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IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 253

  • Critique de "Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb, ce 17 octobre 2012, à 20H45, sur Ciné + premier

    Ce soir, à 20H45, Ciné plus premier diffusera "Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb, un film qui n'avait pas reçu le succès mérité (en raison d'une polémique qui n'avait pas lieu d'être) et que je vous recommande donc. Ci-dessous les liens vers mon article publié suite à la projection cannoise, la conférence de presse cannoise et mon interview de Bernard Blancan.

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    horslaloi2.jpgRetrouvez ici ce que je vous disais à propos du film, suite à sa projection cannoise, au Festival de Cannes 2010, et retrouvez mon interview de Bernard Blancan qui avait eu la gentillesse de répondre à mes questions au lendemain de la projection cannoise du film (ci-dessous).

    Retrouvez également mon compte rendu de la conférence de presse cannoise en cliquant ici.

     

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  • Avant-première – Critique de « Comme des frères » de Hugo Gélin avec Pierre Niney, François-Xavier Demaison, Nicolas Duvauchelle, Mélanie Thierry…

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    Nombreuses sont les comédies françaises à être sorties depuis le début de l’année  (sans doute le reflet d’une frilosité des producteurs se disant qu’en période de crise, le public est friand de ce genre) et rares sont malheureusement celles à se démarquer et surtout à être autre chose qu’une suite de sketchs (certes parfois très drôles), sans véritable scénario ni mise en scène. Je vous parle d’ailleurs rarement de comédies ici mais je tenais à le faire pour celle-ci pour différentes raisons…

     « Comme des frères », c’est l’histoire de trois hommes de trois générations différentes, Boris (François-Xavier Demaison), Elie (Nicolas Duvauchelle) et Maxime (Pierre Niney) qui, a priori, n’ont rien en commun, rien si ce n’est Charlie (Mélanie Thierry), à qui ils étaient tous liés par un sentiment fort et singulier, et qui vient de mourir. Comme elle le leur avait demandé, ils décident de faire ensemble ce dernier voyage qu’elle aurait voulu faire avec eux, direction la Corse et la maison que Charlie aimait tant. 900kms ensemble avec, pour point commun, l’ombre de la lumineuse Charlie, leur chagrin…un voyage après lequel plus rien ne sera tout à fait pareil.

    Dès le début de ce film se dégage un charme inexplicable (pléonasme, non ?) qui vous accroche et attache aux protagonistes pour ne plus vous lâcher… Les frères Dardenne (dans un genre de film certes radicalement différent) répètent souvent que ce sont les personnages qui comptent avant les idées et, si la plupart des comédies se contentent d’une bonne idée et d’un bon pitch, négligeant leurs personnages, ici, dans l’écriture du scénario, Hérvé Mimran ( coauteur/coréalisateur d’une autre comédie très réussie qui d'ailleurs présentait aussi cette qualité:  « Tout ce qui brille »), Hugo Gélin et Romain Protat, se sont d’abord attelés à construire des personnages forts et particulièrement attachants : le jeune homme lunaire de 20 ans, le trentenaire scénariste noctambule, et l'homme d’affaires, quadragénaire et seul. Trois personnages qui, tous, dissimulent une blessure.

     Le chagrin et la personne qui les réunissent annihilent la différence d’âge même si elle est prétexte à un gag récurrent (et très drôle) sur les goûts parfois surannés du personnage de François-Xavier Demaison qui apporte toute sa bonhomie mélancolique et attendrissante et la justesse de son jeu à cet homme qui n’arrive pas -plus- à aimer depuis Charlie. L’autre bonne idée est en effet le casting : outre François-Xavier Demaison, Nicolas Duvauchelle est également parfait, et surtout Pierre Niney ( pensionnaire de la comédie française depuis 2010), découvert au Festival du Film de Cabourg 2011 (où il a cette année reçu le prix de la révélation masculine) dans le très beau premier long-métrage de Frédéric Louf « J’aime regarder les filles » dans lequel il incarnait un personnage d’une maladroite élégance, à la fois léger et grave, immature et obstiné, autodestructeur et volontaire, audacieux et inconscient. Ici il est lunaire, burlesque même, immature (mais finalement pas tant que ça), attachant, et cache  lui aussi derrière sa maladresse, une blessure. Pas étonnant que les propositions pleuvent après sa nomination aux César 2012 pour cet acteur par ailleurs humble et sympathique, ce qui ne gâche rien…

     Si je vous parle du film de Frédéric Louf, c’est qu’il présente un autre point commun avec le film d’Hugo Gélin : cette vitalité si chère à Truffaut (« Le cinéma c’est la vitalité » disait-il) qui parcourt tout le film. Une vitalité, un sentiment d’urgence, une conscience du dérisoire de l’existence, de sa beauté mélancolique aussi, et de la tendre ironie qu’inspirent souvent les drames de l’existence, qui changent à jamais le regard sur celle-ci, et que ce film parvient magnifiquement à retranscrire.

     Hugo Gélin ne recourt jamais au pathos, l’écueil dans lequel il aurait été si facile de tomber avec un tel sujet, mais montre au contraire qu’une révoltante et cruelle injustice de l’existence, peut donner une autre saveur à celle-ci , le goût de l’essentiel et qu’elle peut avoir la capacité  de (re)créer des liens, ici quasiment fraternels. Plutôt que de nous montrer Charlie malade et agonisante, il nous la montre telle que la voyaient ses trois amis, radieuse, viscéralement vivante et lumineuse, par une série de flashbacks judicieusement amenés qui retracent le lien si particulier que chacun d’entre eux entretenait avec elle mais aussi la manière dont le quatuor devenu trio s’est construit avec, notamment, la très belle scène chaplinesque sur leur première rencontre, intelligemment placée au dénouement.

     Le scénario (qui a le mérité d’être original, de n’être pas l’adaptation d’une BD ou d’un livre, ou la transposition de sketchs d’humoristes désireux de passer derrière et/ou devant la caméra comme c’est très-trop-souvent le cas), sensible, qui nous révèle les liens entre les personnages par petites touches et alterne intelligemment entre rires et larmes, est aussi servi par des dialogues savoureux. Tant pis si certains aspects sont peut-être plus prévisibles comme le prénom donné au bébé de l’un d’entre eux, cela fait aussi partie des codes de ce genre de film.

    De ces trois (quatre)-là, vraiment irrésistibles, émane une belle complicité, une alchimie même, à cause de laquelle ou plutôt grâce à laquelle nous les laissons avec regrets nous frustrant presque de n'en  savoir pas plus… Un quatuor qui m’a parfois rappelé celui de « Père et fils » de Michel Boujenah qui mettait ainsi en scène un père et ses trois fils. Le tout est servi par une belle photographie signée Nicolas Massart ( avec des plans que certains cyniques jugeront sans doute clichés, comme ce plan de soleil, reflet d’un nouveau jour et de l’espoir qui se lèvent), un film d’une gravité légère à la fois tendre et drôle, pudique et espiègle: en tout cas, charmant et qui prouve qu'une comédie peut sonner juste et actuelle sans recourir systématiquement au trash ou au cynisme.

    Ajoutez à ce casting impeccable, ce scénario et ces dialogues réjouissants, cette photographie, la musique ensorcelante du groupe Revolver (quelle bonne idée d'ailleurs! J’en profite pour vous signaler qu’ils seront à l’Olympia le 25 octobre prochain !) et vous obtiendrez ce road movie attachant et riche d'espoirs, cet hymne à l'amitié et la comédie tendrement mélancolique de l’année.

    En salles le 21 novembre 2012

  • Compte-rendu et palmarès du Festival International des Jeunes Réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz 2012

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    Un mois après le Festival du Cinéma Américain de Deauville, me voilà repartie pour une autre destination au charme paradoxalement joyeusement mélancolique…cela tombe bien, dans le film qui a remporté le plus de prix, il était justement question de paradoxes...

