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IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 47

  • Critique de THE NEST de Sean Durkin - Grand Prix du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020

    affiche du film The Nest de  Sean Durkin.jpg

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    Dans les années 1980, Rory (Jude Law), un ancien courtier devenu un ambitieux entrepreneur, convainc Allison (Carrie Coon), son épouse américaine, et leurs deux enfants, de quitter le confort d’une banlieue cossue des États-Unis pour s’installer en Angleterre, son pays de naissance. Persuadé d’y faire fortune, Rory loue un vieux manoir en pleine campagne où sa femme pourra continuer à monter et à donner des cours d’équitation. Mais l’espoir d’un lucratif nouveau départ s’évanouit rapidement et l’isolement fissure peu à peu l’équilibre familial.

    Vanessa Paradis, la présidente du jury de ce 46ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, dans le cadre duquel The Nest a été projeté en compétition, a évoqué « un thriller oppressant, une fable sur le délitement d'une famille portée par une élégance de sa mise en scène et deux acteurs d'exception ».

    Thriller oppressant et acteurs d’exception sont deux expressions qui pourraient aussi s’appliquer à mon autre coup de cœur de ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020, « The Assistant » de Kitty Green dont le rôle principal est incarné par Julia Garner, découverte dans Martha Marcy May Marlene d’ailleurs réalisé par un certain… Sean Durkin. Ces deux films avaient aussi en commun de claquemurer leurs protagonistes dans une situation inextricable et angoissante et dans un cadre claustrophobique...comme un écho métaphorique de l'actualité, un autre enfermement, celui provoqué par la pandémie.

    Ce deuxième film de Sean Durkin, qui avait remporté en 2011 le prix du meilleur réalisateur au Festival de Sundance pour Martha Marcy May Marlene, a en effet récolté pas moins de trois récompenses au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020 : Grand prix, Prix de la Révélation et Prix de la Critique Internationale.

    Tout est en ordre dans cette famille et dans le nid (signification de The Nest) au sein duquel elle vit. Du moins, en apparence : tout est en ordre. Les voitures sont bien rangées devant le cossu pavillon. Rory reçoit un coup de fil dont on n’entend pas le contenu. Tout juste le voit-on avoir une conversation téléphonique qui semble le réjouir, derrière une fenêtre de la maison. Premier élément qui instille mystère et suspicion quant à l’apparente sérénité qui semble régner. Chacun des membres de la famille a une vie bien orchestrée, en équilibre comme la gymnastique que pratique la fille d’Allison. La musique laisse deviner un bonheur tranquille, une vie sans aspérités. Chaque matin, Rory apporte le café à sa femme. Et puis un jour il lui annonce « on devrait déménager » et lui présente cela comme une opportunité. « Tu devrais avoir ta propre écurie » lui dit-il, comme s’il s’agissait de lui demander son avis et de la convaincre. De simples détails dont le spectateur se souviendra ensuite laissent pourtant déjà présager ce qui deviendra le centre de leurs préoccupations : l’argent (elle réclame l’argent de ses leçons d’équitation) et les remarques pernicieuses de Rory (Rory fait comprendre que s’ils sont venus dans ce coin des Etats-Unis, c’est pour se rapprocher de la famille d’Allison).

    Malgré les réticences d’Alison, ils partent pour l’Angleterre où ils emménagent dans un nouveau nid. Un manoir isolé aussi gigantesque qu’inhospitalier et lugubre choisi par Rory seul et dans lequel il n’aurait certainement pas déplu à Hitchcock de placer l’intrigue d’un de ses films. Rory fanfaronne en évoquant le « parquet posé dans les années 1700 », les «membres de Let Zeppelin qui ont vécu ici en enregistrant un album » ou encore en offrant un manteau de fourrure avec grandiloquence et une once de grossièreté à Allison. Son patron lui dit en plaisantant : « ton bureau c’est pour apaiser ton ego fragile. » Cet ego est bel et bien ce qui domine ce personnage dont la propension au mensonge pour satisfaire son orgueil est la principale caractéristique. A son épouse, il dit « j’ai hâte de te montrer à tout le monde » comme un objet qu’il exhiberait tout comme il évoquera les 5000 dollars que lui coûte le « cheval défectueux » de sa femme le rabaissant là aussi à un état d’objet. Il paie le restaurant pour ses collègues. Ment en parlant de leur « penthouse à New York » alors qu’ils ne possèdent rien. Et Allison découvre que ce départ n’était pas la conséquence d’une opportunité mais d'une démarche de Rory.

    Derrière ce bonheur de façade, tout semble pouvoir exploser d’un instant à l’autre, et le nid pouvoir se fissurer.  Une scène de dîner au restaurant entre les deux époux témoigne d’ailleurs de la fragilité de leur bonheur mais aussi du caractère d’Alisson, la force de ce personnage étant aussi un des atouts de ce film, ne la cantonnant pas au rôle d’épouse complaisante et fragile. Une scène jubilatoire que je vous laisse découvrir.

