elkaïm, Joey Starr, Omar Sy. Ce sera la 31ème édition de ce prix qui a révèlé une générations de comédiens sur 3 décennies. En 2011, Anaïs Demoustier et Gilles Lellouche avaient été couronnés. Je serai en direct de la remise de prix ce soir. Suivez-moi sur http://twitter.com/moodforcinema . Vous pourrez bien entendu retrouver le compte-rendu ici demain et, en attendant, retrouvez la liste impressionnante des anciens lauréats ci-dessous.
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Concours - 15x2 places pour le Cycle Max Linder au Louvre
C’est un très sympathique concours que j'ai le plaisir de vous proposer aujourd’hui, en partenariat avec le Louvre pour une très belle programmation que propose ce dernier autour de Max Linder. Après 10 ans de vie parisienne, Le Louvre reste pour moi le lieu parisien le plus magique, et cette magie associée à celle de la musique et des images promet un très beau moment. Je vous recommande donc vivement de tenter votre chance...et si vous ne comptez pas parmi les heureux gagnants, vous trouverez ci-dessous toutes les informations pratiques pour assister à ce cycle Max Linder.
"Première grande vedette internationale du cinéma, Max Linder fut l’auteur, l’interprète et le metteur en scène de centaines de films entre le début des années dix et 1925, année de sa tragique disparition. Créant le personnage de Max, jeune homme élégant, séducteur invétéré et sportif accompli, en quelque sorte son double à l’écran, il sut se démarquer des héros des séries comiques alors à la mode. Son détachement de dandy, son style singulier, alliant invention poétique et manie du gag, allaient lui assurer un succès ininterrompu tout au long des années dix, en France, en Europe et même au-delà, puisqu’il produisit et tourna, au début des années vingt aux Etats-Unis, trois comédies à succès, Sept ans de malheur, Soyez ma femme et The Three must get Thers (L’Etroit Mousquetaire), désopilante parodie d’un film de Douglas Fairbanks.
Maud Linder, sa fille, née en 1924, a voulu offrir au public le plaisir de découvrir ou de revoir une œuvre qu’elle s’attache à compléter et à préserver. Elle a choisi le musée du Louvre pour rendre hommage à ce formidable pionnier du cinéma français, dont l’influence sur de nombreux acteurs et cinéastes du monde entier fut considérable.
Au programme, la projection de films rares, présentés par Maud Linder, avec des accompagnements musicaux originaux, une soirée « musiques actuelles », avec notamment Seb Martel et Las Ondas Marteles, une séance de cinéma « à l’ancienne » mêlant cinéma et spectacle vivant, une séance avec le pianiste Jacky Delance ainsi qu’une table ronde réunissant cinéastes et historiens du cinéma, animée par Laurent le Forestier, avec la participation des cinéastes Costa-Gavras et Emmanuel Mouret (sous réserve).
« Il y a dans tout son être une telle fraîcheur que je suis incapable de me souvenir s’il est le premier, avant Charlie Chaplin, avant tous les autres. L’abondance d’idées, la mise en scène, le rythme, la performance, le jeu exprimé avec une extraordinaire économie de moyens, tout contribue à le rendre présent. Il est mieux que moderne, il est permanent »
Pierre EtaixPROGRAMMATION DU CYCLE MAX LINDER AU LOUVRE
Vendredi 15 juin à 20h30
Max professeur de tango
Avec Seb Martel et Las Ondas Marteles, Fabrice Barré, Jean-Yves et Léo Colson…Samedi 16 juin à 14h30
L’Homme au chapeau de soie de Maud Linder, Fr., 1982, 90 min
La vie de Max Linder retracée par sa fille, au fil de son œuvre.Samedi 16 juin à 16h30
Max Linder en son temps, et au-delà
Table ronde animée par Laurent le Forestier, professeur à Rennes-2.
Avec la participation des cinéastes Costa-Gavras et Emmanuel Mouret (sous réserve), Christian Rolot, professeur à Montpellier-3 et Laurent Guido, professeur à l’université de Lausanne.
Spécialistes, cinéastes et historiens du cinéma évoquent, en s’appuyant sur des extraits de films, la place de Max Linder dans l’histoire du cinéma, sa singularité par rapport aux comiques de l'époque, la dimension internationale de son œuvre, ainsi que son influence et ses héritiers.Samedi 16 juin à 20h30
Les débuts de Max au cinéma
Projections, numéro de music hall, lecture par François Marthouret d’extraits de la correspondance de Max Linder…
Avec la présence exceptionnelle de Maud Linder
Accompagnement au piano : Jean-Marie SéniaDimanche 17 juin à 16h
Max virtuose
Avec Jacky Delance en trioCONCOURS :
Sont à gagner ici 15x2 places pour ce samedi 16 juin avec, au programme, un Film –concert à 20h30 « Les débuts de Max au cinéma » (accompagnement des films au piano par Jean-Marie Sénia).
Exceptionnellement, comme le temps imparti est très court, je vais faire très simple. Pour remporter ces places, soyez parmi les 15 premiers à me donner un titre de film de Max Linder (attention: le titre donné ne doit jamais être deux fois le même et votre réponse doit être donnée dans les commentaires de l'article similaire de mon autre blog sur http://inthemoodlemag.com et non sur http://www.inthemoodforcinema.com ) en n’oubliant pas de joindre votre prénom et votre nom. Je confirmerai les noms des gagnants dans les commentaires de cet article vendredi 15 juin. N’oubliez pas de revenir consulter l’article. Vos noms figureront ensuite sur la liste des invités. Il vous suffira de retirer vos places 30 minutes avant le début de la séance à l'accueil de l'Auditorium.
Et pour ceux qui ne feront pas partie des gagnants, voici toutes les informations pratiques :
Informations pratiques
Lieu :
Auditorium du LouvreAccès :
Métro : Palais-Royal / Musée du Louvre
Entrée par la pyramide, le passage Richelieu ou les galeries du Carrousel
Parking du Carrousel ouvert de 7h à 23hInformations :
+33 (0)1 40 20 55 55, de 9h à 19h du lundi au vendrediRéservations :
Du lundi au vendredi (sauf le mardi), de 11h à 17h, uniquement par carte bancaire :
+33 (0)1 40 20 55 00
Groupes scolaires et centres de loisirs :
+33 (0)1 40 20 50 01
Groupes adultes (associations, comités d’entreprise…) :
+33 (0)1 40 20 54 55A la caisse de l’auditorium :
Du lundi au samedi (sauf le mardi) de 9h à 17h30
Tarifs
Tarif E : 6 euros, 5 euros (réduit), 4 ou 3 euros (« solidarité » et « jeunes »)Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site internet du Louvre, ici.