    Pour la 2ème année consécutive, j’ai ainsi eu le plaisir de retourner à Saint-Jean-de-Luz pour le Festival International des Jeunes Réalisateurs qui, comme son nom l’indique (partiellement), a pour (réjouissant) principe de projeter des premiers et deuxièmes films de jeunes (du moins dans leurs carrières) cinéastes. Pour qu’un festival soit réussi, il faut plusieurs ingrédients : d’abord et avant tout une belle sélection, ensuite un bon accueil, une atmosphère conviviale, des organisateurs cinéphiles (l’enthousiaste journaliste réalisateur Patrick Fabre est le directeur artistique du festival et anime les débats, souvent passionnants, d’après films) et éventuellement un lieu agréable. En l’espèce, tous les ingrédients étaient réunis (et je sais de quoi je parle pour avoir vu TOUS les films de la sélection, je ne vous parlerai ici que de ceux qui m’ont le plus marquée), sans doute la recette du succès de cette 17ème édition qui a rassemblé plus de 4500 spectateurs, peu si on compare à de « grands » festivals mais un nombre conséquent pour un festival dont les projections (très souvent complètes) se déroulent presque toujours dans une seule salle, celle DU cinéma de Saint-Jean-de-Luz, le très agréable Sélect.

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    Les 10 films en compétition étaient particulièrement divers dans leurs styles même si s’en dégageaient des thématiques communes : le poids de la religion et des traditions, parfois leurs contradictions, la maladie (physique ou mentale), le deuil, et souvent une forme d’enfermement (dans la religion, la prison, la guerre, la solitude). Des sujets lourds certes mais traités souvent avec dérision, par l’absurde, la poésie et en tout cas la plupart du temps avec beaucoup de sensibilité.

    Le festival a commencé par un moment d’émotion avec l’hommage à un habitué du festival (Claude Pinoteau) rendu par un autre habitué du festival (Georges Lautner) qui l’y accompagnait chaque année et qui a déclaré : «  Chaque année on venait ensemble à Saint-de-Luz. Mais ce matin j’ai pris l’avion sans lui. Je suis un peu bouleversé. Au-delà de ses films formidables qui ont tant fait pour le cinéma populaire, c’est l’homme que j’aimais. Ensemble, on était heureux. Nous aimions les longues marches sur la plage, les découvertes gastronomiques. Et nous aimions défendre avec passion ce jeune cinéma et être aux côtés de ces gens de Saint-Jean-de-Luz qui se battent pour les jeunes réalisateurs. C’est le côté humain que je veux mettre en avant plus que le cinéaste dont chacun connaît les grandes qualités ».

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    Le palmarès a couronné les meilleurs films de cette édition avec, néanmoins, un oublié : « Le voyage de Monsieur Crulic » de la cinéaste Roumaine Anca Damian, un film atypique qui mêle fiction, animation, documentaire et qui a d’ailleurs récolté de nombreux prix en festivals de cinéma. C’est l’histoire de Crulic racontée d’outre-tombe par son protagoniste mort à 33 ans dans une prison polonaise après avoir été injustement accusé de vol et après avoir effectué une grève de la faim pour alerter les autorités. La dureté du récit qui donne d’autant plus froid dans le dos qu’il est inspiré d’une histoire vraie, la cruauté des injustices subies par Crulic sont contrebalancées par la poésie de la réalisation et le choix de la forme, le récit en voix off d’une sombre ironie qui instaure une salutaire distance sans pour autant perdre en force, exacerbant même le sentiment de révolte suscité par l’injustice meurtrière vécue par Crulic, et s'achevant par la vision d'une beauté déchirante d'une âme qui s'envole . La réalisatrice a expliqué que, après avoir vu « Hunger », il lui paraissait impossible de faire aussi bien par le biais de la fiction, d’où ce choix de ce judicieux mélange des genres, et essentiellement de l’animation.  C’est l’acteur roumain Vlad Ivanov qui prête sa voix au personnage de Crulic alternant avec Sandrine Bonnaire…et cela tombe bien puisque c’est cette dernière qui signe le bouleversant « J’enrage de son absence » qui, lui, en revanche, figure au palmarès du festival, son interprète masculin principal William Hurt ayant obtenu le prix d’interprétation amplement mérité tant sa prestation est rare et bouleversante dans ce film. C’est son jeune partenaire dans le film, Jalil Meheni, qui est venu recevoir le trophée.

    Sandrine Bonnaire (radieuse à Saint-Jean-de-Luz) nous avait déjà bouleversés avec son documentaire consacré à sa sœur autiste « Elle s’appelle Sabine » un documentaire ni larmoyant ni complaisant, deux écueils dans lesquels il aurait été si facile de tomber. Véritable plaidoyer pour la mise en place de structures d’accueil pour les handicapés, hommage à ceux qui les encadrent, c’était aussi une véritable déclaration d’amour de Sandrine Bonnaire à sa sœur, un cri du cœur déchirant pour celle que 5 années d’hôpital psychiatrique changèrent à jamais mais qui joue un prélude de Bach avec la même facilité sidérante que des années auparavant. Sandrine Bonnaire parvient à nouveau, magistralement, à nous bouleverser avec son premier long-métrage de fiction.

     Ce film nous raconte l'histoire d'un couple, Jacques (William Hurt) et Mado (Alexandra Lamy), dont le fils est décédé accidentellement, quelques années auparavant. Lorsqu'ils se retrouvent, le père devient obsédé par le petit garçon de 7 ans qu'elle a eu d'une autre union. Entre cet homme et ce petit garçon, un lien fort et inquiétant se crée dans le secret d’une cave.

     Sandrine Bonnaire, pour son premier film, dès la première seconde, fait preuve d’une maitrise étonnante, d’une manière de nous « impliquer » dans son drame, avec intensité et empathie. La tension est croissante. Le regard à la fois doux et perdu, un peu fou mais surtout fou d’amour et de la rage de l’absence de William Hurt auquel sa caméra s’accroche souvent, y est pour beaucoup. Sa prestation est une des plus magistrales qu’il m’ait été donné de voir. Son personnage un des plus bouleversants de tendresse, de détresse, d’humanité, aux portes de la folie. Il va peu à peu s’enterrer, se recroqueviller au propre comme au figuré, pour aller au bout de cette détresse.

     Jamais Sandrine Bonnaire ne tombe dans le pathos, toujours à hauteur de ses personnages, de leur cauchemar dans lequel elle nous enferme peu à peu, créant une tension croissante, bientôt suffocante. Elle ne juge jamais ses personnages mais les comprend, les suit pas à pas dans cette descente aux enfers. Ce sont aussi deux appréhensions du deuil. L’un tait et l’autre fait exploser sa douleur, descend jusqu’au plus profond de celle-ci. Deux personnages abîmés par les terribles vicissitudes de l’existence et d’autant plus humains et touchants.

    Sandrine Bonnaire, si elle a certainement appris beaucoup avec tous les grands cinéastes avec lesquels elle a tournés (le prénom de Mado fait ainsi songer à Claude Sautet, d’ailleurs ce mélange des genres peut aussi faire penser à « Quelques jours avec moi » de ce même cinéaste, un film dans lequel Sandrine Bonnaire était d’ailleurs magistrale ; elle filme par ailleurs souvent la nuque et le dos d’Alexandra Lamy comme Claude Sautet avait coutume de le faire, notamment avec Romy Schneider), elle impose, dès son premier film, un style bien à elle, et surtout un regard et un univers.

     En plus d’être une grande comédienne, Sandrine Bonnaire s’affirme ici comme une grande cinéaste en devenir. Elle filme la violence de la douleur avec une rage à la fois douce et âpre, sans jamais lâcher ses personnages tout comme cette douleur absolue ne les lâche jamais. Paradoxalement, un film qui fera du bien à tous ceux qui ont connu ou connaissent la douleur ineffable, étouffante et destructrice du deuil.

     Avec ce film dramatique, absolument bouleversant, entre drame familial et thriller, Sandrine Bonnaire met des images sur l’indicible douleur et donne à William Hurt et Alexandra Lamy leurs meilleurs rôles (un premier rôle et une nouvelle fois un beau personnage de mère qui montre toute l’étendue de l’immense talent de cette dernière, à la fois ici sensuelle et terrienne) et signe une première fiction palpitante, poignante, d’une maîtrise étonnante qui vous fera chavirer d’émotion pour ces beaux personnages enragés de douleur.