    Peu à peu, le vernis se craquèle. On découvre que Rory a une mère qui vit en Angleterre et  qu’il n’a pas vue depuis des années, et dont il n’a vraisemblablement pas parlé à sa femme, et auprès de laquelle il se vante d’avoir épousé « une sublime blonde américaine. »  Les signes extérieurs de richesse sont primordiaux pour Rory en ces années 1980 où l’argent est roi. Tout se mesure en argent pour lui. Une revanche sur son « enfance merdique » comme il la qualifiera. Une revanche qu’il estime mériter, quoiqu’il en coûte à sa famille (au propre comme au figuré). Peu à peu leur monde se délite. Leur fille se met à fumer en cachette, à avoir de mauvaises fréquentations, à se rebeller. Leur fils subit du harcèlement à l’école et est terrifié à l’idée de traverser le manoir. Et même Allison semble croire que des ombres fantomatiques se faufilent dans le décor.  Et le cheval, l’élément d’équilibre de la famille, semble lui aussi perdu, malade, et courir vers une mort qui semble annoncer celle de toute la famille.

    La grande richesse de ce film provient de la parfaite caractérisation de ses deux personnages principaux et de leurs deux enfants, de leurs fragilités qui s’additionnent et semblent les mener vers une chute irréversible. L’obsession de réussite de Rory lui fait occulter tout le reste. Et tout n’est plus qu’une question d’argent, même sa relation avec Allison à qui il rappelle qu’il l’a sortie de la situation dans laquelle elle se trouvait avec sa fille avant de le rencontrer.

    Derrière le personnage imbuvable, pétri d’orgueil et de suffisance, aveuglé par son ambition, se dessine peu à peu le portrait d’un être brisé par son enfance. Le scénario est émaillé d’indices qui, comme ceux d’une enquête, nous permettent de constituer peu à peu le portrait et les causes de sa personnalité. Les dialogues souvent cinglants donnent lieu à des scènes d’anthologie et le basculement semble à chaque instant possible.

    Le dénouement signe l’explosion finale (et l’implosion finale, celle de la famille), inévitables. Chacun des occupants du nid franchit le seuil de sa folie avant de basculer irrémédiablement ou, qui sait, de retrouver le cocon rassurant et protecteur,  là où il n’est plus permis de jouer, de faire semblant.  D’ailleurs, pour rentrer, Rory se fraie un chemin au milieu des feuilles comme pour venir se réfugier auprès des siens et assister à la morale de la fable.

    Sean Durkin pose finalement un regard compatissant sur l’enfant capricieux et en mal de reconnaissance qu’est Rory jusqu’à faire tomber le masque. Face à lui, son épouse n’est pas la victime de ses actes mais bataille pour maintenir à flot le nid familial.  Carrie Coon et Jude Law par l’intensité et les nuances de leur jeu apportent la complexité nécessaire à ces deux grands enfants perdus que sont Allison et Rory.

    La musique, de plus en plus inquiétante, et la mise en scène, d’une élégante précision, épousent brillamment l’angoisse qui progressivement, s’empare de chacun des membres de la famille, se retrouvant bientôt tous isolés, dans le fond comme dans la forme, dans le manoir comme dans les problèmes qu’ils affrontent. La noirceur et la nuit s’emparent des âmes et des décors. Jusqu’à ce que, qui sait, la clarté et le jour ne se lèvent et le nid ne réconforte et recueille ses occupants.  Un scénario ciselé, une mise en scène élégante, des personnages brillamment dessinés au service d’un suspense haletant et d’un dénouement d’une logique à la fois surprenante et implacable.

     

  • Sélection Cannes 2020 du Festival du Cinéma Américain de Deauville : ADN de Maïwenn

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    Je vous le disais au début du festival : cette année, le Festival du Cinéma Américain de Deauville a élargi sa programmation à 10 films de la sélection de Cannes 2020 qui n’a pu avoir lieu physiquement en mai dernier mais qui a néanmoins annoncé sa sélection officielle. Parmi ces films, la cinquième réalisation de Maïwenn (ci-dessous également, mes critiques de « Polisse » et « Mon roi ») qui incarne ici Neige (prénom en hommage au livre « Nedjma » de Kateb Yacine), une femme divorcée et mère de trois enfants, qui rend régulièrement visite à Émir, son grand-père algérien qui vit désormais en maison de retraite. Elle adore et admire ce pilier de la famille, qui l’a élevée et surtout protégée de la toxicité de ses parents. Les rapports entre les nombreux membres de la famille sont compliqués et les rancœurs nombreuses... Heureusement, Neige peut compter sur le soutien et l’humour de François, son ex. La mort du grand-père va déclencher une tempête familiale et une profonde crise identitaire chez Neige. Dès lors, elle va vouloir comprendre et connaître son ADN.

    Maïwenn avait avant tout l’intention de réaliser « un film contre le racisme et pour les immigrés, peu importe de quelle génération ou de quelle origine géographique. Cela n’a aucune importance. J’ai voulu faire un film qui nous pousse à nous demander : mais d’où je viens en fait ? ». Même si la réalisatrice réfute le terme d'« autobiographie » pour elle « réducteur et inadéquat », comme son héroïne, elle est partie à la recherche de ses origines algériennes. Ainsi, sa propre histoire influe-t-elle sur le film. Tourné dans l’ordre chronologique, co-écrit par Maïwenn et Mathieu Demy, ADN est avant tout remarquable pour ses passages sur le deuil et toutes les situations décalées auxquelles cette épreuve indicible donne lieu comme le choix du cercueil, du genre de la cérémonie, des personnes invitées. La chambre de la maison de retraite qui doit être débarrassée à un horaire précis est le cadre de scènes d’une drôlerie funeste et pourtant terriblement réalistes.

    Une autre bonne idée est d’avoir confié le rôle de la mère toxique à Fanny Ardant, comme toujours et même plus que jamais sensationnelle (rien que son rôle vaut le déplacement), et celui de l’ex-confident à Louis Garrel qui apporte une touche de légèreté et de comédie.

    ADN est avant tout un film foisonnant et multiple comme son titre. Un film sur la quête des origines, l’héritage, la transmission. Un film qui oscille entre le drame et la comédie. Un film qui évoque la mort et célèbre la vie, avec ses débordements, ses contradictions, ses vacillements. Un film bourré d’énergie, et d’excès. Un film fantasque.

    Maïwenn signe là un film débordant de vie, parfois un peu désordonné (mais après tout à l’image de l’existence !) riche de ses contrastes et de ses multiples influences culturelles.

    BONUS - Critique de  "POLISSE" de Maïwenn

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    « Polisse » est le troisième long métrage de Maïwenn  après « Pardonnez-moi » (2006) et « Le bal des actrices » (2009).  J’étais restée particulièrement sceptique devant «Le  Bal des actrices » , film sur les masques et  les mensonges des actrices  dans lequel Maïwenn nous impose sa propre vérité, un bal dont elle est la reine et la manipulatrice, un bal dans lequel le cinéma est montré comme un théâtre masqué, un monde de faux-semblants dans lequel les actrices sont toutes malheureuses, narcissiques, prétentieuses et pour se dédouaner de s'être attribuée le beau rôle, Maïwenn lors d'une scène finale (lors de laquelle toutes les actrices sont réunies pour voir son documentaire) devance toutes les critiques, ses actrices lui adressant les reproches que pourrait lui faire la critique. Bref, je craignais le pire avec le sujet ô combien sensible de ce troisième long métrage.

     

    Synopsis : « Polisse » suit le quotidien des policiers de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs) : gardes à vue de pédophiles,  arrestations de pickpockets mineurs, auditions de parents maltraitants, dépositions des enfants, les dérives de la sexualité chez les adolescents, mais aussi la solidarité entre collègues et les fous rires incontrôlables dans les moments les plus impensables. En parallèle, Maïwenn montre les répercussions sur la vie privée de chacun de ces policiers et l’équilibre précaire entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Mélissa ( Maïwenn) est mandatée par le Ministère de l’Intérieur pour réaliser un livre de photos sur la brigade. Ce regard va révéler les fêlures de Fred (Joeystarr), le plus écorché vif de la brigade.

    Les premières minutes nous montrent une petite fille décrivant avec sa candeur enfantine les attouchements que son père lui a ou aurait fait subir (nous ne saurons pas vraiment). Quelques scènes plus tard, nous retrouvons les policiers de la BPM qui, à la cantine, racontent leurs histoires de couples, avec une certaine crudité, à la fois pour désamorcer la violence de ce qu’ils entendent au quotidien, mais aussi parce que cette violence a des répercussions inévitables sur leur vie privée.

      C’est avant tout eux que la caméra de Maïwenn va suivre, nous immergeant dans leur douloureux quotidien. Douloureux parce que difficile d’entendre des horreurs toute la journée et de ne pas en ressortir écorché, voire blessé, ou même meurtri. Douloureux parce que la vie privée devient chaotique quand la vie professionnelle est aussi rude et vorace, et exige un tel dévouement dont il est impossible de ressortir indemne. Douloureux parce que les blessures des autres ravivent les leur.

    Lors de la première projection à Cannes, je vous avais dit avoir été partagée entre émotion et scepticisme, agacement et admiration mais j’avoue que cette fois l’émotion et l’admiration ont dominé. Emotion parce que la caméra de Maïwenn capte et esquisse admirablement des portraits de pères, de mères, d’hommes, de femmes, d’enfants, désemparés face à la douleur indicible mais aussi la glaçante épouvante de ceux qui avouent les pires horreurs avec le sourire et une terrible « innocence », inconscients de celle qu’ils ont bafouée (Terrifiante déclaration du personnage d’Audrey Lamy inspirée comme tous les autres faits de ce film, de faits réels). Emotion parce qu’il est impossible de rester insensible devant, par exemple, cette scène douloureusement réaliste de cet enfant arraché à sa mère parce qu’il est impossible de leur trouver un foyer à tous deux. Emotion lorsque par un frôlement de main, une danse d’abandon, surgit une tendresse si longtemps contenue. Emotion parce que la scène finale d’une logique tragiquement implacable vous saisit d’effroi.