    Le même titre « J’enrage de son absence » aurait d’ailleurs pu convenir au film dont l’interprète féminine principale a reçu le prix d’interprétation : Laïne Magi pour son rôle dans le film « Une Estonienne à Paris », d'Ilmar Raag. Cette dernière y interprète une Estonienne quinquagénaire qui, après avoir consacré deux années à sa mère, part travailler en France suite au décès de cette dernière. Là, elle s’occupe d’une vieille dame, Frida, qui n’attend plus rien d’autre de la vie que l’attention que lui porte Stéphane, son jeune amant d’autrefois. Le film est produit par les producteurs de mon coup de cœur de l’édition 2011 du festival « Une bouteille à la mer » et possède en commun avec le film de Thierry Binisti une belle sensibilité et un récit qui fait se rencontrer deux solitudes qui, a priori, n’auraient jamais dû se croiser. La vieille dame délicieusement indigne est interprétée par Jeanne Moreau qui impose sa belle présence et assurance. L’une et l’autre vont trouver dans cette détonante rencontre ce qu’elles ne cherchaient plus. Les personnages sont soigneusement dessinés, non seulement les deux interprètes féminines mais également le personnage de Stéphane interprété par Patrick Pineau. C’est aussi l’histoire d’une liberté trouvée, de deux, et même trois solitudes qui vont se rencontrer, et  c’est surtout l’interprétation subtile et nuancée de l’interprète principale qui donne à ce film cette grâce ensorcelante. Le distributeur  a souligné que la force du film tenait surtout dans le fait de « faire se rencontrer deux mondes différents ».

    C’est aussi de quête de liberté dont il était question dans le très beau « Syngue Sabour, pierre de patience»,  réalisation franco-afghane d’Atiq Rahimi  (primé en 2004 à Saint-Jean-de-Luz pour « Terres et cendres »)  qui a reçu le Chistera du meilleur film avec cette adaptation de son roman (scénario écrit avec l’aide de Jean-Claude Carrière) couronné du Goncourt en 2008, un roman qui était son quatrième livre mais le premier écrit en français, peut-être là aussi une manière d’instaurer une distance et de se mettre dans la peau de cette femme courageuse qui va révéler ses peurs , ses désirs, se dévoiler. « Syngué sabour » signifie en persan « pierre de patience ». On raconte ainsi que jadis existait une pierre magique à laquelle on pouvait se confier, qui délivrait ainsi des souffrances et des peines. Alors qu’à l’extérieur la guerre fait rage, c’est la sienne, de rage, que va exprimer cette jeune afghane.  Son Syngué sabour à elle, c’est  son mari, un combattant paralysé, condamné au silence, à l’inertie, après qu’une balle se soit logée dans sa nuque sans pour autant le tuer. Alors, sans savoir s’il entend ou comprend, elle lui parle, elle lui parle de plus en plus, et ne vient même bientôt plus que pour cela tandis qu’autour d’elle c’est le chaos. Sa confession sans retenue, sans pudeur même, va peu à peu la libérer de ses secrets, libérer son corps et la libérer de toutes ces conventions sociales et religieuses dans lesquelles elle était enfermée. Bouleversant et magnifique portrait de femme qui s’’émancipe, sublimée par la photographie et les mots « enragés » de désirs et liberté de l’auteur, c’est aussi une magnifique leçon de courage et un hymne à la liberté. Atiq Rahimi n’a pas pu être présent à la cérémonie mais  a tenu à envoyer le message suivant « Je remercie le Festival pour l’honneur qui m’est fait, écrit-il. Mais je maudis la guerre qui m’a inspiré cette histoire ».

    Comme une réponse en miroir dans « Les voisins de Dieu » le film israélien de Meni Yaesh, chistera du jury jeunes et du meilleur réalisateur, c’est une jeune femme qui va ouvrir les yeux d’un jeune Israélien qui s’enferme dans l’intolérance. C’est « un visage inédit de la société israélienne » que propose le réalisateur comme l’a souligné le distributeur du film.

    Avi, Kobi et Yaniv sont  trois amis vivant en Israël,  à Bat Yam, unis par les leçons du rabbin, le backgammon et la musique électronique mais surtout par leur vision de la religion ; il se sont ainsi autoproclamés surveillants de leur quartier et ne tolèrent ni les tenues jugées indécentes des jeunes femmes,  ni les Arabes de Jaffa qui passent avec leur voiture mettant la musique à tue-tête… Sans jamais surligner, Meni Yaesh montre les paradoxes de la religion quand elle est poussée à l’extrême et devient l’unique guide et repère et quand, au contraire des valeurs qu’elle prône, croyance rime alors avec intolérance. Le réalisateur ne juge pas vraiment, n’apporte pas de solutions. Il montre simplement, sans manichéisme, ni angélisme. Là aussi le personnage principal va se libérer, non pas d’une religion ou de règles qu’on lui impose comme dans le film d’Atiq Rahimi mais de celles qu’il s’impose et surtout aux autres, comme un refuge, un repère. C’est une jeune femme, Miri (une de celles à qui il a reproché sa tenue indécente) qui le fera s’interroger, alors écartelé entre ses désirs qui le perturbent et ses règles qui le rassurent. Un film énergique (très influencé par le cinéma américain) et clairvoyant aussi lauréat du prix SACD de la 51ème semaine de la Critique de Cannes 2012.

    Le public, quant à lui, a préféré « Dead Man Talking », première réalisation de l’acteur belge Patrick Ridremont, qui débute directement par le long-métrage sans passer par la case (que certains disent obligée) du court-métrage.

    C’est l'histoire d'un condamné à mort également interprété par Patrick Ridremont, sorte de Shéhérazade au masculin, qui, chaque soir, raconte sa vie pour reporter sa condamnation, profitant d’un vide juridique selon lequel le condamné peut s’exprimer autant qu’il le souhaite et ainsi repousser sa condamnation à la même heure le lendemain si, à minuit, il n’a pas fini de parler. Odieusement séduisant et habile, il va ainsi être récupéré par un gouverneur en mal d’électeurs qui va transformer ses récits en émissions de télévision sur les conseils de son arriviste conseillère (Virginie Efira). Patrick Ridremont, malgré un symbolisme appuyé, malgré des clichés un peu éculés (le politicien prêt à tout pour être élu …), plus que la critique de la politique-spectacle et de l’opportunisme d’une télévision prête à tout pour un surcroît d’audience ou encore un public qui se laisse aller au sentimentalisme car en quête de héros quels qu’ils soient surtout s’ils leur ressemblent dans leurs faiblesses, parvient à nous faire passer du rire aux larmes, et à mêler les genres avec une certaine habileté, teintant de tendresse son humour très noir et parfois ravageur. A voir aussi pour Christian Marin dont c’est le dernier rôle, irrésistible en prêtre distrait porté sur la boisson.

    Comme chaque année, le festival proposait également une compétition de courts-métrages. Le prix du jury a été attribué à « Ce n'est pas un film de Cow-boys » de Benjamin Parent (qui figure d’ailleurs dans la présélection des courts-métrages aux César), le prix du public à « Renée » de Jézabel Marques-Nakache et le prix Ciné + à « Edwige » de Mounia Meddour, ce dernier dominant largement la sélection un peu trop tournée vers la comédie à mon goût avec des films relevant parfois plus du sketch que de la vraie proposition cinématographique, instaurant rapidement une atmosphère inquiétante dans un décor  et avec un personnage principal-Edwige donc- grisâtres a priori plus moroses que dangereux. Je suis impatiente de voir son premier long-métrage apparemment sur un sujet similaire (Edwige, apparemment inoffensive vivant seule dans une grande demeure, employée d’un hôtel à Saint-Valery-en-Caux, qui s’éprend dangereusement d’un des clients).

    A noter également parmi les courts-métrages en compétition « Partir » de Christophe Brachet et son très beau pitch :

    « C’est le rêve qui guide nos existences.

    C’est le rêve qui nous mène parfois loin de tout.

    Et c’est aussi le rêve qui nous perd et nous enchaîne à la réalité.

    Mais le choix reste toujours possible : partir ? »

    Et si je vous parle de celui-ci c’est parce que son réalisateur/acteur était aussi le photographe officiel du festival, des clichés qui d’ailleurs n’en étaient pas, révélant autre chose que l’image habituelle, caricaturale, de face et figée sur papier glacée, captant un supplément d’âme (peut-être ce que Lelouch nomme des "moments de vérité"), un moment d'abandon, souvent un mystère, une ombre ou au contraire une lueur dans le regard, une grâce…peut-être ce rêve qui libère et enchaîne tout à la fois, cette envie d’ailleurs : de partir (site officiel : http://www.christophe-brachet.fr ).