    Admiration parce que Maïwenn en quelques plans, parfois juste le temps d’une déclaration à la police, nous raconte toute une histoire, un passé sombre et un avenir compromis. Admiration parce qu’elle tire des acteurs et surtout actrices, le meilleur d’eux-mêmes : Sandrine Kiberlain bouleversante,  Karin Viard insaisissable, touchante puis presque effrayante,  et que dire de Marina Foïs, remarquable dans le rôle de ce personnage de policier, le plus intéressant, abimé, fragile, désorienté. Même Joeystarr dont la prestation dans « Le bal des actrices » ne m’avait pas convaincue, est ici particulièrement touchant dans son rôle de flic bourru au cœur tendre qui s’implique émotionnellement dans chaque « cas ».

    Alors pourquoi étais-je aussi sceptique et agacée suite à la projection cannoise ? Sceptique parce que le personnage qu’incarne Maïwenn qui se cache derrière ses grandes lunettes, son chignon, qui passe des beaux quartiers aux quartiers plus populaires, semble une nouvelle fois une manière de se dédouaner, de se donner le beau rôle, de se mettre en scène sans que cela soit forcément nécessaire. Il faut avouer que, suite à cette deuxième projection, j’ai trouvé que son personnage qui certes parfois sourit un peu trop béatement, apporte une certaine fraîcheur, un regard extérieur et est une vraie trouvaille scénaristique pour permettre au personnage de Joeystarr d’évoluer et de révéler une autre facette de sa personnalité. C’est aussi un moyen d’explorer à nouveau la mise en abyme.  C'est d’ailleurs après avoir vu un documentaire à la télévision sur le travail des policiers chargés de protéger les mineurs, qu'elle a eu l'idée d'en faire un film.

     Agacée par ce style faussement réaliste (Lors de la conférence de presse des lauréats à Cannes, Maïwenn s’est énervée suite à la question d’un journaliste qui, à propos de son film, parlait de style semi-documentaire) qui recrée une réalité et forcément l’édulcore pour faire surgir une réalité qui forcément n’en est pas totalement une. Agacée parce que Maïwenn par moments semble nous refaire « Le bal des actrices » et plus soucieuse de leurs performances que du réalisme (peut-être aurait-il été plus judicieux d’utiliser uniquement des comédiens inconnus) mais après cette deuxième projection, je reconnais que tous les acteurs sans exception, sont absolument remarquables et que Maïwenn est incontestablement douée pour la direction d’acteurs sachant tirer ici le meilleur de chacun (les « témoignages » d’anonymes sont saisissants).

    Agacée parce que parfois la caméra s’attarde un peu trop, et nous prend en otage, ou parce que parfois elle semble privilégier ou du moins hésiter entre l’effet de style ou l’émotion et le réalisme (comme la scène des enfants qui dansent dans le bus). Agacée parce que, à l’image de son titre, cela frôle alors l’artificiel. Polisse écrit par un enfant. Polisse mais surtout pas « policé ». Polisse parce qu’il y avait déjà le PoliCe de Pialat.

    Avec ce troisième film, Maïwenn veut à nouveau faire surgir la vérité, « peindre les choses cachées derrière les choses » pour reprendre une célèbre réplique d’un non moins célèbre film de Marcel Carné. En voulant parfois trop mettre en valeur ses actrices (ou elle-même), elle nuit justement à cette vérité nous rappelant trop souvent que « c’est du cinéma », alors qu’elle retranscrit malheureusement surtout une sombre réalité. Il n’en demeure pas moins que c’est un bel hommage à ces policiers de la BPM, à leur dévorant métier et leur dévouement,  un constat effroyable sur la noirceur humaine, et il n’en demeure pas moins que la fin est bouleversante de beauté tragique et de lyrisme dramatique : ces deux corps qui s’élancent, et font éclater ou taire la vérité, inadmissible, et éclater ou taire l’espoir. Un film agaçant, intense, marquant, bouleversant, parfois même (sombrement) drôle.