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    Le festival s’était ouvert avec « Rue Mandar », d'Idit Cébula, également en compétition. La cinéaste était de retour à Saint-Jean-de-Luz, 5 ans après avoir obtenu le Chistera du meilleur film pour « Deux vies plus une ».  Au générique de ce deuxième long-métrage de la cinéaste, une très belle distribution : Sandrine Kiberlain, Richard Berry, Emmanuelle Devos, Emmanuelle Bercot, Lionel Abelanski, Mehdi Nebbou, Micheline Presle, Michel Jonasz et Jackie Berroyer… et c’est là le principal atout du film. Elle prend visiblement beaucoup de plaisir à filmer et voir jouer ses comédiens, à les voir pleurer et plus encore se chamailler, ce qu’ils réussissent d’ailleurs fort bien, en particulier dans une scène de repas jubilatoire… Pour le reste, en traitant d’un sujet peut-être trop personnel et qui pourtant aurait pu toucher chacun d’entre nous touché par un deuil proche, elle laisse le spectateur à distance et ne va pas complètement au bout de son sujet nous laissant avec un goût d’inachevé… Enfin, le festival s’est achevé avec un film aussi délirant que sa présentation par ses réalisateurs : « Mais qui a re-tué Pamela Rose ? » de Kad Merad et Olivier Baroux, aussitôt vu, aussitôt oublié mais auquel on ne peut nier l’efficacité pour détendre les zygomatiques  (très drôle caricature du cinéma américain et la manière dont celui-ci voit Paris).

    Après cette petite parenthèse basque, riche de belles découvertes cinématographiques, retour à la vie parisienne, à l’écriture mais aussi évidemment aux projections. Je vous parlerai prochainement aussi de théâtre (retour aux Master class de Jean-Laurent Cochet), de cinéma (avant-première de « Comme des frères »), d’un évènement (le prix Elle lundi prochain dont je faisais partie du jury)…et de mes propres projets.

    Palmarès complet du Festival:

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    Le jury, présidé par Audrey Fleurot, entourée de Pauline Etienne, Elodie Navarre, Michaël Cohen, Julien Courbey, Cyril Mennegun et Thierry Neuvic, a décerné les prix suivants :

    CHISTERA DU MEILLEUR RÉALISATEUR

    Parrainé par Ciné +

    > Meni YAESH

    Pour le film LES VOISINS DE DIEU (Israël)

    Distribué par Sophie Dulac Distribution - Sortie en salles début 2013

    CHISTERA DU MEILLEUR FILM

    Parrainé par France Bleu

    > SYNGUÉ SABOUR, PIERRE DE PATIENCE de Atiq Rahimi (Afghanistan / France)

    Distribué par Le Pacte - Sortie en salles le 20 février 2013

    CHISTERA DE LA MEILLEURE INTERPRÉTATION FÉMININE

    Parrainé par le Casino Joacasino

    > Laïne MAGI

    Pour le film UNE ESTONIENNE À PARIS de Ilmar Raag (Estonie / France)

    Distribué par Pyramide – Sortie en salles le 26 décembre 2012

     CHISTERA DE LA MEILLEURE INTERPRÉTATION MASCULINE

    > William HURT

    Pour le film J’ENRAGE DE SON ABSENCE de Sandrine Bonnaire (France)

    Distribué par Ad Vitam - Sortie en salles le 31 octobre 2012

     CHISTERA DU COURT-MÉTRAGE

    Parrainé par GDF-SUEZ

    > CE N’EST PAS UN FILM DE COW-BOYS de Benjamin Parent (France)

     Le public s'est aussi exprimé à travers deux votes :

     CHISTERA DU PUBLIC

    Parrainé par France 4

    > DEAD MAN TALKING de Patrick Ridremont (Belgique)

    Distribué par Atypik Films – Sortie en salles le 27 mars 2013

     CHISTERA DU PUBLIC DU COURT-MÉTRAGE

    > RENÉE de Jézabel Marques-Nakache (France)

     Le jury jeunes, composé de 5 lycéens de la région, a choisi de décerner son prix à :

    CHISTERA DU JURY JEUNES

    Parrainé par Allianz

    > LES VOISINS DE DIEU de Meni Yaesh (Israël)

    Distribué par Sophie Dulac Distribution - Sortie en salles début 2013

     Le partenaire Ciné + a choisi de distinguer un court-métrage :

     CHISTERA + DU COURT-MÉTRAGE

    Parrainé par Ciné +

    > EDWIGE de Mounia Meddour (France)

    LIENS:

    Mon compte-rendu du Festival International des Jeunes Réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz 2011

    Le site officiel du festival

    Découvrez les 6 blogs inthemood : http://inthemoodlemag.com , http://inthemoodforfilmfestivals.com , http://www.inthemoodforcinema.com , http://www.inthemoodforcannes.com , http://www.inthemoodfordeauville.com , http://www.inthemoodforluxe.com .

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  • 30ème Festival International du Premier Film d'Annonay 2013

    Vous êtes encore trop nombreux à ne pas connaître ce fantastique festival qui met en avant les premiers films et propose une programmation particulièrement diversifiée et propose à des cinéphiles d'intégrer son jury sur concours (lettre de motivation). C'est ainsi que j'ai eu la chance d'intégrer son jury en 2007, une formidable expérience que vous pouvez vivre à votre tour puisque l'appel vient d'être lancé: Sur votre lettre (3 pages maximum), indiquez vos nom, prénom, âge, profession, adresse et numéro de téléphone. Indiquez également tout ce qui peut aider à cerner votre personnalité de cinéphile : les deux ou trois films que vous avez le plus aimés cette année, vos réalisateurs préférés, les genres cinématographiques que vous aimez et ceux que vous n’aimez pas, les raisons pour lesquelles vous souhaitez devenir membre du jury, la place qu’occupe le septième art dans votre vie, etc...

    Votre lettre doit parvenir avant le 15 décembre 2012 à : Festival International du Premier Film
    MJC - Avenue Jean Jaurès - 07100 ANNONAY

    Ce jury, composé de spectateurs cinéphiles choisis dans toute la France, se réunira à Annonay du jeudi 7 au dimanche 10 février 2013, période au cours de laquelle tous les films en compétition seront projetés en présence de leurs réalisateurs.

    Je vous conseille d’autant plus de tenter votre chance que ce sera cette année la 30ème  édition du festival qui aura lieu du 1er au 11 février 2013. Pour l’occasion, le très cinéphile directeur artistique Gaël Labanti vous prépare un programme exceptionnel avec notamment le projet d’inviter des personnalités du 7ème art déjà venues à une édition précédente du festival alors qu’elles étaient moins connues et qui sont désormais (re)connues.

    Enfin vous pouvez participer à la programmation en répondant à la question suivante : Au cours de ces trente dernières années, quel est le premier long métrage français qui vous a le plus marqué ? Pour participer, il faut envoyer votre réponse à cette question en donnant le nom du film que vous avez choisi (trois titres au maximum) par mail ou sur papier libre, avant le 30 novembre 2012. Le film le plus plébiscité sera diffusé au festival.