    A cette deuxième vision, la qualité de la réalisation (caméra nerveuse qui épouse la tension palpable), et surtout l’écriture m’ont particulièrement marquée, sans doute la raison pour laquelle Maïwenn condamnait cette définition de semi-documentaire. Le film est extrêmement construit, les dialogues sont particulièrement efficaces et sans doute certains les trouveront trop écrits, en contradiction avec l’impression de réalisme auquel ils ne nuisent néanmoins pas. Chaque scène de chaque personnage, qu’il soit au premier ou au second plan, dit quelque chose du dénouement concernant ce personnage et il faut dire que Maïwenn et sa coscénariste Emmanuelle Bercot manient brillamment le film choral aidées par un brillant montage qui fait alterner scènes de la vie privée et scènes de la vie professionnelle, les secondes révélant toujours quelque chose sur les premières, ces deux familles se confondant parfois. Pialat, Tavernier, Beauvois, Marchal avaient chacun à leur manière éclairer une facette parfois sombre de la police. Il faudra désormais compter avec le « Polisse » de Maïwenn dont le prix du jury cannois était en tout cas entièrement justifié.

    Critique de MON ROI de Maïwenn

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    Vincent Cassel, dans son meilleur rôle (celui de Georgio) suscite chez Tony (Emmanuelle Bercot), une passion étouffante et destructrice qu’elle se remémore alors qu’elle est dans un centre de rééducation après une chute de ski. Une relation amoureuse tumultueuse mêlant « joie et de souffrance » chères à Truffaut.

    Un film qui exerce le même charme, doux et âpre, la même fascination troublante que le personnage principal. Le spectateur est lui aussi sous emprise. Vincent Cassel est un Georgio diaboliquement séduisant, envoûtant, un roi autoritaire, inique, détestable et malgré tout charmant, qu’il imite un serveur dans un célèbre palace deauvillais ou qu’il jette son portable (pour « donner son portable » suite à sa rencontre avec Tony) comme un roi fier, désinvolte, lunatique, arrogant, ensorcelant comme il l’est avec le sujet de son désir.

    Plutôt que d’en faire un pervers narcissique caricatural, Maïwenn lui dessine des failles (une relation au père puis à sa disparition moins indifférente qu’il voudrait le laisser paraître).

    Face à Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot incarne corps et âme cette femme aveuglée par l’amour qui aime follement dont, justement, le corps et l’âme souffrent et vibrent pour et par cet homme.

    Maïwenn n’a peur de rien, ni d’appeler son personnage féminin « Marie-Antoinette » (d’où Tony), ni du mal au genou parce que mal au « je nous », c’est ce qui agacera ou charmera mais cette audace fougueuse est plutôt salutaire dans un cinéma français parfois trop aseptisé.

    Un film qui, dès les premières minutes, où Tony se jette à corps perdu dans le vide, nous happe pour ne plus nous lâcher jusqu’à la dernière seconde et jusqu’à la très belle scène finale.

    A signaler : un Louis Garrel sous un nouveau jour, irrésistiblement drôle, qui apporte une respiration dans cet amour étouffant.

    Après le prix du jury en 2011 pour « Polisse », avec son quatrième film seulement, Maïwenn confirme être une cinéaste de talent avec laquelle il va falloir compter.

     

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  • KAJILLIONAIRE de Miranda July (Compétition officielle du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020)

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    J’étais impatiente de découvrir ce troisième film de Miranda July.  En 2005, la cinéaste américaine avait obtenu la Caméra d’or du festival de Cannes pour son premier film, Moi, toi, et tous les autres projeté cette même année au Festival du Cinéma Américain de Deauville. Un prix amplement mérité qui nous faisait découvrir l’univers à part d’une grande cinéaste en devenir. Son univers est en effet toujours une promesse de singularité. Promesse à nouveau et plus que jamais tenue avec ce film aussi inclassable que réjouissant.

    Synopsis : Theresa et Robert ont passé 26 ans à former leur fille unique, Old Dolio, à escroquer, arnaquer et voler à chaque occasion. Au cours d'un cambriolage conçu à la hâte, ils proposent à une jolie inconnue ingénue, Mélanie, de les rejoindre, bouleversant complètement la routine d'Old Dolio.

    Sous des dehors surréalistes, ce film évoque en filigrane des sujets graves, assimilant ici la famille à une sorte de prison sectaire.

    La première réussite est ce personnage de Old Dolio qui semble être le nom d’un vieux chef indien, ce que n’est pas Old Dolio, jeune femme de 26 ans à qui il est pourtant difficile d’attribuer un âge ou un genre. Elle échappe à toute norme et catégorisation. Old Dolio a été baptisée ainsi en l’honneur d’un clochard ayant gagné au loto… dans l’espoir qu’il l’inscrive sur son testament. Un plan qui échoue comme tous ceux élaborés par Robert et Theresa. Ce personnage merveilleusement ambivalent est intrigant est incarné par une Evan Rachel Wood bluffante qui a opéré tout un travail de jeu bien sûr mais aussi sur sa voix, sur les mouvements de son corps pour arriver à composer cette vieille jeune fille introvertie.

    Le trio vit dans un entrepôt désaffecté, jouxtant une entreprise du nom de Bubbles Inc. Un défaut de fabrication provoque à intervalles réguliers des jets de bulles roses ruisselant le long d’un mur. Une immersion de la beauté dans cet univers sombre. A l’image de ce logement et d'Old Dolio, totalement atypique, ce film ne ressemble à aucun autre, sombrement décalé, séduisant sans chercher à séduire....

    Old Dolio prend peu à peu conscience de la bizarrerie de sa famille et ressent progressivement un besoin d’émancipation. Le récit se transforme alors en parabole du passage à l’âge adulte et en quête initiatique. Chaque séquence est une surprise remarquablement déroutante. Les quatre acteurs sont stupéfiants, et leurs personnages aussi fantasques les uns que les autres. Richard et Debra Winger sont tout aussi parfaits dans leurs rôles de parents…qui le sont si peu.

    Vous quitterez cette projection avec, en tête, cette fin, comme le reste du film, merveilleusement imprévisible et excentrique et la chanson Mr Lonely de Bobby Vinton et des images indélébiles de ce film, comme cet air : entêtant. Un film joyeusement absurde, sombrement décalé, dans lequel drame et comédie valsent harmonieusement, (le rire n’a jamais autant été que là « la politesse du désespoir ») bref, une rareté jubilatoire qui mériterait sa place au palmarès et en tout cas indéniablement le prix de l’originalité. Une fable mélancolique d’une inventivité renversante !

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  • RESISTANCE de Jonathan Jakubowicz (Première – Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020)

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    Durant la Seconde Guerre mondiale, en 1942, Marcel Mangel (Jesse Eisenberg), s'engage, sous le nom de Marcel Marceau, dans la Résistance française, sous l'influence de son frère Simon (Edgar Ramirez), et de son cousin, Georges Loinger.  Malgré la désapprobation de son père, boucher, qui le souhaite voir reprendre son commerce, Marcel tente de réaliser son rêve de devenir artiste en se produisant dans les cabarets. Sous le charme d’Emma (Clémence Poésy) qui semble d’abord insensible, les tragiques circonstances vont les rapprocher. En partie par le mime, il aidera de nombreux enfants orphelins, dont les parents ont été tués par les nazis.

    Le premier atout de ce long-métrage présenté ce soir en avant-première est de nous permettre de connaître le passé de résistant de Marcel Marceau, le mondialement célèbre mime Marceau dont le grand public (et moi la première) ignore bien souvent qu’il sauva de centaines d’enfants orphelins juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale, évidemment au péril de sa vie.

    Jesse Eisenberg est tout à fait crédible même s’il n’atteint pas la (forcément inatteignable) maestria du mime Marceau dans l’exercice de son art (malgré une scène finale très réussie), ce qui fait que le spectateur peine parfois à comprendre la fascination qu’il exerce auprès des enfants. Malgré cela, avec lui, le spectateur traverse frontières, épreuves grâce à un suspense savamment distillé. Une scène de torture, si certains ignoraient encore toute l’indicible horreur du nazisme, en rappelle l’ineffable cruauté. Un rappel jamais inutile…

    Le grand mérite de ce film est donc de nous faire découvrir une part méconnue de la vie du mime Marceau et de grandir encore le mythe mais aussi d’apporter sa pierre à l’édifice du devoir de mémoire qui n’en a jamais de trop.

     

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  • LE MONDE N'EXISTE PAS de Fabrice Humbert - Prix Littéraire Lucien-Barrière 2020

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    Coup de projecteur aujourd’hui sur le captivant roman de Fabrice Humbert, « Le monde n’existe pas » (Gallimard) auquel a été décerné Le Prix littéraire Lucien-Barrière 2020. Un roman qui nous entraîne dans les pensées tortueuses d’Adam Vollmann, lequel, journaliste au New Yorker, voit s’afficher sur les écrans de Times Square le portrait d’Ethan Shaw. Celui qui fut la star du lycée. Celui dont la beauté était le pouvoir. Celui qui faisait penser à Robert Redford dans « Nos plus belles années. » Celui qui a un nom et une allure de personnage hollywoodien d’ailleurs. Son seul ami d’alors, accusé de viol et de meurtre. Refusant de croire à sa culpabilité, Adam retourne à Drysden, où ils se sont connus pour enquêter.

    Là où certains ont été déçus par l’énigmatique dénouement, j’y ai vu la seule fin possible. Logique. Implacable. Brillante. Un monde qui n’existe pas ne peut s’achever, non ? Tel le MacGuffin cher à Hitchcock qu’il évoque d’ailleurs, la quête n’est ici qu’un prétexte. Une mise en scène pour nous emmener dans une ville morne qui concentre tout ce que Vollmann déteste en Amérique : la petitesse, le conformisme. Pour nous emmener dans un voyage dans les méandres de l’identité entre vérité et mensonge, réalité et fiction. Dans une mise en abyme vertigineuse, de poupées russes qui se dévoilent indéfiniment, il nous égare pour nous inviter à trouver la vérité, notre « rosebud ». Citizen Kane était ainsi « la somme de ses légendes et des cinq témoignages du film racontant cinq histoires différentes. » A nous de trouver la vérité dans ce monde qui affectionne les récits à rebondissements, qui fictionnalise la réalité.