     

    Site du festival : http://www.annonaypremierfilm.org/

    Page facebook : http://www.facebook.com/pages/Festival-International-du-Premier-Film-Annonay-et-Pays-Annon%C3%A9en/257655727593

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  • Critique - "La vie des autres" de Florian Henckel von Donnersmarck sur D8 ce 15 octobre 2012 à 20H50

    1984. RDA. La STASI, les services secrets de la RDA, depuis 1950, espionne quiconque est soupçonné du moindre murmure contre le régime à l’exemple du dramaturge George Dreymann, à leurs yeux (ou leurs œillères), trop irréprochable pour l’être réellement, ainsi que sa compagne, l’actrice Crista-Maria Sieland. Le Ministre de la Culture charge un agent secret de les surveiller, officiellement parce que Dreymann est ami d’un metteur en scène interdit de travailler, officieusement parce que ledit ministre est épris de Crista-Maria Sieland à qui il fait subir un odieux chantage. C’est à Wiesler, fonctionnaire zélé, apparemment irréprochable selon les critères du régime, c’est-à-dire d’une déférence inconditionnelle et aveugle au régime, irréprochable lui aussi donc, qu’incombe cette tâche obscure par laquelle il accèdera, pourtant, aux Lumières : de la raison, de l’art et de la liberté de penser…

    Pas de générique. Dès le premier plan, nous voilà emprisonnés dans l’univers glacial de la vie de Wiesler (pas encore celle des autres) par un long couloir, impersonnel, verdâtre, angoissant. Puis, nous le retrouvons, dans son bureau aussi austère, impassible, inhumain que celui qui mène l’interrogatoire. Immergés et captivés, déjà. Par la tension et l’enjeu de l’interrogatoire. Dès les premiers plans, un univers s’impose à nous. Celui du, d’un vrai cinéaste. Avec ses couleurs, ternes, maussades, vertes et oranges en réalité. Avec ses lignes horizontales et verticales qui rappellent Playtime de Tati(et notamment la première scène qui rappelle celle du long couloir), son univers kafkaïen et fantomatique. Des lignes à l’image du régime. Obtus. Rigide. Cadenassé. Carcéral. Celui de ces sombres années aussi.

    Puis, en guise de générique, juste le titre : La vie des autres. Ouverture sur le regard de Wiesler qui regarde la pièce de théâtre écrite par Dreymann et dans laquelle joue Crista-Maria Sieland. Ouverture, pour lui, sur la vie des autres. Une lueur dans son regard. De curiosité. De suspicion. De fascination ? Non pas encore. Qu’importe, une lueur. Ses gestes sont mécaniques : il agit, marche, s’exécute comme un robot sans âme auquel son mutisme, sa tenue, ses attitudes, sa démarche le font ressembler, un parfait exécutant du régime. "Les hommes ne changent pas", assène le Ministre de la Culture. Le film est la démonstration, implacable, subtile, magnifique, que, si, les hommes peuvent changer. Dreymann va changer. Wiesler, surtout, va changer. Il va s’éveiller, se réveiller. Il va lire Brecht en cachette, s’émouvoir en écoutant Beethoven, ou en écoutant l’histoire d’amour dont il doit violer l’intimité sous de fallacieux prétextes.

     Pendant 2H17, si courtes finalement, nous sommes suspendus aux lèvres, aux silences, aux gestes, à la naissance de l’émotion (à l’art, à l’amour) de Wiesler. Il va revivre par procuration, s’humaniser surtout. Cela donne lieu a des scènes d’une intensité hitchcockienne : scène de la cantine, scène de la feuille ou telle encore cette scène dans l’ascenseur avec l’enfant, jouant avec son ballon, rappelant une jeune proie d’un M. Le Maudit d’un autre temps. W. le Maudit. Et puis, non… il ne va pas dénoncer son père. Premier acte de l’homme libre qu’il n’est pas encore. Le spectateur est dans la même situation vis-à-vis de Wiesler, dans sa salle obscure, que Wiesler vis-à-vis de ceux qu’il espionne, dans son sombre sous-sol, à la différence qu’il peut intervenir en véritable démiurge et artiste-metteur en scène de la vie des autres. Fascinés nous aussi, nous certainement.

    Faut-il se vendre pour l’art ? Peut-on tout faire pour l’amour de l’art? Chacun à leur manière: Dreymann, Crista-Maria, Wiesler, et même le metteur en scène vont répondre à cette passionnante question, Wiesler devenant lui-même artiste en recréant la réalité de ceux qu’il espionne. Sous nos yeux Wiesler va passer de l’état de robot à celui d’homme. De l’ombre à la lumière. De l’obéissance à la résistance. De l’inhumanité à l’humanité. Jusqu’au sourire final, esquissé et si sublime. Le sien, le nôtre. Et cette dernière phrase « C’est pour moi » : il s’assume, s’affirme, existe enfin et la vie des autres rencontre la sienne, par le biais de l’art, toujours. Libre enfin comme ce pays dont le mur est tombé. Son sourire comme une musique ou une sonate pour un homme bon, un visage enfin mélodieux. Et les applaudissements dans la salle. Spontanés. Rares. Du grand art.

    La mise en scène est d’une rigueur et d’une efficacité remarquables pour un premier film, jamais gratuite. Sans jamais tomber dans le manichéisme simplificateur et si facile. Sans jamais forcer l’émotion. Sans gros plans sur les larmes, les cris, sans violons pour souligner. Plus efficace qu’un film didactiquement historique. Un film riche aux personnages complexes (Ah ! Merci !), à la fois film d’amour, thriller, documentaire, film politique… auquel Costa-Gavras aurait même à envier. Film Z donc au sens costagavrassien et donc très noble du terme. Scénario ciselé, acteurs remarquables ( au premier rang desquels Ulrich Mühe –Wiesler- ), réalisation irréprochable, musique sans grandiloquence mais toujours à propos de Gabriel Yared et de Stéphane Moucha, tout concourt à faire de ce premier film une belle leçon d’Histoire et d’histoire, bref de cinéma. Du cinéma.

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  • Critique - "La Rafle" de Rose Bosch, ce 14 octobre 2012, sur TF1

    L'article ci-dessous a été écrit en mars 2010, suite à l'avant-première du film. Je la publie à nouveau suite à sa diffusion, ce soir, sur TF1.

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    Il y a une dizaine de jours, un irresponsable politique ou pseudo se gargarisait de ce qu'il considérait être comme une bonne plaisanterie à propos d'une salle trop exigüe pour son meeting : « La prochaine fois, on prendre le Vel d'Hiv » se réjouissait-il béatement. Scandalisée, je me suis dit que des politiques, eux responsables, allaient réagir. Rien. Alors, bien sûr, on peut toujours se dire qu'ils ont préféré ne pas s'abaisser à répondre à la provocation mais quand la provocation méprise l'horreur innommable et la mémoire de ceux qui l'ont vécue, je pense qu'il est coupable de ne pas réagir et qu'on s'élève au contraire à le faire. Là aussi, là déjà commence peut-être le devoir de mémoire, en ne laissant pas souiller un passé déjà tellement mis à mal, en ne laissant pas passer pour plaisanterie, certes déjà affligeante, pour ce qui est beaucoup plus : une négation abjecte de l'Histoire comme c'était le cas ici ou une ignorance de l'Histoire, comme cela risque d'être souvent le cas si on ne fait rien pour que cette mémoire demeure vive. C'est pour cette raison qu'un film comme « La Rafle », indépendamment de ses qualités et de ses défauts cinématographiques me semble avant tout nécessaire, même indispensable.

     

    Rose Bosch, ancienne journaliste d'investigation, a donc décidé de réaliser un film sur la Rafle du Vel d'Hiv, un projet qu'elle porte depuis 5 ans.

     

    Eté 1942. 16 et 17 juillet. Joseph a 11 ans et, comme 13000 autres juifs, ils sera raflé et emmené au Vélodrome d'Hiver. Entre le Vel d'Hiv et le camp de Beaune-La-Rolande, de Vichy à la terrasse du Berghof, « La Rafle » suit les destins réels des victimes et des bourreaux. Tous les personnages du film ont existé, d'Annette (Mélanie Laurent, meilleure que jamais), l'infirmière dans le film qui, assistante sociale de la Croix rouge dans la réalité, sera reconnue comme Juste, à Jo (Joseph Weismann dans la réalité -voir son témoignage poignant en bas de cet article-), arrêté avec toute sa famille.

     

    Rose Bosch, avec l'aide de Serge Klarsfeld est entrée en contact avec trois témoins encore vivants : l'un des pompiers du Vel d'Hiv, Joseph Weismann et Anna Traube. Tous les faits et « anecdotes » du film sont véridiques.

     

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    On se doute de la difficulté, de l'investissement, de l'engagement même quand on décide de traiter un tel sujet qui dépasse largement le cadre cinématographique... Comment dire l'indicible ? Comment représenter l'inconcevable ? Comment faire comprendre l'incompréhensible ? Comment représenter ce qui n'est pas envisageable ?