    En partant à la rechercher d’un homme qui ne finissait jamais les puzzles, il nous confronte nous-mêmes à un puzzle dont il nous appartient de trouver la dernière pièce. Vollmann est d’ailleurs devenu journaliste par passion de la littérature. De la fiction donc.  Vollmann ne signifie-t-il d’ailleurs pas « homme plein », lui qui recherche son ami de lycée…à propos duquel d’autres parlent de case vide ?

    Réflexion passionnante sur notre besoin de dramatisation, de « susciter la tempête des passions par la construction d’une intrigue simple », il nous interroge : « tout ce que nous vivons est un livre ou un film. En tout cas, une fiction recomposée ou non. » Non ? Il nous invite à composer notre fiction, à nous interroger sur celles qui se composent (ou décomposent avec parfois autant d’obstination, il n’est qu’à voir les foisonnantes théories du complot) à nos regards, à nous interroger sur la manipulation du récit…tout en manipulant son personnage narrateur et à travers lui le lecteur. Laissez-vous embarquer par ce récit aux accents lynchiens  qui, en vous égarant, vous invite à trouver une vérité sur une société (qui fait évidemment songer à celle de Trump, il suffit de voir ses clips de campagne qui pourraient rivaliser avec les plus abracadabrantesques et grandiloquents des blockbusters) qui en scénarisant tout brouille les repères….à l’image de ce roman dans lequel réalité et fiction, vérité et mensonges s’imbriquent pour finalement se confondre. Brillante mise en abyme.

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  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020 : GIANTS BEING LONELY de Grear Patterson (compétition)

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    Avant d’évoquer ultérieurement les films du jour, place à mon coup de cœur de ce mardi, un film en compétition, « Giants being lonely », le premier long-métrage de Grear Patterson.

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    Synopsis  : Jake (Bobby White), Adam (Ben Irving) et Caroline (Lily Gavin) traînent leur spleen dans un lycée de Caroline du Nord. Les deux garçons se dépassent en jouant au baseball. L’un, Jake, est le petit ami de Caroline, l’autre Adam la convoite. Adam est le fils de l’entraîneur de baseball, qui lui mène une vie d’enfer à la maison.

    Derrière ces apparences si lisses (du panorama bucolique mais aussi des adolescents), on devine que, à tout moment, la tragédie peut éclater, et qu’elle s'insinue progressivement, constamment sous-jacente. Le récit est très elliptique mais le malaise s’instaure au fil des minutes, malaise exacerbé par la ressemblance troublante entre les deux acteurs principaux et par une réalisation qui laisse planer le mystère trouble. Dans la chaleur moite du sud, l’insouciance de la jeunesse ne semble être qu’un leurre. Le quotidien apparemment banal est dominé par l’ennui nous rappelant la phrase de Sagan "Sur ce sentiment inconnu dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse." Le surgissement du drame semble inéluctable.

    Ce récit initiatique vaut avant tout pour son atmosphère visuelle mais aussi sonore qui fait la part belle aux non-dits et aux silences, empreinte d’une mélancolie séduisante. Une apparente simplicité dans la réalisation comme dans le quotidien des personnages qui dissimule une réalité plus obscure et opaque. Un film contemplatif qui responsabilise le spectateur et lorgne du côté de Terrence Malick et Gus Van Sant auxquels il empreinte poésie et lyrisme. Le dénouement de cette errance contemplative d’une violence suffocante métaphorise la violence du passage de l’adolescence à l’âge adulte. Une fin d’une force saisissante pour un film d’une beauté sombre et envoûtante.

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    L’autre coup de cœur du jour, c’est le film projeté en Première ce soir, « Sons of Philadelphia », le deuxième long-métrage du scénariste et écrivain Jérémie Guez dont je vous parlerai ultérieurement et qui lorgne du côté du cinéma de James Gray.

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    SYNOPSIS : Philadelphie. Il y a trente ans, la famille de Michael a recueilli Peter à la mort de son père, dans des circonstances opaques. Aujourd’hui, Peter et Michael sont deux petits malfrats aux tempéraments opposés. L’un est aussi violent et exubérant que l’autre est taciturne. Quand Michael est désigné comme « gênant » par la mafia italienne », le passé trouble de la famille ressurgit…

    Sons of Philadelphia est l’adaptation du roman "Brotherly Love" de Peter Dexter publié en 1991.

     

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  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020 - Critique LES ENSORCELÉS de Vincente Minelli (Hommage à Kirk Douglas)

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    Aujourd'hui, à 14H, au cinéma du Casino, vous pourrez (re)voir le chef-d'oeuvre de Vincente Minelli "Les Ensorcelés" dans le cadre de l'hommage à Kirk Douglas. 

    Les films sur le cinéma se sont  multipliés dans le cinéma américain des années 1950, avec d’ailleurs également une commune structure en flashback comme dans les deux chefs-d’œuvre de Mankiewicz (« Eve » et « La Comtesse aux pieds nus ») qui, avec « Les Ensorcelés » de Minnelli, sont les films sur ce thème que je vous recommande, trois chefs-d’œuvre.