     

    Malgré tout, cela demeure du cinéma, il fallait donc choisir un point de vue qui revêt ici une importance d'autant plus cruciale qu'il devait être au service de la vérité historique et du devoir de mémoire. Celui de Rose Bosch a été de privilégier le hors-champ et le point de vue des enfants. Un parti pris intéressant pour tenter de nous faire appréhender l'inimaginable. Les personnages disparaissent. Brutalement. Choc fracassant et violent. On ne sait rien ou presque de ce qu'ils adviennent comme c'était le cas à l'époque pour ces familles et ces pères de familles (très juste Gad Elmaleh) qui ne pouvaient imaginer l'impensable et l'insoutenable. Ils s'évanouissent dans un effroyable silence. Représenter l'horreur aurait de toute façon été en-deçà et infidèle à la réalité.

     

    L'innocence des enfants, leur ignorance de ce qui se passe renforce encore la brutalité, l'inhumanité mais aussi l'absurdité de cette tragédie d'autant que les jeunes acteurs sont tous remarquables. La promiscuité, la contagion, la terreur, les suicides qui furent la réalité du Vel d'Hiv sont là aussi essentiellement hors-champ. Tout cela est en partie invisible comme cela était incompréhensible pour ceux qui vivaient cette tragédie, a fortiori les enfants.

     

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    Les scènes de rafle, le déchirement des enfants séparés de leurs parents sont bouleversantes. Cette impression d'urgence, de chaos et de folie est renforcée par la caméra à l'épaule et contraste avec les scènes qui précèdent dans un Montmartre où résonnent des airs joyeux. Ces différences de dispositifs de filmage permettent aussi de bien saisir les contrastes révoltants, entre Hitler qui se goinfrait au Berghof tandis qu'au Vel d'Hiv on ne mangeait pas à sa faim, entre Bousquet et/ou Pétain et/ou Laval qui discutaient tranquillement de milliers de vies envoyées à la mort comme d'une vulgaire question pratique et ceux qui luttaient pour vivre.

     

    Mais « La Rafle » c'est aussi le parti pris d'évoquer la collaboration française que l'on a si longtemps minimisé, et en particulier celle qui a conduit au Vel d'Hiv, un Vel d'Hiv méticuleusement préparé et planifié dont la contrepartie pour Vichy était notamment le contrôle de la police française. Une rafle réalisée par des fonctionnaires de police français. 7000 hommes y ont ainsi participé. Mais Rose Bosch a aussi choisi de rendre hommage aux Justes, notamment à travers le personnage de l'infirmière Annette, de montrer que l'humanité et l'inhumanité ont, l'une et l'autre, dévoilé leurs visages extrêmes. S'il ne faut pas oublier la responsabilité de la France, il ne faut pas oublier non plus que sur 25000 juifs qui étaient destinés au Vel d'Hiv et qui figuraient sur les fichiers de la préfecture, 12000 furent sauvés, sans doute avec l'aide d'autres Français.

     

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    Le seul vrai bémol concerne la musique excessive (en particulier à la fin) et redondante et surtout inutile quand le sujet comme celui-ci se suffit à lui-même, un bémol qui reflète la difficulté des choix quand on décide de traiter des faits réels par la fiction. La musique vient alors ajouter un élément de fiction supplémentaire, presque en contradiction avec le parti pris de la cinéaste (même défaut ou en tout cas même choix que dans « La Môme »- dont Ilan Goldman est aussi scénariste- qui force l'émotion là où elle surgit d'elle-même). De même, les scènes de « ceux qui ont orchestré » sont filmées et jouées avec trop d'emphase, le dispositif cinématographique venant s'ajouter à des scènes en elles-mêmes grandiloquentes et démentes de ces destins de milliers d'êtres humains décidés presque avec désinvolture par des criminels autour d'une table.

     

    Un film qui n'en demeure pas moins indispensable car pédagogique (et qui, je pense, nécessite d'être vu dans les écoles mais avec beaucoup d'explications pour l'accompagner, pour expliquer ce hors-champ invisible et tu), évidemment poignant, notamment grâce à une excellente distribution (même Jean Reno, dans un contre-emploi).

     

    Un film à l'issue de la projection duquel résonne un assourdissant silence mais qui a le grand mérite de donner de la voix à ceux qui se sont opposés mais aussi à des responsabilités trop longtemps tues et occultées. La responsabilité de la France dans la Shoah ne fut ainsi officiellement reconnue qu'en 1995, soit 50 ans après la fin de la guerre !

     

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    Pour que plus personne ne puisse dire ou même laisser dire la moindre « plaisanterie » sur le Vel d'Hiv. Pour que plus personne n'ignore ce que fut La Rafle du Vel d'Hiv. Pour que plus personne n'ignore ou ne méprise ceux qui l'ont planifié, ceux qui en ont été les victimes et ceux qui s'y sont opposés.

     

    En complément, je vous conseillerais :

     

    « Monsieur Klein » de Joseph Losey, démonstration implacable de l'absurdité effroyable de l'holocauste et en particulier du Vel d'Hiv. Ainsi que « La liste de Schindler », l'incontournable chef d'œuvre de Spielberg. Evidemment « Le Dictateur » de Chaplin, « Le Chagrin et La Pitié » de Marcel Ophüls, « Au revoir les enfants » de Louis Malle, « Nuit et brouillard » d'Alain Resnais, "La vie est belle" de Roberto Benigni. « Le Pianiste » de Roman Polanski. Sur la Résistance : « L'armée des ombres » de Jean-Pierre Melville

     

    J'ai également retrouvé ce texte de Joseph Weismann, un témoignage bouleversant sur la Rafle du Vel d'Hiv. Cliquez sur "lire la suite" pour le lire.


     

    Le Mans, place de la préfecture Le dimanche 19 juillet 2009 (par Joseph Weismann)

     

    La journée la plus dramatique pour les Juifs vivant en France, français et étrangers, durant l'occupation allemande, fut le 16 juillet 1942 ; date que nous commémorons aujourd'hui.

     

    Une grande nation comme la nôtre a le devoir de se souvenir.

     

    Témoins de cette tragédie, il m'appartient de témoigner.

     

    Voilà donc ce qui s'est passé dans notre pays.

     

    Ce jour-là, avec une implacable détermination et une organisation longuement et minutieusement préparée, le gouvernement de fait de l'Etat français met en œuvre une opération dite opération vent printanier, destinée à éradiquer totalement et définitivement de la population de la France « les Juifs ». Tous les Juifs sans exception.

     

    Toutes les administrations apportent leur concours.

     

    Le thème est : « il faut se débarrasser des Juifs en bloc et ne pas garder de petits ». Quelqu'un exprime ce que tous ressentent : « je suis blessé en tant que Français de l'insulte que l'on me fait en tant que Juif ».

     

    Dès quatre heures du matin les policiers tirent du sommeil des familles hébétées.

     

    Des milliers de groupes circulent dans Paris. Ils sont composés de sept à huit personnes : 2 policiers et 5 à 6 civils, hommes, femmes et enfants, chacun avec son étoile jaune.

     

    Quelqu'un demande : « qu'est-ce qu'ils ont fait ? » « Rien ». « Ils sont Juifs. Ils n'ont plus le droit de vivre. » « Et les enfants aussi ? » « Oui, les enfants aussi . »

     

    4500 policiers français par équipe de deux, l'un en tenue, l'autre en civil, sont chargés de l'opération.

     

    Le bilan final de la rafle du 16 juillet 1942 à Paris et la région parisienne est de 13.152 arrestations. « C'est insuffisant » se plaint Legeay, secrétaire général de la Préfecture de Paris.

     

    On rassemble tout le monde de force au vélodrome d'hiver aujourd'hui disparu.

     

    Les autobus parisiens se chargent du transport.

     

    Les conditions d'hygiène et d'internement sont insupportables.

     

    Une clameur de fond incessante avec des cris de femmes et d'enfants qui hurlent jour et nuit.

     

    La situation sanitaire se dégrade rapidement . Des malades sont évacués sur des brancards.

     

    Quelqu'un se jette du haut des gradins dans un acte de désespoir, ce qui provoque une tension extrême, terriblement angoissante.

     

    Cet enfermement intolérable dure du 16 au 19 juillet. Il fait une chaleur torride. Le manque de boisson et de nourriture se fait cruellement sentir car il ne sera rien distribué pendant ces quatre jours torrides.

     

    Le 19 juillet, on vide le Vel d'Hiv de tous les internés. Traversée de Paris en autobus vers la gare d'Austerlitz ;

     

    Ensuite, interminable voyage en wagons à bestiaux surchauffés laissant passer le minimum d'air et de lumière. Chevaux en long : 8, hommes : 40. Nous sommes environ 200 par wagon. Une tinette par wagon.

     

    Parti le matin, le train n'arrivera que le soir après avoir parcouru moins de cent kilomètres.

     

    Un convoi se dirige vers Pithiviers un second vers Beaune-la-Rolande ; deux camps d'internement situés dans le Loiret.

     

    On quitte la gare de Beaune-la-Rolande et un long convoi d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards, d'infirmes, s'étire, interminable dans la traversée du village pour se rendre au camp.

     

    Après quelques semaines d'internement, arrive le jour de la déportation dont le but est la solution finale.

     

    Cette journée fût la plus effrayante, la plus angoissante pour les enfants.

     

    Dès l'aube, on passe dans la baraque des fouilles, devant de jeunes miliciens français qui doivent s'assurer et vérifier que personne n'a gardé de valeur, argent ou autre.

     

    On retire les montres, les bagues, les bijoux ; on arrache les boucles d'oreille brutalement, avec le bout de l'oreille si ça ne vient pas assez vite.

     

    Malheur à ceux ou à celles qui ont caché quelque chose. Ils seront matraqués à tour de bras par les miliciens enragés.

     

    En rang dans la cour du camp depuis le lever du soleil qui monte jusqu'à devenir brûlant, debout sans boire ni manger ni faire ses besoins pendant 10 à 12 heures ; jusqu'à ce que en fin de journée arrive dans le camp un groupe de soldats allemands en arme accompagné d'un officier de haut rang vu son uniforme rutilant.

     

    Ce sont les premiers allemands que nous voyons dans le camp.

     

    Leur mission est de réorganiser le ou les wagons d'enfants.

     

    En effet, il est prévu un ou plusieurs wagons uniquement d'enfants ; mais nous sommes trop nombreux ou les wagons pas assez. Le voyage sera très long puisque sa destination finale est Auschwitz. Et le train est archi complet.

     

    Ils décident donc de retirer du convoi de déportés un certain nombre d'enfants. Combien ? Une centaine ; peut être plus. Le double peut-être.

     

    Ces enfants retournent dans l'enceinte du camp pour être déportés ultérieurement et on leur promet de rejoindre leurs parents. Ceci sans doute pour éviter des réactions trop violentes, incontrôlables.

     

    Cette opération terminée arrive l'ordre de prendre le chemin de la gare à une certaine distance du camp.

     

    Et c'est alors que se déroulent des scènes insoutenables qu'aujourd'hui encore j'ai peine à évoquer et que je pleure en les revoyant. Ces enfants dont mes deux sœurs qui hurlent leur détresse. Leur chagrin, leur peine sont tels que je ne trouve pas les mots pour les décrire. Et les mères qui hurlent les pères , les grands parents qui hurlent qui appellent ; les frères et les sœurs qui se débattent car certains partent tandis que d'autres restent. Et ce sont des milliers de personnes dans ce chaos apocalyptique qui se débattent, qui hurlent, qui souffrent.

     

    Comment décrire cela qui dure, qui dure et qui n'en fini pas.

     

    Finalement le misérable troupeau quitte le camp pour la gare et après cet enfer que nous venons de vivre un silence de mort s'abat sur la camp assourdissant, oppressant, angoissant où il ne restent que des enfants hébétés, épuisés hoquetant encore leurs dernières larmes et leur immense chagrin ; inconsolables.

     

    Trois camps tristement célèbres en France, DRANCY, PITHIVIERS et BEAUNE LA ROLANDE où ont été internés des milliers d'enfants sans parents.

     

    On a peu parlé de cette indescriptible tragédie, de ces enfants abandonnés à eux-mêmes. Peut-on imaginer spectacle plus déchirant que ces petits êtres hier dans la chaleur de l'amour familial et aujourd'hui loques encombrantes, sales et inutiles dont personne ne veut ?

     

    Ces enfants qui n'ont pas encore vécu et dont la mort sera la délivrance.

     

    On arrête en France 75.721 Juifs dont 10.000 enfants qui sont déportés directement à Auschwitz Pologne. Un voyage interminable, inhumain, puisque à l'arrivée, à l'ouverture des wagons plombés, de nombreuses personnes, mortes d'épuisement, s'écroulent sur les quais, surtout des enfants.

     

    A l'arrivée, vite, on se déshabille, vite, on s'entasse dans de soi-disantes salles de douche qui sont en réalité des chambres à gaz, et c'est l'asphyxie, l'agonie, le four crématoire ; 43.441 déportés sont ainsi gazés dès leur arrivée.

     

    Les autres meurent à plus ou moins brève échéance de faim, de froid, d'épuisement, de maladie, d'expériences soi-disant médicales. C'est la fin.

     

    Il n'y a que 2.564 survivants, aucun de la rafle du 16 juillet. Pas un enfant. On peut considérer que ce sont les enfants qui ont payé le plus lourd tribu, qu'ils aient été assassinés, torturés ou enfants cachés.

     

    Le record de destruction à Auschwitz est de 24 000 personnes exterminées en une seule journée. Une prime exceptionnelle de rendement sera attribuée.

     

    En tout, 86 convois quittent le sol de France. Le premier le 27 mars 1942 ; le dernier, le 22 août 1944 de Clermont-Ferrand.

     

    De cette tragédie, il appartient aux historiens de faire leur travail et aux témoins survivants de faire le leur, c'est-à-dire témoigner.

     

    Il faut commencer par rendre un vibrant hommage à la population française et tout particulièrement sarthoise qui, par son courage, a permis que de tous les pays occupés par les nazis, c'est en France qu'il y a eu le moins de déportés à l'exception du Danemark et de la Norvège dont la densité de population juive était très faible. Et cela malgré la complicité et la collaboration très actives et très dangereuses du gouvernement de fait de Vichy.

     

    Aujourd'hui ce gouvernement fantoche de l'Etat de fait français n'existe plus. Mais nous n'oublierons pas et ne pardonnerons jamais. La République française a repris ses droits, le gouvernement et toutes les administrations réalisent ensemble un travail remarquable pour informer, éduquer et leur but est : Plus jamais ça. Nous sommes de nouveau régis par ce qui fait notre fierté : Liberté, Egalité, Fraternité.

     

    Au nom de tous les Français de bonne volonté bretons, normands, méridionaux, juifs et tous les autres épris de justice et d'équité, que tous ceux qui oeuvrent dans cette voie, en soient remerciés du fond du cœur. Nous, les Juifs de France nous sommes fiers d'être français. Vive la République et vive la France !

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  • Critique - "La Sirène du Mississipi" de François Truffaut, à 20H45, sur Ciné + Classic, ce 14 octobre 2012

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    Après « Baisers volés » (1969) et « La Femme d’à côté » (1981),  je poursuis le cycle consacré à François Truffaut sur inthemoodforcinema.com, en remontant un peu dans le temps, avec « La Sirène du Mississipi» (diffusé à 20H45, sur Ciné + Classic, ce 14 octobre 2012), un film sorti en 1969. Dédié à Jean Renoir, adapté, scénarisé et dialogué par Truffaut d’après un roman de William Irish intitulé « Waltz into Darkness » (pour acquérir les droits François Truffaut dut emprunter à Jeanne Moreau, Claude Lelouch et Claude Berri), c’est davantage vers le cinéma d’Alfred Hitchcock, que lorgne pourtant ce film-ci, lequel Hitchcock s’était d’ailleurs lui-même inspiré d’une nouvelle de William Irish pour « Fenêtre sur cour ». Truffaut avait lui-même aussi déjà adapté William Irish pour « La mariée était en noir », en 1968.