    Synopsis : Le producteur Harry Pebel (Walter Pidgeon)  convoque dans son bureau Georgia Lorrison (Lana Turner), une grande actrice, Fred Amiel (Barry Sullivan), un jeune réalisateur, et James Lee Bartlow (Dick Powell), un écrivain. Pebel attend un coup de téléphone du producteur Jonathan Shields (Kirk Douglas) qui a permis à ces trois personnes d’accéder au rang de star mais s’est parfois mal comporté avec elles. Aujourd’hui en difficulté, il leur demande de l’aider. Avant d’accepter ou refuser, chacun d’eux raconte comment il les a rencontrés et comment il les a déçus, voire blessés…

    « The Bad and The Beautiful ». Tel est le titre original en VO des « Ensorcelés » et qui résume parfaitement la sublime et subtile dualité du personnage de Jonathan (incarné par Kirk Douglas) et du film tout entier. Dualité entre son altruisme apparent et son ambition tueuse et ravageuse dont il est le masque. Lorsque le masque tombe, Minnelli a, à chaque fois, la judicieuse idée de le filmer en gros plan frontalement, le réduisant alors à son égoïsme, alors que le reste du temps il est souvent filmé en plan plus large et rarement de face.

     Dualité aussi des sentiments du spectateur face à ce personnage complexe, digne successeur d’un père diabolique à la personnalité, pour son fils, aussi fascinante qu’écrasante dont il suivra finalement le modèle et face à ce personnage qui, au nom de la gloire et l’ambition, sacrifiera ceux qu’il aime ou qu’il est incapable d’aimer … même si finalement ils y gagneront tous aussi la gloire.

    La gloire ce pourrait aussi d’ailleurs être elle « The bad and the beautiful ». Etincelante en surface, au regard des autres mais qui a nécessité combien de « bad » compromis et de trahisons inavouables ?

     Dualité aussi entre la sincère Georgia (the beautiful)  et le manipulateur Jonathan (the bad).

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     Dualité entre la forme et le fond. Le fond qui critique le monde du cinéma : son hypocrisie, l’arrivisme, la superficialité, la déchéance, le commerce qu’il est souvent, les trahisons, les manipulations. La forme qui est un des plus beaux hommages qu’on puisse lui rendre avec des plans d’une virtuosité admirable (Ah, cette scène où Georgia, époustouflante et lumineuse Lana Turner ici terrifiante tant elle semble réellement terrifiée, fuit en voiture et où le spectateur a la sensation de ressentir sa suffocation cauchemardesque !), un scénario d’une construction astucieuse, une photographie envoûtante et somptueuse, et des acteurs au sommet de leur art et de leur beauté. Dualité entre le rêve que représente le monde du cinéma et la réalité que dépeint Minnelli.

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    « Les Ensorcelés » est à la fois une magnifique déclaration d’amour au cinéma et un regard lucide sur ses travers s’inspirant de la réalité, notamment de David O.Selznick (le producteur et créateur d’ « Autant en emporte le vent ») ou encore de « La Féline » de Jacques Tourneur pour le script du « Crépuscule des hommes chats » que Jonathan produit.

    Les Ensorcelés : ce sont Georgia, Fred et James, ensorcelés et aveuglés par Jonathan. C’est Jonathan, ensorcelé par le cinéma, prêt à tout au nom de celui-ci. Et c’est surtout le spectateur, ensorcelé par la magie du cinéma, de ce cinéma que Minnelli magnifie tout en le montrant dans toute son ambiguïté, d’une cruelle beauté. De ce cinéma qui finalement sort vainqueur. Malgré tout. Plus important que tout.

    « Les Ensorcelés » (1952) remporta 6 Oscars : celui de la meilleure interprétation pour Kirk Douglas, du meilleur second rôle féminin pour Gloria Grahame,  de la meilleure photographie,  de la meilleure direction artistique, des meilleurs costumes et du meilleur scénario.

    A la différence près que le rôle du producteur n’est aujourd’hui plus le même que celui du producteur du cinéma d’Hollywood des années 30, 40, 50 « Les Ensorcelés » est un film intemporel qui pourrait presque être tourné aujourd’hui. L’ambitieux Jonathan pourrait être le même aujourd’hui. Il se pourrait même que vous croisiez quelques Jonathan Shields, et surtout bien pire, à Cannes ou ailleurs. Alors si vous voulez découvrir Hollywood, son univers impitoyable, voir un film ensorcelant et éblouissant,  un personnage aussi manipulateur qu’amoureux du cinéma bien fait, et fascinant, et surtout si vous aimez le cinéma et forcément les films sur le cinéma, alors laissez-vous envoûter etne manquez pas ce chef-d’œuvre de Minnelli à (re)voir dans le cadre de ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020.

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