     

    Synopsis : Louis Mahé (Jean-Paul Belmondo) est fabriquant de cigarettes à La Réunion. Il doit épouser Julie Roussel qu’il a rencontrée par petite annonce et dont il doit faire la connaissance le jour du mariage. Lorsqu’elle débarque à La Réunion, d’une beauté aussi froide que ravageuse, elle ressemble peu à la photo qu’il possédait d’elle. Elle lui affirme ainsi lui avoir envoyé un faux portrait, par méfiance. Peu de temps après le mariage, l’énigmatique Julie s’enfuit avec la fortune de Louis. Louis engage alors le solitaire et pointilleux détective Comolli (Michel Bouquet) pour la rechercher, et il rentre en France. Après une cure de sommeil à Nice, il retrouve Julie qui se nomme en réalité Marion (Catherine Deneuve) par hasard, elle travaille désormais comme hôtesse dans une discothèque. Il est déterminé à la tuer mais elle l’apitoie en évoquant son enfance malheureuse et ses sentiments pour lui qui l’aime d’ailleurs toujours… Commence alors une vie clandestine pour ce singulier couple.

     

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    Ce film connut un échec public et critique à sa sortie. Truffaut expliqua ainsi cet échec : « Il est aisé d’imaginer ce qui a choqué le monde occidental. La Sirène du Mississipi montre un homme faible (en dépit de son allure), envoûté par une femme forte (en dépit de ses apparences) ». Voir ainsi Belmondo ravagé par la passion qui lui sacrifie tout explique pour Truffaut l’échec du film. C’est vrai que ce film peut dérouter après « Baisers volés », quintessence du style Nouvelle Vague. Son romantisme échevelé, sombre, voire désespéré (même si Doinel était déjà un personnage romantique) mais aussi son mélange des genres (comédie, drame, film d’aventures, film noir, policier) ont également pu dérouter ceux qui voyaient avant tout en Truffaut un des éminents représentants de la Nouvelle Vague.

     

    Comme chacun de ses films « La Sirène du Mississipi » n’en révèle pas moins une maîtrise impressionnante de la réalisation et du sens de la narration, des scènes et des dialogues marquants, des références (cinématographiques mais aussi littéraires) intelligemment distillées et le touchant témoignage d’un triple amour fou : de Louis pour Marion, de Truffaut pour Catherine Deneuve, de Truffaut pour le cinéma d’Hitchcock.

     

    Truffaut traite ainsi de nouveau d’un de ses thèmes de prédilections : l’amour fou, dévastateur, destructeur. Malgré la trahison de la femme qu’il aime, Louis tue pour elle et la suit au péril de sa propre existence… Après les premières scènes, véritable ode à l’île de La Réunion qui nous laisse penser que Truffaut va signer là son premier film d’aventures, exotique, le film se recentre sur leur couple, la troublante et trouble Marion, et l’amour aveugle qu’elle inspire à Louis. Truffaut traitera ce thème de manière plus tragique, plus subtile, plus précise encore dans « L’Histoire d’Adèle.H », dans « La Peau douce » (réalisé avant « La Sirène du Mississipi) notamment ou, comme nous l’avons vu, dans « La Femme d’à côté », où, là aussi, Bernard (Gérard Depardieu) emporté par la passion perd ses repères sociaux, professionnels, aime à en perdre la raison avec un mélange détonant de douceur et de douleur, de sensualité et de violence, de joie et de souffrance dont « La sirène du Mississipi » porte déjà les prémisses.

     

    Bien qu’imprégné du style inimitable de Truffaut, ce film est donc aussi une déclaration d’amour au cinéma d’Hitchcock, leurs entretiens restant le livre de référence sur le cinéma hitchcockien (si vous ne l’avez pas encore, je vous le conseille vivement, il se lit et relit indéfiniment, et c’est sans doute une des meilleures leçons de cinéma qui soit). « Les Oiseaux », « Pas de printemps pour Marnie », « Sueurs froides», « Psychose », autant de films du maître du suspense auxquels se réfère « La Sirène du Mississipi ». Et puis évidemment le personnage même de Marion interprétée par Catherine Deneuve, femme fatale ambivalente, d’une beauté troublante et mystérieuse, d’une blondeur et d’une froideur implacables, tantôt cruelle, tantôt fragile, empreinte beaucoup aux héroïnes hitchcockiennes, à la fois à Tippie Hedren dans « Pas de printemps pour Marnie » ou à Kim Novak dans « Sueurs froides » notamment pour la double identité du personnage dont les deux prénoms (Marion et Julie) commencent d’ailleurs comme ceux de Kim Novak dans le film d’Hitchcock- Madeleine et Judy-.

     

    A Deneuve, qui vient d'accepter le film, Truffaut écrivit : « Avec La Sirène, je compte bien montrer un nouveau tandem prestigieux et fort : Jean-Paul, aussi vivant et fragile qu'un héros stendhalien, et vous, la sirène blonde dont le chant aurait inspiré Giraudoux. » Et il est vrai qu’émane de ce couple, une beauté ambivalente et tragique, un charme tantôt léger tantôt empreint de gravité. On retrouve Catherine Deneuve et Jean-Paul Belmondo dans des contre-emplois dans lesquels ils ne sont pas moins remarquables. Elle en femme fatale, vénale, manipulatrice, sirène envoûtante mais néanmoins touchante dont on ne sait jamais vraiment si elle aime ou agit par intérêt. Lui en homme réservé, follement amoureux, prêt à tout par amour, même à tuer.

     

    A l’image de l’Antiquaire qui avait prévenu Raphaël de Valentin dans « La Peau de chagrin » à laquelle Truffaut se réfère d’ailleurs, Louis tombant par hasard sur le roman en question dans une cabane où ils se réfugient ( faisant donc de nouveau référence à Balzac après cette scène mémorable se référant au « Lys dans la vallée » dans « Baisers volés »), et alors que la fortune se réduit comme une peau de chagrin, Marion aurait pu dire à Louis : « Si tu me possèdes, tu possèderas tout, mais ta vie m'appartiendra ».

     

    Enfin ce film est une déclaration d’amour de Louis à Marion mais aussi et surtout, à travers eux, de Truffaut à Catherine Deneuve comme dans cette scène au coin du feu où Louis décrit son visage comme un paysage, où l’acteur semble alors être le porte-parole du cinéaste. Le personnage insaisissable, mystérieux de Catherine Deneuve contribue largement à l’intérêt du film, si bien qu’on imagine difficilement quelqu’un d’autre interprétant son rôle.

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    Comme souvent, Truffaut manie l’ellipse avec brio, joue de nouveau avec les temporalités pour imposer un rythme soutenu. Il cultive de nouveau le hasard comme dans « Baisers volés » où il était le principal allié de Doinel, pour accélérer l’intrigue.

     

    Alors, même si ce film n’est pas cité comme l’un des meilleurs de Truffaut, il n’en demeure pas moins fiévreux, rythmé, marqué par cette passion, joliment douloureuse, qui fait l’éloge des grands silences et que symbolise si bien le magnifique couple incarné par Deneuve et Belmondo. Avec « La Sirène du Mississipi » qui passe brillamment de la légèreté au drame et qui dissèque cet amour qui fait mal, à la fois joie et souffrance, Truffaut signe le film d’un cinéaste et d’un cinéphile comme le fit par exemple également Pedro Almodovar avec « Les Etreintes brisées ».

     

    « La Sirène du Mississipi » s’achève par un plan dans la neige immaculée qui laisse ce couple troublant partir vers son destin, un nouveau départ, et nous avec le souvenir ému de cet amour fou dont Truffaut est sans doute le meilleur cinéaste.

     

    Dix ans plus tard, Catherine Deneuve interprétera de nouveau une Marion dans un film de Truffaut « Le dernier métro », et sera de nouveau la destinataire d’ une des plus célèbres et des plus belles répliques de Truffaut, et du cinéma, que Belmondo lui adresse déjà dans « La Sirène du Mississipi »:

     

    « - Quand je te regarde, c'est une souffrance.

    - Pourtant hier, tu disais que c'était une joie.

    - C'est une joie et une souffrance.''

     

    Sans doute une des meilleures définitions de l’amour, en tout cas de l’amour dans le cinéma de Truffaut… que nous continuerons à analyser prochainement avec « L’Histoire d’Adèle.H ». En attendant je vous laisse méditer sur cette citation et sur le chant ensorcelant et parfois déroutant de cette insaisissable « Sirène du Mississipi ».

     

    En bonus: mon article sur l'hommage du Festival de Cannes 2011 à Jean-Paul Belmondo

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